LES GÉNÉRIQUES DE VIAGRA DÉBARQUENT - Le Moniteur des Pharmacies n° 2989 du 22/06/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2989 du 22/06/2013
 

Actualité

Auteur(s) : Caroline Coq-Chodorge

La tombée du brevet du Viagra va-t-elle relancer le marché des médicaments de la dysfonction érectile en officine ? Les laboratoires le pensent puisqu’ils se livrent une véritable bataille économique à quelques jours de l’arrivée des génériques en officine.

Le 22 juin, le laboratoire Pfizer perd le brevet de Viagra en France. Trois ans plus tôt, le Journal officiel du 6 mai 2010 avait élargi le Répertoire officiel des génériques en créant le groupe « sildénafil ». Les laboratoires génériqueurs sont donc sur les starting-blocks. Pas moins de 14 ont obtenu une autorisation de mise sur le marché de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). Parfois depuis plus d’un an : Arrow, Biogaran, Eg, Mylan, Sandoz, Ranbaxy, Zentiva… Et, bien sûr, Pfizer a mis au point son propre générique, le Sildénafil Pfizer, du nom de la molé- cule du célèbre médicament. « La substance active, les excipients, le packaging, et même le lieu de production, notre usine d’Amboise, seront les mêmes que pour le princeps », explique Bruno Valtier, directeur médical chez Pfizer. Seule « coquetterie » du labo : la célèbre couleur bleue de la pilule reste réservée au princeps, le générique étant de même forme, mais de couleur blanche. Mais Biogaran essaie autant que faire se peut de se rapprocher de la forme en losange et de la couleur bleue de Viagra.

Si Viagra est le symbole de la médicalisation de la sexualité masculine, ce n’est pas pour autant un « block buster », comme en convient Bruno Valtier. « Viagra est même le bon dernier de la classe », commente Renaud Nadjahi, pharmacien dans les Yvelines et président de l’URPS Ile-de- France. Le chiffre d’affaires du médicament en 2012 en France est de 26 millions d’euros. Selon Pfizer, le Viagra ne représente que 20% du marché des médicaments de la dysfonction érectile, dominé par Cialis du laboratoire Lilly, qui n’est pas concerné par la chute du brevet. « Nous sommes leaders, indique Lilly. Nous ne prévoyons pas de grands bouleversements car nous nous positionnons différemment de Viagra avec trois indications : pour une prise à la demande (avant une relation sexuelle), comme Viagra, mais aussi pour une prise quotidienne, ainsi qu’en traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate. » Selon Renaud Nadjahi, « Cialis aurait une efficacité plus longue. Et certains patients se plaignent des effets secondaires de Viagra, comme des céphalées ».

Une baisse des prix attendue

Le marché modeste de Viagra n’en suscite pas moins les convoitises des laboratoires génériqueurs : « Il y a une bataille économique autour de ce médicament, constate Renaud Nadjahi. Son problème, c’est son prix », soit 100 euros environ la boîte de 8 comprimés. « S’il baisse, c’est un marché qui en a sous le pied », poursuit le pharmacien. Quelle baisse de prix peut être attendue avec l’arrivée des génériques ? Pfizer ne souhaite pas communiquer sur le prix de son propre générique sur ce marché « très concurrentiel ». Même prudence chez Sandoz, qui « ne communique pas » sur ses lancements. Biogaran ne souhaite pas non plus avancer un prix puisque ce médicament n’est pas remboursé. Pfizer veut faire passer un message : « Toute la chaîne du médicament doit comprendre qu’une baisse de prix significative peut développer le marché. » Mais les pharmaciens savent déjà à quoi s’en tenir. Laurence Pajotin, titulaire à Montcoutant dans les Deux-Sèvres, prévoit d’afficher un prix pour le générique de Teva 30% moins cher environ que le princeps de Pfizer compte tenu des remises qui lui sont proposées dans le cadre de ce lancement.

Un médicament plus accessible

Le frein financier à l’accès à ses médicaments est-il si important ? « Je prends en charge des patients qui ont des dysfonctions érectiles, en raison de complications du diabète, de séquelles d’accidents, de maladies du système nerveux, de radiothérapie de traitement d’un cancer de la prostate, témoigne François Giuliano, urologue à l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine). Le prix du médicament ajoute du handicap au handicap. Certains patients, faute de pouvoir se payer ce médicament, se tournent vers les injections intracaverneuses, qui sont remboursées. » François Giuliano a participé à de nombreux essais cliniques des médicaments contre la dysfonction érectile : « Dans les essais, les médicaments sont distribués gratuitement, et la consommation de nos patients est deux fois plus importante. » Quant au frein psychologique, il est selon cet urologue déjà largement levé : « Depuis la mise sur le marché de ce médicament en 1998, le traitement de la dysfonction érectile est devenu le quotidien des urologues, mais surtout des médecins généralistes ».

Un marché en progression

Le marché du médicament de la dysfonction érectile est-il susceptible de progresser en raison d’une augmentation de la prévalence de cette pathologie ? « Le vieillissement est un facteur de risque de la dysfonction érectile, souvent associée à des pathologies cardiovasculaires, rappelle François Giuliano. Numériquement, la demande va donc aller croissant. » Selon le laboratoire Pfizer, cette pathologie touche entre 11 et 44 % des hommes, majoritairement de plus de 50 ans. Cette large fourchette tient au degré d’appréciation de la dysfonction érectile… qui est un élément de marketing pour Pfizer. Alain Giami, chercheur en sciences sociales, est à la tête du pôle « santé sexuelle et médicalisation de la sexualité » de l’INSERM. Il est l’div de nombreux articles qui décrivent « la construction de la nouvelle entité clinique désignée comme “dysfonction érectile” », lors de la commercialisation du Viagra en 1998.

Certaines formes de dysfonction érectile seraient donc des « pathologies nouvelles ».

Alain Giami distingue trois manières d’appréhender Viagra : celle du laboratoire Pfizer, qui le vend comme un médicament sur prescription, relevant principalement de l’urologie ; il peut être vu aussi comme « un médicament de confort visant à l’amélioration de la qualité de vie » ; enfin, les médias, et plus spécialement Internet, l’appréhendent plutôt comme un « aphrodisiaque pouvant être destiné à une activité sexuelle récréative ». Puisqu’ils répondent à des besoins aussi variés, Viagra et ses génériques ont donc de beaux jours devant eux, en officine… ou ailleurs.

La fin de la contrefaçon ?

Viagra est « un des médicaments les plus contrefaits au monde », rappelle Pfizer. Et si la France est, de manière générale, peu touchée par la contrefaçon, ce n’est pas le cas pour Viagra, acheté sur Internet, par souci de discrétion ou en raison des prix affichés, jusqu’à 10 fois moins cher. « Il est difficile d’avancer des chiffres », explique Bruno Valtier, directeur médical chez Pfizer. Mais la profusion des offres sur Internet donne une idée de l’ampleur de ce marché « énorme, dont on ne voit que la partie émergée ». Or, selon l’OMS, les médicaments vendus sur Internet sont des contrefaçons dans 50 à 90 % des cas. La baisse des prix attendue avec les génériques est-elle susceptible de faire venir en officine les acheteurs de Viagra sur Internet ? « Nous espérons que cela ira dans le bon sens », explique, prudent, Bruno Valtier. Pfizer n’en poursuit pas moins sa campagne contre la contrefaçon : la boîte de Sildénafil Pfizer, l’autogénérique du Viagra, sera aussi sécurisée que le princeps, c’est-à-dire équipée d’hologrammes, de blisters antiviolation, etc. Ces protections sont aussi adoptées par les génériqueurs comme Biogaran. Pfizer multiplie aussi les campagnes d’information à destination du grand public sur les dangers de l’achat sur Internet et de la contrefaçon. Et « les pharmaciens ont aussi un rôle d’information à jouer », insiste-t-on au laboratoire.

3 307 euros de prime pour les génériques

La prime moyenne qui sera réglée aux pharmaciens pour les génériques en 2012 s’élève à 3 307 euros. En Vendée, le montant moyen atteint 5 400 euros. En revanche, à Paris, la prime est beaucoup plus faible : environ 1 700 euros. Ce sont les chiffres donnés par l’Assurance maladie lors de la Commission paritaire nationale du 18 juin. « Le montant global des primes représente 2,8 % de la rémunération totale des pharmaciens », note Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Le versement aura lieu le 27 juin prochain. « Il y aura une ligne spécifique pour ce paiement intitulé ROP, règlement objectif pharmacien.

Les pharmaciens recevront ensuite un relevé détaillé par molécule », explique Gilles Bonnefond. Quant au taux de substitution national sur la base du Répertoire de juin 2012, il n’est actuellement que de 81,1 %. « Il faut gagner 4 % », remarque le président de l’USPO, qui observe que, à périmètre constant (Répertoire de juin 2011), le taux de substitution stagnant sur le premier trimestre 2013 a remonté après la signature des avenants génériques le 21 mai dernier.

Magali Clausener

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