LES RECOMMANDATIONS DE LA HAS SONT-ELLES UTILES ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2967 du 26/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2967 du 26/01/2013
 

Actualité

Auteur(s) : Magali Clausener*, Damien Lacroix**

La polémique sur les pilules de 3e et de 4e génération a mis en exergue le non-suivi de la recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS) préconisant leur prescription en deuxième intention. Pourquoi ? Et qu’en est-il des autres recommandations de la HAS ?? Ont-elles toutes leur utilité légitime ?

Personne ne lit les recommandations de la Haute Autorité de santé !, affirme le Dr Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syngof (Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France). Le circuit de l’information est compliqué. La recommandation sur les pilules de troisième et quatrième génération date de 2007, je ne sais même plus si on l’a reçue ! » Michel Chassang, président de la CSMF (Confédération des syndicats médicaux de France), reconnaît que si les médecins reçoivent les recommandations de la HAS, ils n’ont pas toujours le temps de les lire. Leur élaboration soulève aussi des questions, sachant que les sociétés savantes publient également des recommandations, et même l’ANSM. « On s’y perd ! », s’exclame Elisabeth Paganelli, qui souligne aussi le temps de rédaction des recommandations de la HAS et leur actualisation. « Les autorités ne sont pas toujours d’accord, les pays non plus », remarque de son côté Michel Chassang.

Experts indépendants contre sociétés savantes

Les recommandations de bonnes pratiques (RBP) de la HAS sont élaborées par un groupe d’experts indépendants. Le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la HAS, est conscient des limites des recommandations émises par son collège, mais ne doute pas de leur diffusion : « Les médecins ont une bonne visibilité de nos recommandations, mais ils ne les suivent pas toujours. Les experts de la Haute Autorité de santé sont souvent moins renommés que les experts de sociétés savantes, mais ils sont en revanche plus indépendants. » Car les experts des sociétés savantes ne sont pas tenus de respecter les exigences d’indépendance vis-à-vis des laboratoires. En revanche, « il faut du temps pour réunir un groupe d’experts indépendants », précise le président de la HAS.

Pour Jean-Luc Harousseau, les recommandations de la HAS présentent en outre l’avantage de couvrir plusieurs spécialités. Concernant la maladie d’Alzheimer par exemple, la HAS prend en compte à la fois les données des neurologues et celles des médecins généralistes. Autre point de divergence possible, l’élaboration des RBP ne se fonde pas uniquement sur des critères scientifiques : « Nous tenons compte des facteurs économiques à travers des études coût/efficacité dans les nouvelles recommandations, comme dans celle sur le diabète de type 2, en cours d’élaboration. » Pour actualiser le contenu de ses RBP plus rapidement et répondre à la demande des professionnels de santé, la HAS souhaite participer aux groupes de travail des sociétés savantes de manière à étoffer le nombre de ses recommandations accréditées, en appliquant sa propre méthodologie et son exigence en termes de conflits d’intérêts. Elle continuera par ailleurs à établir des recommandations par elle-même.

Pour autant, les recommandations sont-elles et seront-elles utiles pour les médecins ? Pour la HAS, elles sont un outil d’information et de formation. Elles sont largement utilisées par les étudiants en médecine pour préparer les examens. Pour les médecins, c’est un des outils d’amélioration des pratiques professionnelles, mais qui ne doit pas constituer la seule source d’information. Selon Jean-Luc Harousseau, les RBP constitueront un support important dans la mise en place du DPC (développement professionnel continu). Et aussi paradoxal que cela paraisse, les généralistes tiennent à ces recommandations. « Les recommandations sont émises par la collectivité scientifique et j’ai confiance. Elles permettent d’améliorer les pratiques », déclare Michel Chassang. Mais de nuancer aussitôt : « Il faut qu’elles soient plus lisibles, plus pédagogiques et plus simples ».

Des recommandations non opposables

Pour Claude Leicher, président de MG-France, il faudrait aussi qu’elles concernent les soins primaires, « elles sécurisent et garantissent les médecins d’une certaine responsabilité médicolégale ». Quant à les rendre opposables, il n’en est pas question. « On ne peut pas rendre opposable une recommandation car il faut s’adapter au patient », estime Michel Chassang. « Le médecin a un mandat individuel face à son patient. Il fait un arbitrage individuel, or les recommandations sont “populationnelles”, remarque Claude Leicher. C’est encore plus vrai pour les personnes atteintes de polypathologies. On ne peut pas appliquer une recommandation par exemple pour la maladie de Parkinson, si le patient a d’autres pathologies. »

La Haute Autorité de santé ne tient d’ailleurs pas à rendre opposables ses recommandations. Comme elle ne souhaite pas non plus vérifier qu’elles sont effectivement appliquées. Le président de MG-France pense que ces RBP « s’imposent naturellement ». Quoi qu’il en soit, la consultation médicale restera un colloque singulier avec le patient et un exercice difficile. « Il faut comprendre que les médecins prescrivent sous une pression : celle de la communauté scientifique et des recommandations de la Haute Autorité de santé ou celle du patient, ou bien celle des leaders d’opinion. La prescription est la résultante de tout cela », conclut Claude Leicher.

REPÈRES

• La HAS a été créée en 2004.

• Elle publie environ 10 recommandations de bonnes pratiques (RBP) par an.

• A ce jour, 87 RBP ont été publiées.

• 6 ont été suspendues en mai 2011 par décision du Conseil d’Etat, en raison de conflits d’intérêts.

• 6 sont en cours d’actualisation (dont une a fait partie de celles suspendues en 2011).

Les Recos 2 clics

Pour faciliter l’accès aux recommandations de bonnes pratiques et leur lisibilité, la HAS a mis en place, en octobre 2011, les « Recos 2 clics ». Ces documents interactifs en ligne reprennent le div de chacune des recommandations (les 18 dernières publiées uniquement) et contiennent des liens qui permettent d’accéder plus rapidement à l’information souhaitée. D.L.

Les recommandations de l’ANSM

Chaque année, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) émet deux à trois recommandations sur la prise en charge des maladies, en collaboration avec la HAS. Comme la HAS, elle ne suit pas leurs réels effets. Elle ne vérifie pas non plus si elles sont effectivement lues par les médecins et ne les diffusent qu’aux syndicats et aux sociétés savantes. Désormais, l’agence n’émettra plus de recommandations sur la prise en charge des pathologies afin d’éviter de multiplier les sources. Seule la HAS publiera des recommandations officielles. Selon l’ANSM, il est difficile d’évaluer quelles sont les informations qui permettent aux médecins d’actualiser leurs connaissances, mais les leaders d’opinion joueraient un rôle important. Ces personnes peuvent relayer (ou pas) les recommandations officielles, sans nécessairement indiquer leurs sources. D.L.

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