Les antivitamines K - Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2966 du 19/01/2013
 

Cahiers Formation du Moniteur

SPÉCIAL ANTICOAGULANTS ORAUX

Plus d’un million de patients sont traités par AVK, et même si les nouveaux anticoagulants oraux sont destinés à les remplacer dans certaines situations, la dispensation des AVK reste fréquente au comptoir. Chaque pharmacie prend en charge une quarantaine de patients en moyenne.

Etape préliminaire à la mise en place des entretiens pharmaceutiques d’accompagnement des patient sous AVK : une maîtrise parfaite de cette classe de médicaments de façon à sécuriser la délivrance au maximum.

QUELLES SONT LES INDICATIONS DES AVK ?

• La prévention des complications thromboemboliques des cardiopathies emboligènes :

– certains troubles du rythme auriculaire (fibrillations auriculaires, flutter, tachycardie atriale),

– certaines valvulopathies mitrales,

– les prothèses valvulaires en particulier mécanique.

• La prévention des complications thromboemboliques des infarctus du myocarde compliqués, en relais de l’héparine.

• Le traitement des thromboses veineuses profondes et de l’embolie pulmonaire ainsi que la prévention de leurs récidives, en relais de l’héparine.

La prescription des AVK tient compte du condiv médico-social, physiologique, de l’âge, et des fonctions cognitives du patient. Une réévaluation régulière du bénéfice/risque est indispensable tout au long du traitement.

QUELLE EST LA POSOLOGIE HABITUELLE ?

• Pour les dérivés coumariniques :

– warfarine (Coumadine 2 ou 5 mg en comprimés sécables) : 5 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 1 mg.

– acénocoumarol (Sintrom 4 mg cp quadrisécable et Mini-Sintrom cp 1 mg) : 4 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 1 mg.

• Pour les dérivés de l’indanedione :

– fluindione (Previscan 20 mg cp quadricécable) : 20 mg à l’initiation puis palier d’ajustement par 5 mg.

• Chez les patients de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans polypathologiques, la posologie d’initiation est diminuée de moitié.

A QUEL MOMENT PRENDRE L’AVK ?

Les prises doivent être effectuées en une seule fois tous les jours à la même heure de préférence le soir afin de pouvoir adapter la posologie si nécessaire dès les résultats de l’INR réalisé le matin (exception : Sintrom peut être pris matin et soir).

PENDANT COMBIEN DE TEMPS ?

Le traitement peut être de courte durée (3 à 6 mois) par exemple en prévention et en traitement des thrombophlébites et des embolies pulmonaires. Il peut également être indiqué à vie dans d’autres pathologies : fibrillation auriculaire, valvulopathie… (cf. tableau p 11).

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La dose oubliée peut être prise dans un délai de 8 h après l’heure habituelle de prise. Lorsque le délai d’oubli est supérieur (en particulier s’il n’est constaté que le lendemain matin), la prise doit être sautée. Ne jamais doubler la dose pour rattraper la prise oubliée.

QUELS SONT LES EFFETS INDÉSIRABLES ?

Risque hémorragique

• Le principal risque du traitement est l’hémorragie. Le patient doit être vigilant et contacter le médecin, en cas de signes annonciateurs de surdosage :

– INR supérieur à la fourchette fixée par le médecin ;

– Apparition d’un saignement visible : saignements des gencives, du nez, œil rouge, sang dans les urines, menstruations anormalement abondantes, hématomes, sang dans les selles ou selles noires, vomissements ou crachats sanglants, saignement qui ne s’arrête pas…

– Signes possibles de saignement interne non visible : fatigue inhabituelle, essoufflement anormal, pâleur inhabituelle, mal de tête ne cédant pas au traitement, malaise inexpliquée…

• Le risque d’accident hémorragique est maximal durant les premiers mois du traitement. La surveillance doit donc être particulièrement rigoureuse durant cette période, en particulier lors du retour à domicile d’un patient hospitalisé.

Risque de thrombose

• Un risque thrombotique est également possible en cas de sous-dosage.

Autres effets indésirables

• A ces effets indésirables fréquents s’ajoutent d’autres effets beaucoup plus rares : diarrhées, nécroses cutanées, survenant généralement entre le 3e et le 10e jour de traitement, atteintes hépatiques ou vascularites. On retrouve également des événements immunoallergiques aigus touchant divers organes et notamment les reins (néphrite interstitielle) : ce dernier effet indésirable est plus fréquent avec la fluindione qu’avec les autres AVK.

Y A-T-IL DES EXCIPIENTS À EFFETS NOTOIRES ?

• Pour tous les AVK : présence de lactose.

• Pour Préviscan uniquement : amidon de blé (gluten).

Il n’existe pas de génériques des AVK.

QUELLES SONT LES CONTRE-INDICATIONS ?

Contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique sévère. Déconseillé en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/min).

PEUT-ON DÉLIVRER UN AVK EN CAS DE GROSSESSE ?

Les AVK sont déconseillés pendant la grossesse. En conséquence, chez les femmes en âge de procréer, une contraception est souhaitable lors de l’utilisation des antivitamines K (à vérifier systématiquement lors de la délivrance dans ce condiv). Chez la femme enceinte, la prescription des antivitamines K doit être exclusivement réservée au cas où l’héparine ne peut être utilisée.

ET EN CAS D’ALLAITEMENT ?

L’allaitement contre-indique l’utilisation de fluindione (Previscan) du fait du passage dans le lait maternel. En revanche, les coumariniques (Sintrom, Mini-Sintrom, Coumadine) passent en faible quantité dans le lait maternel. Leur utilisation, associée à une supplémentation en vitamine K du nourrisson, est possible.

QUELLES SONT LES INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES ?

• Les AVK sont très fortement liés aux protéines plasmatiques (97 %) et peuvent en être déplacés. Cela les expose à des interactions médicamenteuses lors de l’association à d’autres substances se liant à ces mêmes protéines. Les médicaments susceptibles d’interagir avec les AVK sont très nombreux.

• Si un traitement associé à l’AVK doit être débuté, modifié ou supprimé, il est nécessaire d’effectuer un contrôle de l’INR, 3 à 4 jours après chaque modification et de le répéter jusqu’à stabilisation tous les 4 à 8 jours.

• Associations contre-indiquées

Acide acétylsalicylique (selon la dose, cf. tableau ci-dessous), miconazole (Daktarin) et millepertuis (comprimés, teintures mères, tisanes…) sont contre-indiqués.

• Associations déconseillées

– AINS et acide acétylsalicylique à dose antalgique ou antipyrétique (≥ 500 mg/prise et/ou < 3 g/j). En cas d’antécédent d’ulcère gastro-duodénal, association déconseillée avec des doses antiagrégantes d’aspirine (de 50 mg à 375 mg/jour).

– Tégafur, capécitabine, fluorouracile (augmentation du risque hémorragique).

• Précautions d’emploi

De nombreux autres médicaments peuvent augmenter l’effet des AVK et majorer le risque hémorragique : allopurinol, amiodarone, amitriptyline, bicalutamide, danazol, disopyramide, entacapone, ézétimibe, glucosamine, orlistat, pentoxifylline, propafénone, quinidine, raloxifène, tamoxifène, tramadol, venlafaxine, antifongiques azolés, la majorité des antibiotiques à large spectre et des cytotoxiques…

• La liste complète des interactions médicamenteuses est disponible dans le Thesaurus des interactions sur le site de l’ANSM (www.ansm.sante.fr).

POURQUOI LES ANTIBIOTIQUES DÉSÉQUILIBRENT-ILS LE TRAITEMENT ?

De nombreux cas d’augmentation de l’activité des anticoagulants oraux ont été rapportés chez des patients recevant des antibiotiques. Le condiv infectieux ou inflammatoire marqué, l’âge et l’état général du patient apparaissent comme des facteurs de risque. Dans ces circonstances, il apparaît difficile de faire la part entre la pathologie infectieuse et son traitement dans la survenue du déséquilibre de l’INR. Cependant, certaines classes d’antibiotiques sont davantage impliquées : il s’agit notamment des fluoroquinolones, des macrolides, des cyclines, du cotrimoxazole et de certaines céphalosporines, qui imposent de renforcer la surveillance de l’INR.

QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS CHEZ LES PATIENTS TRAITÉS POUR UN CANCER ?

En raison de l’augmentation du risque thrombotique lors des affections tumorales, le recours à un traitement anticoagulant est fréquent. La grande variabilité intra-individuelle de la coagulabilité au cours de ces affections, à laquelle s’ajoute l’éventualité d’une interaction entre les anticoagulants oraux et la chimiothérapie anticancéreuse, imposent d’augmenter la fréquence des contrôles de l’INR. Une alternative consite à instaurer un traitement prolongé par HBPM.

QU’EST-CE QUE L’INR ?

• La surveillance des traitements par AVK est effectuée par la mesure de l’INR (International Normalised Ratio), reflet du degré d’anticoagulation. L’INR d’un sujet normal est < 1,2.

• Dans la majorité des situations, un INR compris entre 2 et 3 avec une valeur cible de 2,5 est recherché. Pour certaines indications (valvulopathies mitrales et prothèses valvulaires), il peut être plus élevé : 3,7 (INR 3 à 4,5).

• Un INR inférieur à 2 ou à 3 (selon la valeur cible) reflète une anticoagulation insuffisante, un INR supérieur à 3 ou à 4,5 (selon la valeur cible) traduit un excès d’anticoagulation et dans tous les cas, un INR supérieur à 5 est associé à un risque hémorragique.

QUAND DOIT ÊTRE MESURÉ L’INR ?

• Le premier contrôle d’INR doit s’effectuer dans les 48 h ± 12 h car les AVK agissent en 48 h (délai raccourci avec les AVK à demi-vie courte), après la première prise d’antivitamine K, pour dépister une hypersensibilité individuelle : un INR supérieur à 2 annonce un surdosage à l’équilibre et doit faire réduire la posologie. Le deuxième contrôle s’effectue en fonction des résultats du précédent pour apprécier l’efficacité anticoagulante. Le traitement parentéral peut être arrêté lorsque 2 INR consécutifs sont dans la cible souhaitée.Les contrôles ultérieurs doivent être pratiqués tous les 2 à 4 jours jusqu’à stabilisation de l’INR, puis avec un espacement progressif (2/semaine puis 1/semaine pendant 3 semaines) jusqu’à un intervalle maximal de 1 mois.

• L’équilibre du traitement n’est parfois obtenu qu’après plusieurs semaines.

A QUELLE FRÉQUENCE ?

• L’INR est réalisé 1 fois par mois, le matin, sans être à jeun. Des contrôles supplémentaires peuvent être nécessaires en cas de déséquilibre du traitement (modification de la posologie, survenue d’une maladie intercurrente, introduction ou retrait d’un autre médicament, en cas de vomissements, diarrhées, ou lorsque les résultats de l’INR sont instables par une cause parfois non identifiée). La posologie devra être réajustée jusqu’à obtention de l’INR cible. Lors d’un changement de dose, il faut attendre 3 jours (période d’équilibre) pour contrôler l’INR.

EXISTE-T-IL UN ANTIDOTE ?

• En cas de surdosage, la vitamine K est utilisée comme antidote. La posologie et le mode d’administration dépendent de l’importance du surdosage et de la valeur de l’INR.

• En cas de surdosage asymptomatique ou d’hémorragie non grave, la vitamine K est administrée par voie orale quand la valeur de l’INR est supérieure ou égale à 6.

• En cas d’hémorragie grave, la vitamine K (voie orale ou intraveineuse) sera associée à l’administration en urgence d’un CCP (concentrés de complexes prothrombiniques) et ce quelle que soit la valeur de l’INR.

Y A-T-IL DES ALIMENTS INTERDITS ?

• Aucun aliment n’est interdit à condition de les répartir régulièrement dans l’alimentation et de les consommer sans excès. L’apport en vitamine K du régime alimentaire doit être régulier, afin de ne pas perturber l’équilibre de l’INR.

• Le jeûne augmente l’effet anticoagulant.

• En cas d’alcoolisme chronique, l’effet des AVK est diminué. En cas d’intoxication alcoolique aiguë, l’effet anticoagulant est au contraire augmenté.

QUELS SONT LES VRAIS INTERDITS ?

• Sport : la pratique sportive doit être réduite le premier mois suivant le diagnostic. La pratique sportive et certains travaux pouvant entraîner une coupure (boxe, jardinage, bricolage…), une chute (ski, vélo…) ou un pic de tension (musculation, tennis…) ne sont pas recommandés afin d’éviter un risque hémorragique.

• Injections : éviter les injections intramusculaires qui peuvent provoquer des hématomes.

RELAIS HÉPARINE – AVK DANS LES TVP

• Lors d’un événement thromboembolique ponctuel, le traitement initial repose généralement sur l’usage d’une héparine ou du fondaparinux, dont l’action est immédiate. En raison du temps de latence d’action de 2 à 3 jours des AVK, ceux-ci ne sont pas adaptés au traitement d’urgence. Lorsque le diagnostic est confirmé, et si aucune contre-indication n’existe, un relais par un AVK est proposé systématiquement, permettant de se passer de la voie parentérale qui n’est généralement pas adaptée à un traitement long.

• L’ANSM préconise une introduction de l’AVK entre le premier et le deuxième jour de traitement par héparine. L’AVK ayant un délai d’action long, l’héparine est continuée à dose inchangée pendant au minimum 5 jours et au maximum 10 jours et ne sera arrêtée que lorsque deux INR consécutifs seront supérieurs à 2 à 24 h d’intervalle, ce qui signe une efficacité anticoagulante suffisante de l’AVK. Le relais le plus court possible est recommandé car l’association AVK/HBPM provoque un cumul des effets indésirables hémorragiques.

• Le premier contrôle de l’INR a lieu 48 heures + 12 h après le début du traitement par AVK. Si le patient est hypersensible, l’INR sera déjà dans la zone cible et la dose devra être diminuée.

• Les contrôles suivants ont lieu toutes les 24 à 48 h jusqu’à ce que l’on obtienne deux INR supérieurs à 2. Ils seront ensuite espacés progressivement jusqu’à un contrôle par mois au minimum en traitement chronique.

CARNET DE SUIVI

• La remise au patient et l’utilisation du carnet d’information et de suivi prévu pour le traitement par AVK sont essentielles.

• Ce carnet a été conçu pour prévenir le risque iatrogène des AVK.

Il rappelle les règles de bon usage des AVK. Dans ce carnet, le patient doit remplir à chaque contrôle la date de l’INR, sa valeur, la date du prochain INR, la posologie de l’AVK, mais aussi les éventuels oublis de prise, saignements, changements de traitement. Les carnets peuvent être placés dans les tiroirs, avec les médicaments anticoagulants oraux.

• Le carnet comporte une carte détachable que le patient doit remplir et conserver dans son portefeuille.

• Pour obtenir des carnets de suivi à remettre au patient, commander les gratuitement sur le site Internet du Cespharm (www.cespharm.fr).

ATTENTION

Si la posologie varie en alternance sur deux voire trois jours, vérifier que le patient ait bien compris le schéma de prise et lui établir un calendrier écrit si besoin.

ATTENTION

Si le patient n’arrive pas à scinder les comprimés, lui montrer la manipulation et lui proposer un pilulier pour conserver les fractions restantes du comprimé.

ATTENTION

L’oubli doit être notifié dans le carnet de suivi.

CARNET DE SUIVI

• La remise au patient et l’utilisation du carnet d’information et de suivi prévu pour le traitement par AVK sont essentielles.

• Ce carnet a été conçu pour prévenir le risque iatrogène des AVK.

Il rappelle les règles de bon usage des AVK. Dans ce carnet, le patient doit remplir à chaque contrôle la date de l’INR, sa valeur, la date du prochain INR, la posologie de l’AVK, mais aussi les éventuels oublis de prise, saignements, changements de traitement. Les carnets peuvent être placés dans les tiroirs, avec les médicaments anticoagulants oraux.

• Le carnet comporte une carte détachable que le patient doit remplir et conserver dans son portefeuille.

• Pour obtenir des carnets de suivi à remettre au patient, commander les gratuitement sur le site Internet du Cespharm (www.cespharm.fr).

ATTENTION

Avertir le patient de ces risques et lui apprendre en priorité les signes de surdosage.

A DIRE AU PATIENT

Compte tenu du risque élevé d’interactions médicamenteuses, il convient de mettre les patients en garde contre les dangers de l’automédication. En cas de douleurs ou de fièvre, pas d’aspirine ni d’AINS (ibuprofène…).

ATTENTION

Aucun changement de posologie ne doit être décidé par le patient. Lorsque l’INR n’est pas dans la zone thérapeutique, contacter le médecin, voire le 15 si le médecin n’est pas joignable et que l’INR est loin de la cible.

ALIMENTS RICHES EN VITAMINES K

100 à 1 000 µg/100 g :

Brocoli, chou vert, laitue, cresson, persil, huile de colza et de soja, épinard, choux de Bruxelles, asperges. Attention, les aliments fermentés tels que la choucroute (chou fermenté), le nato (soja fermenté) ou le fromage frais fermenté (selon la souche de bactéries) sont très riches en vitamine K.

Sources : AFSSA, « Aliments riches en vitamines K », tableau des aliments pouvant perturber l’action des anticoagulants s’ils sont consommés occasionnellement, Ciqual 2012. / Liste non-exhaustive.

EN SAVOIR PLUS

• Le Moniteur Formation Iatrogénie « AVK et autres anticoagulants oraux – 15 cas pratiques » n° 2929 du 14 avril 2012.

• Le Moniteur Formation Ordonnance « La thrombose veineuse profonde » n° 2846 18 septembre 2010.

• ANSM www.ansm.sante.fr

• AVK control www.avkcontrol.com

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !