N’AYEZ PAS PEUR ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2973 du 09/03/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2973 du 09/03/2013
 
REGROUPEMENT

Dossier

Auteur(s) : Isabelle Guardiola*, François Pouzaud**

Les statistiques de l’Ordre en témoignent, les pharmaciens se regroupent très peu. Pourtant, la démarche ne manque pas, a priori, d’arguments : recherche de la taille critique face à la baisse de rentabilité des officines et l’engorgement des centres-villes, gestion des stocks, richesse de l’exercice à plusieurs…

Les regroupements (19 en 2010 et 2011, 14 sur les sept premiers mois de 2012) n’ont pas la cote malgré leurs atouts : « Un seul stock à financer, des frais partagés (loyer, taxe professionnelle…), des économies en personnels, un confort de vie et d’exercice, une préparation de son avenir, la proposition aux patients de services diversifiés… », liste Alain Delgutte, président de la section A. « Baisser le nombre de points de vente et apporter un service plus performant au travers d’entités plus importantes », ajoute Françoise Daligault, présidente de l’UNPF. Avant de se pencher sur les obstacles actuels au développement des regroupements, pourtant appelé de ses vœux par le ministère ou certains rapports préconisant la réduction de 10 ?% des officines, rappelons la condition première de leur réussite : « Une bonne entente professionnelle et le bon moment, précise Alain Delgutte. Le regroupement est un mariage, il ne se décide pas sous la pression économique. »

Des obstacles et des freins fiscaux, économiques et financiers

« Si les regroupements n’ont pas remporté le succès escompté, c’est notamment lié aux lourdes incidences fiscales et sociales », avance Corinne Daver, avocate du pôle santé de Fidal. C’est aussi l’avis des syndicats qui réclament des pouvoirs publics une boîte à outils d’allégement de la fiscalité. « Le cadre d’un regroupement, par exemple entre un pharmacien en société et un autre en entreprise individuelle, est très complexe, explique Philippe Gaertner, président de la FSPF. Cette configuration peut les obliger à céder leur fonds et à payer l’impôt sur les plus-values, c’est tout à fait contre-productif ! Il faudrait, au contraire, obtenir leur report d’imposition et pouvoir passer le coût de cette opération en charges. » « Il faut mettre en place des crédits d’impôt pendant les cinq premières années pour donner de l’oxygène à la nouvelle entité », propose à son tour Françoise Daligault. Gilles Bonnefond, président de l’USPO, demande lui aussi une stabilisation fiscale : « L’Etat y a un intérêt car les regroupements, en augmentant la taille des officines, favorisent les rentrées fiscales. » Dans une période où la fiscalité applicable aux transmissions varie chaque année, au rythme des multiples lois de finances et lois de finances rectificatives, Séverine Dehaes, avocate du cabinet Pharmadvis à Perpignan, conseille pour sa part « de réaliser son capital et se libérer de l’impôt plutôt que d’attendre d’hypothétiques jours meilleurs ».

Autre frein économique, le regroupement de deux officines se traduit rarement par l’addition des chiffres d’affaires. « Si les regroupements sont si peu nombreux, c’est aussi en raison du risque d’évasion, toujours difficile à mesurer, d’une partie de la clientèle vers d’autres officines », estime Serge Gilodi, directeur dans le cabinet de transactions Channels. Annie Cohen Wacrenier, avocate à Paris, remarque que « la protection du regroupement contre un éventuel transfert conférée par le gel des licences n’est d’aucune utilité dans les grandes métropoles où les pharmacies sont surnuméraires ». « Dans les zones surdotées, les pharmaciens ont plus intérêt à racheter la clientèle car il n’y a aucun risque d’ouverture d’une nouvelle pharmacie », complète Serge Gilodi.

Les obstacles peuvent évidemment s’avérer d’ordre financier : « Un regroupement peut coûter entre 400 000 € et 1,5 M€ entre la mise au point du dossier administratif, les recherches, le conseil, la réservation et l’aménagement d’un local, les honoraires… », chiffre Anne Lefebvre, pharmacienne pour la société Artco (Aide au regroupement, transfert et création d’officines). Une vraie considération soupesée par les syndicats : « Les regroupements ne s’adressent pas aux pharmacies en difficulté, ils servent en revanche à prévenir les difficultés », analyse Philippe Gaertner. « L’intérêt pour deux petites pharmacies urbaines est de se regrouper sur un troisième site plus spacieux, malheureusement les pas-de-porte sont très chers dans les grandes agglomérations », remarque Gilles Bonnefond. Cependant, pour Serge Gilodi le coût financier est un faux problème pour ne pas se regrouper : « Malgré le risque de voir 10 à 30 % de la clientèle se disperser sur d’autres pharmacies et de voir baisser son CA, le regroupement reste très rentable grâce aux économies de charges et à la rationalisation induites par la fusion. »

Pour toutes ces raisons, les « achats pour fermer » sont les plus privilégiés. « Plus simples à réaliser, les rachats de clientèle l’emportent neuf fois sur dix sur les regroupements et se réalisent souvent à l’occasion de départs en retraite », signale Serge Gilodi. C’est une porte de sortie « à moindre mal » pour le cédant lorsque sa pharmacie est devenue invendable.

Les regroupements ont la faveur des agences régionales de santé

« L’Etat cherche à récupérer des licences, les directeurs d’ARS délivrent plus facilement des autorisations de regroupements que de transferts », confie Anne Lefebvre. Celle-ci conseille aux pharmaciens dont la demande de transfert a été rejetée par l’ARS de déposer un dossier de regroupement sur le même lieu, avec le même local. Le besoin de désengorger les grandes métropoles des pharmacies excédentaires est tel que même les regroupements dans l’hypercentre-ville ont toutes les chances d’aboutir. « Un jugement du tribunal administratif de Lyon fait jurisprudence ; cette juridiction a considéré que le regroupement de deux officines dans une zone de surdensité optimisait la desserte de la population en médicaments », rapporte Anne Lefebvre.

S’ils échappent à toute contrainte de quota de population, les regroupements ne sont pas pour autant tous permis. Le législateur a prévu aussi des restrictions non négligeables. « Le regroupement ne peut s’envisager dans une commune dépourvue d’officine », souligne Anne Lefebvre. Ainsi, à Argonay (Haute-Savoie), la population dépasse les 2 500 habitants requis pour l’ouverture d’une première officine mais le regroupement a été refusé car il doit être réalisé dans la commune d’implantation d’une des deux pharmacies.

Plusieurs scénarios peuvent présider à un regroupement. Il peut notamment convenir à deux pharmacies jumelles seules dans un bourg isolé. A Saint-Germain-lès-Corbeil, une commune de 7 174 habitants de l’Essonne, les deux pharmacies se sont ainsi regroupées. La licence libérée et celle attachée à l’emplacement d’un des deux sites où s’effectue le regroupement sont prises en compte pour le calcul des quotas de population : 2 500 pour la première, 4 500 pour la seconde. « L’unique pharmacie de cette commune est tranquille pendant au moins douze ans, souligne Anne Lefebvre. Une seconde officine ne pourra ouvrir que si le nombre d’habitants de la commune dépasse 11 500 ! »

Se regrouper peut résulter d’un projet purement spéculatif. Car si l’officine issue d’un regroupement ne peut transférer avant cinq ans, en revanche elle peut être vendue sans délai. Cette largesse législative permet de réaliser un regroupement suivi d’une cession immédiate des éléments du fonds entre associés, « l’associé restant bénéficiaire de la licence gelée pendant douze ans [durée non neutre car correspondant à la moyenne des emprunts, NdlR] », rappelle Annie Cohen Wacrenier. Autre scénario décrit par Anne Lefebvre : « Un pharmacien investisseur a repéré un nouveau quartier à fort potentiel et déniché un local pour y ouvrir une pharmacie. Il trouve une pharmacie sur la même commune et une autre, qui peut être d’une autre commune ou d’une autre région, et les regroupe. Les deux titulaires regroupés peuvent alors revendre les éléments du fonds de commerce (clientèle, bail…) à l’investisseur dans l’heure qui suit l’octroi de la licence de regroupement. Parfois même, cette opération peut faire intervenir un quatrième acteur quand l’investisseur rachète la pharmacie au moyen d’une SEL dans laquelle il installe un ancien adjoint. » 80 ?% des regroupements réalisés par Artco s’opèrent de la sorte.

Des titulaires parfois contraints à contourner la réglementation

L’ingéniosité n’a pas de limite pour un pharmacien qui a les moyens de maîtriser ou faire disparaître la concurrence. « Plutôt que de se risquer à racheter la clientèle, il va acquérir la pharmacie d’en face, sans l’intention de la fermer, au moins dans un premier temps, y installer un adjoint, de préférence en SELAS, pour conserver une participation majoritaire dans le capital, expose Serge Gilodi. Les deux officines restent donc ouvertes, et ce n’est que plus tard, quand la concurrence dans sa zone de chalandise sera éteinte ou quand la fermeture d’un des deux points de vente deviendra nécessaire, que le pharmacien procédera à leur regroupement. » Séverine Dehaes présente une variante encore plus subtile. Elle a réalisé deux opérations de ce type en Dordogne : « Soit deux pharmacies dans la commune. Les deux titulaires vendent leur fonds de commerce à une SELARL. Un des titulaires rend sa licence à l’ARS et perçoit une indemnisation de fermeture, l’autre touche le prix de son fonds, conserve sa licence et continue d’exploiter son officine, rachetée par la SELARL, en compagnie de son nouvel associé. Le prix de revente pour l’un et l’indemnisation perçue pour l’autre leur permettent de solder l’emprunt sur le fonds et de réinjecter des capitaux dans la nouvelle société qui a elle-même contracté un emprunt. Avantages de cette opération : la nouvelle structure est moins endettée, les pharmaciens purgent leurs plus-values de cession et récupèrent du cash. Au contraire, dans un regroupement classique, la fusion des licences ne permet pas de dégager des liquidités. Il y a seulement une attribution de parts de sociétés à chacun des titulaires en fonction de la valeur de la pharmacie qu’il a apportée à la nouvelle structure. »

Corinne Daver regrette que les contraintes juridiques, les conséquences fiscales et sociales du regroupement incitent les pharmaciens à contourner la réglementation et à privilégier des alternatives comme celles évoquées. « Il y a un habillage juridique autour des regroupements mais il ne permet pas aux autorités de tutelle de garantir que la fermeture d’une pharmacie ne va pas conduire à un déséquilibre du maillage et nuire à l’optimisation de la desserte pharmaceutique. » Il y a nécessité, selon elle, que les pharmaciens soient incités aux regroupements. En mai dernier, la convention pharmaceutique annonçait la création d’un observatoire de l’évolution du réseau, les syndicats s’engageant à favoriser les regroupements en utilisant des outils législatifs dont « des mesures financières incitatives ». Statu quo sur ce point

REPÈRES

• Loi du 27 juillet 1999 (ancien article L. 573 du Code de la santé publique, devenu art. L. 5125-15)

Le regroupement de deux officines est possible, sur l’emplacement d’une officine ou dans un site nouveau, mais dans la même commune et avec des conditions de quotas.

• Loi du 2 août 2005 (art. L. 5125-15 modifié)

La loi supprime les quotas, l’obligation de garder le même nombre de pharmaciens que celui figurant dans les officines regroupées et autorise le regroupement entre plus de deux officines.

• Loi du 19 décembre 2007 (art. L. 5125-15 modifié)

Le regroupement n’a plus à s’effectuer dans la même commune, mais dans le lieu d’emplacement de l’une des pharmacies, ou dans un lieu nouveau mais dans la commune de l’une des pharmacies regroupées (la deuxième peut venir d’une autre région). Cette loi institue un « gel » de la ou des licences libérées après un regroupement.

• Ordonnance du 23 février 2010 (art. L. 5125-15 modifié)

Suite à la loi HPST de 2009, ce n’est plus le préfet qui est compétent pour mettre fin au « gel » de la ou des licences libérées mais le directeur général de l’agence régionale de santé.

• Loi du 21 décembre 2011 (LFSS 2012)

Le « gel » est allongé à 12 ans et est autorisée l’ouverture d’une nouvelle officine par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants.

Soline Wenkin (Eure-et-Loir)

« Nous voulions faire un transfert »

« Mon mari et moi voulions faire un transfert et avons été contactés par un cabinet de transaction pour racheter la pharmacie d’une consœur. Nous avons intégré son équipe de quatre personnes et sommes restés dans nos locaux, que nous avons agrandis. Mais je parlerais avant tout d’un investissement humain, dans une petite ville de 3 500 habitants où certains commerçants connaissent des problèmes économiques et où la population percevait le regroupement comme une fermeture de pharmacie et pas l’amélioration des services et l’élargissement de l’offre… Il a fallu beaucoup communiquer autour d’une population qui se partageait, selon ses affinités, entre les deux officines. Ce mode de regroupement, qui nous a permis d’homogénéiser les gammes et de les élargir, a été très positif sur le plan économique et nous avons gagné en compétence en libérant du temps pour la formation. Nous avons pu embaucher des pharmaciens. Je crois que dans l’avenir, face au développement des services sur Internet et à la désertification médicale, l’humain fera la différence. » I.G.

5 questions à…

Corinne Daver, avocate spécialisée en droit de la santé au cabinet Fidal à Paris.

L’abandon de clientèle peut-il être opposé au regroupement ?

Oui si la fermeture d’une des officines conduit la population qu’elle desservait à s’approvisionner dans un lieu moins accessible.

En cas de regroupement sur le site de la pharmacie A, que fait-on du bail de la pharmacie B ?

Le bail de la pharmacie B devra être résilié et il convient de vérifier si le bail prévoit bien la possibilité d’une résiliation triennale par le preneur. Sauf à trouver un compromis, la clause du bail devra être appliquée ; or celui-ci prévoit fréquemment le règlement de l’intégralité des loyers jusqu’à échéance.

Qu’advient-il du personnel salarié et des contrats de la pharmacie ?

Le personnel est conservé si le condiv économique le justifie, et les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail relatives au transfert de plein droit de contrats de travail trouvent à s’appliquer. Le contrat de travail des salariés de l’officine B est donc transféré à l’officine A.

Que faire des contrats (stocks, informatiques…) conclus par la pharmacie B ?

Ceux-ci ne sont pas automatiquement résolus. Il convient de les résilier en respectant le préavis contractuel (ou un préavis raisonnable si les conditions contractuelles n’indiquent aucun délai de préavis), ou de solliciter du partenaire l’autorisation, qui doit être explicite, de substituer la pharmacie A à la pharmacie B pour la poursuite du contrat.

Quelles sont les conséquences fiscales de la fermeture de l’une des officines ?

Considérée fiscalement comme une cessation d’entreprise, la fermeture entraîne une imposition immédiate des bénéfices non encore imposés et des plus-values. Il convient d’examiner au cas par cas les conséquences financières d’une telle imposition. F.P.

Eric Trouillot, Benoît Maurin, Vincent Vazquez et Tifenn Faury
Regroupés à La Réole (Gironde) depuis 2009

« Notre décision avant-gardiste était la bonne »

« Avant 2009, on se réunissait régulièrement entre confrères et parlions, notamment, de la surpopulation officinale dans notre zone. Nous avions envisagé dans un premier temps, avec les cinq pharmacies, l’annulation d’une licence et la fermeture d’un site, mais sans suite opérationnelle. Nous avons décidé de nous regrouper tout de même, avec deux pharmaciens. » La pharmacie d’Eric Trouillot compte alors trois associés, dont l’un souhaitait partir en retraite, et l’autre pharmacie deux titulaires en couple. Ce sont eux qui rejoignent Eric Trouillot et Benoît Maurin dans leurs locaux récemment agrandis. Les deux pharmacies réalisaient alors respectivement 2,7 millions et 1,3 million d’euros, le regroupement en fait 4 millions aujourd’hui. Malgré un prévisionnel favorable, ils peinent au départ à trouver un financement et envisagent même un pool bancaire. Aujourd’hui, chaque nouvel investissement comme la robotisation de la pharmacie ne souffre d’aucune hésitation de la part de leurs partenaires bancaires. Pour faciliter les relations au quotidien, « nous avons beaucoup discuté en amont et rédigé un pacte d’associés visé par un avocat, qui nous répartit les rôles et envisage toutes les situations ». Les associés sont ainsi prioritaires sur le rachat des parts de celui qui s’en va. Le quatuor est aujourd’hui conforté dans l’idée que sa décision était pertinente : « C’était gonflé à l’époque, avant-gardiste même, mais nous avions raison ! D’ailleurs, nos trois confrères locaux veulent fusionner aujourd’hui… » Voici déjà quatre ans que l’association fonctionne sans nuage, avec 15 salariés, une organisation millimétrée, étayée par la mise en place de protocoles qualité, et un environnement favorable à l’application des nouvelles missions pharmaceutiques (éducation thérapeutique, entretiens pharmaceutiques, etc.). « Le regroupement a amélioré la qualité de vie et diminué le stress car nous partageons les responsabilités. Quand nous sommes trois ou quatre à avoir la même idée, c’est qu’elle est bonne ! » I.G.

Olivier Pauvert et Sophie Perrot
Regroupés à Marmande (Lot-et-Garonne) depuis 2011

« C’est une solution dans un marché tendu »

« Quand Sophie est venue me voir pour me demander si j’étais intéressé par un regroupement, j’ai accepté en une demi-seconde ! » Olivier Pauvert, titulaire à Marmande depuis 2003 d’une officine réalisant 800 000 euros de CA, commence à « tourner en rond » dans un hypercentre à la forte concentration officinale quand, en 2008, sa consœur – qu’il apprécie – Sophie Perrot, qui réalise 1,6 million de CA, lui propose de faire affaire. Entre les deux pharmacies se situe une plus petite (450 000 € de CA) dont la titulaire approche de l’âge de la retraite. Au centre des trois officines, un local commercial de 450 m2 se libère. Olivier Pauvert et Sophie Perrot proposent à leur consœur un rachat de clientèle qu’elle accepte : « Sophie et moi voulions fermer, nous installer dans la nouvelle officine et, six mois plus tard, notre consœur aurait fermé… Mais l’ARS nous a dit que les trois affaires devaient se signer en même temps. » Olivier Pauvert et Sophie Perrot ouvrent six mois après la date prévue, ils ont perdu 55 000 € de loyer. « Nous avons créé une société qui a racheté les officines et s’est endettée pour nous. Patrimonialement, c’est une belle opération et je suis passé d’une EURL à une SELARL, et j’ai donc cessé d’être caution sur mes biens propres. » Avec un CA aujourd’hui de 2,4 millions d’euros – pas tout à fait celui de la somme des trois officines –, les « regroupés » sont satisfaits de leur décision : « C’est une bonne solution dans un marché tendu. Il faut avoir l’intelligence de faire passer son ego après les intérêts de sa carrière, de son avenir professionnel. Personnellement, je ne me voyais pas finir dans la même structure, répéter la même journée à l’infini pendant des décennies. La réduction du tissu officinal est programmée et se fera, comme l’ouverture du monopole et du capital. Il y aura ceux qui se sont préparés et les autres. Dans une ville proche, les pharmaciens sont à couteaux tirés. Ils sont en difficulté mais refusent de se regrouper. » I.G.

Max et Pascale Dalier, Isabelle Bèguerie et Christian Lahargoue, Philippe et Martine Perez
Regroupés à Mauléon (Pyrénées-Atlantiques) depuis 2009

« Nous sommes devenus des spécialistes »

Trois officines alignées à 250 mètres de distance. Deux couples (belles-sœurs et beaux-frères !) et deux autres titulaires. De bonnes relations confraternelles, des échanges au sein du même groupement Giphar dans le passé. Puis un projet de sens interdit dans « la rue des pharmacies » menace les officines. Max Dalier prend l’initiative de proposer le regroupement à ses confrères. Moins de 18 mois après, les voici installés dans un nouveau local de 400 m2 avec des espaces de confidentialité, un local orthopédie, du matériel médical… La répartition des tâches s’est faite naturellement, au cours des réunions de préparation. « Lors de la première réunion, nous avions tous la même chose à nous dire et ne savions comment l’aborder sans savoir que nous étions sur la même longueur d’onde : garder nos 14 salariés ! Je ne sais plus qui s’est lancé en premier mais nous avons tous été soulagés ! », se souvient Max Dalier, qui se rappelle aussi s’être arraché les cheveux sur les premiers plannings. Résultat : une large amplitude horaire d’ouverture, jamais plus de trois personnes absentes en même temps. « On a perdu le côté familial », commente-t-il. « Mais on a gagné en qualité de vie et dans nos pratiques professionnelles », prolonge Christian Lahargoue, qui apprécie notamment le développement de la formation : une salle de réunion spacieuse permettant d’inviter les confrères lors des formations. L’importance de la structure a permis des économies d’échelle, la marge est a plus de 30 %, même si les revenus des titulaires sont demeurés à peu près identiques : « Nous ne sommes plus des touche-à-tout mais sommes devenus des spécialistes !, s’enthousiasme Max Dalier. Je regrette qu’il y ait si peu de regroupements : je crois que le pharmacien n’est pas encore mûr pour travailler en groupe, à la différence des médecins. Notre problématique est pourtant proche ; les nouvelles missions se précisent et, pour les assumer pleinement, il vaut mieux être plusieurs pharmaciens dans une officine. » I.G.

Jean-Patrice Folco
Fontaine (Isère)

« Le regroupement a échoué »

« Dans notre commune de 22 000 habitants, nous sommes dix pharmacies, selon les règles de l’ancien quota et donc en surnombre. J’ai suggéré lors d’une réunion que nous en fermions deux ou trois pour nous regrouper dans un centre commercial, en structure SELAS. Nous avons fait réaliser une étude par un cabinet. Il était prévu que les dix titulaires soient associés à parts égales et qu’un pacte d’associé soit mis en place avec une valorisation minimum des fonds ; par ailleurs, une structure de regroupement à l’achat aurait permis à tous de bénéficier de l’effet économique de la structure du centre commercial. Le regroupement a échoué. Alors même que les pharmaciens ont des difficultés économiques, lorsqu’il s’agit de fermer, de se regrouper, ils ne franchissent pas le pas, par frilosité ou manque de connaissance, par égoïsme aussi. Ils préfèrent mourir seuls ou attendre qu’on leur rachète leur fonds, à la faveur d’un transfert. Les confrères se trompent : le modèle officinal, n’est pas commercial mais libéral. La rentabilité vient du patient et du temps passé avec lui. Ce qui compte dans un regroupement, c’est de se rencontrer entre pharmaciens, pas entre comptables… » I.G.

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