DES TITULAIRES MI-CIGALE MI-FOURMI - Le Moniteur des Pharmacies n° 2953 du 20/10/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2953 du 20/10/2012
 
PHARMACIES SAISONNIÈRES

Entreprise

Auteur(s) : Marie Luginsland

Être titulaire dans une station balnéaire ou de sports d’hiver est un mode d’exercice atypique, soumis à des pics saisonniers et des périodes creuses. Pour que leur trésorerie ne vire pas au rouge dès les premiers mois, les titulaires doivent respecter quelques règles d’or, comme une gestion très rigoureuse et des commandes étalées dans le temps. Pourtant, ils ne sont pas prêts à céder leur place au soleil.

La France compte 705 pharmacies en zone touristique*. Leur activité, répartie en périodes creuses et pleines, est paradoxalement équivalente à celle d’une pharmacie moyenne supérieure, avec un CA de 1,5 million d’euros, selon IMS Pharmastat. C’est leur seul point commun avec l’officine classique. « Il n’est pas rare que l’activité du taux de TVA à 2,1 % n’atteigne que 20 % du chiffre d’affaires car les vacanciers emportent leur traitement dans leurs bagages », remarque Jean-Pierre Le Bras, titulaire à Morzine (Haute-Savoie). Mais la marge de ces pharmacies est, en général, supérieure à la moyenne, par exemple « entre 35 et 40 % dans les stations de ski, ce qui les rend attrayantes en primo-installation », note Lionel Canesi, expert-comptable chez C2C à Marseille.

Une activité concentrée sur une période courte

Les pharmacies saisonnières sont habituées à réaliser des écarts importants dans leur activité. Dominique Moigne, titulaire à Ouessant (800 habitants en hiver) voit son activité quadrupler l’été mais la liaison aérienne s’interrompt du 15 juillet au 15 août. « Une situation particulièrement terrible pour les urgences quand on dépend du bateau ».

Dans tous les cas, la monotonie n’existe pas dans ces pharmacies qui réalisent en une saison entre un tiers et la moitié de leur chiffre annuel. D’ailleurs, aucune saison ne se ressemble. « Elle ne se fait jamais dans le même ordre mais à la fin, le chiffre d’affaires est toujours le même », s’amuse Jean-Pierre Le Bras.

Pour Lionel Canesi : « Le gros risque pour les pharmacies de stations de ski, c’est la mauvaise saison qui va entraîner une baisse de fréquentation et donc du chiffre d’affaires. Quand on mise tout sur une période courte, cela peut être problématique. Mais si ça marche correctement, ça permet de faire en six mois l’équivalent d’une année de bénéfices en ville ! En tout état de cause, insiste-t-il, il faut avoir des réserves financières pour faire face à ces flux particuliers. Il est donc nécessaire de raisonner sur une année pleine en établissant un prévisionnel qui tienne compte des variations saisonnières. » Aussi, le tableau de bord doit inclure les mois de fermeture et d’activité réduite de façon à ce que la marge dégagée permette de couvrir les charges annuelles de l’officine.

Etaler ses commandes et ses règlements

Il est recommandé aux pharmacies saisonnières d’anticiper leur politique d’achats. Ainsi, Lionel Canesi conseille de prévoir, dès l’acquisition d’une officine de cette typologie, un fonds de roulement de six mois pour passer les périodes creuses sans trop d’encombres.

Car la trésorerie est le talon d’Achille de ces officines. « La loi LME, qui a imposé une réduction des délais de règlement, a compliqué les choses et pénalise les pharmacies qui doivent faire face à un pic saisonnier. Elles doivent parfois avoir réglé leurs factures deux mois avant d’avoir vendu ! », explique Denis Sinson, expert comptable chez Extencia à Anglet (Pyrennées-Atlantique). L’expert conseille d’étaler au maximum les commandes pour permettre d’absorber le pic saisonnier. C’est ce que fait Anne Charria, installée depuis dix ans au Pyla (Gironde) en essayant de « saupoudrer » ses livraisons. « Je commence à Pâques, puis poursuis par une plus grosse commande fin juin, ce qui permet de payer mes fournisseurs quand l’essentiel des marchandises a déjà été vendu. » Elle n’exclut pas les réassorts en cours de saison, même si cela lui occasionne de la manutention.

Vivre sur ses réserves de trésorerie

Au Pyla, la saison démarre à Pâques, mais Anne Charria clôture son exercice en décembre, période à laquelle elle a vendu son excès de stock. Comme nombre de ses confrères de bord de mer, elle vit sur ses réserves de trésorerie jusqu’à mi-janvier mais « la dernière tranche de l’hiver est difficile. » Les pharm acies de montagne connaissent les mêmes difficultés. « À partir d’octobre, nombre de pharmacies de stations sont dans le rouge ! », note Jean-Pierre Le Bras. Plus question comme autrefois de lisser sur un an, ni de faire appel à son banquier, les directeurs d’agence n’ayant le plus souvent aucune marge de manœuvre. Reste donc la rigueur et l’expérience pour ajuster sa politique d’achat, particulièrement sur la parapharmacie et les produits conseil. Pourtant, ces titulaires peuvent être tentés de surstocker les produits saisonniers afin de parer à toutes éventualités. « A Noël, les résidents achètent dix produits solaires d’un coup pour leurs enfants et petits-enfants !, raconte Jean-Pierre Le Bras. Dans les officines où, de manière classique, le stock équivaut à 10 % du chiffre d’affaires, chez nous il atteint un cinquième, voire un quart. »

Anticiper l’effectif de personnel

Le solaire et la parapharmacie ne font pas à eux seuls l’activité de ces officines, le médicament conseil tient aussi une bonne place. « Les vacanciers ne vont pas forcément voir le médecin. Je fais beaucoup de conseil au comptoir », constate Sara Debleds, jeune titulaire à Arcachon (Gironde), qui s’entoure chaque été de quatre à cinq étudiants et pharmaciens intérimaires pour répondre aux 300 clients journaliers.

Quant à Gabriel Forestier, titulaire au Cap d’Agde (Hérault), il n’a pas de difficultés à doubler ses effectifs en s’adressant à la faculté de Montpellier, assurant ainsi une ouverture, sept jours sur sept, douze heures par jour, avec 1 000 clients par jour. Les candidats ne manquent pas pour ces lieux de villégiatures, même si le coût du logement en décourage plus d’un. Car rares sont les titulaires à le prendre en charge, les coûts salariaux étant déjà lourds durant ces périodes. À la pharmacie du Pyla, les charges de personnel représentent 13,60 % du chiffre d’affaires contre 10 % en moyenne pour les pharmacies françaises. « Je double mes effectifs en embauchant cinq personnes en CDD, incluant une prime de précarité de 10 % », explique Anne Charria qui réalise sur cette période un tiers de son chiffre d’affaires annuel. Revers de la médaille : très ajustée en été, son équipe se retrouve en surnombre l’hiver. « Nous pourrions tourner à moins de cinq personnes mais il faudrait alors embaucher les trois quarts des effectifs pour les deux seuls mois d’été. Mais cela supposerait de prendre le risque de débuter la saison avec une équipe majoritairement inexpérimentée ! » Elle préfère conserver son personnel pendant l’hiver pour ranger et préparer la saison suivante.

En dépit de ces contraintes, aucun pharmacien saisonnier ne regrette sa position. Pour un peu, l’horizon serait radieux pour cette typologie de pharmacie. Pourtant, Gabriel Forestier voit surgir une grande inconnue : la rémunération en honoraires des pharmaciens qui, par essence, risque de leur échapper en grande partie.

* Données IMS Pharmastat

Les points clés pour réussir

• Établir son prévisionnel sur une année pleine.

• Inclure les congés annuels et les périodes d’activité réduite au tableau de bord.

• Veiller à ce que la marge dégagée suffise pour couvrir les mois creux et les charges annuelles.

• Ne pas commander trop en amont, éviter de surstocker les produits saisonniers en privilégiant le réapprovisionnement.

• Constituer rapidement une équipe d’intérimaires afin qu’elle soit opérationnelle dès l’arrivée des vacanciers.

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