EVEN CONTREDIT PAR SES PAIRS - Le Moniteur des Pharmacies n° 2971 du 23/02/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2971 du 23/02/2013
 
STATINES

Actualité

Auteur(s) : Magali Clausener

Le dernier ouvrage de Philippe Even, « La Vérité sur le cholestérol », est une charge contre les statines dont il met en cause l’efficacité, égratignant au passage les prescripteurs. Paru le 15 février dernier, il a, dès la veille, suscité de vives réactions, notamment de la part de la Haute Autorité de santé et de la communauté médicale.

Dans La Vérité sur le cholestérol, Philippe Even s’appuie sur les « centaines de publications scientifiques dans les plus grands journaux internationaux, dont une cinquantaine de très grandes études cliniques concernant 230 000 patients et publiées de 1994 à 2012 ? », que l’div a « relues, annotées, recalculées et disséquées, plume et calculette à la main ». Sa conclusion est sans appel : les statines constituent « un dérapage scientifique et éthique » incomparable dans toute l’histoire du médicament. Pour le codiv du Guide des 4 000 médicaments (voir Le Moniteur  2949), le cholestérol n’est pas la cause directe des plaques d’athérome artériel responsables des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux. Pour résumer, « à 50 ans, les lésions sont constituées. Régimes et statines n’y peuvent à peu près plus rien ». Philippe Even dénonce donc l’usage irraisonné des statines – 25 millions d’Américains, 3 millions d’Anglais et 5 millions de Français en prennent – qui représentent des enjeux économiques énormes pour l’industrie pharmaceutique – d’où l’intérêt pour cette dernière de produire des études qui prouvent l’utilité des statines. Et, bien entendu, les médecins, dont les cardiologues, trompés par les laboratoires, prescrivent les statines sans s’interroger sur leur bien-fondé…

« La HAS constate un certain mésusage »

Lobbying des laboratoires, médicaments inutiles voire dangereux, pathologie inventée par l’industrie pharmaceutique à bout de souffle dans sa recherche de nouvelles molécules innovantes, prescripteurs sous influence… Le raisonnement est semblable à celui développé dans le Guide des 4 000 médicaments. Dès le 14 février, la Haute Autorité de santé (HAS) réagit par un communiqué de presse : « Ce livre […] condamne sans appel le recours aux statines dans la prise en charge de l’hypercholestérolémie. […] Faire courir le risque d’arrêter leur traitement à des malades qui en ont réellement besoin fait porter une responsabilité lourde à l’div de ce livre. » La HAS insiste « sur le fait qu’en prévention secondaire – c’est-à-dire après un accident cardiovasculaire, infarctus, AVC – l’intérêt des statines est indiscutable ». En prévention primaire, elles « sont à réserver » aux personnes qui sont à haut risque (diabète, HTA, tabagisme). Mais, « par contre, dans le cas d’une hypercholestérolémie non familiale isolée […] le traitement par statine n’est alors pas justifié ». Pour autant, la HAS « constate un certain mésusage des statines en France : un recours abusif aux statines en prévention primaire chez des personnes qui ne sont pas à haut risque – en regard notamment des effets secondaires possibles de ces molécules –, en même temps qu’un défaut de prescription de statines chez des patients qui le justifieraient ». Une phrase glissée au milieu d’un long communiqué mais qui interpelle : les statines seraient-elles donc mal prescrites ?

« Nous avons déjà dénoncé il y a deux ans une trop grande utilisation des statines en prévention primaire, déclare Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques (AFD). Les industriels ont trop vanté les mérites de ce médicament. Cependant, il y a aussi une responsabilité des prescripteurs, c’est indéniable. Il faut donner des outils aux prescripteurs pour qu’ils soient éclairés dans leur choix. Nous sommes dans une véritable crise de confiance par rapport aux médicaments, aux prescripteurs et à l’hygiène diététique. L’Etat devrait prendre des mesures pour qu’il y ait une plus grande transparence et plus de responsabilité. Ce livre ajoute à la perte de confiance des patients dans leur système de santé et des professionnels. Les patients ne doivent pas arrêter leur traitement sans en parler à leur médecin. » Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français, s’emporte : « Le danger de ce livre, c’est que les gens arrêtent leur traitement. L’div met en danger la vie des gens. Les propos de Philippe Even sont totalement irresponsables ! On ne doit pas retenir uniquement l’aspect du mésusage dans le communiqué de la HAS. Les effets secondaires des statines sont extrêmement minimes au regard des risques épidémiologiques. »

Des patients risquent d’arrêter leur traitement

Claude Leicher, président de MG-France, reconnaît « un engouement professionnel par rapport aux statines » et qu’il « faut revenir à un usage plus raisonnable ». Pour y parvenir, il faut « informer et former les médecins pour vérifier qu’il n’y ait pas d’usage abusif ». « Pour les gens que je suis et qui sont sous statine, le traitement est pratiquement toujours justifié. Le mésusage me paraît faible. Le terme de “certain” employé par la Haute Autorité de santé n’est pas pertinent. Et il est vrai que certains patients qui devraient être sous statine ne le sont pas. Je vois d’ailleurs plus de personnes sous-traitées que surtraitées », explique Christian Ziccarelli, cardiologue et président du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV). Le spécialiste regrette d’ailleurs que l’Agence nationale de sécurité du médicament n’ait pas communiqué sur le sujet, hormis une mise en garde sur les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge (voir page 16).

Christian Ziccarelli attire également l’attention sur le communiqué commun sur le cholestérol publié le 18 février par des cardiologues (SNSMVC, Collège national des cardiologues français…) et des patients (Alliance du cœur, Association française des diabétiques…). Les premiers s’inquiètent d’un arrêt de traitement par de « nombreux patients » et les seconds clament qu’il ne faut pas les mettre en danger « en jetant le doute sur la pertinence de nos traitements et les motivations de nos médecins ». Les médecins rappellent qu’ils appliquent des recommandations internationales de bonnes pratiques et ont ainsi contribué à faire diminuer la mortalité cardiovasculaire. Et les scientifiques qu’ils se sont « battus pour passer d’un simple avis d’expert à une attitude basée sur des études rigoureuses ».

Pour le Pr Bernard Bégaud, directeur de l’unité de recherche INSERM « Pharmacoépidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations » à l’université de Bordeaux-II, il faudrait réaliser une étude pharmacoépidémiologique afin d’analyser le rapport bénéfices/risques des statines en France. La France disposerait ainsi de données chiffrées et d’arguments scientifiques. A opposer à certain ouvrage…

3 QUESTIONS À

PR CLAUDE LE FEUVRE, CARDIOLOGUE ET PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DU CŒUR

Quelle est votre réponse au livre de Philippe Even ?

Le rôle de la Fédération française du cœur n’est pas de faire des recommandations comme la Haute Autorité de santé sur les prescriptions médicamenteuses, mais d’adresser au grand public un message de changement de comportement. Notre premier message c’est : 0 cigarette, 5 fruits et légumes et 30 minutes d’exercice physique par jour. Notre second message, c’est de dire aux patients de ne surtout pas arrêter leur traitement sans en parler à leur médecin. Et c’est aussi le rôle du pharmacien de prévenir le patient et de l’orienter vers son médecin.

Philippe Even met en cause les études sur les statines. Qu’en pensez-vous ?

En tant que cardiologue, je dis que les études sur les statines en prévention secondaire ont un niveau de preuves qui n’a jamais été égalé. Elles ont le niveau de grade IA, qui est le niveau le plus élevé de preuves.

Comment faire face à une telle polémique ?

Les médias doivent faire la part des choses entre un livre et la communauté scientifique. La prévention dans le domaine des maladies cardiovasculaires est essentielle, notamment auprès des populations sociales défavorisées. Je crains les répercussions auprès de ces populations qui ne vont recevoir que le seul message des médias.

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