COMMENT LIMITER LA CASSE ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3014 du 11/01/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3014 du 11/01/2014
 
HAUSSE DE LA TVA SUR L’AUTOMÉDICATION

Actualité

Auteur(s) : François Pouzaud

Le passage de la TVA de 7 à 10 % sur les spécialités d’automédication va probablement provoquer une hausse de leur prix de vente et fragiliser un peu plus ce marché, en récession sur 2013. Pour amortir l’augmentation, l’une des solutions inévitables passe par des achats groupés.

Depuis le 1er janvier 2014, les différentes taxes sur la valeur ajoutée (TVA) ont augmenté. Dans le domaine de la santé, la plus forte hausse touche principalement les médicaments non remboursables, leur TVA passant de 7 % à 10 %. Pour l’officine, c’est un nouveau coup dur après l’augmentation, en 2012, de 5,5 % à 7 % qui avait déjà touché les médicaments remboursables de vente libre et certains dispositifs médicaux. Autant, lors de cette précédente hausse de 1,5 point, les pharmaciens l’avaient absorbée sur leur propre marge en ne touchant pas à leurs prix publics pour des raisons commerciales, autant, aujourd’hui, celle de 3 points a de fortes chances, dans le condiv économique actuel, d’être répercutée à la vente, le problème se posant moins avec les produits de parapharmacie dorénavant soumis à une TVA à 20 % (+ 0,4 point).

Le doublement en deux ans de la TVA sur les médicaments OTC et l’incohérence de cette mesure mettent la profession en émoi. « Le gouvernement ne joue pas le jeu pour faire baisser le prix de l’automédication, cette hausse est en contradiction totale avec sa volonté affichée de réduire les dépenses de santé et creuse le fossé entre médicaments remboursables et non remboursables », fustige Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). Michel Caillaud, membre du bureau de l’UNPF, dénonce un « énorme » paradoxe : « Le développement de la prise en charge des maux courants par les patients eux-mêmes ne peut s’opérer que si les prix des médicaments d’automédication restent raisonnables. » « Les écarts se creusant avec les équivalents remboursables, le conseil pharmaceutique sera de plus en plus difficile à développer », craint de son côté Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Cette hausse de TVA équivaut à une prime aux compléments alimentaires, produits moins contrôlés et dont la TVA reste à 5,5 %. » Pour Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale, « c’est un mauvais signal donné aux patients alors que l’on cherche à faire de l’automédication la première étape du parcours de soins ».

60 millions d’euros de recettes supplémentaires

Dès la connaissance du projet de réforme de la loi de finance 2014, les tentatives de la profession ont été vaines pour éviter cette hausse. « Elle va rapporter 60 M€ de recettes supplémentaires à l’Etat, mais ce gain est faible en comparaison des 535 M€ d’économies potentielles liées au développement de l’automédication, signale Pascal Brossard, président de l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA). Le gouvernement a conscience de la portée de cette mesure, mais il nous a répondu qu’il ne pouvait pas faire d’exception. » Dans ces conditions, Pascal Brossard pressent une nouvelle baisse de l’automédication en 2014. En effet, après une croissance ininterrompue depuis 2009, le marché de l’automédication a reculé en valeur de 2,2 % l’an dernier (données sur 12 mois à fin septembre 2013). De plus, cette hausse ne va pas se limiter à 3 % car elle se conjugue avec celle des tarifs décidés par les labos. « Les prix catalogue augmentent et les conditions commerciales se durcissent, observe Michel Caillaud, c’est-à-dire que seules les pharmacies ayant de gros volumes d’achat pourront profiter des remises les plus intéressantes et en rétrocéder une partie sur le prix public. Cela va créer des écarts de prix encore plus importants entre les officines et fragiliser les plus petites. »

Relancer les achats groupés

Afin que les pharmaciens ne deviennent pas des boucs émissaires aux yeux de l’opinion publique, le Collectif des groupements lance en janvier une campagne d’affichage relayée par les 12 000 officines des 14 groupements qui lui sont affiliés. « Chaque groupement va gérer la mise en place de cette campagne et a le choix entre deux ou trois modèles d’affiches reprenant le même slogan : “Médicaments trop chers : qui est responsable ?” », présente Pascal Louis. L’affiche met en scène la double augmentation de TVA en deux ans, ce qui scandalise les pharmaciens qui disent non à la hausse des taxes pour leurs patients. La base réagit également : une pétition a été mise en ligne par un nouveau collectif de pharmaciens, « Ma pharmacie ne fermera pas » (mapharmacienefermerapas.fr), pour protester contre cette mesure et, d’une manière générale, pour défendre les officines et l’intérêt de leurs usagers.

De leur côté, les syndicats ne désarment pas non plus. « Nous restons opposés à cette mesure et le retour à une TVA 5,5 % sera une revendication permanente, quels que soient nos interlocuteurs », annonce Philippe Besset, vice-président de la FSPF.

Dans l’immédiat, les solutions pour éviter une hausse rédhibitoire des prix résident dans l’accès sans entrave aux achats groupés, que ce soit au travers des groupements, des rétrocessions – restant toujours illégales en l’absence de décret –, ou des nouveaux outils disponibles depuis juin 2009 que sont les centrales d’achats pharmaceutiques (CAP) et les structures de regroupement à l’achat (SRA). Seul bémol : ces solutions n’ont répondu que partiellement aux attentes des officinaux, pour des raisons tenant aux laboratoires (refus de vente ou de livraison, application de conditions commerciales plus défavorables que celles habituellement pratiquées). « Il faut libérer les leviers de négociation existants qui permettent aux groupements et enseignes de pharmaciens de jouer pleinement leur rôle dans les relations commerciales avec l’industrie pharmaceutique, exhorte Pascal Louis. Ceci permettrait d’obtenir de meilleurs tarifs à l’achat et donc de faire baisser les prix pour les patients. » Gilles Bonnefond va revenir à la charge auprès des pouvoirs publics pour régler les problèmes que rencontrent actuellement l’ensemble des modes d’achats groupés, et demander la légalisation de la rétrocession, ce que soutient aussi l’Autorité de la concurrence : « Il faut améliorer les différentes capacités d’achats du pharmacien, c’est le seul moyen d’absorber cette hausse sans répercussion pour le consommateur. » Parallèlement, « il faut absolument activer et organiser la prise en charge de paniers de soins par les complémentaires santé », ajoute Pascal Louis. Du côté de l’AFIPA, Pascal Brossard mise sur la réunion du 15 janvier du comité stratégique de la filière des industries et technologies de santé pour faire aboutir des propositions concrètes : augmentation de la liste des pathologies d’automédication, délistages de molécules relevant d’indications adaptées à l’automédication, mise en place d’une communication institutionnelle en faveur de l’automédication, formation des professionnels de santé et du grand public, création d’un observatoire des prix…

Des prix jusqu’ici en baisse

Contrairement à ce qu’en pense l’Autorité de la concurrence dans son dernier avis rendu public le 19 décembre dernier, favorable à l’ouverture de la vente des médicaments d’automédication en parapharmacie et grande surface, les pharmaciens n’ont pas à rougir des prix d’automédication pratiqués. En effet, alors que l’augmentation de l’indice des prix à la consommation a été de 7,7 % entre janvier 2008 et décembre 2012, l’index des prix des médicaments non remboursables n’a augmenté que de 4 %, soit une baisse de 3,7 %, selon l’AFIPA. Le prix moyen pondéré en fonction des volumes a lui aussi baissé de 5,85 € en 2001 à 5,48 € en 2012. Et, dans les comparaisons européennes, le niveau de prix en France figure parmi les plus bas d’Europe.

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