DES PROGRÈS THÉRAPEUTIQUES À PORTÉE DE MAIN - Le Moniteur des Pharmacies n° 3011 du 14/12/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3011 du 14/12/2013
 

Dossier

Auteur(s) : François Pouzaud

Ils sont chercheurs, entrepreneurs, médecins ou ingénieurs. Ces « explorateurs de la santé » ouvrent les portes de la médecine de demain qui permettra, peut-être, de vaincre les grandes maladies du XXIe siècle : le cancer, le sida, le diabète ou les maladies dégénératives. Plongée dans l’univers aussi mystérieux que surprenant des biotechnologies.

François Hollande a inauguré le 2 décembre dernier « Innovation 2030 », un concours mondial d’innovation, en présence d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, de Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’économie numérique, et d’Anne Lauvergeon, présidente de la commission « Innovation 2030 ». L’objectif de ce grand projet est d’attirer les meilleurs talents mondiaux et de susciter la création d’entreprises innovantes dans différents domaines. Parmi eux, celui de la médecine individualisée. Peu de temps avant, le 19 novembre, le Leem, l’organisation professionnelle qui fédère et représente les entreprises du médicament présentes en France, réunissait des chercheurs-entrepreneurs à Paris. Animés par le désir de pousser toujours plus loin l’exploration du vivant, ces chercheurs ont accepté de partager leur travail, debout, dans un décor sombre, à la manière du Keynote d’un certain Steve Jobs, innovateur par excellence.

L’innovation est aujourd’hui dans une phase de transition qui peut donner l’impression erronée qu’elle s’essouffle. Manifestement, c’est loin d’être le cas. « L’innovation est en marche, maintient Patrick Errard, président du Leem. Aujourd’hui, deux cycles de vie de l’innovation se croisent, celui issu de la chimie moléculaire et celui qui est encore en phase de démarrage, issu de la biologie. Les nanotechnologies, les techniques monoclonales et biocellulaires, les biomarqueurs compagnons représenteront demain 80 % des solutions thérapeutiques pour les besoins non couverts ; la bioéconomie prendra une part croissante dans la production de la richesse nationale. »

Dr ANNICK SCHWEBIG P-DG D’ACTELION PHARMACEUTICALS FRANCE

« L’innovation est en marche grâce aux biotechnologies et aux technologies de l’information »

Après une carrière chez Bristol-Myers Squibb où ses recherches l’on amenée à s’intéresser au cancer et au sida, le Dr Annick Schwebig crée en septembre 2000 la première filiale européenne d’Actelion, laboratoire spécialisé dans le développement de médicaments pour maladies orphelines, et devient P-DG d’Actelion Pharmaceuticals France. « L’innovation est en marche grâce aux biotechnologies et aux technologies de l’information », affirme-t-elle. Et de citer quelques avancées majeures dans des domaines dans lesquels un programme intensif de développement est déjà engagé.

En diabétologie, les applications du smartphone ont transformé la vie du patient diabétique en permettant un contrôle médical à distance pour prévenir les complications cardiovasculaires de la maladie. Le futur pour ces patients est encore plus prometteur : plus besoin de faire de glycémie capillaire et d’injecter d’insuline. « Les patients pourront bénéficier de greffes de cellules pancréatiques, voire d’un pancréas artificiel », annonce-t-elle.

Dans l’insuffisance cardiaque également, les injections de cellules cardiaques dans le tissu lésé pour redynamiser la pompe cardiaque et la transplantation d’un cœur artificiel sont un espoir plausible pour améliorer le pronostic de la maladie. Enfin, un meilleur suivi thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques sera également bientôt à portée de main. « Une innovation récente a permis de mettre au point une petite puce de la taille d’un grain de sable et de l’introduire dans un médicament, révèle Annick Schwebig. A l’intérieur de l’organisme, la puce envoie des informations à travers un patch posé sur la peau permettant de suivre à distance la bonne observance des traitements par les patients. »

RENAUD VAILLANT CRÉATEUR D’ENTREPRISES EN TECHNOLOGIES ET BIOTECHNOLOGIES IMAGINATIVES

« Nous espérons confirmer la naissance d’un nouveau paradigme vaccinal »

Créateur d’entreprises en technologies et biotechnologies imaginatives, Renaud Vaillant a ouvert des perspectives quant à la mise au point d’une nouvelle génération de vaccin thérapeutique anti-VIH qui devrait permettre aux 8 millions de patients séropositifs sous polythérapie, une fois vaccinés, d’arrêter durablement et peut-être même définitivement tout traitement. « Le développement de ce vaccin fait appel à des vecteurs de transfert de gènes antiviraux capables de stimuler la cellule dendritique qui est le sergent instructeur de notre système immunitaire, en charge du recrutement et de la formation des cellules cytotoxiques qui vont éliminer les cellules infectées par le VIH », explique Renaud Vaillant. C’est une véritable prouesse à laquelle est parvenue la société Theravectys, développeur de ce vaccin. En effet, « la cellule dendritique est difficile à stimuler car elle ne se divise pas, or la technologie des vecteurs lentiviraux qui sont issus du virus du sida génétiquement modifié permet de transporter des séquences d’ADN d’intérêt thérapeutique à l’intérieur de la cellule dendritique. Ces séquences d’ADN vont alors la stimuler et la forcer à produire une réponse cellulaire durable, intense et diversifiée. »

En décembre 2012, Theravectys a été autorisée à démarrer un essai clinique de phase I/II dont les résultats seront disponibles dans le courant de l’année 2014. « Nous espérons confirmer avec cette étude l’innocuité et l’immunogénicité de ce candidat vaccin et, par là même, la naissance d’un nouveau paradigme vaccinal », conclut Renaud Vaillant. La technologie des vecteurs lentiviraux pourrait, si elle s’avérait concluante, ouvrir la voie à de nouveaux développements de vaccins contre la tuberculose, la malaria, l’hépatite B et C, les cancers…

Dr MARTINE CLOZEL PÉDIATRE ET NÉONATALOGISTE DE FORMATION, COFONDATRICE EN 1997 D’ACTELION, SOCIÉTÉ BIOPHARMACEUTIQUE

« Le développement des biotechnologies permettra d’ici 2030 de produire 80 % des solutions de santé proposées aux patients »

Martine Clozel, pédiatre et néonatalogiste de formation, cofondatrice en 1997 de sa propre société biopharmaceutique, Actelion (2 500 salariés aujourd’hui), a travaillé de 1987 à 1997 sur l’endothéline vasculaire, un neuropeptide sécrété par l’endothélium vasculaire impliqué dans les processus ischémiques de l’infarctus du myocarde. Cette substance naturelle, extraordinairement proche de la toxine mortelle d’un serpent du désert du Sinaï, a un effet vasoconstricteur puissant sur les cellules musculaires lisses et une action stimulant la prolifération des cellules de la paroi des vaisseaux.

Il a fallu dix ans de labeur pour mettre au point, en 2001, un premier antagoniste mixte des récepteurs de l’endothéline, le bosentan, puis un second, le macitentan qui réduit de plus de 50 % la morbidité et la mortalité à trois ans des patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire, une maladie orpheline qui touche 150 000 patients dans le monde. « Le développement des biotechnologies est très risqué et extrêmement long, mais il permettra d’ici 2030 de produire 80 % des solutions de santé proposées aux patients, souligne Martine Clozel. Les progrès réalisés sont extraordinaires et vont continuer de l’être ». Et de paraphraser Barack Obama : « On ne peut pas prévoir le futur, on peut le créer. »

MARC PESCHANSKI SPÉCIALISTE DU CERVEAU ET DES MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE DE L’INSTITUT DES CELLULES SOUCHES POUR LE TRAITEMENT ET L’ÉTUDE DES MALADIES MONOGÉNIQUES AU GÉNOPÔLE D’ÉVRY

Quel médecin n’a jamais espéré pouvoir réparer entièrement les organes malades ou les tissus endommagés de ses patients ? Dans certains, cas, la médecine régénérative pourra à terme se substituer aux traditionnelles greffes d’organes. Les cellules-souches embryonnaires ne cessent de susciter l’intérêt des chercheurs pour leur immense potentiel thérapeutique. Dont, en France, Marc Peschanski, spécialiste du cerveau et des maladies neurodégénératives, directeur scientifique de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques au Génopôle d’Evry. « L’aventure a démarré et commence à marquer des points », résume-t-il.

Comprenons bien les enjeux… Les cellules-souches embryonnaires proviennent de l’embryon humain aux tout premiers stades de son développement, quelques jours seulement après la fécondation. Ces cellules sont dites « pluripotentes » : elles peuvent se répliquer indéfiniment, proliférer en culture et se différencier en 300 à 400 populations de cellules spécifiques de divers organes : cœur, rétine, cerveau, peau… C’est notamment sur cette capacité à s’engager dans une certaine direction que reposent les espoirs actuels en termes d’applications biologiques et médicales. « Nous explorons actuellement les connexions intimes du vivant et les signaux (protéines) qui déterminent l’orientation de la prolifération massive des cellules-souches embryonnaires vers des lignages spécifiques et restreints, de plus en plus exclusifs de tissus et d’organes », explique Marc Peschanski.

Les recherches ont dépassé aujourd’hui le stade de la théorie pure ; le premier objectif – obtenir à partir de cellules-souches embryonnaires des cellules spécialisées différenciées – est largement atteint. Se pose désormais la question du développement technologique (moyens industriels) et de mise en forme des possibilités d’utilisation des produits biologiques et de la thérapie cellulaire à des fins de reconstruction de tissus et d’organes.

Les premiers essais cliniques d’une médecine régénératrice ont déjà commencé chez l’homme dans trois directions : rétine (dégénérescence maculaire liée à l’âge), cœur et épiderme. Un autre axe de recherche sur les cellules-souches embryonnaires est celui de la modélisation cellulaire des maladies héréditaires, dans le but d’analyser le génome et les anomalies de connexion entre les différentes populations cellulaires. Cela a permis, par exemple, d’accéder à la connaissance du mécanisme physiopathologique de la maladie de Steinert (myotonie dystrophique).

SERGE PICAUD COFONDATEUR DE L’INSTITUT DE LA VISION

« Restaurer la vision des aveugles : le rêve semble devenir réalité ! »

A l’Institut de la vision à Paris, un centre de recherche associé à l’hôpital des Quinze-Vingt, à l’INSERM et à l’université Pierre-et-Marie-Curie travaille sur une rétine artificielle et l’amélioration de la manière dont les images traitées par un implant rétinien sont codées en direction du cerveau. « Le rêve semble devenir réalité ! », lance Serge Picaud, cofondateur de l’Institut de la vision. Le principe de cette rétine artificielle consiste à pallier la perte des photorécepteurs en générant une activité électrique au sein de la rétine. Après capture par une microcaméra installée sur des lunettes, l’information visuelle est traitée informatiquement et émise vers un processeur placé dans la poche ou à la ceinture du patient. Cette puce convertit les signaux lumineux en signaux électriques puis les transmet par ondes radio à un implant récepteur placé au contact de la rétine. Les cellules nerveuses encore fonctionnelles dans la rétine, en particulier celles formant le nerf optique, sont stimulées électriquement. Une fois le signal parvenu au cerveau, les images traitées au niveau cortical produisent la sensation visuelle. L’implant en question est une plaque composée de 60 électrodes, ce qui donne une image constituée au mieux de 60 pixels.

Les expériences sont pour l’instant menées dans les cécités dues à la rétinite pigmentaire (dégénérescences rétiniennes d’origine génétique) chez des malades qui ont complètement perdu la vue. Les patients traités arrivent désormais à percevoir des signaux lumineux. Parmi eux, certains parviennent à lire, sur un écran d’ordinateur, des mots à gros caractères blancs sur fond noir, voire lire de courtes phrases. « Le défi principal est maintenant d’augmenter le nombre de pixels à 600 et de faire en sorte que chacune des électrodes active un ensemble indépendant de neurones. » Ces développements devraient aboutir, dans les prochaines années, à la production de prothèses rétiniennes procurant une acuité visuelle supérieure au seuil de cécité légale (1/10). D’où l’espoir d’expérimenter un jour la technique dans la DMLA.

LAURENT LEVY SPÉCIALISTE DES NANOMÉDICAMENTS, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE NANOBIOTIX ET VICE-PRÉSIDENT DE LA PLATEFORME TECHNOLOGIQUE EUROPÉENNE DE NANOMÉDECINE

« Grâce aux nanoparticules, la cellule cancéreuse absorbe neuf fois la dose de rayons X qu’elle reçoit lors d’une radiothérapie classique »

Dans le domaine de l’infiniment petit, les nanotechnologies sont en plein essor. Largement utilisées dans la vie courante à notre insu, elles portent en germe l’espoir d’une médecine généralisable à tous, située aux antipodes d’une médecine personnalisée, dans le traitement des cancers par radiothérapie. « C’est possible en faisant appel à de nouveaux modes d’actions physiques au cœur de la cellule cancéreuse, plutôt qu’à la biologie », explique Laurent Levy, spécialiste des nanomédicaments dans la PME Nanobiotix.

Au sein de cette société, il a développé un traitement capable d’acheminer des nanoparticules au cœur des cellules cancéreuses afin de démultiplier l’efficacité de la radiothérapie sans traverser et augmenter les dommages sur les tissus sains. Des nanoparticules d’oxyde de hafnium sont injectées dans la tumeur. Cette molécule a la particularité d’émettre des quantités très importantes d’électrons quand elle est exposée à des radiations ionisantes. « Les nanoparticules NanoXray deviennent le principe actif en amenant de la physique au cœur de la cellule cancéreuse. En faisant tourner et chauffer ces particules, la cellule cancéreuse absorbe neuf fois la dose de rayons X qu’elle reçoit habituellement lors d’une radiothérapie classique », poursuit Laurent Levy.

Les premiers essais cliniques réalisés dans le sarcome des tissus mous donnent des résultats probants, permettant une réduction de 66 % de la tumeur en une seule injection de NanoXray avant la radiothérapie. Cette destruction importante de la tumeur permet ensuite aux patients d’être opérés. Des essais sont également en cours d’évaluation dans les cancers de la tête et du cou.

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