LA MALADIE D’ALZHEIMER - Le Moniteur des Pharmacies n° 2970 du 16/02/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2970 du 16/02/2013
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

L’état de madame P. s’aggrave

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Madame P., 83 ans.

Par quel médecin ?

Docteur T., neurologue.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui. Le traitement par Ebixa nécessite une prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie ou gériatrie ou aux médecins généralistes titulaires de la capacité de gérontologie.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

• Madame P. est traitée depuis de nombreuses années pour une HTA et un syndrome dépressif. Depuis le diagnostic de sa maladie d’Alzheimer, elle participe à des ateliers mémoire.

Quel était le motif de la consultation ?

Il s’agissait du bilan annuel de suivi de traitement par le neurologue.

Qu’a dit le médecin ?

Le médecin a expliqué que le résultat du MMSE de Mme P. est effectivement dégradé (passé de 18 à 15) malgré le traitement par Aricept 10 (donépézil). Il remplace donc ce dernier par Ebixa 10 (mémantine) et poursuit le sevrage en lorazépam, lequel peut aggraver ses troubles cognitifs.

Vérification de l’historique

• Madame P. prend Cotareg 80/12,5 mg (valsartan-hydrochlorothiazide) depuis plusieurs années pour contrôler son HTA.

• L’an dernier, le neurologue a remplacé Séroplex 10 mg (escitalopram) par de la miansérine 30 mg pour traiter la dépression, ses propriétés sédatives et anxiolytiques étant intéressantes dans le cadre du sevrage en lorazépam. Mme P. prenant alors 2,5 mg de lorazépam par jour, le sevrage progressif a été poursuivi par le médecin.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHERENTE ?

Cette prescription vise à maintenir l’autonomie et améliorer la qualité de vie de la patiente en ralentissant la perte de ses fonctions cognitives et en traitant la dépression associée.

Que comporte la prescription ?

• Ebixa 10 mg (mémantine) est un antagoniste des récepteurs NMDA du glutamate (dont la libération excessive pourrait être impliquée dans la dégénérescence neuronale), utilisé dans les formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer (MMSE < 20).

• Miansérine 30 mg est un antidépresseur tétracyclique, anxiolytique et sédatif prescrit dans les épisodes dépressifs majeurs possédant un effet orexigène (stimule l’appétit).

• Lorazépam 1 mg est une benzodiazépine prescrite ici pour ses effets anxiolytiques et sédatifs dans le cadre d’un trouble anxiodépressif. Son arrêt progressif vise à limiter les troubles mnésiques.

• Fortimel crème est un aliment diététique hypercalorique et hyperprotidique (200 kcal et 12,5 g de protéines par pot).

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

• Oui. Pour une forme modérée de la maladie d’Alzheimer (MMSE de 15), on peut utiliser un inhibiteur de la cholinestérase (voir « Thérapeutique » p. 8) ou la mémantine. Il n’est pas recommandé d’employer une bithérapie. La prescription de psychotropes pour le traitement des troubles de l’humeur et du comportement se justifie chez certains patients.

• La prescription d’une benzodiazépine n’est pas recommandée au long cours, d’où le sevrage.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications pour cette patiente ?

• Non, Ebixa et le lorazépam sont contre-indiqués en cas d’insuffisance hépatique sévère.

• Une porphyrie contre-indiquerait l’utilisation de benzodiazépine et de miansérine.

• Insuffisance respiratoire, apnée du sommeil et myasthénie sont d’autres contre-indications à la prise de lorazépam.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui. Les posologies suivent les recommandations.

• Ebixa est initié à la dose de 5 mg/jour pendant une semaine, puis la posologie est augmentée par palier de 5 mg chaque semaine jusqu’à la dose maximale de 20 mg/jour en une prise, madame P. ne présentant pas d’insuffisance rénale (réponse 1).

• La miansérine peut être prescrite à la dose de 30 à 90 mg/jour en 1 à 2 prises (ici 30 mg le soir).

• La posologie quotidienne de lorazépam va de 1 à 7,5 mg mais doit être réduite de moitié chez le sujet âgé, ce qui est le cas de cette patiente en cours de sevrage. L’arrêt d’une benzodiazépine en ambulatoire doit être progressif, jusqu’à plusieurs mois pour les patients traités longtemps, par exemple en réduisant la dose de 25 % chaque mois.

• 1 à 3 pots de Fortimel crème peuvent être recommandés selon les besoins, en complément d’une alimentation équilibrée.

Y a-t-il des interactions ?

• L’association de la miansérine au lorazépam est à prendre en compte du fait de la majoration de l’effet sédatif.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Non.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant le nouveau médicament

Il s’agit de la première délivrance d’Ebixa.

Utilisation du médicament

Le pharmacien insiste auprès de monsieur P., qui administre les médicaments à son épouse, sur le respect de l’instauration progressive d’Ebixa (pour réduire le risque d’effets indésirables). La dose est à prendre en une seule fois à la même heure chaque jour, indifféremment d’une prise alimentaire.

Quand commencer le traitement ?

La patiente peut commencer dès le soir même.

Que faire en cas d’oubli ?

Si une dose d’Ebixa est oubliée ou si la patiente ne sait plus si elle l’a prise, attendre la dose suivante à l’heure habituelle sans la doubler.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

La patiente – si son état le permet – et son entourage pourront observer à moyen ou long terme le ralentissement de la dégradation de ses capacités cognitives (troubles émotionnels, mnésiques, alimentaires…) voire leur stabilisation provisoire.

Effets indésirables

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Les effets indésirables les plus fréquents sous Ebixa sont : vertiges, céphalées, somnolence, dyspnée, constipation et élévation de la tension artérielle. Le pharmacien propose à M. P. de venir avec sa femme à l’officine pour mesurer sa tension artérielle.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

Le pharmacien peut conseiller du paracétamol si MmeP. se plaint de céphalées et un laxatif osmotique type macrogol en cas de constipation.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• En cas de sensations vertigineuses et de troubles de l’équilibre augmentant le risque de chute chez un sujet âgé, le pharmacien doit contacter le prescripteur pour discuter de la poursuite du traitement.

• Une aggravation des symptômes de la maladie d’Alzheimer chez Mme P. nécessiterait de contacter le neurologue pour une réévaluation du traitement et, surtout, pour rechercher des facteurs pouvant aggraver le syndrome confusionnel : fécalome, infection, poussée hypertensive, déshydratation…

Concernant les autres médicaments

Il s’agit d’un renouvellement de la miansérine, du lorazépam et de Fortimel.

Efficacité du traitement

Monsieur P. informe le pharmacien que son épouse éprouve beaucoup de difficultés à prendre Fortimel. Ce dernier lui propose donc de varier les parfums et de mettre Fortimel au réfrigérateur pour améliorer l’acceptabilité.

Effets indésirables

• La miansérine peut provoquer somnolence, constipation, bouche sèche et sensations vertigineuses par hypotension orthostatique. Madame P. ne souffre, selon son mari, d’aucun de ces effets.

• Les benzodiazépines peuvent être responsables de somnolence, difficultés de concentration, amnésie antérograde et confusion. Ces effets secondaires sont difficiles à différencier des symptômes de la maladie d’Alzheimer et peuvent l’aggraver, d’où l’intérêt de réduire la consommation de lorazépam.

Observance

• Depuis que monsieur P. a constaté que son épouse oubliait certaines prises de médicaments il y a quelques mois, il se charge de les préparer et s’assure de leur prise.

• Le pharmacien remarque son inquiétude à l’idée de se tromper dans la posologie progressive d’Ebixa. Il lui conseille un semainier.

Modalités de prise

• Les comprimés de miansérine et de lorazépam doivent être avalés avec un verre d’eau, de préférence le soir avant le coucher.

• Les pots de Fortimel sont à consommer comme complément d’une alimentation équilibrée en dehors des repas (10 heures et 16 heures par exemple), en fractionnant les prises si besoin pour éviter une sensation d’écœurement ou des nausées.

• Une fois ouvert, un pot se conserve 24 heures au réfrigérateur.

Signes d’alerte

Toute apparition de signes psychocomportementaux est à signaler au médecin (somnolence, agitation, confusion, agressivité…) car ils peuvent être en rapport avec la pathologie, une autre affection somatique ou encore son traitement.

DEMANDE DE LA PATIENTE

• Monsieur P. en profite pour demander un sirop car sa femme a une légère toux d’irritation, sans fièvre.

• Le choix du sirop doit être réfléchi car certains sont déconseillés avec Ebixa : son administration concomitante d’autres composés dont la structure chimique est apparentée à celle des antagonistes des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate), comme le dextrométhorphane, n’est pas recommandée car ils agissent sur les mêmes récepteurs et les effets indésirables liés au système nerveux central peuvent être plus prononcés, avec risque de psychose pharmacotoxique.

• Les antitussifs opiacés peuvent aussi potentialiser des effets secondaires tels que constipation et sensations vertigineuses. Quant aux sirops antihistaminiques H1, ils possèdent des propriétés anticholinergiques.

• Le pharmacien (réponse 3) propose Codotussyl Toux sèche (pentoxyvérine) et précise à monsieur P. qu’en cas d’apparition de fièvre ou de non-amélioration de la toux dans deux à trois jours, madame P. devra consulter son médecin.

CONSEILS COMPLEMENTAIRES

• Le rappel du plan de prise et l’utilisation du pilulier sont dans ce cas nécessaires pour garantir une bonne observance du traitement.

• Pour les repas, choisir des plats équilibrés que Mme P. apprécie. Si besoin, des services de portage de repas à domicile sont possibles. Ne donner un pot de supplémentation à Mme P. que si elle refuse de s’alimenter, ou encore en complément en dehors des repas.

PATHOLOGIE

La maladie d’Alzheimer en 6 questions

La maladie d’Alzheimer est une affection neurodégénérative dont l’évolution, lente, reste inéluctable. Généralement inaugurée par des troubles mnésiques puis dominée par une dégradation cognitive progressive, cette démence aboutit à une perte totale de l’autonomie puis au décès.

1 QU’EST-CE QUE LA MALADIE D’ALZHEIMER ?

• La maladie d’Alzheimer est une démence (syndrome chronique caractérisé par une altération des fonctions cognitives et du contrôle émotionnel) résultant d’un processus neurodégénératif, cause essentielle de handicap et de dépendance.

• Ses débuts sont insidieux et son évolution progressive. Le processus morbide commence longtemps avant l’apparition des signes cliniques (quinze ans, voire bien plus pour les premiers dépôts de protéine amyloïde, dix ans pour les troubles de la mémoire épisodique, cinq ans pour les perturbations des scores obtenus aux tests mnésiques). En revanche, les critères de démence caractérisant la maladie ne sont réunis que trois ans après le début des symptômes cliniques.

2 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• Le signe d’alerte précoce est généralement la survenue de troubles mnésiques. Concernant d’abord la mémoire des faits récents (date, anniversaire à souhaiter, rendez-vous, courses à faire, etc.), ils affectent ensuite les faits anciens (éléments autobiographiques, événements historiques) puis les acquis fondamentaux (culturels, professionnels, etc.).

• S’y associent divers troubles cognitifs avec aphasie (oubli du sens des mots, appauvrissement du vocabulaire, recours à des périphrases, etc.), apraxie, agnosie. L’incapacité à l’adaptation, à l’abstraction et à l’anticipation participe de façon déterminante à la perte d’autonomie progressive.

• L’inventaire neuropsychiatrique révèle également des symptômes d’allure psychotique (idées délirantes, hallucinations), des signes d’hyperactivité (agitation/agressivité, euphorie, désinhibition, irritabilité/instabilité de l’humeur, comportement moteur aberrant), des troubles affectifs (anxiété, dépression), de l’apathie et des signes végétatifs (troubles du sommeil, troubles des conduites alimentaires avec perte d’appétit, troubles des conduites sexuelles, etc.).

• L’aggravation et la conjugaison des troubles entraînent le déclin des activités quotidiennes du patient et conditionnent le degré de perte d’autonomie.

• La maladie d’Alzheimer évolue inéluctablement vers une perte totale de l’autonomie du patient en 5 à 10 ans.

3 COMMENT ÉVOLUE LA MALADIE ?

• Au terme de l’évolution, le patient ne peut plus communiquer, ne peut plus se repérer dans le temps et l’espace, ne reconnaît plus ses proches ni même les objets.

• Les troubles cognitifs entraînent des complications somatiques (dénutrition, chutes avec fracture et grabatisation, incontinence, comitialité, etc.), elles-mêmes à l’origine du décès.

4 COMMENT DIAGNOSTIQUER LA MALADIE ?

• La démarche diagnostique est souvent proposée au vu des inquiétudes de l’entourage, constatant des difficultés croissantes du patient à gérer son quotidien (modification de l’état psychique, troubles mnésiques et cognitifs, etc.), mais parfois aussi au terme d’une exploration de la mémoire réalisée à l’occasion d’une simple consultation médicale.

• Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer, avant tout clinique, gagne à être affirmé le plus précocement possible mais il n’est pas recommandé en population générale :

– l’évaluation clinique porte sur l’état général (dénutrition, troubles cardiaques, etc.), sur le degré de vigilance, les déficits sensoriels ;

– l’évaluation fonctionnelle s’apprécie grâce à l’échelle simplifiée des activités instrumentales de la vie quotidienne (Instrumental Activities of Daily Living) ;

– l’évaluation cognitive globale est standardisée grâce au Mini-Mental State Examination (MMSE) sur 30 points : explorant les mémoires immédiate et différée, l’orientation, l’attention, le calcul, le langage, les praxies et les fonctions exécutives, ce test permet de distinguer 4 stades évolutifs de la maladie (léger, modéré, modérément sévère, sévère). Il est utilisé pour le suivi des patients traités par un médicament spécifique de la maladie d’Alzheimer ?;

– le spécialiste peut proposer d’autres tests visant notamment à apprécier les capacités de repérage ou les capacités mnésiques des patients. Certains tests sont destinés à suivre l’évolution de la démence (CDR : Clinical Dementia Rating ; GDS : Global Deterioration Scale).

• Face aux troubles cognitifs, le neurologue élimine une étiologie psychiatrique (dépression, trouble anxieux ou psychotique), somatique (démence d’origine vasculaire, hématome sous-dural, tumeur du cerveau, infection type syphilis ou sida), métabolique (déshydratation, dysglycémie, perturbation ionique type hyponatrémie) ou iatrogène (médicaments psychotropes, opioïdes, anticholinergiques).

• Le diagnostic différentiel peut nécessiter un bilan biologique, une imagerie cérébrale (imagerie par résonance magnétique ou scanner) et, éventuellement, un dosage du peptide bêta-amyloïde et des protéines tau (protéine permettant la stabilisation des microtubules dans les axones des neurones) et tau phosphorylée dans le liquide céphalorachidien.

• Il n’existe pas actuellement de marqueur biologique fiable de la maladie d’Alzheimer permettant un diagnostic précoce.

5 EXISTE-T-IL DES FACTEURS DE RISQUE ?

• La maladie d’Alzheimer est une affection multifactorielle.

• Elle a rarement une origine génétique : les formes transmissibles, représentant à peine 1 % des cas, se caractérisent par des signes inauguraux précoces (avant 60 ans mais parfois dès 30 ans).

• Dans 90 % des cas, la maladie d’Alzheimer survient de façon sporadique, sans antécédent familial.

• Le premier facteur de risque est l’âge : l’incidence de la maladie d’Alzheimer double tous les 5 ans au-delà de 65 ans.

• D’autres facteurs de risque méritent d’être pris en compte : sexe féminin, faible niveau d’études, faible niveau d’activités intellectuelles, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, diabète, surcharge pondérale, tabagisme, environnement (toxicité de certains métaux lourds comme le mercure, etc.).

6 EST-IL POSSIBLE DE PRÉVENIR LA MALADIE ?

• S’il n’est pas possible de prévenir la maladie d’Alzheimer, des études épidémiologiques suggèrent qu’il serait possible d’en retarder ou d’en limiter l’expression clinique.

• La diversification et l’intensité des activités intellectuelles mais aussi la richesse des liens sociaux sont associées à un moindre risque de développement de la maladie.

• Un régime riche en fruits et légumes (contenant de nombreux antioxydants) et en acides gras saturés exercerait une action préventive sur les affections neurologiques dégénératives. Si de nombreux aliments exercent une action favorable sur les tests de cognition (thé vert ou cacao, riches en flavonoïdes, myrtilles, légumes et fruits riches en vitamine E et oméga-3, etc.), il n’est pas démontré que les compléments alimentaires apportent le même bénéfice.

• L’apport calorique pourrait jouer un rôle : des études sur animal montrent qu’un régime hypocalorique améliore la cognition.

• Une activité physique régulière joue également un rôle protecteur.

• Les facteurs de risque spécifiques doivent être corrigés : hypertension, troubles métaboliques, etc.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la maladie d’Alzheimer ?

Face à une évolution inéluctable et en l’absence de traitement curatif, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer repose majoritairement sur un accompagnement psychosocial et parfois sur une prescription médicamenteuse symptomatique dont le bénéfice clinique demeure réduit et transitoire.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

• L’objectif du traitement est d’améliorer les capacités cognitives du patient, de faciliter la réalisation des activités de la vie quotidienne, de réduire les troubles du comportement et de soulager la souffrance psychique du patient.

• La stratégie d’utilisation des médicaments symptomatiques de la maladie d’Alzheimer reste simple compte tenu du peu de produits commercialisés et de leur similarité : les anticholinestérasiques et un antiglutamate.

• La prise en charge du patient ne se conçoit que dans le cadre d’une action en réseau, menée par différents acteurs (neurologue, psychiatre, médecin de famille, psychologue, orthophoniste, acteurs sociaux, aidants familiaux) spécifiquement formés. Elle impose un aménagement adapté de l’environnement, une stimulation cognitive aussi soutenue que possible et la prise en charge des nombreux troubles du comportement associés à l’évolution de la maladie.

Instauration du traitement

• Les médicaments de la maladie d’Alzheimer sont tous à prescription restreinte : la délivrance des spécialités est soumise à prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie, gériatres ; le renouvellement pendant 1 an n’est pas restreint.

• Si une prescription précoce de médicaments est souvent attendue par le patient comme par ses proches, il n’est pas prouvé qu’elle soit pertinente au stade léger de la maladie (score MMSE compris entre 21 et 26). Toutefois, le traitement antidémentiel, au-delà d’un bénéfice clinique réduit, peut jouer un rôle structurant : il constitue un prédiv à l’accompagnement médicosocial et psychosocial individualisé et à la réalisation de bilans réguliers de l’évolution de l’affection.

• Une stimulation cérébrale régulière contribue à ralentir l’évolution de l’affection : vie socioculturelle active, mise en œuvre de techniques de stimulation cognitives spécifiques, participation à des ateliers mémoire, à des séances d’ergothérapie, d’art-thérapie…

• La pratique d’une activité physique régulière et adaptée, par exemple l’hortithérapie, s’impose désormais comme une technique de choix chez le patient dément.

• Le patient est revu un mois après le début du traitement.

Adaptation du traitement

• Le traitement est adapté au degré d’évolution de la maladie apprécié au moyen d’échelles standardisées :

• Stade léger de la maladie d’Alzheimer (MMSE > 20)

– Prescription en monothérapie d’un médicament anticholinestérasique, avec substitution entre molécules si mauvaise tolérance ou inefficacité apparente.

– Au vu de quelques essais portant sur des périodes brèves, les trois anticholinestérasiques présentent une efficacité analogue à court terme.

– Le traitement est instauré progressivement pour prévenir ou limiter la survenue d’effets indésirables digestifs.

– Il n’y a pas de différence quant à la tolérance, susceptible de faire privilégier un médicament plutôt qu’un autre en première intention.

• Stade modéré et modérément sévère de la maladie (10 < MMSE < 20)

Prescription en monothérapie d’un médicament anticholinestérasique, avec possibilité, en alternative, de prescrire de la mémantine (antiglutamate).

• Stade sévère (MMSE < 10)

– Seule la mémantine bénéficie d’une AMM à ce stade, avec un bénéfice clinique attendu très limité.

– Les données cliniques ne permettent pas de considérer qu’il existe une différence entre l’effet clinique de la mémantine et celui des anticholinestérasiques.

• Il est possible de réaliser des switchs entre les traitements de la maladie d’Alzheimer en fonction de la tolérance, de la clinique et de l’évolution de l’affection. En l’absence de validation d’une procédure par l’ANSM, il est possible de considérer que le switch est réalisé une fois l’iatrogénie justifiant le changement de molécule disparue (l’intolérance n’étant pas nécessairement croisée), ou sans délai s’il est justifié par une efficacité insuffisante, en raccourcissant la durée de titration du nouveau traitement, ou que le switch ne présente pas d’intérêt lorsque l’efficacité d’un traitement s’est progressivement réduite, avec l’évolution propre de la maladie.

• L’intérêt d’associer deux traitements anti-Alzheimer n’est pas démontré.

Surveillance et durée du traitement

• Les patients répondeurs au traitement ne peuvent être identifiés a priori. Les effets de ces médicaments sur les troubles du comportement, sur le délai d’entrée en institution, sur la qualité de vie des patients et des aidants ou la morbimortalité sont discutés et toujours très modestes. Ils peuvent laisser espérer, chez certains patients, un ralentissement du déclin cognitif voire, au mieux, une stabilisation clinique sur quelques mois.

• La HAS a donc accordé le remboursement des spécialités par solidarité nationale dans le souci de ne pas priver les patients répondeurs au traitement. Elle recommande que la prescription soit réévaluée de façon attentive à 6 mois. Si les objectifs thérapeutiques fixés (stabilisation voire ralentissement du déclin cognitif) sont alors atteints, et s’il n’y a pas d’effets iatrogènes graves et/ou d’altération de la qualité de vie du patient, le traitement peut être reconduit six mois supplémentaires, bien que son efficacité soit insuffisamment documentée à plus long terme.

• La Commission de la transparence recommande que les patients traités soient réévalués annuellement dans le cadre d’une consultation pluridisciplinaire.

• L’arrêt du traitement peut s’envisager, au cas par cas, dès qu’il n’y a plus de bénéfice thérapeutique ou à un stade très sévère de la maladie, lorsque le dialogue avec le patient n’est plus évident.

Prise en charge des troubles du comportement associés

L’association de médicaments psychoactifs au traitement antidémentiel reste prudente même si elle peut se justifier par les troubles du comportement ou du sommeil. De courte durée, elle n’interviendra qu’après échec de mesures non pharmacologiques.

• Antidépresseurs. Un épisode dépressif peut se traduire par des troubles du comportement : instabilité émotionnelle, anxiété, impulsivité, agitation, délire. Un antidépresseur dépourvu d’action anticholinergique (les tricycliques ne sont pas recommandés) est alors indiqué, en évitant les coprescriptions sédatives, anxiolytiques ou hypnotiques.

• Anxiolytiques. Une crise d’anxiété aiguë peut justifier la prescription d’un anxiolytique sur une courte durée, après correction de ses causes : il faut alors privilégier une molécule ayant une demi-vie brève, sans métabolite actif (ex. : lorazépam = Témesta, oxazépam = Séresta), en prenant en compte le risque iatrogène (dépression respiratoire, aggravation des troubles mnésiques, risque de chute et syndrome de sevrage en cas d’arrêt brutal). Les antihistaminiques (hydroxyzine) sont évités en raison de leur action anticholinergique. Une anxiété chronique fait privilégier la prescription d’un antidépresseur à celle d’une benzodiazépine.

• Hypnotiques. La prescription d’hypnotique doit être adaptée et non systématisée : les benzodiazépines peuvent aggraver des signes de dépression respiratoire chez un sujet âgé, et il faut privilégier les molécules à demi-vie courte type zopiclone ou zolpidem (ce dernier expose à un risque d’hallucination hypnagogique). Les hypnotiques contenant un neuroleptique « masqué » doivent être évités (ex. : Théralène). Souvent, de simples mesures d’hygiène de vie (activité physique, amélioration de l’environnement) concourent à restaurer un cycle nycthéméral satisfaisant.

• Antipsychotiques. S’ils sont actifs sur l’agitation et l’agressivité, les antipsychotiques exposent à un risque d’accidents vasculaires cérébraux et de décès : leur prescription est déconseillée chez le patient dément. Si elle s’impose, en cas de trouble sévère, d’urgence ou après échec de mesures non médicamenteuses, elle doit suivre une évaluation soigneuse du rapport bénéfice/risque (effets extrapyramidaux, chute et fausse-route alimentaire, sédation, troubles métaboliques, hypotension orthostatique, troubles du rythme cardiaque, effets anticholinergiques avec confusion mentale, rétention urinaire, constipation, etc.). Le choix se porte sur une molécule de demi-vie courte, d’action anticholinergique faible, à posologie initiale égale au quart de la posologie usuelle, avec une prescription sur une durée très limitée, réévaluée au minimum toutes les semaines. La HAS préconise le recours à la rispéridone (0,25 à 1 mg/j) ou l’olanzapine (2,5 à 5 mg/j), mais d’autres antipsychotiques atypiques conviennent aussi (aripiprazole, quétiapine).

• Thymorégulateurs. Ils ne sont pas recommandés dans la prise en charge des troubles comportementaux accompagnant une démence.

• La prescription de piribédil (Trivastal), de sélégiline, d’extrait de Ginkgo biloba, de nootropes (type piracétam), d’hormones (type déhydroépiandrostérone = DHEA) n’a pas d’intérêt dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.

Traitements à éviter

Par mesure de précaution du fait d’un antagonisme pharmacologique, les médicaments suivant sont à éviter (liste non exhaustive).

– en cas de nausées : Vogalène, Primpéran,

– en pneumologie : Atrovent, Spiriva,

– en cardiologie : Rythmodan,

– en urologie : Détrusitol, Ditropan, Céris, Vesicare,

– en allergologie : antihistaminiques de première génération.

TRAITEMENTS

• Si la dégénérescence des circuits neuronaux caractérisant la maladie d’Alzheimer altère précocement la transmission cholinergique, elle n’en finit pas moins par concerner directement ou indirectement d’autres circuits.

• Cependant, les quatre médicaments indiqués dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, d’action symptomatique, n’ont que deux mécanismes d’action : l’inhibition de la cholinestérase et l’antagonisme sur les récepteurs NMDA (antiglutamate).

• L’efficacité symptomatique de ces médicaments est du même ordre quel que soit le principe actif. Toujours transitoire, leur effet sur les troubles cognitifs reste modeste (exemple : gain de 0,3 à 1,5 sur l’échelle MMSE), tout comme leur action sur les troubles du comportement.

• Des antécédents cardiovasculaires font recommander la réalisation d’un électrocardiogramme avant le traitement spécifique de la maladie d’Alzheimer (ou usage d’un antipsychotique susceptible d’allonger le segment QT).

• La posologie d’entretien est atteinte progressivement : ceci limite, notamment pour la rivastigmine et la galantamine, l’incidence des effets digestifs, également prévenus ou réduits grâce à une hydratation suffisante voire à la prescription d’un antiémétique périphérique comme la dompéridone.

Les anticholinestérasiques

• Ces médicaments ont une cible commune : la cholinestérase. En inhibant l’activité de cette enzyme qui catalyse la dégradation de l’acétylcholine, ils renforcent le tonus cholinergique dans le système nerveux central, suppléant ainsi temporairement à l’hypocholinergie affectant notamment l’hippocampe et le cortex, précocement perturbés dans l’évolution de la maladie d’Alzheimer.

• Les anticholinestérasiques sont indiqués dans les formes légères à modérément sévères de la maladie (score au MMSE compris entre 10 et 26 et/ou score CDR compris entre 1 et 2), lorsque les neurones cholinergiques sont encore fonctionnels a minima.

• Les trois spécialités disponibles ne diffèrent guère quant à leurs effets thérapeutiques mais présentent quelques différences pharmacologiques (voir infographie page précédente).

Les anticholinestérasiques peuvent induire des effets iatrogènes importants :

– systémiques à type d’asthénie, souvent transitoire ;

– digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, dyspepsie, anorexie, réduits par le recours à une galénique LP) ; ces manifestations, plus fréquentes chez les femmes, restant généralement bénignes et transitoires (une semaine) ;

– neurologiques (céphalées, somnolence diurne et/ou insomnie, vertiges, crampes, parfois confusion mentale) sont possibles en début de traitement, notamment si l’escalade posologique est trop rapide ;

– cardiaques (arythmie), fréquents et parfois sévères.

• Ces médicaments sont administrés avec précaution chez les patients présentant :

– des antécédents cardiovasculaires, et notamment des troubles du rythme (en raison d’une action vagotonique susceptible d’induire une bradycardie), ou sous traitement bradycardisant (bêtabloquants, etc.) ; la surveillance doit être étroite chez les patients traités par d’autres médicaments cardiotoxiques (antipsychotiques) ;

– des troubles gastro-intestinaux (antécédents d’ulcère, d’ulcère évolutif, d’une obstruction gastro-intestinale, etc.) ;

– des troubles neurologiques (l’augmentation du tonus cholinergique peut aggraver un syndrome extrapyramidal) ;

– des troubles respiratoires (antécédents d’asthme ou de bronchopneumopathie chronique obstructive, etc.).

• La relaxation musculaire induite par les protocoles d’anesthésie chirurgicale peut être exacerbée.

• Le surdosage, redoutable chez des patients connaissant des difficultés croissantes à gérer le traitement de façon autonome, se traduit par une faiblesse musculaire intense ou des fasciculations, des vomissements, des crampes digestives, une hypersalivation, un larmoiement, une sudation, des mictions et défécations spontanées, une bradycardie, un spasme bronchique, de l’hypotension, des torsades de pointes, un allongement du QT, d’éventuelles convulsions. Le traitement symptomatique repose sur l’injection d’atropine.

• Le passage des gélules ou de la solution buvable aux dispositifs transdermiques est réalisé ainsi : un patient prenant une dose de 3 mg/jour de rivastigmine orale peut passer aux dispositifs transdermiques 4,6 mg/24 h, pour une dose de 6 mg/jour de rivastigmine orale il peut passer aux dispositifs transdermiques 4,6 mg/24 h et pour une dose stable et bien tolérée de 9 ou 12 mg/jour de rivastigmine orale, il peut passer aux dispositifs transdermiques 9,5 mg/24 h. Après un passage aux dispositifs transdermiques 4,6 mg/24 h, et si ceux-ci sont bien tolérés après un minimum de 4 semaines de traitement, la dose doit être augmentée à 9,5 mg/24 h qui est la dose efficace recommandée.

Le premier dispositif transdermique doit être appliqué le lendemain de la dernière dose orale.

Les antagonistes NMDA = antiglutamate

• Cette famille est limitée à la mémantine (Ebixa), un antagoniste non compétitif des récepteurs NMDA. Indiquée comme les médicaments précédents dans les stades modérés de la maladie d’Alzheimer, la mémantine est le seul médicament également indiqué du stade modéré à sévère de la maladie (score MMSE compris entre 19 et 3).

• Les effets indésirables restent de faible intensité.

Ce traitement peut induire des troubles neurologiques (céphalées, somnolence, vertiges, crises convulsives parfois hallucinations), digestifs (constipation notamment), une dyspnée et de l’hypertension.

Perspectives

La multiplicité des cibles thérapeutiques faisant l’objet d’études sur modèle animal et la multiplicité des essais cliniques en cours ne permettent pas d’envisager à court terme des progrès majeurs dans le traitement de la maladie.

• L’arrêt brutal, en 2002, de l’essai d’un vaccin antipeptide amyloïde, bien toléré chez la souris mais ayant entraîné le décès par encéphalite de plusieurs patients, ne remet pas en cause la pertinence de l’approche immunologique.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Maurice, 71 ans, mari de Monique, 69 ans, retraités

« Du fait de ma profession, je ne passais que peu de temps avec mon épouse. Je n’ai pris ma retraite qu’il y a cinq ans. J’ai mis plusieurs mois à comprendre que quelque chose n’allait pas, peut-être parce que son déclin a été plus progressif au début. Ma femme partait faire des courses et revenait avec la moitié de ce qu’elle devait acheter, perdait ses lunettes sans arrêt, voyait de moins en moins ses amies. Elle qui a toujours été coquette a cessé de prendre soin d’elle. Cela m’a incité à l’emmener chez un psychiatre. Je pensais qu’il s’agissait d’une petite déprime et qu’elle vieillissait mal, mais sûrement pas qu’on lui diagnostiquerait une maladie d’Alzheimer à 64 ans. Sous traitement depuis plus de 4 ans, rien ne s’est arrangé. Une dame de confiance m’aide, on ne peut plus la laisser seule une minute, elle fugue, n’a plus de notion d’hygiène, est incapable de s’alimenter seule et a beaucoup maigri. Elle ne reconnaît plus ses propres enfants ! Pour sa sécurité et parce que aujourd’hui je ne me sens plus capable de la surveiller, je lui ai trouvé une place en institution. J’espère que cela se passera au mieux. »

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTS

La maladie d’Alzheimer a des répercussions familiales et sociales considérables.

Impact psychologique

• Comprendre comment le sujet atteint de maladie d’Alzheimer vit ses oublis est complexe. Certains sont, les premières années, douloureusement conscients de leurs troubles. Mais, dans la plupart des cas, il est difficile de saisir ce que le patient ressent lui-même du fait de l’atteinte du langage, de la perte du fil du raisonnement et du discours.

• La reconnaissance par le malade de ses troubles mnésiques est frustrante et anxiogène. Ensuite, le déni de la maladie est une étape fréquente lors de son évolution.

• Le patient perçoit le changement d’attitude de son entourage à son égard, ce qui accentue parfois le repli sur soi. Lorsqu’il est lucide, il éprouve un sentiment de dévalorisation, de perte de contrôle de son existence.

• Lorsque le patient prend conscience qu’il n’occupe plus la même place dans la « hiérarchie familiale », il éprouve souvent la sensation de devenir un fardeau pour son entourage.

Impact sur la vie quotidienne

• La détérioration des fonctions cognitives s’accompagne d’un retentissement significatif sur les activités professionnelles et sociales, qui deviennent rares voire inexistantes.

• L’évolution de la maladie est progressive, avec aggravation des troubles cognitifs et de la dépendance vis-à-vis de tous les actes de la vie, notamment lorsque les fonctions motrices sont touchées : alimentation, toilette, habillage, déplacements…

Impact pour l’entourage

L’entourage du patient est amené à faire face :

– aux symptômes et troubles liés à la maladie (difficulté de communiquer avec le patient ou agnosie…) ;

– aux troubles du comportement qui y sont souvent liés : agressivité, symptômes d’allure « psychotique », problèmes relationnels… ;

– à l’accroissement de la dépendance du patient, l’aidant se voyant souvent confier la responsabilité d’administrer le traitement au patient ;

– à l’absence de répit et à un sentiment de solitude : au fil du temps, le patient Alzheimer demande de plus en plus d’attention et de soins. L’aidant doit constamment être vigilant, ce qui réduit fortement le temps qu’il peut consacrer à des activités sociales et de loisirs.

À DIRE AUX PATIENTS/ À L’ENTOURAGE

A l’officine, c’est le plus souvent aux aidants (familiaux ou autres) que le pharmacien est amené à délivrer des conseils pour une meilleure prise en charge.

A propos de la pathologie

• La prise en charge non médicamenteuse et l’aide à l’entourage sont déterminantes pour retarder l’institutionnalisation du patient : maintien à domicile avec des aides professionnelles : infirmier pour les soins, aide-soignant pour l’hygiène et la distribution des médicaments, ergothérapeute pour adapter le logement, auxiliaire de vie, kinésithérapeute, portage de repas, téléalarme…

• L’entrée en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) pour un patient vivant seul ou lorsque la prise en charge devient trop lourde doit être préparée et une protection juridique (tutelle ou curatelle) doit être envisagée si nécessaire.

• Conseils à donner au comptoir pour éviter les complications : avertir des risques de la conduite automobile (voire arrêt définitif), proposer tapis antidérapant, siège de douche, poignées, chaise garde-robe, rehausse-WC… Un lit médicalisé peut s’avérer nécessaire pour éviter les chutes nocturnes, les fugues ou faciliter les soins. Garder les produits toxiques hors de portée du malade. Aménager les portes intérieures de sorte que le malade ne puisse s’enfermer accidentellement. Retirer les tapis et obstacles risquant de provoquer une chute. En cas de fugue, coudre sur les vêtements des étiquettes mentionnant le nom et le téléphone du patient et la personne responsable.

A propos du traitement

• Expliquer qu’il ne faut pas attendre une guérison suite au traitement, l’objectif étant de ralentir le déclin du patient d’autant que certains répondent au traitement et d’autres non.

• S’assurer au comptoir d’une bonne observance : compréhension du traitement, présence d’un aidant pour surveiller les prises. Conseiller l’utilisation d’un pilulier si nécessaire.

• Prévenir la dénutrition : pesée mensuelle, présence de l’aidant pour s’assurer que le patient s’alimente correctement pour pouvoir l’aider si nécessaire (couper les aliments…), vérifier que le patient ne souffre pas de troubles qu’il ne saurait exprimer (douleurs dentaires ou problème de déglutition par exemple). Le pharmacien doit rappeler que la supplémentation orale est à consommer entre les repas.

• Orienter vers les ateliers mémoire les patients au stade léger pour entretenir leurs capacités cognitives, vers l’orthophoniste en cas de trouble du langage…

Dépistage

Au comptoir, le pharmacien qui repère des signes précoces d’une maladie d’Alzheimer peut orienter le patient vers le généraliste pour envisager une consultation mémoire. Ces signes peuvent être : des troubles mnésiques exprimés par le patient ou son entourage, des demandes d’explication ou des discours récurrents, une désorientation, une perte de poids (le sujet oubliant de manger), des signes de dépression, le fait de venir plusieurs fois chercher ses traitements.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. Le médecin généraliste a adapté les formes galéniques pour faciliter l’administration car la patiente a des problèmes de déglutition. L’association anticholinestérasique-mémantine est possible bien que d’une efficacité non prouvée. Attention à bien préciser l’utilisation de la pompe doseuse d’Ebixa : l’amorcer en réalisant 5 pressions ; ensuite, 4 pressions délivrent la dose voulue de 20 mg dans un verre d’eau.

ORDONNANCE 2 : OUI, mais le pharmacien appelle le médecin traitant pour s’assurer de la pertinence de la prescription de Vesicare, antispasmodique anticholinergique, car son association avec la galantamine est à utiliser avec précaution (antagonisme d’action).

MÉMO-DÉLIVRANCE

Le patient est-il bien pris en charge ?

• Les patients atteints de la maladie d’Alzheimer doivent bénéficier d’une pris en charge globale : psychologique, sociale et environnementale. Le traitement médicamenteux « antidémentiel » (anticholinestérasique, antiglutamate) n’est pas obligatoire et dépend du stade de la maladie. Il ne permet pas de guérir la maladie mais ralentit le déclin cognitif. Une association médicamenteuse n’est pas recommandée.

• La prescription d’un antidépresseur, d’un anxiolytique, d’un hypnotique, d’un antipsychotique ou d’un thymorégulateur peut être justifiée mais doit rester prudente.

Le patient ou son entourage présentent-ils la prescription adéquate ?

• La délivrance des spécialités est soumise à une prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en neurologie, en psychiatrie ou en gériatrie et aux médecins généralistes titulaires de la capacité de gérontologie. Le renouvellement n’est pas restreint.

• Attention aux surdosages : le patient ne doit pas reprendre une dose s’il ne se rappelle plus l’avoir déjà prise !

Le patient ou son entourage ont-ils compris la posologie ?

• A l’initiation du traitement, la posologie est progressive afin d’éviter les effets secondaires. Pour la rivastigmine et la galantamine, ces derniers peuvent être prévenus par ou réduits grâce à une hydratation suffisante ou à la prescription d’antiémétiques.

• Le patch doit être administré sur une peau sèche et propre, sans pilosité. Il doit être remplacé par un nouveau patch après 24 heures, en prenant soin de le retirer correctement. Ne pas découper le patch. Il faut éviter d’appliquer le dispositif sur la même zone cutanée pendant 14 jours afin de minimiser le risque potentiel d’irritation cutanée.

Le patient ou son entourage connaissent-ils les effets indésirables possibles ?

Anticholinestérasiques

Les effets indésirables peuvent être digestifs, neurologiques, cardiaques. En cas de fortes chaleurs, les anticholinestérasiques peuvent entraîner des troubles de la thermorégulation : il faut contacter le médecin pour diminuer leur posologie.

Antiglutamate

Les effets indésirables peuvent être digestifs, neurologiques, cardiaques et respiratoires.

Le patient ou son entourage savent-ils comment utiliser les compléments nutritionnels ?

La supplémentation orale est à consommer entre les repas. Elle ne remplace pas les repas. Elle peut être consommée fraîche pour améliorer leur tolérance digestive et peut se conserver 24 heures au réfrigérateur après ouverture.

L’aidant connaît-il les associations d’entraide ?

L’aidant peut être orienté auprès d’associations type France Alzheimer afin d’être soutenu (accueil de jour, « vacances répit »…).

LE CAS

Monsieur P. se présente avec une nouvelle ordonnance du neurologue pour sa femme, qui lui a diagnostiqué une maladie d’Alzheimer il y a environ un an. Depuis plusieurs semaines en effet, l’état de Mme P. s’aggrave : l’altération de sa mémoire commence à toucher des faits anciens, elle est désorientée dans le temps, s’alimente avec difficulté et a perdu 2 kg en un mois.

MMSE (MINI-MENTAL STATE EXAMINATION)

Test d’évaluation des fonctions cognitives.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous :

ordonnance@wolters-kluwer.fr

Qu’en pensez-vous

Lors de l’initiation d’un traitement par Ebixa, la posologie doit être augmentée de 5 mg :

1) chaque semaine

2) tous les quinze jours

3) chaque mois

Qu’en pensez-vous

Le pharmacien peut-il délivrer ces sirops ?

1) Sirop à base de dextrométhorphane

2) Sirop à base d’antihistaminique H1

3) Sirop à base de pentoxyvérine

EN CHIFFRES

• France : 860 000 cas de démence dont 80 % de patients Alzheimer.

• 230 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année.

• 30 à 50 000 de ces patients ont moins de 60 ans.

• Passé 75 ans, les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes.

• Le nombre de cas Alzheimer devrait doubler d’ici 2030 et tripler d’ici 2050.

• La maladie d’Alzheimer est la cause de mortalité qui a le plus augmenté en France entre 2000 et 2008 : + 72 %.

PROTÉINE (PEPTIDE) AMYLOÏDE

Peptide libéré par scission de la protéine précurseur de l’amyloïde, s’accumulant en quantité anormalement élevée autour des neurones dans le cerveau du patient atteint de maladie d’Alzheimer.

APHASIE

Trouble de la compréhension du langage parlé ou écrit.

Physiopathologie

• L’étiologie de la maladie d’Alzheimer demeure inconnue.

• Les formes familiales, génétiques, restent exceptionnelles.

• L’affection est caractérisée par deux types de lésions affectant, dans une évolution immuable, diverses zones du cerveau :

– un clivage enzymatique anormal d’une protéine transmembranaire (APP = Amyloid Precursor Protein) induit la formation massive de peptide amyloïde (bêta-amyloïde). Echappant au système biologique de dégradation, ce peptide s’accumule entre les neurones. Il y forme le cœur de structure spécifique, les « plaques séniles », dont la couronne, diffuse, est constituée d’un réseau d’axones dégénérés, de cellules microgliales activées (libérant des cytokines pro-inflammatoires), d’agrégats de cholestérol et d’apolipoprotéine E ;

– la protéine tau, phosphorylée en excès, ne joue plus son rôle dans la stabilisation des microtubules à l’intérieur des neurones : elle y forme des enchevêtrements caractérisant la « dégénérescence neurofibrillaire ».

Pour s’en tenir au modèle de la « cascade amyloïde », des facteurs inconnus induiraient une production anormale de peptide amyloïde. Ceci induit le dérèglement de la protéine tau et la dégénérescence fibrillaire. Autoentretenu, ce processus morbide se propage dans certaines zones du cerveau, entraînant la disparition par apoptose des neurones impliqués dans la transmission cholinergique et la transmission glutamatergique.

APRAXIE

Symptôme de dysfonctionnement cérébral que traduit l’incapacité à effectuer un mouvement ou une série de mouvements malgré des fonctions motrices et sensitives intactes.

AGNOSIE

Trouble cognitif se manifestant par un déficit de la capacité à reconnaître des objets, des couleurs, des sons, des visages, etc.

APATHIE

Fatigue physique associée à une perte de motivation et à une diminution des réactions émotionnelles.

PRAXIE

Fonction de coordination et d’adaptation des gestes intentionnels dans le but d’accomplir une tâche donnée.

PLAQUE SÉNILE

Dépôt périneural essentiellement constitué d’un noyau amyloïde entouré d’une couronne diffuse d’axones chargés de protéine tau.

HORTITHÉRAPIE

Technique de soins reposant sur la pratique du jardinage.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• Novembre 2011 : les spécialités « anti-Alzheimer » sont rétrogradées à un SMR mineur et à une ASMR de niveau V car la HAS juge leur efficacité « au mieux modeste et de pertinence clinique discutable ».

• Mars 2012 : le taux de remboursement des spécialités « anti-Alzheimer » passe de 65 % à 15 % mais la maladie d’Alzheimer reste une ALD.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications doivent être connues du pharmacien :

• Galantamine (Reminyl) : insuffisances hépatique et rénale sévères, insuffisance hépatique associée à une insuffisance rénale.

• Rivastigmine (Exélon) : insuffisance hépatique sévère.

HALLUCINATION HYPNAGOGIQUE

Hallucination accompagnant l’endormissement.

RÉCEPTEURS NMDA

Récepteurs activés par le glutamate et la glycine, essentiel au processus mnésique et à la plasticité neuronale. Ils sont activés par le N-méthyl-D-aspartate, d’où leur nom.

BUTYRYLCHOLINESTÉRASE

Cholinestérase très proche de l’acétylcholi– nestérase et participant comme elle à l’activité « estérase » du plasma.

SYNDROME EXTRAPYRAMIDAL

Syndrome neurologique associant tremblement de repos, hypertonie, akinésie (mouvements rares et lents). Il caractérise la maladie de Parkinson mais peut être d’origine iatrogène.

FASCICULATIONS

Brèves secousses musculaires involontaires correspondant à la stimulation isolée d’une unité motrice. Elles témoignent de fluctuations dans l’excitabilité du motoneurone correspondant à cette unité.

POINT DE VUE Dr Renaud David, praticien hospitalier, psychiatre au centre mémoire de ressources et de recherche de Nice, interrogé par Carole Fusi

« La non-prescription des quatre médicaments actuels de la maladie d’Alzheimer n’est pas justifiée »

Quand arrêter un traitement par anticholinestérasique ou antiglutamate ?

En cas de MMSE trop bas (stade très sévère), le traitement n’est probablement plus justifié car il n’y a plus de bénéfice possible au niveau cognitif (ou, du moins, il est trop difficile à mettre en évidence) et le rapport bénéfice/risque s’inverse. Mais certaines études laissent à penser que maintenir le traitement le plus longtemps possible pourrait avoir des effets bénéfiques sur le plan comportemental. Aucune recommandation précise n’existe. Le choix de l’arrêt du traitement doit être pris au cas par cas.

Y a-t-il des perspectives thérapeutiques ?

Les résultats de deux études testant un anticorps spécifique ont été dévoilés au Clinical Trials Conference on Alzheimer’s Disease à Monaco en octobre dernier. L’une n’a pas montré de résultats probants, l’autre semble montrer un bénéfice léger, uniquement pour les patients à un stade précoce de la maladie.

Cependant, pour le moment, aucun traitement n’a abouti au stade de mise sur le marché malgré l’existence de plusieurs essais médicamenteux.

Quels messages aimeriez-vous faire passer aux pharmaciens ?

Malgré les polémiques récentes sur les quatre médicaments actuels de la maladie d’Alzheimer, leur non-prescription ou leur arrêt prématuré ne sont pas justifiés en raison de leur effet, certes modeste, au plan cognitif et comportemental.

Par ailleurs, certains patients rapportent parfois la gêne rencontrée lorsqu’ils se voient délivrer des molécules génériques dont l’aspect visuel peut varier suivant les laboratoires pharmaceutiques et être source de confusion dans la prise du traitement.

QUESTION DE PATIENT

« Lors du dernier épisode de canicule, le médecin a remplacé les patchs d’Exelon de mon mari à 9,5 mg par du 4,6. Pourquoi ? »

L’annonce d’une vague de chaleur est l’occasion de réévaluer l’intérêt des psychotropes et des anticholinestérasiques susceptibles d’aggraver les troubles de la thermorégulation. On peut envisager leur arrêt provisoire ou définitif ou une réduction de leur dose.

QUESTION DE PATIENT

« Je ne vais pas pouvoir continuer à garder ma mère à mon domicile mais j’ai peur que le placement ne soit trop brutal et lui fasse perdre tous ses repères… »

L’hébergement temporaire ou la fréquentation régulière d’un accueil de jour sont de bonnes façons de mettre en confiance le malade et sa famille en vue d’un placement en institution.

SITE INTERNET

FRANCE ALZHEIMER

www.francealzheimer.org

Créée en 1985, France Alzheimer est une association nationale s’appuyant sur un réseau de plus de cent associations départementales. Elle a notamment pour mission de soutenir les malades et leur famille avec des aides concrètes (accueils de jours, « vacances répit »…), les informer sur les droits, aides et accompagnements possibles.

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