« NOUS N’AVONS PAS LE DROIT À L’ERREUR » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2983 du 11/05/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2983 du 11/05/2013
 
PHILIPPE GAERTNER, PRÉSIDENT DE LA FSPF

Actualité

Auteur(s) : Magali Clausener*, Laurent Lefort**

Réélu à la tête de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) le 26 mars dernier pour un 3e mandat, Philippe Gaertner établit son bilan et présente ses priorités.

LE MONITEUR : Quels sont les trois succès de votre 2e mandat ?

PHILIPPE GAERTNER : Sur mon mandat passé, je suis fier des résultats que la FSPF a obtenu aux élections des Unions régionales de professionnels de santé. Autres succès, les évolutions conventionnelles et la modification des seuils pour l’implantation d’officines supplémentaires permettent d’envisager l’organisation du réseau dans un sens ordonné, et la signature de la convention pharmaceutique qui marque très clairement une évolution vers un métier de professionnel de santé. J’ajoute un quatrième succès : la sortie des médicaments du forfait des EHPAD, pour laquelle nous avons œuvré.

Quelles sont vos trois déceptions ?

Ma première déception est de ne pas avoir réussi à boucler la problématique des préparations des doses à administrer (PDA) et de ne pas en avoir obtenu une rémunération. C’est la rémunération qui bloque la sortie des divs. Autre déception : ne pas être arrivé à la publication du décret sur les SPF-PL, même si elle devrait intervenir en mai. Enfin, je n’ai pas réussi à aller au bout de ce qui avait été prévu dans la convention et dans les délais convenus, je pense aux honoraires de dispensation, parce que la situation économique ne permet pas d’avoir des décalages.

Le projet de décret sur les SPF-PL est-il conforme à vos attentes ?

Oui, car il prévoit que les exerçants soient majoritaires en voix et l’entrée des adjoints dans le capital. L’important est que celui qui exerce ait la capacité de décider en tant que professionnel de santé. Aujourd’hui, nous avons la jurisprudence européenne qui appuie cette idée depuis 2009.

Quelles sont les priorités de votre nouveau mandat ?

La première priorité est l’économie de l’officine. Les efforts demandés par l’Etat à l’industrie pharmaceutique avec les baisses de prix, ne permettent pas à l’officine de rester sur son mode de rémunération actuel. La ministre de la Santé l’a dit à Pharmagora, au-delà de ce que l’on demande à l’industrie, le gouvernement vise la maîtrise médicalisée des prescriptions des médecins. Ces deux paramètres, à la source de ce qui crée la marge de l’officine, sont négatifs, et ceci dans un cadre où le médicament remboursable représente 80 % de l’activité des pharmacies. L’évolution du mode de rémunération est un enjeu majeur pour solutionner cette situation. Ce qui est difficile, c’est que nous sommes dans une période de décroissance et que nous n’avons pas le droit à l’erreur.

Selon vous, les négociations vont-elles aboutir, la dernière réunion se tenant le 21 mai ?

Je reste confiant sur l’évolution du mode de rémunération. Je constate qu’il y a un certain nombre d’acteurs, dont la ministre, qui considèrent que c’est essentiel pour l’officine. En revanche, je ne sais pas si nous arriverons à tenir le calendrier fixé.

Quelles sont vos autres priorités ?

La deuxième est de réussir l’évolution « professionnel de santé », c’est-à-dire les premiers accompagnements de santé, et de permettre dans un deuxième temps d’avoir une évaluation qui montre le rôle joué par les pharmaciens. Nous allons proposer à nos adhérents l’informatisation des items du questionnaire du suivi des patients sous AVK. Il y a une obligation de réussir. Cela fait partie de ce que j’appelle « les trains qui ne passent pas deux fois ». L’objectif est, dans deux ans, d’avoir 80 % des officines qui accompagnent les patients et deux tiers des patients sous AVK suivis.

La troisième priorité est l’intégration du pharmacien dans le parcours de soins. En particulier, le parcours de soins de la personne âgée, le pharmacien référent et les PDA. Il faut trouver ce nouvel équilibre entre médecin et pharmacien, souvent défini par les territoires, pour l’accompagnement des patients chroniques, l’accès facilité aux soins de premier recours par l’officine, la prévention et le dépistage. Il faut parvenir à garder les gens le plus longtemps possible chez eux. C’est la volonté du patient et l’intérêt économique de la société.

La coopération interprofessionnelle est-elle possible ?

Je suis persuadé qu’elle est possible. Il n’y aura pas de loi de santé publique intelligente si l’on ne se préoccupe pas d’avoir les moyens pour une coordination des acteurs du système de santé. Notre système souffre d’une action individuelle de chacun des professionnels de santé auprès du malade. On ne nous donne pas les moyens d’œuvrer ensemble. Par exemple en ville, pas d’acte, pas de paiement. Dans le même temps, nous avons de plus en plus de lieux où les professionnels se regroupent et apprennent à communiquer : le CLIO pour les Ordres, l’UNPS, le CNPS… Mais la crise fait que chacun défend ses territoires. Il y a peut-être des possibilités pour faire bouger l’ensemble dans un intérêt collectif.

La ministre a demandé des études précises aux ARS sur le réseau officinal. Ne craignez-vous pas que les décisions des ARS entraînent des disparités au sein du réseau ?

La volonté est d’apporter aux ARS des moyens complémentaires de décisions et nous devons trouver des règles communes par rapport à ce qui est décidé par chaque ARS. Le deuxième élément est la prise en compte par les pouvoirs publics de la mise en œuvre de règles fiscales pour les regroupements et les achats/fermetures. Un dispositif incitatif est possible mais relève aujourd’hui du parcours du combattant. Il faut mettre en œuvre une simplification administrative et des outils. Si nous avons des règles fiscales et des règles générales, je ne crains pas des disparités.

La FSPF est contre le passage de la TVA de 7 à 10 % pour les médicaments non remboursables. Que proposez-vous ?

Nous voulons un taux réduit de 5 % pour les médicaments non remboursables qui ont une AMM. En contrepartie, pour une raison d’équilibre et de recettes fiscales, nous proposons une TVA de 10 % pour les compléments alimentaires sans AMM. Nous souhaitons favoriser les produits qui ont une AMM et si nous voulons aller plus loin dans l’égalité de l’accès aux soins, il ne faut pas multiplier par 5 le taux de TVA. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités.

Etes-vous favorable à l’accès aux données de santé ?

Oui, mais nous sommes particulièrement vigilants à leur utilisation par les opérateurs. Il faut que les données restent anonymisées et le professionnel de santé doit le garantir aux patients. L’utilisation des données de santé relève d’une décision de l’Etat et doit se faire dans un cadre normé.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Visiodroits ?

La technique utilisée pour avoir des données informatiques de notre activité est d’implanter des systèmes dans l’ordinateur même de l’officine. N’importe qui peut y avoir accès, voire pirater les données. La FSPF trouve cela inacceptable. Visiodroits est une norme à laquelle la FSPF a réfléchi et que nous allons proposer. L’objectif est d’avoir une interface qui permette d’autoriser et d’échanger des données à l’extérieur du poste de travail de l’officine. Visiodroits sera ouvert à tous et opérationnel en 2013. Des pharmacies l’expérimentent déjà.

Automédication, vente en ligne, télémédecine… Comment imaginez-vous l’officine de demain ?

L’officine doit rester avant tout un point de dispensation du médicament. Les évolutions concernent les accompagnements de certains patients avec une première capacité à améliorer la prise en charge autour du traitement médicamenteux. Cette montée en puissance doit être régulière pour à la fois ne laisser aucune officine sur le bord de la route et aucun patient sans accès à ces suivis. Quant à la télémédecine, l’officine fait partie des lieux possibles et naturels de consultation, notamment dans les zones sous-denses médicalement.

L’automédication va poursuivre son « bonhomme de chemin » en s’appuyant sur des choix de remboursement ou non et de mise à disposition de nouveaux produits. Concernant la vente en ligne, je ne pense pas que cela soit un vecteur de croissance. C’est un autre mode d’accès aux médicaments. C’est acté. Il ne faut pas que cela devienne contre-productif. Lorsque nous aurons toutes les règles juridiques, la FSPF n’exclut pas le principe d’aider les pharmaciens à créer leur site de vente en ligne.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !