« CERTAINES PHARMACIES DOIVENT ÊTRE SOUTENUES FINANCIÈREMENT » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2952 du 13/10/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2952 du 13/10/2012
 
CATHERINE LEMORTON, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Actualité

Auteur(s) : Magali Clausener*, Laurent Lefort**

Pharmacienne, députée PS et présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Catherine Lemorton a incontestablement gardé son franc-parler. Démonstration par l’exemple à travers son analyse du système de santé et des perspectives d’avenir pour les officines.

Sur la table de réunion de son bureau parisien du 126 rue de l’Université, Catherine Lemorton a posé bien en évidence le numéro du Nouvel Observateur consacré au livre des Professeurs Even et Debré. Elle se jette dessus et, sans détour ni préambule, laisse éclater son indignation. Pas de doute, ses nouvelles responsabilités ne l’ont pas changée. L’entretien est prometteur.

LE MONITEUR DES PHARMACIES : Pourquoi vous fait-il bondir ce livre ?

CATHERINE LEMORTON : D’abord, ce que ces divs ont fait est absolument irresponsable. Ensuite, cela veut dire que les gens ne sont pas assez informés sur le médicament. Ils ont peur d’en prendre, de se faire vacciner. Pourquoi ? Parce qu’on raconte n’importe quoi sur les médicaments. Ce livre serait donc la vérité absolue ? Ses divs ont fait partie du système 40 ans et ils se réveillent seulement maintenant ? J’espère au moins qu’ils auront la grandeur d’âme de reverser leurs royalties à des associations de patients victimes d’effets secondaires.

Les professionnels de santé, notamment les pharmaciens, jouent-ils leur rôle en matière d’information sur le médicament ?

Non, pas toujours. J’ai toujours dit que j’étais contre le libre accès qui vulgarise le médicament. On a beau dire que derrière il y a le conseil. Non, le conseil doit se faire avant. Une fois que la personne a pris le médicament en rayon, elle a déjà fermé la porte aux explications complémentaires, elle est pressée de passer à autre chose. Le libre accès n’est non seulement pas la panacée, mais c’est même pour moi la mort de la profession. J’espère me tromper, mais si dans 5 ou 8 ans, les médicaments sont dans les supermarchés, je dis : « je vous aurai prévenu ». Si on ne fait pas le conseil qui va avec, il n’y a aucune raison d’interdire l’automédication dans les supermarchés.

L’AFIPA explique que l’automédication peut faire réaliser des économies à l’Assurance maladie. Qu’en pensez-vous ?

Bien sûr. Elle le permet déjà, car des gens se soignent tout seuls. Le bémol à cette automédication généralisée sur les petites pathologies, c’est le sentiment d’inégalité d’accès aux soins pour ceux qui ne peuvent pas se l’offrir. Une prise en charge par les mutuelles n’est pas non plus en tant que telle une bonne réponse, précisément parce que certains n’ont pas de couverture complémentaire. Et ce n’est pas toujours un choix.

L’« honoraire » de dispensation permettra-t-il de compenser la perte de marge ?

Non, il ne compensera certainement pas la perte de marge pour toutes les officines. Les pharmacies sont bien réparties sur le territoire national, mais il y en a trop dans les centres-villes et c’est inacceptable. L’équation est simple, il faut avoir « moins » d’officines, mais « mieux », c’est-à-dire qu’il va falloir renforcer leur présence dans les territoires ruraux ou périurbains, notamment là où les médecins s’en vont. Ces officines-là, il faut les sécuriser.

Les sécuriser financièrement comme le préconise le rapport de l’IGAS sur l’économie de l’officine ?

Absolument, il faut les sécuriser financièrement. A contrario, il faut que certains confrères acceptent qu’on ne les remplace pas dans des zones bien ciblées. On a beau tergiverser, nous avons aujourd’hui des médicaments qui sont plus chers qu’ailleurs. À force d’être payés à la boîte, on en est arrivés là. À force de dire que c’était une idée idiote de changer de mode de rémunération, à force de reculer l’échéance, outre le fait qu’on a renvoyé une image négative aux pouvoirs publics, cela nous oblige maintenant à changer de modèle économique à toute vitesse. Et dans un condiv de crise. En même temps, n’en déplaise aux radiologues, aux biologistes et aux pharmaciens, quand on regarde leurs déclarations fiscales, le revenu reste très haut. Je n’y peux rien, c’est Bercy qui le dit. Forcément, quand il faut faire des économies, on va voir ces professions plutôt que les orthophonistes ou les kinés. Cela dit, on est aux limites des économies sur le médicament. On ne pourra pas aller au-delà, parce que cette chaîne du médicament qui fonctionne bien en France et qui empêche l’entrée de contrefaçons dans le pays, elle a un prix. La qualité a un prix. Je l’ai dit au gouvernement, je pense que nous sommes aux limites de ce que l’on peut faire sur les prix.

Certains disent que le PLFSS est dans la continuité des PLFSS du gouvernement précédent et ne comporte pas de réformes structurelles. Que répondez-vous ?

Le PLFSS n’a jamais été un outil législatif pour des réformes structurelles. Votre question est dans la logique de ce que je vis depuis deux mois. Les gens n’ont pas remarqué qu’on a maintenu l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ambulatoire (ONDAM) à 2,6 %. Comme pour l’hôpital. Sous le précédent gouvernement, le chiffre était toujours plus favorable pour l’hôpital.

Les objectifs du PLFSS sont de développer la chirurgie ambulatoire, l’hospitalisation à domicile et le maintien à domicile. Donc l’ONDAM ville va devoir augmenter ?

Il est prévu que l’ONDAM ambulatoire augmente. L’objectif est de désengorger les hôpitaux et d’augmenter l’ONDAM ambulatoire en diminuant l’ONDAM hôpital. Mais, encore une fois, cela ne se fera que si certains libéraux acceptent le fait qu’ils gagnent beaucoup d’argent et qu’un acte qui est rentabilisé depuis vingt ans puisse être payé moins cher. On remet sur la table la nomenclature des actes médicaux. Qui peut faire quoi au moindre coût ?

Mais l’ONDAM risque de baisser les prochaines années, le projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017 le prévoit, non ?

C’est sûr, on va faire un projet de loi de finances rectificative dès janvier-février, car le taux de croissance n’est pas là…

Le PLFSS prévoit la création de 200 postes de médecins généralistes locaux. Pensez-vous que ce soit une bonne réponse à la désertification médicale, notamment pour les pharmaciens qui se retrouvent dans des communes sans médecin ?

Est-ce que cela sera LA solution, je n’en sais rien. On fera une évaluation dans un an et demi ou deux ans. Moi, j’étais plutôt pour la coercition pour l’installation des médecins, car les incitations coûtent cher. François Hollande, pendant sa campagne électorale, a tranché. J’ai perdu, avec quelques-uns, cet arbitrage.

Pourquoi la coercition est-elle si difficile avec les médecins ?

Parce que l’on s’est trop occupé des médecins, d’ailleurs je l’ai dit à la tribune lors de la journée du Centre national des professions libérales de santé (CNPS). Les responsables politiques, de droite et de gauche ont trop raisonné de façon médicalo-centrée.

Les nouvelles missions rémunérées pourront-elles être un vecteur de croissance pour les pharmaciens dans ce condiv ?

Oui, même si je ne comprends pas pourquoi les syndicats n’ont pas introduit l’accompagnement des patients toxicomanes dans la convention. Je l’ai dit aux syndicats. J’en ai également parlé à Frédéric Van Roekeghem. Il faut aller très vite.

Toutes les pharmacies ne pourront pas assurer l’ensemble de ces missions. N’est-ce pas discriminant ?

On ne peut pas tout faire et cela justifie le regroupement des officines, pas forcément géographiquement, mais en termes de compétences. Je pense qu’il n’y aura pas trop de concurrence sur les toxicomanes… Mais il peut y avoir de la concurrence sur les autres missions. Le suivi des AVK est une bonne porte qui s’ouvre. Mais il va falloir que les pharmaciens s’investissent vraiment, qu’ils se forment, qu’ils travaillent avec les autres professionnels de santé.

Où en est le décret sur les SPF-PL ?

J’espère que l’on pourra donner prochainement une information positive. Ce week-end par exemple, lors du congrès des pharmaciens à Lille…

On parle beaucoup de la coopération interprofessionnelle, mais les pharmaciens ont des difficultés à intégrer des SISA pour un problème de TVA. Que faire ?

Cela pénalise les pharmaciens en effet. Mais je ne voudrais pas que cela soit un moyen pour les médecins de ne pas faire entrer les pharmaciens dans les Sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA). Les médecins sont toujours prêts à être en partenariat avec les pharmaciens, mais dès que ces derniers font du dépistage, ils ont l’impression qu’on leur enlève le pain de la bouche.

Et l’arrêté sur la préparation de doses administrées (PDA)? Avez-vous un calendrier ?

On y travaille, mais nous n’avons pas de calendrier.

Marisol Touraine a reçu le rapport de l’IGAS sur les génériques. Lors d’une conférence au Gemme, vous avez déclaré que vous souhaitiez que les pharmaciens ne perçoivent plus la marge distributeur lors des achats en direct. Vous persistez ?

Mes propos ont été déformés. J’ai posé une question. Dans la détermination du prix du médicament, il y a une partie pour l’industriel, une partie pour le grossiste répartiteur et la marge du pharmacien. À partir du moment où le pharmacien achète directement au laboratoire, l’intermédiaire disparaît. Ma question est simplement « que devient cette marge ? »

Et s’il n’y avait pas la marge pour les grossistes répartiteurs, ces médicaments seraient moins chers ?

Je ne sais pas. J’ai mis ça entre les mains de Bercy.

A-t-on besoin des grossistes répartiteurs ?

Évidemment. Certains grossistes ont fait des bêtises, en exportant, ils l’ont admis. Ils sont prêts à ce que l’on fasse une liste d’interdictions très restrictive.

Le décret sur les ruptures d’approvisionnement ne prévoit pas de listes. Pourquoi ?

La loi ne nous le permettait pas. Il faut la modifier. Mais il fallait publier le décret, car l’industrie montait au créneau. Il faut que ce décret soit revu, car il est un peu vide. Je vais essayer de durcir le div pour les grossistes, pour que cela révèle qui exporte et qui crée des ruptures d’approvisionnement. Parce que, bizarrement, les ruptures d’approvisionnement ont commencé à être criantes l’été qui a précédé le projet de la loi sur la sécurité sanitaire du médicament. Projet à propos duquel le LEEM clamait qu’il allait empêcher les Français d’accéder à l’innovation. Sans être paranoïaque et sans accabler l’industrie, ces ruptures ne sont-elles pas un moyen de chantage pour obtenir des prix, un crédit impôt…

La Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale

La commission des Affaires sociales a été créée le 1er juillet 2009 par scission de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales.

Ses domaines de compétence sont nombreux : emploi et relations du travail, formation professionnelle, santé et solidarité, personnes âgées, personnes handicapées, famille et protection sociale.

La Commission examine également les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Elle compte au total 73 députés de droite et de gauche.

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