Les nouveaux anticoagulants oraux - Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013
 

Cahiers Formation du Moniteur

SPÉCIAL ANTICOAGULANTS ORAUX

Le suivi des patients sous nouvel anticoagulant oral (NACO) comporte le même objectif que celui des patients sous AVK : la prévention du risque hémorragique. Mais pour les NACO, aucun paramètre biologique comme l’INR ne viendra alerter le patient, le pharmacien ou le médecin en cas de sur– ou de sous-anticoagulation. Raison de plus pour veiller à obtenir l’adhésion du patient au traitement, indispensable à une observance rigoureuse. Là encore, la première étape passe par une connaissance parfaite de ces nouveaux médicaments.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ESSENTIELLES ENTRE AVK ET NACO ?

• Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) agissent de façon ciblée en inhibant directement la thrombine ou le facteur Xa, à la différence des AVK qui inhibent, en amont, un ensemble de facteurs impliqués dans la cascade de la coagulation.

• De ce fait, ils agissent plus rapidement que les AVK, et ne nécessitent pas d’instaurer une anticoagulation par héparine en attendant leur pleine efficacité. Rivaroxaban, apixaban et dabigatran pourraient presque être qualifiés « d’héparines orales ? » si l’on se réfère à leur site d’action.

• Leur durée d’action est plus longue que celle des héparines mais beaucoup plus courte que celle des AVK.

QUELLES SONT LES INDICATIONS DES NACO ?

• La première indication des NACO en 2009, assez confidentielle, a été la prévention des TVP et des embolies pulmonaires, chez les adultes ayant bénéficié d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou. Autant dire que ces NACO étaient finalement peu délivrés en ville, la durée de traitement n’excédant pas 5 semaines. A l’heure actuelle, les trois NACO commercialisés (Xarelto, Pradaxa, Eliquis) ont tous cette indication, mais uniquement pour leurs « faibles dosages ».

• En juin 2012, Xarelto et Pradaxa, à des dosages supérieurs, devenaient indiqués chez les patients souffrant de fibrillation atriale – voir page 29 – (un trouble du rythme cardiaque fréquent) et présentant un ou plusieurs facteur de risque*, en prévention des AVC et des embolies systémiques. Une indication passée relativement inaperçue chez les pharmaciens mais dont les médecins ont tout de suite vu l’implication. Cela a fait décoller les prescriptions.

• En septembre 2012, Xarelto obtenait une AMM en traitement des TVP et prévention des récidives, en alternative au classique duo héparine/AVK, Nul doute que d’autres NACO suivront.

QUELLE EST LEUR POSOLOGIE ?

Les NACO existent sous différents dosages et il faut être particulièrement vigilant lors de la délivrance, qui nécessite impérativement de connaître l’indication du traitement.

Xarelto (rivaroxaban)

Trois dosages de Xarelto existent : 10 mg, 15 mg, 20 mg.

– Xarelto 10 mg n’est indiqué que dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou.

– Xarelto 15 et 20 mg sont indiqués dans le traitement et la prévention des rechutes de TVP et de l’embolie pulmonaire : 30 mg/jour en deux prises pendant 3 semaines puis 20 mg/jour en une prise.

Xarelto 20 mg est indiqué de plus dans la fibrillation atriale (20 mg/jour).

La prise doit se faire au cours d’un repas pour améliorer la biodisponibilité.

Pradaxa (dabigatran)

Trois dosages de Pradaxa existent : 75 mg, 110 mg et 150 mg, mais attention les posologies ne sont pas calquées sur celles de Xarelto !

– Pradaxa 110 mg est indiqué dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou. La posologie est de deux gélules à 110 mg par jour en une prise pendant 10 jours (genou) ou 28 à 35 jours (hanche).

– Pradaxa 75 mg a la même indication (à la même posologie de 2 gélules en une prise/jour) mais est prescrit en cas d’insuffisance rénale modérée, chez le sujet de plus 75 ans, ou lors de certaines associations (vérapamil, amiodarone, quinidine).

– Pradaxa 150 mg est indiqué dans la prévention de l’AVC et de l’embolie systémique chez des patients présentant une fibrillation atriale associée à un facteur de risque. La posologie est d’une gélule à 150 mg deux fois par jour. Chez les patients de plus de 80 ans, traités par vérapamil, ou dans certains cas après évaluation du risque de saignement (insuffisance rénale modérée, RGO, gastrite, patient âgé de 75 à 80 ans…), on utilise Pradaxa 110 mg deux fois par jour.

La prise se fait au cours ou en-dehors des repas. Les gélules ne doivent pas être ouvertes (augmentation du risque hémorragique).

Eliquis (apixaban)

Un seul dosage est commercialisé à l’heure actuelle : Eliquis 2,5 mg, indiqué dans la prévention des thromboses lors des chirurgies de hanche ou de genou. La dose préconisée est d’un comprimé à 2,5 mg deux fois par jour. La durée de traitement recommandée est de 32 à 38 jours en cas de chirurgie pour prothèse totale de hanche et de 10 à 14 jours en cas de chirurgie pour prothèse totale de genou.

Eliquis vient d’obtenir une AMM européenne dans la prévention des AVC et de l’embolie systémique en cas de FA. Dans ce cadre, un deuxième dosage à 5 mg pourrait rapidement être commercialisé en France.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La conduite diffère selon le NACO.

– Dabigatran : prendre la dose oubliée au maximum 6 h avant la dose suivante ;

– Rivaroxaban : prendre dans la journée de l’oubli ;

– Apixaban : prendre dès que possible en continuant sur le rythme de deux prises par jour.

QUELS SONT LEURS EFFETS INDÉSIRABLES ?

Risque hémorragique

Le risque hémorragique est toujours présent avec les NACO avec des accidents graves possibles, parfois mortels. Ce risque est accru chez les patients âgés, en cas d’insuffisance rénale, de poids < 50 kg, de pathologies ou d’intervention associées à un risque hémorragique particulier.

La fonction rénale doit être systématiquement évaluée (clairance de la créatinine) avant la mise en route du traitement.

Risque de thrombose

Une thrombose ou une récidive de thrombose peut survenir en cas d’anticoagulation insuffisante (mauvaise observance par exemple…). Dans le suivi post-commercialisation, les cas « d’inefficacité » du dabigatran faisaient partie des effets les plus fréquemment rapportés (22 %).

Autres effets indésirables

D’autres effets indésirables peuvent apparaître :

– Des nausées, diarrhées et des douleurs abdominales.

– Une anomalie de la fonction hépatique a été notée plus particulièrement avec le dabigatran qui fait l’objet d’une surveillance renforcée. Le ximelagatran (Exanta), le premier antithrombine par voie orale, avait été retiré du marché en 2006 en raison de sa toxicité hépatique.

– Le risque d’infarctus du myocarde serait augmenté avec le dabigatran par rapport à la warfarine mais l’interprétation des données reste délicate en raison du manque de recul.

QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS ?

• Attention ! Les NACO sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère. Le dabigatran est éliminé à 80 % par voie rénale, contre 25 à 30 % pour le rivaroxaban et l’apixaban. Pour le dabigatran, même une insuffisance rénale légère à modérée peut conduire à un surdosage et accroît le risque hémorragique.

• Les NACO sont également contre-indiqués en cas de saignement évolutif significatif, d’insuffisance hépatique associée à un risque de saignement majeur (ulcération gastro-intestinale, néoplasies malignes à haut risque de saignement, lésion cérébrale ou rachidienne récente, intervention chirurgicale cérébrale, rachidienne ou ophtalmique récente, hémorragie intracrânienne récente…).

PEUT-ON DÉLIVRER UN NACO EN CAS DE GROSSESSE OU D’ALLAITEMENT ?

– L’utilisation de Pradaxa chez la femme enceinte n’est pas conseillée. L’allaitement doit être suspendu.

– Xarelto est contre-indiqué en cas de grossesse et d’allaitement (passage de la barrière placentaire et dans le lait maternel).

– En l’absence de données chez l’homme, l’utilisation d’Eliquis n’est pas recommandée pendant la grossesse et l’allaitement.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

• Les NACO (sauf Xarelto 10 mg) sont contre-indiqués avec tous les autres anticoagulants, en dehors d’une phase de relais entre NACO et AVK qui justifie quelque jours de coprescription (temps de montée en efficacité des AVK).

• Les NACO sont, comme les AVK, déconseillés avec les AINS. Contrairement aux AVK, leur liaison aux protéines plasmatiques est faible. Cependant, les AINS peuvent interférer avec la fonction rénale et augmentent le risque de saignement. Si l’association est justifiée, elle nécessite une surveillance clinique rapprochée.

• Les autres interactions dépendent du NACO. Apixaban et rivaroxaban ont les mêmes interactions (voir tableau ci-dessous).

POURQUOI SONT-ILS SOUMIS À UN PGR ?

Les nouveaux anticoagulants font l’objet d’un plan de gestion des risques (PGR) européen comme l’ensemble des nouveaux médicaments.

– Dabigatran : suivi des accidents hémorragiques, suivi des infarctus du myocarde, et des atteintes hépatiques.

– Rivaroxaban : suivi des accidents hémorragiques, suivi des atteintes hépatiques, pancréatiques et rénales.

– Apixaban : suivi des accidents hémorragiques, suivi des atteintes hépatiques,

Ils font également partie d’un plan de suivi national. Les premiers résultats nationaux montrent que les effets indésirables les plus souvent rapportés sont les hémorragies et les cas d’inefficacité (avec parfois événements thromboemboliques).

Y A-T-IL UN SUIVI BIOLOGIQUE ?

• Il n’y a pas de suivi de l’anticoagulation en routine (pas d’INR).

• La fonction rénale doit être évaluée avant toute prescription. La posologie doit être adaptée si la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min.

• Pour les traitements curatifs, la surveillance biologique consiste en un examen de la fonction rénale au moins une fois par an ou tous les six mois en cas de clairance de la créatinine < 30 ml/min.

PEUT-ON MESURER LE RISQUE HÉMORRAGIQUE EN URGENCE ?

• La mesure de l’anticoagulation est possible en cas de surdosage ou d’intervention chirurgicale en urgence mais ne peut pas être réalisée en routine.

– Pour l’apixaban et le rivaroxaban, un test quantitatif d’unité anti-facteur Xa peut être utilisé pour évaluer les concentrations plasmatiques.

– Pour le dabigatran, les tests utilisés ne sont pas standardisés, leurs résultats doivent être interprétés avec prudence.

EXISTE-T-IL UN ANTIDOTE ?

Il n’existe pas d’antidote spécifique pour les NACO (contrairement aux AVK dont l’antidote est la vitamine K). En cas de complication hémorragique, arrêter le traitement et rechercher l’origine du saignement.

TOUS LES AVK DOIVENT-ILS ETRE REMPLACÉS PAR DES NACO ?

Non, il n’existe pas d’argument pour modifier le traitement d’un patient bien équilibré sous AVK. Ce n’est qu’en cas de patient non correctement équilibré sous AVK qu’un relais peut être envisagé. Dans ce cas, après arrêt définitif de l’AVK, le NACO est débuté dès que l’INR passe en-dessous de 3 (si Xarelto est prescrit dans un condiv de fibrillation atriale), de 2,5 (si Xarelto est prescrit en traitement d’une TVP) ou de 2 (pour Pradaxa).

PEUT-ON A L’INVERSE REMPLACER UN NACO PAR UN AVK ?

En cas de passage de Pradaxa à un AVK, celui-ci est commencé 3 jours avant l’arrêt de Pradaxa (si pas d’insuffisance rénale).

En cas de passage de Xarelto vers un AVK, les deux médicaments sont administrés conjointement jusqu’à l’obtention d’un INR ≥ 2. La mesure de l’INR doit être effectuée 24 h après la prise de Xarelto car des valeurs faussement élevées d’INR ont été observées après la prise de rivaroxaban.

QUE RETENIR SUR LES NACO ?

– La nouveauté et l’absence de recul incitent à une grande vigilance.

– Sensibiliser le patient au risque hémorragique au moment de la délivrance : le patient doit conserver une carte sur lui avec le nom du NACO, l’indication, la posologie, la date de prescription.

– Attention au dosage et à la posologie qui varient selon de nombreux paramètres.

* Patients de plus de 75 ans, ou de plus de 65 ans présentant un diabète, une coronaropathie ou une hypertension artérielle, ou tout autre patient adulte présentant au moins l’un des facteurs de risque suivant :

– antécédent d’AVC, d’accident ischémique transitoire ou d’embolie systémique ;

– fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 %, insuffisance cardiaque symptomatique, classe ≥ 2 New York Heart Association (NYHA).

ATTENTION

Les dosages et les posologies diffèrent en fonction des indications et d’un certain nombre de paramètres : insuffisance rénale, âge…

ATTENTION

Les trois nouveaux anticoagulants Xarelto, Pradaxa et Eliquis n’ont pas tous les mêmes indications. De plus les indications diffèrent selon les dosages.

ATTENTION

Il ne faut jamais doubler la dose pour compenser la prise oubliée.

ATTENTION

Le risque hémorragique (effet indésirable fréquent) doit être étroitement surveillé pendant toute la durée du traitement.

ATTENTION

L’absence de surveillance biologique du traitement est à la fois un avantage (moindres contraintes) et un inconvénient (absence de suivi de l’efficacité du traitement).

ATTENTION

Les NACO peuvent faussement élever l’INR. L’INR ne convient pas pour suivre l’activité anticoagulante des NACO.

BIENTÔT UN NOUVEL ANTICOAGULANT

Un nouvel inhibiteur du facteur Xa, l’édoxaban (Lixiana) est commercialisé au Japon depuis juin 2011, avec une indication dans la prévention des événements thromboemboliques à la suite d’une prothèse de hanche ou de genou. La molécule est en phase III d’essai clinique pour la prévention des TVP et des embolies pulmonaire depuis octobre 2012 au Japon. En Europe et aux Etats-Unis, l’édoxaban est encore en phase III d’essai clinique et n’a pas été approuvée.

QUE FAIRE EN CAS DE SAIGNEMENT SOUS NACO ?

• Ne pas prendre la dose suivante.

• Appeler le médecin qui décidera s’il faut différer la prise.

• Si la dernière prise est récente, administrer du charbon activé.

• En cas d’hémorragie plus sévère, avec baisse de tension, envoyer le patient aux urgences (perfusion sanguine, administration de complexe prothrombinique ou de facteur VIIa recombinant).

L’AVIS DU SPECIALISTE Jean-Claude Daubert, PROFESSEUR DE CARDIOLOGIE AU CHU DE RENNES

Pensez-vous que les NACO seront prescrits largement dans les prochaines années ?

A mon avis, d’ici un an, presque tous les nouveaux patients atteints de fibrillation auriculaire et ne présentant pas de contre indications seront traités par NACO. Les médecins proposeront également un relais vers les NACO pour les patients instables sous AVK. En revanche, je ne préconise pas de changer le traitement des patients sous AVK qui sont bien équilibrés. Ce n’est pas la mort des AVK, il reste des situations dans lesquelles les NACO n’ont pas actuellement d’indication, par exemple chez les patients porteurs de valve cardiaque.

Le dabigatran est proche du ximelagatran, qui avait été retiré du marché en raison de sa toxicité hépatique, est-ce inquiétant ?

Le ximelagatran était responsable d’élévation des transaminases : le laboratoire n’a pas voulu prendre de risque de le commercialiser, mais le risque de toxicité hépatique ne me semble pas le plus important. Avec le dabigatran, il faut être très vigilant avec la fonction rénale, car ce médicament est éliminé exclusivement par le rein. Il est contre-indiqué en cas de clairance à la créatinine < 30 ml/min et en cas d’insuffisance rénale modérée, la dose doit être réduite. L’association de vérapamil au dabigatran est à prendre en compte, mais la substitution par un autre antihypertenseur ne pose pas de problème.

Le rivaroxaban a depuis septembre 2012 un dosage indiqué dans le traitement des TVP. En novembre, il a obtenu une AMM européenne pour une extension d’indication, le traitement des embolies pulmonaires. Est-ce qu’on ne brûle pas les étapes ?

Non, c’est une bonne chose. Jusqu’à présent les embolies pulmonaires de faible gravité étaient traitées par HBPM avec un relais par AVK, ce qui nécessitait environ une semaine d’hospitalisation, le temps d’équilibrer le traitement. Avec le rivaroxaban, qui agit en quelques heures, le patient sera de retour à son domicile le lendemain, ce qui apporte un confort certain et une économie de santé.

Verra-t-on le nombre de décès dus aux anticoagulants réduit grâce à ces nouvelles molécules ?

Ce n’est pas sûr, seule leur utilisation à large échelle et le recul permettra de répondre à cette question. Mais les premiers retours de pharmacovigilance dévoilés récemment par la FDA sur plus de 3 millions de prescriptions aux Etats-unis en comparaison avec les AVK, vont dans le sens de la réduction des hémorragies intracérébrales par rapport aux AVK, et une efficacité au moins similaire, confirmant les données des essais cliniques

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