LA NOUVELLE MARGE DÉJÀ AU PILORI - Le Moniteur des Pharmacies n° 3011 du 14/12/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3011 du 14/12/2013
 

Répartition

Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD

Comme en officine, LES COMPTES DE LA RÉPARTITION S’AGGRAVENT ET ONT DÉPASSÉ LA COTE D’ALERTE. Le silence de la tutelle, qui ne semble pas disposée à revoir le mode de rémunération des grossistes, plonge cette profession en plein doute.

Les grossistes-répartiteurs sont logés à la même enseigne que leurs clients pharmaciens. Tous les indicateurs clés du secteur sont en baisse (chiffre d’affaires, marge, rentabilité) alors que les charges augmentent. En 2012, le secteur a beaucoup plus souffert d’une baisse de marge (– 5,61 % à 921 M€ après paiement de la contribution Acoss) que de celle de son chiffre d’affaires (– 2,45 % à 17,158 Md€) sur le marché des médicaments remboursables en ville.

Par comparaison, les autres maillons de la chaîne de distribution plongent davantage en CA (industrie : – 3,27 % ; ventes directes : - 7,47 % ; pharmacies : - 3,07 %), mais, paradoxalement, sur les évolutions de marge, s’en sortent moins mal (pharmacies : – 2,30 %) et même beaucoup mieux (ventes directes : + 18,15 %) que les répartiteurs. « Cet écart entre les évolutions du chiffre d’affaires et de la marge est lié au mode de calcul de notre marge avec un plancher et un plafond dont les niveaux nous ont été imposés », explique Emmanuel Déchin, secrétaire général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP).

Pour rappel, la nouvelle marge des grossistes se traduit par un taux de rémunération unique de 6,68 % sur le PFHT, avec un montant plancher de 30 centimes et un plafond de 30 €. Dès novembre 2011, la CSRP déclarait que la nouvelle marge était d’abord et avant tout une mesure d’économie pour l’assurance maladie. « Nous avions tablé à l’époque sur une baisse de 40 millions d’euros, voire 60 millions d’ici à fin 2012, rappelle Emmanuel Déchin. Malheureusement, la réalité s’est avérée plus rude puisque notre secteur a perdu 83 millions l’an dernier. »

A cela, plusieurs explications. Au-delà de 450 € en prix fabricant hors taxes, le coefficient de marge du répartiteur est nul. « Or, les produits de plus de 450 € PFHT, sur lesquels notre rémunération est plafonnée à 30 euros, représentent une part croissante de notre chiffre d’affaires », précise Emmanuel Déchin.

Par ailleurs, en 2012, les ventes directes ont profité d’un « effet d’aubaine » sur les flux de médicaments pas chers (de PFHT inférieur ou égal à 3 €) et notamment sur les ventes de génériques « reboostées » par le dispositif « tiers payant contre génériques ». « 70 % des boîtes concernées par les ventes directes sont des produits dont le PFHT est inférieur à 3 euros », signale Emmanuel Déchin, alors que c’est sur cette tranche de prix qu’il y a un gain de marge pour le répartiteur par rapport à son ancienne rémunération. « La marge du direct a mécaniquement augmenté du fait de notre changement de mode de rémunération », ajoute-t-il.

DES GÉNÉRIQUES VENDUS À PERTE

Le succès fulgurant des génériques et les baisses de prix sur ces médicaments ont donc joué en défaveur de la répartition. Aujourd’hui, l’arrivée des génériques à prix plus bas fait que la rémunération du grossiste ne suffit plus à couvrir ses frais logistiques. « Nous distribuons les génériques à perte mais, pour notre économie, il serait encore pire de ne plus les traiter », affirme Emmanuel Déchin.

Pourtant, le circuit de la répartition a encore récupéré des flux génériques sur le dos du direct (croissance de 20,93 % en valeur en 2012 contre 4,18 % pour le direct). « Mais ce que nous avons gagné (+ 28 M€) sur le marché des génériques ne compense pas ce que nous avons perdu sur la vente des princeps (- 63 M€) », précise le secrétaire général de la CSRP.

Les ventes de princeps hors Répertoire sont plus rentables pour le répartiteur mais le marché est en berne (– 6,18 % en 2012). Par ailleurs, le compte d’exploitation à la boîte vire à nouveau dans le rouge avec les produits chers issus de la réserve hospitalière qui génèrent des coûts de détention que la marge ne couvre pas.

Sur les huit premiers mois de l’année 2013, la situation ne s’est pas améliorée : la répartition accuse une baisse de CA de 3,5 % et de marge de 3,97 %, pendant que les ventes directes se stabilisent (– 0,03 % en valeur de janvier à fin juillet).

Ces chiffres sont connus des pouvoirs publics. La répartition espère toujours l’ouverture de négociations…

REPÈRES

Des agences qui ouvrent et qui ferment…

La rationalisation de l’organisation logistique et l’adaptation permanente des répartiteurs aux conditions économiques conduisent à la fermeture d’agences et à l’ouverture (en moins grand nombre) de sites regroupant les activités de plusieurs établissements.

Voici les mouvements observés en 2012-2013 :

• Pour les ouvertures d’établissements : Sogiphar à Grandvilliers (février 2013), Phoenix Pharma à Toulouse (avril 2013) et CERP Rouen à Nantes (les Sorinières, mai 2013).

• Pour les fermetures d’établissements : Ouest Répartition à Rupt-sur-Moselle, à Albi et à Flers (février 2012), Phoenix Pharma à Tarbes (mai 2013) et à Saint-Dizier (juillet 2013), CERP Rouen à Saint-Herblain (mai 2013) et à Saint-Nazaire (juin 2013).

INTERVIEW Hubert Olivier, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE SYNDICALE DE LA RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE

“Si l’économie de la répartition devait continuer à subir les évolutions actuelles de ses ressources et de ses charges, c’est tout l’équilibre de ce secteur qui serait en jeu.”

Quel bilan économique tirez-vous de l’année 2013 pour la répartition ?

Notre secteur continue à enregistrer une baisse préoccupante de ses ressources. Pour 2013, nous tablons sur une baisse supplémentaire de marge de 40 M€, alors que la perte subie en 2012 a été de 83 M€. Cette année-là, le changement de mode de rémunération a été particulièrement pénalisant pour la répartition, car l’évolution et la structure du marché n’étaient pas celles que nous attendions. Ainsi, en l’espace de deux ans, la marge des répartiteurs après paiement de la taxe Acoss s’est érodée de 10 %. Tout ceci va continuer l’an prochain. Les mesures annoncées dans le cadre du PLFSS 2014 vont coûter 50 M€ à la répartition, ce qui portera la facture à plus de 173 M€ en trois ans, soit une baisse de 14 %. Cette tendance, amorcée depuis dix ans, s’accélère, rendant aujourd’hui la situation insoutenable pour nos entreprises. Si l’économie de la répartition devait continuer à subir les évolutions actuelles de ses ressources et de ses charges, c’est tout l’équilibre de ce secteur qui serait en jeu, avec à la clé la question de l’approvisionnement de toutes les officines.

Pensez-vous pouvoir obtenir, comme les pharmaciens d’officine, un changement de rémunération permettant de stabiliser votre marge de distribution ?

Pour la première fois, les pouvoirs publics ont véritablement pris conscience de nos difficultés et de celles de la chaîne de distribution du médicament dans son ensemble. Avant l’été, la CSRP a présenté des propositions à l’Etat visant à stabiliser nos ressources après paiement de la taxe Acoss à un niveau de un milliard d’euros. Nous proposons que ceci se fasse dans le cadre d’un contrat pluriannuel, en modifiant notre mode de rémunération en un système combinant un forfait à la boîte et un taux de marge unique sur le prix fabricant hors taxes, tout en conservant un plafond. Aujourd’hui, nous partageons les mêmes inquiétudes que l’officine car nous ne voyons arriver aucune solution.

Le déséquilibre économique qui pèse sur la distribution est en train de mettre en danger tous les acteurs du réseau.

Dans le cas contraire, les pharmaciens doivent-ils s’attendre à une baisse des remises ? du nombre des livraisons ? des services ?

Il ne m’appartient pas de répondre à la place des adhérents de la CSRP qui sont autonomes dans la direction de leurs entreprises. Tout ce que je peux affirmer aujourd’hui, c’est que si rien ne change, dès 2015, c’est l’ensemble du secteur de la répartition qui sera en perte. Nous sommes, jusqu’à présent, parvenus à nous adapter, à gagner en productivité et à améliorer nos process. Mais, aujourd’hui, le travail accompli a atteint les limites de cet exercice. La question est de savoir si les pouvoirs publics souhaitent maintenir ou non le système actuel d’approvisionnement en médicament qui a montré les preuves de son efficacité, de sa réactivité et de sa capacité à assumer de nouvelles exigences de qualité et de sécurité.

Le décret sur les ruptures d’approvisionnement a un an. Sa mise en œuvre a-t-elle permis de réduire le nombre des manquants ?

Concernant les ruptures, la situation évolue dans le bon sens, même si les améliorations ne sont pas suffisantes. En 2012, le taux de manquants « aval » chez le grossiste était de 5 % pendant qu’il était au même moment de 15 % côté « amont ». Aujourd’hui, le taux de manquants chez le répartiteur vers l’officine a baissé à 3,5 %-4 %. La CSRP a présenté l’an dernier plusieurs propositions au ministère de la Santé pour résoudre ce problème. Nous nous félicitons que l’une d’entre elles – la création d’un comité de suivi de ruptures regroupant l’ensemble des acteurs – ait été reprise. Mais nous regrettons que les répartiteurs ne soient pas toujours impliqués dans le dispositif d’urgence de gestion des ruptures. Celui-ci pourrait être plus efficace s’il s’appuyait sur notre propre dispositif qui consiste à concentrer sur les plateformes de nos adhérents les stocks d’urgence des spécialités concernées.

Comment voyez-vous évoluer la chaîne de distribution demain ?

L’avenir de la répartition et celui de l’officine sont étroitement liés. Nos deux professions peuvent aujourd’hui nourrir beaucoup d’inquiétudes car l’une comme l’autre se trouvent dans une situation de blocage dont on ne voit pas la sortie. Concernant les honoraires de dispensation des pharmaciens, 2013 aurait dû être l’année de sa mise en œuvre. Mais cela ne s’est pas produit. Pour 2014, la CSRP espère que les pouvoirs publics sauront engager les réformes structurelles nécessaires à la pérennité économique de notre circuit de distribution, afin de garantir l’accessibilité des produits de santé partout en France.

PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS POUZAUD

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