LES ANTIMIGRAINEUX - Le Moniteur des Pharmacies n° 2948 du 15/09/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2948 du 15/09/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 — EFFETS INDESIRABLES

Le plus est l’ennemi du bien

Madame R. est migraineuse. Elle explique au pharmacien qu’elle prend Dafalgan – voire Dafalgan codéiné – prescrit initialement par son médecin pour des douleurs articulaires. « C’est bien efficace », dit-elle, reconnaissant qu’elle a fini par en prendre de plus en plus, jusqu’à 4 à 6 g de paracétamol par jour, au moins un jour sur deux et parfois 10 jours à la suite. La maladie migraineuse empirant, les crises traitées par cet antalgique banal sont devenues plus fréquentes et même continues, surtout depuis son divorce il y a deux ans.

Qu’en pensez-vous ?

Ces maux de tête récurrents résultent très probablement d’un recours excessif au paracétamol (+/– codéine).

ANALYSE DU CAS

• Madame R. utilise abusivement depuis près de deux ans du paracétamol à des doses élevées, parfois associé à la codéine.

• Cet usage excessif explique les céphalées chroniques secondaires : il s’agit de douleurs iatrogènes, dites « céphalées par abus de médicament ».

• La chronicisation de la céphalée a probablement pour origine physiologique une moindre efficacité des systèmes de contrôle de la douleur au niveau central par accoutumance aux antalgiques.

• Il ne faut pas non plus négliger la potentielle toxicité hépatique du paracétamol.

ATTITUDE À ADOPTER

• Madame R. a besoin de consulter un médecin pour prendre en charge ses céphalées chroniques quotidiennes. Un sevrage médicamenteux est indispensable. Il peut être brutal ou progressif et entraîner un syndrome de sevrage comportant notamment des céphalées de rebond. Celles-ci seront prises en charge par des moyens non médicamenteux, sauf si elles sont d’allure migraineuse et très intenses.

• Des recommandations suggèrent d’accompagner l’arrêt de l’antalgique par la prescription d’un antidépresseur tricyclique type amitriptyline (Laroxyl 25 à 100 mg/j). Un accompagnement psychothérapeutique peut se révéler pertinent, qu’il s’agisse d’un simple soutien moral, de techniques de relaxation, d’acupuncture ou d’une thérapie cognitivocomportementale.

• Le suivi devra être prolongé car les rechutes sont nombreuses dans les six mois qui suivent cet arrêt.

CAS N° 2 — EFFETS INDESIRABLES

Un nez irrité

Nez sec, filets de sang au mouchage, gêne sinusale… Madame D., 40 ans, demande conseil au pharmacien : a-t-il un produit pour ses problèmes sans doute allergiques et liés aux pollens ? Elle en profite pour faire renouveler une ordonnance destinée à traiter sa migraine : Avlocardyl LP 160 mg/j, Diergospray (1 dose/narine dès l’apparition de la céphalée, renouvelée 15 minutes après si besoin) lors des crises.

Sa demande est-elle justifiée ?

Oui, car Diergospray expose comme beaucoup de formes nasales à une intolérance locale.

ANALYSE DU CAS

Diergospray est un soluté de dihydroergotamine pour pulvérisation nasale destinée à traiter la crise migraineuse. L’emploi de ce médicament vasoconstricteur peut induire une congestion nasale avec picotements, rhinite, sensation de nez bouché, parfois épistaxis (saignement), notamment chez les patients allergiques, ce qui est le cas ici. Le pharmacien fait donc le rapprochement entre l’inconfort nasal dont se plaint la patiente et son traitement antimigraineux, d’autant que celle-ci souligne avoir généralement recours à 4 pulvérisations par crise, « pour être sûre ».

ATTITUDE À ADOPTER

L’emploi de Diergospray impose une surveillance particulière chez les patients souffrant de rhinite, de congestion nasale et de rhinite allergique du fait de sa tolérance médiocre dans ce condiv. Cette modalité de traitement n’est pas indispensable : d’autres formes galéniques seraient peut-être mieux adaptées ici, comme par exemple les présentations orodispersibles. Le pharmacien conseille à madame D. d’évoquer ce problème avec le médecin. De fait, elle revient deux jours plus tard avec une prescription de Maxaltlyo 5 mg. Les patients sous propranolol doivent recevoir une dose plus faible (5 mg au lieu de 10 mg) de Maxaltlyo et espacée d’au moins 2 heures de la prise des deux médicaments.

CAS N° 3 — EFFETS INDESIRABLES

« Ma tête me fait grossir »

Il y a six mois, le médecin de Mme R., 53 ans, traitée pour des migraines, lui a prescrit Sanmigran (pizotifène). Après une courte période de titration, la posologie a été arrêtée à 1  p le matin et 2 cp midi et soir. Mme R. a recours à un usage ponctuel de Zomigoro (zolmitriptan) pour traiter les crises de migraine qui peuvent survenir. Son souci actuel : elle ne rentre plus dans ses pantalons car elle a pris 3 kg.

Pourquoi Mme R. a-t-elle grossi ?

Le pizotifène (Sanmigran) est connu pour occasionner une augmentation de l’appétit et une prise de poids.

ANALYSE DU CAS

L’administration de pizotifène, antagoniste 5-HT2A, 5-HT2C (cerveau), 5-HT2B (intestin) et antagoniste histaminergique, a un effet orexigène (augmentant l’appétit) puissant et expose à une prise de poids significative, parfois à de l’obésité (il a jadis été utilisé hors AMM pour faire prendre du poids à des patients amaigris) : une étude a montré que 86 % des patients prenant 1 mg/j de pizotifène voyaient leur poids augmenter de près de 4,5 kg en 6 mois.

Cet effet, dont l’origine exacte reste discutée, est indépendant de la dose (ici assez importante), de l’IMC du patient avant traitement et de l’efficacité du médicament sur la maladie migraineuse.

ATTITUDE À ADOPTER

Le gain pondéral, souvent mal vécu, expose à une comorbidité non négligeable : il est fréquent que le traitement soit modifié. Madame R., satisfaite de la prescription au plan neurologique, ne souhaite pas changer de médicament, du moins dans l’immédiat, et préfère faire un régime.

Le pharmacien lui conseille de contrôler sa prise de poids par un exercice physique régulier et par une restriction calorique.

CAS N° 4 — EFFETS INDESIRABLES

Madame H. a mal à l’œil

Madame H., 47 ans, est inquiète : depuis l’avant-veille, son œil gauche est rouge, larmoyant, irrité, sensible et douloureux. Elle ne supporte plus la lumière. Le pharmacien, consultant son dossier sur l’ordinateur, constate qu’il lui a délivré Epitomax (topiramate) un mois auparavant pour remplacer un traitement antimigraineux par Avlocardyl (propranolol), peu efficace.

Peut-il y avoir un rapport entre ce trouble oculaire et Epitomax ?

Oui, car le topiramate, principe actif de Epitomax, est connu pour induire des effets indésirables oculaires, de nature et de sévérité variables.

ANALYSE DU CAS

Le topiramate (Epitomax) est indiqué en seconde intention dans le traitement de fond de la migraine : madame H. en prend une dose moyenne (1 gélule 50 mg matin et soir). Ce médicament est connu pour induire un syndrome oculaire régressif à l’arrêt du médicament se traduisant par des troubles de la vision, une diplopie, une myopie, des douleurs et/ou une sécheresse oculaire, une photophobie, rarement une cécité – souvent unilatérale, transitoire – ou un glaucome. Cette action sur l’œil, restant mal connue, est la conséquence probable d’une réaction allergique (le topiramate a une structure de sulfamide) induisant un œdème inflammatoire du corps ciliaire et du cristallin à l’origine d’une augmentation de la courbure du cristallin et d’un spasme accommodatif.

ATTITUDE À ADOPTER

Madame H. doit suspendre le traitement par topiramate et consulter sans tarder un ophtalmologiste pour un contrôle oculaire destiné à éliminer une cause non iatrogène à cette réaction oculaire. Le pharmacien appelle le neurologue pour prendre rendez-vous pour sa patiente rapidement. Le médecin sera amené à modifier sa prescription antimigraineuse.

CAS N° 5 — EFFETS INDESIRABLES

Madame J. ne tient plus sur ses jambes

Madame J. est traitée depuis 2 semaines par Avlocardyl (propranolol, 40 mg matin et soir) pour prévenir des crises de migraine. Ce matin, vers 9 h, elle a été victime d’un malaise au cours de son jogging. Elle s’est donc rendue à la pharmacie la plus proche. Après s’être assise et avoir bu de l’eau très sucrée, elle se sent rapidement mieux. Elle explique qu’elle n’a pas petit-déjeuné ce matin.

Quelle peut être l’origine de ce malaise ?

Le pharmacien, au vu du traitement de madame J., pense à un malaise hypoglycémique masqué par la prise d’un bêtabloquant.

ANALYSE DU CAS

Plusieurs bêtabloquants ont montré leur efficacité dans le traitement de fond de la migraine, mais seuls le propranolol et le métoprolol bénéficient d’une AMM dans ce cadre. Le propranolol (Avlocardyl) constitue une référence (40 à 160 mg/j). Les bêtabloquants non cardiosélectifs comme le propranolol diminuent la glycogénolyse et la néoglucogenèse hépatiques. Les signes annonciateurs de l’hypoglycémie (palpitations, tachycardie, sueurs) ont été masqués ici par la prise du bêtabloquant et par le condiv de survenue du malaise (effort sportif faisant transpirer, chaleur déjà importante). L’hypoglycémie a de plus été accentuée ce matin-là par l’absence de petit déjeuner.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien a eu le bon réflexe : l’apport de sucre a vite fait de rétablir la joggeuse. Il s’agit d’un malaise ponctuel, plus fréquent en début de traitement par bêtabloquant. Mme J. doit être attentive aux signes annonciateurs d’une hypoglycémie et s’astreindre à prendre un petit déjeuner avant de faire de l’exercice.

CAS N° 6 — EFFETS INDESIRABLES

Un infarctus imminent

Noémie T., 26 ans, traitée pour des crises de migraine violentes et récurrentes, prenait jusqu’alors de l’ibuprofène. Les douleurs devenant plus handicapantes, le médecin a modifié ce traitement par Naramig (naratriptan). Lorsqu’elle a eu recours pour la seconde fois à Naramig (2,5 mg), Noémie a ressenti une oppression dans le haut du thorax, accompagnée d’une vague de chaleur et d’une sensation de fourmillement dans la tempe gauche. Cette sensation est devenue quasiment douloureuse avant de régresser pour disparaître en environ une heure. Elle vient en parler à son pharmacien.

Le pharmacien peut-il se montrer rassurant ?

Oui. La prise d’un triptan peut induire des effets thoraciques à type de douleur ou d’oppression pouvant, à tort, suggérer un angor.

ANALYSE DU CAS

Les triptans agissent dans la crise migraineuse comme des vasoconstricteurs (agonisme 5-HT1B et 5-HT1D). Toutefois, leur sélectivité n’est pas absolue et explique la survenue d’un « effet triptan » se traduisant cliniquement par une sensation de striction, de pesanteur ou de fourmillement, affectant notamment la tête, le cou, le thorax, par des bouffées de chaleur voire par des douleurs. Ces signes peuvent inquiéter par leur ressemblance avec des signes d’angine de poitrine. Bénins, ils disparaissent en 2 à 3 heures. Des mécanismes divers, ischémiques on non, probablement liés au patient, non mutuellement exclusifs, dont l’origine reste discutée, peuvent en expliquer la survenue : trouble vasospastique généralisé, bronchoconstriction, spasme œsophagien, réduction des apports en oxygène des muscles striés, etc.

ATTITUDE À ADOPTER

Un angor ou un infarctus doivent être distingués de l’« effet triptan », lequel a très généralement une étiologie non ischémique. Si ces réactions peuvent s’observer sans facteur de risque connu, y compris chez des patients jeunes, elles demeurent exceptionnelles. Le rapport bénéfice/risque des triptans sur la sphère cardiovasculaire est donc favorable à leur usage – en l’absence bien sûr de contre-indications spécifiques (pathologie cardiaque ischémique, vasospasme coronarien, etc.).

Le pharmacien suggère à la patiente de consulter son médecin mais il peut d’emblée la rassurer : le condiv de survenue des signes décrits est clair : Mme T. est jeune, n’a pas d’antécédents cardiaques, et les signes sont corrélés à la prise du triptan au cours de la crise migraineuse.

CAS N° 7 — INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

Double effet AINS

Madame T., 29 ans, traite ses crises de migraine par Profémigr (kétoprofène), prescrit récemment par son généraliste. Venant renouveler l’ordonnance, elle en profite pour demander un anti-inflammatoire et une bande Velpeau : elle s’est tordu la cheville le matin même en descendant d’un trottoir. Un préparateur lui conseille de l’ibuprofène (Nurofen 400) « sans dépasser 3 comprimés par jour ».

Le préparateur peut-il délivrer ces médicaments ?

Non. L’association de deux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peut induire des effets indésirables sévères.

ANALYSE DU CAS

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont tous potentiellement efficaces dans le traitement de la crise migraineuse. Leur prescription est logique : la douleur migraineuse a partiellement pour origine une inflammation des artères méningées et l’extravasation de protéines plasmatiques algogènes.

Récemment commercialisé en remplacement de Bi-Profénid (qui n’est plus indiqué dans le traitement de la crise de migraine), Profémigr a aussi pour principe actif le kétoprofène, ici dosé à 150 mg. Le médecin a prescrit 1/2 voire 1 comprimé en début de crise. Nurofen 400 est, lui, composé d’ibuprofène, un autre AINS (dont l’efficacité dans la migraine est également reconnue). Il y a là visiblement un risque iatrogène (hémorragies, ulcère, etc.) lié à l’association de deux AINS dont l’un est ici mal identifié par le préparateur et la cliente à qui le médecin l’a présenté comme un médicament antimigraineux spécifique.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien intervient et accepte de dispenser Nurofen à madame T., mais lui précise qu’elle ne doit pas associer les deux AINS. Elle ne reprendra donc Profémigr, en cas de crise, qu’une fois sa cheville soulagée et le traitement par Nurofen arrêté.

CAS N° 8 — INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

Un saignement de nez alarmant

Madame A., 32 ans, traite ses migraines depuis 4 mois par Désernil (2 cp/j). Elle est par ailleurs sous Nicotinell TTS 21 mg et Zyban pour un sevrage tabagique. Victime d’une migraine sur son lieu de travail, elle a accepté Relpax (élétriptan) proposé par une collègue. C’est peu après une seconde prise Relpax (1 h après la première) que madame A. a saigné du nez et a été prise de vertiges. Le pharmacien chez qui elle achète des cotons hémostatiques mesure une PA à 170/110.

Qu’évoque cette mesure de la tension artérielle ?

Associée à la clinique, elle évoque une poussée hypertensive.

ANALYSE DU CAS

La maladie migraineuse de madame A. est traitée par du méthysergide (Désernil), un alcaloïde de l’ergot de seigle vasoconstricteur. Cette patiente utilise de plus du bupropion (Zyban), un dérivé amphétaminique inhibiteur de la recapture neuronale des catécholamines connu pour exposer à un risque d’hypertension, accru par l’association à un patch nicotinique. Lors de la crise, madame A. a dû recourir à deux comprimés de Relpax, un triptan également vasoconstricteur. L’association des quatre médicaments explique la poussée hypertensive de madame A.

ATTITUDE À ADOPTER

Si l’incident reste sans gravité, il doit constituer une alerte. Madame A. sait qu’elle est sujette à des variations tensionnelles brutales, qu’accroissent ici le stress professionnel et ses traitements. Le pharmacien conseille à madame A. de consulter son médecin et, en attendant, de traiter une éventuelle crise de migraine par de l’ibuprofène. Il apprend quelques jours plus tard que le médecin a arrêté le traitement par Zyban à cause de cas l’incident hypertensif, comme l’indique le RCP.

PHARMACOLOGIE

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Il est classique de distinguer :

• les médicaments traitant la crise de migraine, destinés à un usage ponctuel ;

• les médicaments de fond, limitant le nombre comme l’intensité des crises, administrés en continu.

Traitement de la crise

• La prescription d’un AINS permet de réduire l’inflammation des artères méningées et l’extravasation de cytokines algogènes. Il n’existe pas de résistance croisée : l’échec de l’un invite à en tester un autre. Kétoprofène, ibuprofène, diclofénac et naproxène ont un bon niveau d’activité. L’association acétylsalicylate de lysine-métoclopramide (Migpriv) traite simultanément de façon symptomatique les céphalées et les nausées.

• Le traitement de la crise repose essentiellement sur les AINS et les triptans. Les différences d’activité et d’efficacité entre les divers triptans sont peu significatives. Leur profil de tolérance est un peu différent. Il n’existe pas de tolérance ou d’intolérance croisée entre ces molécules. Lors d’une prise inefficace de triptan, il est inutile d’en reprendre 2 heures après. Ne reprendre un comprimé que si la première prise a eu quelques effets sur la céphalée.

• Des dérivés de l’ergot de seigle sont indiqués : dihydroergotamine (injectable ou spray) ou ergotamine.

• Eviter les opiacés en raison du risque d’abus et de leur tendance à augmenter les nausées chez les migraineux.

Traitement prophylactique

• Le traitement de fond est indiqué seulement si la fréquence et/ou la sévérité des crises le justifie (6 à 8 jours de traitement depuis plus de 3 mois) ou face à un abus de médicaments de la crise. Il est actif en 4 à 8 semaines et ne fait que réduire la fréquence et/ou la sévérité des crises.

• Il n’y a pas d’intérêt à associer deux traitements de fond.

• En première intention, ce traitement repose sur la prescription d’un bêtabloquant (propranolol, métoprolol), d’un antidépresseur tricyclique (amitriptyline, hors AMM), d’un anticonvulsivant (topiramate) ou d’un antimigraineux spécifique, l’oxétorone.

• La dihydroergotamine, qui reste prescrite en première ligne en France, est bien tolérée ; toutefois, son service médical rendu ayant été jugé insuffisant, elle sera déremboursée à partir du 15 ? octobre.

• Un antimigraineux spécifique (indoramine ou pizotifène est généralement prescrit en seconde intention

• La flunarizine (Sibélium) est prescrite en dernière intention pour une durée n’excédant pas 6 mois.

• Le méthysergide (Désernil) peut être prescrit uniquement en cas de résistance aux autres traitements, en ménageant une fenêtre thérapeutique de 1 mois tous les 6 mois.

PRINCIPAUX TRAITEMENTS

Triptans

Principaux effets indésirables

• Nausées, vertiges, somnolence.

• « Effet triptan » : bouffées de chaleur ou sensation de fourmillement et sensation de striction ou de pesanteur dans la tête, le cou et le thorax, disparaissant en quelques heures.

• Elévation de la tension artérielle, palpitations.

Contre-indications

• Antécédents d’infarctus du myocarde ou pathologie cardiaque ischémique.

• Antécédents d’accident vasculaire cérébral, d’accident ischémique transitoire ou de maladie de Raynaud.

• Hypertension artérielle modérée ou sévère, hypertension légère non contrôlée.

• Insuffisance hépatique sévère (tous sauf zolmitriptan) ou rénale sévère (naratriptan).

Interactions médicamenteuses

L’association avec les alcaloïdes de l’ergot du seigle et d’autres agonistes 5-HT1 est contre-indiquée (risque d’hypertension et de vasoconstriction artérielle). Un délai de 24 heures doit être respecté entre l’arrêt de l’administration d’un dérivé de l’ergot et l’administration d’un triptan. Inversement, un délai d’au moins 6 heures (almotriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan) à 24 heures (élétriptan, frovatriptan, naratriptan) doit être ménagé entre l’administration d’un triptan et celle d’un dérivé de l’ergot.

Dérivés ergotés

Principaux effets indésirables

• Nausées et vomissements.

• Effets vasoconstricteurs : paresthésies des extrémités, douleurs angineuses, possible syndrome de Raynaud.

• Œdèmes.

• Myalgies et arthralgies.

• Rashs cutanés et urticaire.

• Risque très faible d’ergotisme avec vasoconstriction systémique, paresthésies des extrémités, voire nécrose des orteils ou des doigts, notamment en cas d’association médicamenteuse inadaptée.

• Fibrose (notamment rétropéritonéale), généralement réversible (méthysergide = Désernil).

• Impression de nez bouché et sec ou, inversement, écoulement nasal (DHE en spray = Diergospray).

Contre-indications

Tout dérivé et toute présentation

• Insuffisance coronarienne.

• Hypertension sévère ou mal contrôlée.

• Affection vasculaire oblitérante, syndrome de Raynaud.

• Troubles de la circulation périphérique.

• Artérite temporale.

• Insuffisance hépatique ou rénale sévère.

• Infection sévère, choc.

Méthysergide

• Antécédents de fibrose d’origine médicamenteuse.

• Pathologies obstructives des voies urinaires hautes.

• Cachexie.

Interactions médicamenteuses

Contre-indiqués

• Triptans (vasoconstricteurs).

• Antibiotiques : macrolides (sauf spiramycine).

• Antiviraux : éfavirenz (DHE), nelfinavir, antiprotéases boostés par le ritonavir.

• Antifongiques : itraconazole, triclabendazole.

• Stiripentol.

• Diltiazem.

Déconseillés

• Alcaloïdes de l’ergot du seigle dopaminergiques (antiparkinsoniens).

• Sympathomimétiques alpha (voie orale et/ou nasale) : étiléfrine, midodrine, naphazoline, etc.

• Sympathomimétiques indirects (sauf phénylpropanolamine) : éphédrine, phényléphrine, etc.

Bêtabloquants (métoprolol, propranolol)

Principaux effets indésirables

• Asthénie.

• Ralentissement du rythme cardiaque.

• Refroidissement des extrémités, syndrome de Raynaud.

• Insomnies, cauchemars.

Contre-indications

• BPCO et asthme sévère.

• Insuffisance cardiaque non contrôlée.

• Blocs auriculoventriculaires des 2e et 3e degrés non appareillés.

• Angor de Prinzmetal.

• Maladie de Raynaud.

• Hypotension artérielle.

• Prédisposition à l’hypoglycémie.

Interactions médicamenteuses

Contre-indiquée

Floctafénine (Idarac) : risque de diminution des réactions de compensation cardiaque en cas de choc ou d’hypotension.

Déconseillés

Diltiazem et vérapamil : risque de troubles du rythme cardiaque imposant une surveillance par ECG étroite.

Anticonvulsivants : topiramate

Principaux effets indésirables

• Effets neuropsychiques : fatigue, somnolence, troubles de l’équilibre et de l’élocution, paresthésies, nystagmus.

• Troubles digestifs : nausées, anorexie, perte de poids.

• Troubles visuels avec myopie ou glaucome aigu.

• Acidose métabolique.

• Risque de formation de calculs urinaires.

Contre-indications

Grossesse ou absence de contraception efficace chez une femme en âge de procréer.

Interactions médicamenteuses

Il n’y a pas d’associations contre-indiquées ou déconseillées.

Autres antimigraineux

Les autres médicaments indiqués dans le traitement de fond de la migraine exercent une action sur de nombreux récepteurs, d’où leur iatrogénicité (sédation, variations pondérales).

Flunarizine

Inhibition de l’afflux calcique dans les cellules musculaires lisses des parois artérielles et action anti-H1. Action antidopaminergique expliquant une activité neuroleptique masquée.

Indoramine

Action alphabloquante postsynaptique, anti-H1 et anticholinergique.

Oxétorone et pizotifène

Action antisérotonine (vasodilatatrice) et anti-H1.

Amitriptyline (hors AMM)

Action complexe (inhibition de la recapture de neuromédiateurs, modification de la perméabilité ionique membranaire) ayant notamment pour conséquence un renforcement du contrôle inhibiteur de la douleur. Composante anticholinergique non négligeable.

Principaux effets indésirables

• Somnolence (flunarizine, indoramine, oxétorone, pizotifène) ou amitriptyline).

• Asthénie et vertiges (pizotifène), hypotension orthostatique (amitriptyline).

• Congestion nasale (indoramine).

• Sécheresse de la bouche (amitriptyline, indoramine, pizotifène).

• Augmentation de l’appétit et prise de poids (amitriptyline, flunarizine, pizotifène).

• Constipation (amitriptyline).

• Troubles de la miction (amitriptyline).

• Effets extrapyramidaux (flunarizine).

• Troubles du rythme (amitriptyline).

Contre-indications

• Association à un IMAO (amitriptyline, indoramine).

• Maladie de Parkinson (indoramine, flunarizine).

• Antécédents de symptômes extrapyramidaux (flunarizine).

• Antécédents de syndrome dépressif (flunarizine, pizotifène).

• Risque de glaucome par fermeture de l’angle (pizotifène).

• Risque de rétention urinaire lié à des troubles urétroprostatiques (pizotifène).

• Insuffisance cardiaque, hépatique et rénale sévère (indoramine).

Interactions médicamenteuses

Contre-indiquée

Association à un traitement par IMAO (indoramine).

CAS N° 9 — INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

Des doigts glacés

Josette M., 33 ans, suit un traitement de fond pour la migraine depuis deux ans : Ikaran LP 5 mg (dihydroergotamine, 1 cp × 2/j). Se sentant fatiguée, fiévreuse, le nez bouché, elle se rend dans une pharmacie après une nuit pénible. Rien de grave : une étudiante en pharmacie en stage lui délivre Rhinureflex. Madame M., qui veut se remettre rapidement, en a pris 2 comprimés en début d’après-midi, suivis de 2 au dîner puis de 2 au coucher. Pourtant, malgré ce traitement « énergique », elle ne s’est pas sentie mieux au lever. Pire : ses doigts étaient glacés, engourdis. De retour à la pharmacie, elle demande un médicament plus efficace contre ce rhume.

Ces signes sont-ils associés au rhume ?

Non. Ils évoquent une vasoconstriction liée à l’interaction entre deux médicaments vasoconstricteurs.

ANALYSE DU CAS

• Rhinureflex, indiqué comme traitement symptomatique de la congestion nasale, associe de l’ibuprofène à de la pseudo-éphédrine, un sympathomimétique vasoconstricteur.

• Ikaran LP a pour principe actif la DHE, un alcaloïde de l’ergot de seigle vasoconstricteur indiqué dans le traitement de fond de la maladie migraineuse. Le traitement par pseudo-éphédrine, délivré sans contrôle d’une éventuelle interaction, a potentialisé la réaction vasomotrice, d’où les signes dont se plaint la cliente.

• L’association entre ces deux médicaments est contre-indiquée.

• De plus, madame M. a dépassé largement la posologie de Rhinureflex préconisée (4 cp/j au maximum) : elle a utilisé 6 cp en une seule demi-journée !

ATTITUDE À ADOPTER

• Madame M. doit arrêter le traitement par Rhinureflex, contre-indiqué, et se contenter de lavages sinusaux avec du sérum physiologique : l’infection nasale, très souvent d’origine virale, banale et bénigne, sera spontanément résolutive en 2 jours environ. Les signes de vasoconstriction ne tarderont pas à disparaître sans séquelles et n’auront pas été sévères.

CAS N° 10 — CONTRE-INDICATIONS

Un traitement risqué

Noémie T., 24 ans, prend tous les lundis matin 2 cp d’Imeth (méthotrexate) pour traiter une polyarthrite rhumatoïde. Face à des migraines récentes, un médecin remplaçant lui a prescrit Migpriv (acétylsalicylate de lysine/métoclopramide). C’est au cours de la délivrance de cet antimigraineux que le pharmacien s’inquiète.

Ce traitement de la migraine est-il indiqué ?

Non. L’association de Migpriv et d’Imeth est contre-indiquée car elle augmente la toxicité de ce dernier.

ANALYSE DU CAS

Migpriv associe de l’acétylsalicylate de lysine (aspirine 900 mg) et du métoclopramide (10 mg). Imeth n’est autre que du méthotrexate (10 mg par comprimé), un immunosuppresseur constituant un traitement de fond classique de la polyarthrite rhumatoïde : Noémie en utilise 20 mg/semaine. L’association de méthotrexate, administré à une dose excédant 20 mg/semaine, et de Migpriv est contre-indiquée (RCP de Migpriv). Elle expose en effet à une majoration de la toxicité du méthotrexate, notamment d’ordre hématologique et digestif (nausées, stomatite), car l’acide acétylsalicylique augmente ses taux sériques en diminuant sa sécrétion tubulaire et donc sa clairance rénale.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien ne délivre pas Migpriv : il existe des alternatives, d’autant que les crises de migraine de sa patiente sont peu intenses et que son traitement immunosuppresseur est parfaitement équilibré. Mlle T. retourne voir le médecin qui n’a pas pris en compte cette contre-indication avec Imeth.

CAS N° 11 — CONTRE-INDICATIONS

Un pharmacien vigilant

Madame G., 67 ans, a été victime il y a 3 semaines d’un accident ischémique transitoire sans grave conséquence (engourdissement hémilatéral résolutif). Elle vient aujourd’hui renouveler son ordonnance d’antimigraineux prescrite il y a 3 mois. Redoutant la survenue d’une crise, elle se dit rassurée si elle dispose de Tigreat (frovatriptan).

Le pharmacien peut-il délivrer ?

Non. L’administration d’un triptan est contre-indiquée en cas d’antécédents d’AVC.

ANALYSE DU CAS

Les triptans, très vasoconstricteurs, sont contre-indiqués dans les situations où ils sont susceptibles d’aggraver une pathologie liée à un vasospasme, notamment lors d’antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’accident ischémique transitoire (AIT), d’antécédents d’infarctus du myocarde, de pathologie cardiaque ou périphérique ischémique, d’hypertension artérielle modérée ou sévère, d’hypertension légère non contrôlée…

• L’AIT est survenu alors que la patiente disposait de l’ordonnance du neurologue pour ses migraines. Madame G. n’a pas pensé à signaler la prise occasionnelle d’antimigraineux car c’est pour elle un simple médicament contre le « mal de tête » : dans ce condiv, elle n’a pas hésité à venir renouveler son ordonnance. Le pharmacien, auquel elle a parlé de son AVC, comprend le risque encouru par ce traitement.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien appelle le médecin de madame G. pour prendre rendez-vous sans tarder. Le médecin lui prescrira un traitement adapté à la nouvelle situation, mais les alternatives restent peu nombreuses… Evitant les alcaloïdes de l’ergot de seigle (vasoconstricteurs comme les triptans et contre-indiqués dans toute affection prédisposant à une réaction vasospastique), le médecin pourra prescrire du paracétamol.

CAS N° 12 — SITUATIONS PARTICULIÈRES

Une mère et sa fille bien exigeantes…

Nathalie, 16 ans, a de façon assez récurrente des douleurs migraineuses accompagnées de nausées. Selon sa mère, seul Migpriv les atténue. L’adolescente et sa mère, très contrariées par l’annonce par les médias des nouvelles conditions de délivrance du métoclopramide, entendent obtenir ce médicament en présentant une ordonnance datant de la fin de l’année 2011.

Le pharmacien peut-il satisfaire cette demande ?

Non, l’ANSM a contre-indiqué certaines spécialités à base de métoclopramide (Primpéran et génériques) chez les moins de 18 ans le 9 février 2012. Migpriv n’était alors pas concerné.

Cependant, depuis juin 2012, Migpriv est également contre-indiqué chez les moins de 18 ans.

ANALYSE DU CAS

Le métoclopramide, un antidopaminergique actif contre les nausées, y compris celles liées aux migraines, constitue le principe actif du Primpéran (et génériques), où il est isolé, et de Migpriv, où, associé à l’acide acétylsalicylique (10 mg + 900 mg), il est indiqué dans le traitement de la crise de migraine et des signes digestifs associés. Des données de pharmacovigilance montrant que le métoclopramide expose à des signes extrapyramidaux (tremblements, mouvements anormaux de la tête et du cou), l’ASNSM a réévalué le rapport bénéfice/risque du métoclopramide chez l’enfant et l’adolescent.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien informe Nathalie des mesures prises par l’ANSM, dans l’intérêt des patients. Il ne peut pas délivrer le traitement et conseille à la patiente de prendre rendez-vous rapidement avec son médecin pour étudier la prescription d’un autre antimigraineux et antinauséeux.

CAS N° 13 — SITUATIONS PARTICULIÈRES

Le bon médicament, au bon moment

Madame S. juge peu efficace son traitement par Zomigoro (zolmitriptan). Elle préférait Nurofen, même si les douleurs ne disparaissaient pas totalement ! Essayant de cerner le problème, le pharmacien comprend que cette cliente prend le médicament dès que de petits troubles visuels annoncent la céphalée à venir.

Pourquoi le traitement est-il insuffisamment efficace ?

Madame S. prend visiblement Zomigoro au moment de l’aura annonciatrice de la céphalée migraineuse : ceci explique l’inefficacité du traitement.

ANALYSE DU CAS

Survenant, lorsqu’elle existe, en 5 à 20 minutes, l’aura se traduit par des signes neurologiques probablement liés à une dépression neuronale envahissante et annonciateurs de la céphalée migraineuse qui suit, soit environ une heure plus tard : perturbations du champ visuel (scintillements, troubles visuels transitoires), symptômes hémisensitifs, dysphasie ou aphasie totalement réversibles ou combinaison de ces signes. Plusieurs auras peuvent se succéder avant une céphalée migraineuse, et une aura peut se prolonger pendant la céphalée elle-même.

Si les triptans sont actifs sur l’ensemble des symptômes de la céphalée migraineuse (nausées et vomissements, photophobie, intolérance au bruit ou phonophobie), ils ne le sont pas sur l’aura elle-même. Le médicament doit donc être pris au début de la céphalée migraineuse, mais non pendant la phase d’aura.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à madame S. à quel moment elle doit prendre Zomigoro. La patiente doit savoir attendre la phase de céphalée migraineuse proprement dite – et non le début de la crise de migraine (aura) – avant d’y recourir.

CAS N° 14 — SITUATIONS PARTICULIÈRES

Mieux vaut tard que jamais

Madame T., enceinte depuis 3 mois, souhaite continuer à traiter ses crises de migraine, devenues certes moins fréquentes mais tout aussi pénibles. Elle n’a pas recours à un traitement de fond. Visiblement inquiète, elle demande au pharmacien quelle serait la meilleure solution pour soulager les crises… Depuis qu’elle est enceinte, elle reconnaît avoir déjà pris Imigrane (sumatriptan, cp 50 mg) sans avis médical, et ce à cinq ou six reprises.

Le pharmacien peut-il la rassurer ?

Non. La poursuite du traitement par Imigrane nécessite un avis médical.

ANALYSE DU CAS

Madame T. est victime de crises de migraine gênantes, bien contrôlées par la prise de sumatriptan (Imigrane), d’où son automédication – rarement observée pendant une grossesse. Ce type de médicament n’est pas tératogène, même utilisé pendant tout le premier trimestre de la grossesse, et ne perturbe pas son cours. L’expérience reste limitée pour les deux trimestres suivants. Les incidents décrits dans la littérature sont une hypotonie utérine et une augmentation du risque d’hémorragie utérine lors de la délivrance.

Le RCP d’Imigrane précise que cet emploi ne doit être envisagé (en pratique par un spécialiste) que si le bénéfice pour la mère l’emporte sur le risque possible. Quant au Centre de référence sur les agents tératogènes, il autorise le recours d’Imigrane en cas d’inefficacité des antalgiques de palier I. Toutefois, le recours au sumatriptan pendant la grossesse est désormais à éviter pour madame T., d’autant que de nouvelles recommandations devraient à terme interdire l’emploi des triptans pendant la grossesse.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure la patiente quant au risque pour le fœtus. Néanmoins, il l’invite à ne plus recourir sans avis médical à ce traitement, et ce d’autant plus que les crises de migraine devraient se raréfier au fur et à mesure que la grossesse avancera. Il informe la jeune femme que le paracétamol peut être utilisé sans risque pendant toute la grossesse.

Ce qu’il faut retenir

Les questions à se poser lors de la dispensation d’un antimigraineux

• Rappeler au patient les points essentiels (aliments, stress, sommeil…) limitant le recours aux médicaments et donc l’iatrogénie.

• Connaître le condiv de survenue des crises permet parfois d’en éviter la survenue.

• Ne jamais prolonger le traitement d’une crise (risque de toxicité ou d’accoutumance). Savoir différencier le traitement de crise et le traitement de fond.

• Savoir évaluer l’efficacité de son traitement et gérer la ou les prises du traitement de crise.

• Ne pas recourir à la voie orale en cas de nausées ou de vomissements : privilégier la forme nasale, orodispersible ou injectable.

• Ne pas prendre à jeun un alcaloïde de l’ergot pour éviter les nausées et vomissements.

• Demeurer vigilant à l’égard d’un possible abus de médicaments de la crise, devant souvent inviter à recourir à un traitement de fond.

Traitement de la crise

• Eviter que le patient n’associe plusieurs médicaments et dépasse la posologie prescrite, même en cas de persistance des symptômes.

• Ne pas prendre un triptan pendant l’aura.

• Prévenir le patient d’un possible « effet triptan », notamment en cas d’association médicamenteuse inadaptée (notamment s’il y a automédication).

•  S’assurer de l’absence d’interactions :

vasoconstricteurs entre eux ou médicaments prosérotoninergiques entre eux.

• Respecter un délai de 24 h entre l’arrêt de l’administration d’un dérivé de l’ergot et celle d’un triptan. Un délai de 6 h (sumatriptan, rizatriptan, zolmitriptan) ou de 24 h (élétriptan, naratriptan) est ménagé entre l’administration d’un triptan et celle d’un dérivé de l’ergot.

• En cas de grossesse, se limiter au paracétamol.

• Tenir un agenda de la migraine.

Traitement de fond

• Adapter progressivement les posologies.

• Attendre 2 à 3 mois avant d’apprécier l’efficacité du traitement ; le maintenir pendant au moins six mois (sauf mention contraire : comme pour la flunarizine) ; réduire progressivement les doses avant de l’arrêter.

• Déconseiller la consommation d’alcool avec la flunarizine, l’indoramine ou le pizotifène.

• Connaître les signes d’une éventuelle iatrogénie : signes oculaires (topiramate), prise de poids (pizotifène…), signes d’hypoglycémie (bêtabloquant)…

• Recommander la prudence en cas de conduite (diminution de la vigilance).

• Ménager des fenêtres thérapeutiques de 3-4 semaines avec le méthysergide (Désernil).

ATTENTION !

Un excès de médicaments antidouleurs chez le migraineux peut induire des céphalées par abus de médicament voire une dépendance aux antalgiques.

Migraines et abus médicamenteux

• Les céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) sont définies par l’existence de céphalées plus de 15 j/mois et plus de 4 h/j et ce depuis plus de 3 mois, sans étiologie lésionnelle ou pathologique.

• Elles ont généralement pour origine une migraine se chronicisant sous l’influence d’un abus de médicament associé à des facteurs psychopathologiques.

• La prévalence des CCQ est très importante : en France, elle est de 3 % en population générale et est 3 fois plus élevée chez la femme que chez l’homme.

• Le diagnostic est souvent posé au vu d’un « agenda de la migraine », où le patient consigne leurs dates et heures de survenue, leur durée, la nature des médicaments utilisés et l’heure de leur administration.

• Une CCQ est associée, chez 60 % à 80 % des patients migraineux, à un usage excessif de médicament : on évoque alors une céphalée par abus de médicament (CAM). La prise médicamenteuse, régulière, dure depuis plus de 3 mois. Elle s’observe plus de 15 j/mois pour les antalgiques non opioïdes non associés, et plus de 10 j/mois pour les autres traitements de la crise céphalalgique (antalgiques non opioïdes associés, opioïdes, dérivés de l’ergot, triptans, etc.).

• Les patients migraineux souffrant de CCQ sont plus souvent anxieux ou déprimés que ceux non atteints de CCQ. La CCQ s’est souvent développée au décours d’un événement de vie (généralement négatif, mais parfois positif).

• Les médicaments majoritairement à l’origine d’une CAM sont le paracétamol, la caféine, la codéine et les triptans. L’abus d’antalgiques pour des douleurs chroniques non céphalalgiques chez un patient non migraineux n’induit pas de CAM.

• Les tentatives du patient pour limiter l’usage excessif se soldent par des céphalées de rebond entretenant l’abus. La prévention de la CAM à l’officine est essentielle, notamment par la surveillance des dispensations (achats réguliers d’antimigraineux…).

• La prise en charge d’une CCQ impose le sevrage du médicament utilisé de façon excessive mais aussi une information correcte du patient.

À RETENIR

L’emploi d’une forme nasale vasoconstrictrice peut induire des rhinites et un inconfort allant jusqu’au saignement.

À RETENIR

Il est fréquent que l’administration de pizotifène (Sanmigran) soit à l’origine d’une augmentation de l’appétit associée à une prise de poids.

À RETENIR

Le topiramate peut induire des effets oculaires handicapants (troubles de la vision, sécheresse oculaire) voire sévères (glaucome, cécité transitoire).

À RETENIR

La prise d’un bêtabloquant non cardiosélectif peut masquer les signes annonciateurs d’hypoglycémie.

ATTENTION

Des signes d’oppression thoracique plus alarmants que dangereux peuvent suivre l’administration d’un triptan.

Accompagner le patient migraineux

Action curative

• Ne pas anticiper la prise de médicaments : l’administration vise juste le traitement de la crise, sans usage prolongé.

• Le médicament de la crise doit être pris le plus tôt possible lors de la crise (attendre la survenue des céphalées pour prendre un triptan ou un alcaloïde de l’ergot s’il s’agit d’une migraine avec aura).

• Privilégier la forme nasale ou orodispersible en cas de nausées et vomissements.

• Recourir à un seul médicament à la fois pour traiter la crise. Si besoin, faire suivre l’administration d’un AINS par celle d’un triptan.

• Ne jamais dépasser la dose prescrite (triptans : 2 unités/j en général, sauf sumatriptan : 100 voire 200 mg si cp ou 4 pulvérisations si soluté nasal ; DHE : 9 mg/j), même si les symptômes persistent.

• Ne pas négliger le risque de somnolence ou de vertiges iatrogènes (triptans, métoclopramide).

• Proposer certains gestes qui peuvent soulager : comprimer avec deux doigts la tempe du côté douloureux, appliquer une compresse froide sur la tempe, boire du café ou un soda caféiné, rester allongé dans le silence et l’obscurité.

Action prophylactique

• (Re)connaître les facteurs déclenchant les crises, en tenant à jour, par exemple, un carnet où sont consignés les circonstances de survenue de chacune des crises (aliments, stress, luminosité, bruit, odeurs, rythme nycthéméral, règles, etc.) et les signes cliniques annonciateurs : ces données aident à adapter le mode de vie et à apprécier objectivement l’efficacité d’un traitement de fond.

• Eviter toute association de médicaments hors avis spécialisé (pharmacien et médecin).

• Apprécier l’efficacité du traitement de fond après trois mois et ne pas arrêter le traitement avant en le tenant comme inefficace.

• Réduire progressivement les doses pour arrêter le traitement.

À RETENIR

Deux AINS ne doivent pas être associés.

À RETENIR

Les propriétés vaso-constrictrices des triptans et des alcaloïdes de l’ergot peuvent être potentialisées par d’autres médicaments (ici du bupropion), avec poussée hypertensive.

ATTENTION

L’association d’un alcaloïde de l’ergot de seigle à un sympatho-mimétique peut être à l’origine d’une iatrogénie, parfois sévère, résultant d’une vasoconstriction.

Alcaloïdes de l’ergot de seigle et vasoconstriction

• Les alcaloïdes de l’ergot de seigle sont de puissants vasoconstricteurs actifs, comme les triptans, sur les récepteurs 5-HT1B (des vaisseaux cérébraux) et 5-HT1D (des membranes neuronales).

• La vasoconstriction se résume généralement à des fourmillements dans les extrémités ou les membres (paresthésies), à un refroidissement des doigts, parfois à leur cyanose (ils deviennent blancs puis violacés), à des douleurs dans les doigts, à une sensation d’oppression thoracique, à des douleurs évoquant un angor, tous signes qu’accompagne une diminution des pouls périphériques. Le mécanisme est différent de celui de l’« effet triptan ».

• Un surdosage ou une association médicamenteuse potentialisant la vasoconstriction peuvent se traduire par une hypertension artérielle, un infarctus du myocarde, une ischémie myocardique, une colite ischémique, très exceptionnellement par une ischémie distale avec nécrose des extrémités.

• Dans la pratique, si ce risque reste très faible, la survenue de manifestations témoignant d’une vasoconstriction iatrogène localisée n’est pas exceptionnelle et justifie une vigilance particulière.

• L’association à d’autres antimigraineux accroît le risque de vasoconstriction : association de plusieurs alcaloïdes de l’ergot (traitement de la crise + traitement de fond), triptans ou bêtabloquants notamment.

• Un délai minimum de 24 h doit donc être respecté entre l’arrêt de l’administration d’un dérivé de l’ergot et l’administration d’un triptan. Inversement, un délai minimum de 6 h (sumatriptan, zolmitriptan) à 24 h (naratriptan) doit être ménagé entre l’administration d’un triptan et celle d’un dérivé de l’ergot.

• Plus généralement, le risque est accru par l’association à un ou des médicaments inhibiteurs du CYP3A4, à l’éfavirenz (Sustiva, Atripla), un antirétroviral qui diminue l’élimination des dérivés de l’ergot, ou encore à une cycline.

• La vasoconstriction est potentialisée par l’association à des médicaments ayant des propriétés pharmacologiques proches : sympathomimétiques, agonistes dopaminergiques ergotés antiparkinsoniens (bromocriptine, cabergoline, lisuride).

• Enfin, la nicotine du tabac augmente aussi le risque de vasoconstriction.

À RETENIR

Migpriv peut être à l’origine d’une intoxication iatrogène potentiellement sévère par interaction entre l’aspirine et le méthotrexate.

À RETENIR

L’usage d’un triptan ou d’un alcaloïde de l’ergot de seigle est contre-indiqué chez les patients ayant des antécédents d’AVC et AIT.

À RETENIR

Les spécialités à base de métoclopramide sont depuis peu contre-indiquées en dessous de 18 ans. Migpriv est concerné.

À RETENIR

Un triptan ne doit pas être pris au moment de l’aura qui peut précéder la crise migraineuse.

ATTENTION

En cas de crise migraineuse pendant la grossesse, seul le paracétamol peut être conseillé à l’officine en toute circonstance et sans risque.

Grossesse et antimigraineux

• L’hyperestrogénie explique que les crises de migraines soient généralement moins fréquentes et moins intenses pendant les deux derniers trimestres de la grossesse.

• Un traitement antimigraineux de fond peut néanmoins s’imposer chez des femmes particulièrement handicapées par la récurrence des crises.

• Si possible, il importe de privilégier un traitement non médicamenteux (acupuncture, relaxation, etc.).

Traitement des crises

• Le paracétamol constitue un antalgique de choix, utilisable pendant toute la grossesse.

• L’inefficacité d’un antalgique de palier I I’invite à recourir, quel que soit le terme de la grossesse, à un antalgique de palier II (codéine, tramadol).

• Le recours à un triptan est déconseillé. Le Centre de référence des agents tératogènes rassure les patientes en cas de prise « accidentelle » en début de grossesse.

• L’aspirine (≥ 500 mg) et les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens – à toute posologie – sont formellement contre-indiqués à partir du 6e mois (néphrotoxicité fœtale, risque d’anomalie de fermeture du canal artériel). Avant ce stade, les AINS doivent être évités, exclusion faite de l’aspirine qui peut être utilisée ponctuellement.

• Nausées et vomissements des patients migraineux doivent préférentiellement être traités par la doxylamine (hors AMM).

• Les alcaloïdes de l’ergot de seigle sont tous contre-indiqués en raison de leur action vasoconstrictrice, notamment au niveau utérin : a minima, leur emploi peut induire une naissance avant terme et une hypotrophie du nouveau-né.

Traitement de fond

• La prescription d’un bêtabloquant (propranolol, métoprolol) à faible posologie est possible, si nécessaire, au prix d’une étroite surveillance de la fréquence cardiaque et de la glycémie du nouveau-né 3 à 5 jours après sa naissance.

• Le recours à l’amitriptyline (Laroxyl) est possible.

• L’emploi des alcaloïdes de l’ergot est contre-indiqué.

• L’usage du topiramate (Epitomax) est formellement contre-indiqué car tératogène.

• Oxétorone, pizotifène, indoramine, flunarizine doivent être évités.

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