LE DOUTE DES MÉDECINS - Le Moniteur des Pharmacies n° 2979 du 13/04/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2979 du 13/04/2013
 
GÉNÉRIQUES

Actualités

Auteur(s) : Caroline Coq-Chodorge*, Magali Clausener**

Un nouveau livre dénonçant « l’arnaque » des génériques surfe sur la défiance persistante d’une partie du corps médical envers ces médicaments. L’auteur, un médecin, remet en cause leur efficacité et la pertinence de cette politique d’économies sur les dépenses de santé.

Médicaments génériques : la grande arnaque ». A la suite de Philippe Even, Sauveur Boukris prétend à son tour dévoiler une face cachée du système de santé. « A force de constats alarmants » dans sa pratique quotidienne, ce médecin généraliste parisien, déjà div de plusieurs livres sur la santé, a décidé de « mener l’enquête ». L’Express a publié ses bonnes feuilles et donné la parole à d’autres médecins qui expriment leurs « doutes » sur l’efficacité et la qualité des génériques ou témoignent d’effets secondaires constatés sur leur patientèle. Sont-ils nombreux à remettre ainsi en cause le discours officiel ?

Oui, selon le dernier observatoire sociétal du médicament, rendu public fin mars par le Leem : 50 % des 503 médecins généralistes interrogés ont répondu par la négative à l’affirmation « il n’y a pas de différence d’efficacité entre un médicament et son générique ».

Le générique, « une histoire d’argent »

Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), syndicat représentatif minoritaire, relaie les doutes de sa base : « Tous les jours, nos patients nous disent que les génériques se mélangent mal, qu’ils sont moins efficaces, qu’ils y sont allergiques. Mais surtout les génériques créent beaucoup de confusion chez les personnes âgées. » Le livre de Sauveur Boukris réalise une synthèse des principaux arguments développés par les médecins contre le générique. Ils ne sont pas neufs. La contradiction leur a donc été souvent apportée.

« Disons-le d’emblée : les médicaments génériques, c’est d’abord et surtout une histoire d’argent avant d’être une histoire de santé. C’est pour faire des économies », écrit Sauveur Boukris. L’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) confirme, dans son rapport « Evaluation de la politique française des médicaments génériques », rendu en septembre dernier que cette politique « s’inscrit dans le cadre plus global de la maîtrise de la croissance des dépenses de médicaments ». 10 milliards d’euros ont été économisés depuis 2002, rappelle l’IGAS. Pour Sauveur Boukris, c’est la preuve que le mercantilisme s’est insinué dans la politique de santé : « La croissance exponentielle des dépenses, le fameux trou de la sécurité sociale, ont eu raison de tout principe éthique, comme de toute précaution médicale. » Un discours qui excède Claude Leicher, le président du syndicat de médecins généralistes MG France : « La situation économique est suffisamment grave. On ne peut pas se permettre de perdre 1,5 milliard d’euros d’économies annuelles sur les génériques. On devrait même en faire deux fois plus. »

« La volonté politique a triomphé »

Sauveur Boukris revient longuement sur la politique publique de développement du générique mise en œuvre à partir de 1994. Objectifs de prescription de générique, obligation d’apposer de manière manuscrite la mention « Non substituable », « Tiers payant contre générique » : « A coups de sanctions et de menaces, l’État maniant tour à tour la carotte et le bâton, la volonté politique s’est imposée à tous. » L’IGAS raconte une autre hisoire : « Les pouvoirs publics, après avoir tenté sans réussite de mobiliser les médecins au développement du médicament générique, se sont essentiellement appuyés sur les pharmaciens d’officine auxquels a été octroyé le droit de substitution dès 1999. »

« La profession de médecin et celle de pharmacien constituent deux activités bien distinctes. La première a le monopole de la prescription, l’autre celui de la délivrance des médicaments », écrit également Sauveur Boukris. Or, selon lui, « le droit de substitution accordé en 1999 aux pharmaciens a bouleversé la donne ». Il est même devenu « devoir de substitution » pour des pharmacies qui « gagnent plus d’argent avec les génériques ». Et au final, pour le médecin, c’est bien sa liberté de prescription qui est remise en cause. Là encore, Claude Leicher réplique vivement : « ceux qui ne supportent pas qu’on touche à leur liberté de prescription, doivent assumer leur liberté, et quitter le système conventionnel ».

Bioéquivalence et intolérances, le retour

Pour Sauveur Boukris, il existe de « sérieuses réserves sur la prétendue équivalence thérapeutique des génériques et sur leur tolérance affichée comme identique ». Le médecin distingue trois types de génériques : la « vraie copie », les « médicaments similaires » aux excipients différents et les « apparentés aux similaires », dont « le principe actif se présente sous une autre forme chimique ». Dans son rapport, l’agence rappelle sans ambiguïté la définition : le « médicament générique est une copie d’un médicament original, mais pas nécessairement une copie strictement identique ». Des différences « ne sont tolérées qu’à condition qu’elles n’affectent pas la bioéquivalence ». Elles tiennent surtout aux « excipients » qui, lorsqu’ils ont des effets chez certaines personnes, sont dits « à effet notoire ». Sauveur Boukris cite plusieurs exemples de patients allergiques aux excipients. L’ANSM rappelle que les excipients à effet notoires « sont présents aussi bien dans les princeps que dans les génériques ».

Les études et rapports se succèdent et ne suffisent pas à enrayer la défiance croissante des médecins et de la population. Pour l’IGAS, ce sont « les prises de position de certains leaders d’opinion » et leur relais dans la presse grand public sans « référence à des articles scientifiques validés », qui « installent durablement dans l’opinion un sentiment de suspicion ». « Nous sommes face à une crise de l’expertise, portée par les scandales sanitaires récents, renchérit Claude Leicher. D’autres scandales sont à venir, il faut faire attention à ne pas perdre la confiance des patients. » Claude leicher prescrit des génériques « largement depuis longtemps ». « J’en prends moi même, assure à son tour Michel Combier, président de l’UNOF (Union nationale des omnipraticiens français), la branche généraliste de la CSMF. Je ne peux pas passer ma vie à défendre les génériques. La défiance est générale, il y a chez les médecins une logique de refus de tout ce qui vient de l’institution. »

Les 7 conseils du Dr Boukris aux patients

1 – « Vous pouvez refuser les génériques, ils ne sont pas obligatoires. »

2 – « Préférez les génériques sans excipients à effet notoire. »

3 – « Privilégiez les autogénériques. »

4 – « Si un générique vous convient, restez-lui fidèle. »

5 – « Acceptez à la rigueur des génériques pour des traitements de courte durée. »

6 – « En cas de maladie chronique et de traitement long », il faut « exiger de votre médecin la mention non substituable. »

7 – « Si vous avez une mémoire défaillante, il vaut mieux garder la même marque. »

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