CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE SIGNER - Le Moniteur des Pharmacies n° 2948 du 15/09/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2948 du 15/09/2012
 
CONTRAT DES GROUPEMENTS

Dossier

Auteur(s) : François Pouzaud

Un contexte de crise peut conduire à rompre contractuellement avec son groupement pour économiser le coût d’une cotisation. Ou, inversement, à souscrire une adhésion pour s’adapter aux évolutions de l’environnement pharmaceutique. Dans les deux cas, une bonne connaissance des clauses du contrat s’impose.

A multiples facettes, les contrats déroulent les services proposés par le groupement ou l’enseigne mais aussi les obligations du pharmacien, contrepartie de son adhésion. « Ils doivent préciser clairement ce sur quoi les deux parties s’engagent mutuellement », précise Rafaël Grosjean, président de Pharmodel. « Les contrats des groupements sont des contrats d’adhésion, les clauses sont déjà fixées et le pharmacien doit y adhérer en totalité, il n’y a pas de place pour la négociation », remarque Philippe Jaudon-Champrenault, avocat à Cannes. Celui-ci nuance cependant : « En présence d’une offre proposant différentes formules d’adhésion, le professionnel doit pouvoir décider de passer de l’une à l’autre avec la plus grande souplesse. »

Des groupements très exigeants sur les critères d’engagement

Par conséquent, avant de signer au bas du contrat, le pharmacien doit s’interroger sur son engagement et son positionnement. Laurence Bouton, directrice d’Alphega Pharmacie, distingue deux grands types de pharmacies : « Les pharmacies discounters misent sur la fréquentation quand d’autres pharmacies fidélisent leur clientèle dans leur zone de chalandise en développant plus de services. Le pharmacien doit choisir la stratégie de groupement qui lui correspond. La loi HPST, la LFSS 2012 et la convention pharmaceutique ont clairement repositionné l’officinal comme acteur de santé et ce recentrage “éthique” du rôle du pharmacien va dans le sens de notre stratégie. »

Côté enseignes, plusieurs d’entre elles ont remédié au « manque de discipline » de leurs adhérents en filtrant leurs recrues à l’entrée ou en fixant des conditions d’entrée assorties d’obligations. Par exemple Giphar, avec son NEMO (Niveau d’exigence minimale obligatoire), initié en 2009, demande aux pharmaciens sous enseigne d’avoir un socle commun comprenant un logiciel de gestion officinale et une identification extérieure. « Notre statut coopératif est également à l’origine d’une forte implication du pharmacien au sein de la structure », ajoute Jean-Michel Cloppet, président de Giphar. De son côté, Pharmactiv oblige les affiliés à l’enseigne à une politique d’assortiment commun (PAC). Dans les conditions d’entrée, peut figurer un chiffre d’affaires minimal, mais ce n’est pas forcément le seul critère de recrutement. L’emplacement peut également être pris en compte, ou encore la proximité avec un point de vente arborant la même enseigne. PHR avait opté, fin 2009, pour un barème de pénalités financières – largement débattu – pour non-respect de certaines clauses du contrat. Le système a finalement été abandonné et, les pénalités n’ayant plus lieu d’être, les adhérents constatent qu’ils ont tout à gagner à respecter la ligne de conduite du groupement : « Le développement des produits à la marque PHR dégage des ressources qui permettent de baisser les cotisations », affirme Lucien Bennatan, président du groupe PHR.

Avant d’adhérer à une enseigne, outre les droits d’entrée, le pharmacien doit aussi évaluer les frais d’agencement à engager et, bien entendu, se faire une idée de la qualité des services mentionnés sur la plaquette du groupement. « Le plus simple et le plus objectif est de demander au groupement les coordonnées de deux ou trois adhérents installés à proximité, non administrateurs, afin de pouvoir se forger sa propre opinion », suggère Rafaël Grosjean.

Bien étudier les conditions d’une éventuelle sortie

Toujours exigeants, parfois infidèles, les pharmaciens « butinent », au gré des événements et des évolutions, les offres du marché jusqu’à ce qu’ils trouvent celles qui leur correspondent le mieux. Les départs et arrivées d’adhérents, voire le nomadisme de certains, font partie de la vie d’un groupement. Ces fluctuations sont également entretenues par les cessions d’officines. Aussi le pharmacien doit-il s’assurer qu’il sera libre d’en changer quand bon lui semble. Pascal Geffray, président du groupement Evolupharm, estime qu’un adhérent doit pouvoir partir sans contrainte ni obligation « Il faut garder une certaine latitude dans les contrats. Adopter une certaine souplesse d’emblée permet de donner confiance au pharmacien. C’est important parce qu’un adhérent n’aura pas envie de vous quitter s’il se sent bien dans son groupement. »

Etudier les conditions de son éventuelle sortie du groupement est une précaution utile. En général, ces conditions sont souples. « On ne peut pas retenir un adhérent malgré lui, lance Rafaël Grosjean. De même, si les engagements ne sont pas respectés de part et d’autre, le contrat s’éteint de lui-même. » « Les contrats ne sont pas coercitifs », formule Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv, qui précise que le pharmacien souhaitant partir doit simplement respecter un préavis de trois mois. Chez Evolupharm, les appels de cotisations sont semestriels, payables d’avance. Le plus simple est alors de résilier le contrat à terme échu. Il convient donc de se poser les bonnes questions : existe-t-il un délai de préavis pour rompre le contrat ? Peut-il être résilié par anticipation ? Doit-on une indemnité au groupement ?

La sortie peut être onéreuse – surtout dans le cas d’une enseigne – car le coût de sa désinstallation est généralement à la charge du pharmacien (parfois plusieurs milliers d’euros pour un concept global). « Il faut aussi intégrer le coût de remplacement de certains mobiliers d’enseigne non réutilisables », ajoute Philippe Jaudon-Champrenault. Tous les éléments logotypés permettant d’identifier l’enseigne devront être retirés. Mais il se peut que le groupement rachète les meubles à l’adhérent pour leur valeur nette au bilan. Parfois, il n’en coûte rien au pharmacien. C’est le cas chez Pharmodel : « Le démontage d’éléments tels que totem et blason reste à notre charge de manière à ce que le concept ne soit pas dénaturé et l’identité du groupe préservée », précise Rafaël Grosjean.

Enfin, clause à vérifier, l’exclusion d’un adhérent pour mauvaise conduite ou manque de respect à l’éthique professionnelle figure souvent dans les clauses du contrat. Il peut être mentionné qu’une commission, prévue dans les statuts du groupement, se réunisse pour statuer sur l’exclusion d’un membre.

Les officinaux regardent d’abord les droits d’entrée et la cotisation annuelle

Les contrats sont à durée déterminée. « Celui d’Univers Pharmacie engage le pharmacien pour cinq ans, il devra donc payer jusqu’au bout même s’il le résilie avant son terme, sauf événement particulier tel que la cession de l’officine », prévient Daniel Buchinger, président de ce groupement. Idem chez Pharmodel, dont les contrats sont établis pour un ou deux ans avec un tarif préférentiel pour la durée la plus longue. « Si le pharmacien n’a pas la preuve tangible de la pertinence des services développés par le groupement qu’il souhaite rejoindre, il peut opter pour un an de contrat. En revanche, s’il a la conviction que les solutions sont pérennes, il doit choisir la durée la plus longue », conseille Rafaël Grosjean.

Le droit d’entrée et la cotisation annuelle figurent parmi les points qui retiennent le plus l’attention des pharmaciens. « La redevance sur l’enseigne s’apparente à celle de réseaux franchisés, compare Philippe Jaudon-Champrenault. Le coût de cette licence n’est pas comparable à celle perçue par une franchise qui, à la différence des officines, peut communiquer librement. Sur ce point, le pharmacien doit être extrêmement vigilant sur certaines orientations prises par le groupement en matière de communication, car son adhésion l’engage. Le groupement est-il régulièrement mis en cause par l’Ordre des pharmaciens pour ses campagnes de communication ? Y a-t-il une redevance de communication ? Celle-ci est-elle indexée au chiffre d’affaires ? Avec un plafond ? Forfaitaire ? »

L’exclusivité de territorialité, une clause économiquement intéressante

Aujourd’hui, les groupements développent des services à la carte et multiplient les offres pour recruter et fidéliser les adhérents. Une façon habile de régler les problèmes d’appartenance à plusieurs groupements. Ce phénomène se rencontre avec les structures qui appliquent des droits d’entrée et des cotisations annuelles très faibles, voire nuls.

Les groupements sont plus ou moins intransigeants sur l’adhésion unique ou multiple. Ainsi, Univers Pharmacie exige un engagement exclusif dans le groupement, quand Evolupharm ne demande qu’une affiliation prioritaire, sans interdire l’adhésion à plusieurs groupements. La multiappartenance n’est pas seulement un déni de loyauté et d’implication vis-à-vis des groupements, elle pose aussi un problème au groupement concernant la comptabilisation du chiffre d’affaires réalisé par le pharmacien, notamment au moment de l’attribution et du calcul des remises de fin d’année (RFA) par les fournisseurs. « Concernant les achats groupés, le CA ne peut être retenu deux fois, il faut donc que le pharmacien précise à quel groupement il l’affecte », expose Séverine Dehaes, avocate (cabinet Pharmadvis). « Ces informations sont très difficiles à contrôler car les laboratoires ne nous communiquent pas leurs listings ; le seul moyen de les connaître est de sonder nos adhérents », se plaint Pascal Geffray.

A propos des RFA, il est judicieux pour le pharmacien de connaître les modalités de leur versement dans l’hypothèse où il rompt son contrat en raison de la vente de son officine en cours d’année. « Dans pareille situation, un ancien adhérent d’Evolupharm est assuré de toucher les RFA auxquelles il a droit, il doit juste attendre l’arrêté des comptes », précise son président.

Le contrat peut garantir aussi à l’adhérent une exclusivité territoriale de l’enseigne. C’est le cas chez Univers Pharmacie et Pharmodel. « Lorsque nous implantons une enseigne, nous garantissons à la pharmacie une zone de chalandise de 30 à 50 000 habitants au sein de laquelle elle ne sera pas vampirisée par un concurrent à proximité appartenant à la même enseigne, sauf à ce que le titulaire signe une décharge d’exclusivité en faveur d’un confrère », précise Daniel Buchinger. Chez Pharmodel, pas de concurrence intraréseau en dessous de 5 000 habitants par pharmacie. Selon Philippe Jaudon-Champrenault, tous les contrats devraient pouvoir proposer une clause d’exclusivité de territorialité : « Elle se justifie à la fois économiquement et juridiquement ».

Toujours se poser la question du retour sur investissement

Les pharmaciens s’interrogent parfois sur la réelle utilité d’un service auquel ils ont souscrit. A fortiori quand ils constatent que leur cotisation mensuelle à la centrale d’achats pharmaceutique de leur groupement est à peine amortie par les remises qu’ils obtiennent en commandant sur cette plate-forme… « Chaque fois que l’on achète un service à son groupement, il faut se poser la question du retour sur investissement, conseille Séverine Dehaes. Payer ce service est-il rentable pour ma pharmacie ? Correspond-il à mon mode de travail ? L’aide du groupement me permet-elle de pérenniser mon outil de travail ? Quelles marges supplémentaires me garantissent les marques de distributeurs ?… » « La valeur ajoutée d’un groupement doit pouvoir être quantifiée économiquement, estime Daniel Buchinger. Au-delà de la cotisation mensuelle, nos adhérents ne paient des redevances à l’enseigne que si leurs résultats sont supérieurs à la moyenne nationale. Si un pharmacien paie 90 euros tous les mois à son groupement quand son officine progresse à l’instar de la moyenne nationale, il a dépensé 90 euros pour rien ! » S’interroger sur la valeur d’un service aide parfois à relativiser son coût.

Sondage

Etes-vous affilié à un groupement ?

Si oui, en êtes-vous globalement satisfait ?

Si vous n’êtes pas encore affilié à un groupement, envisagez-vous prochainement une adhésion ?

Sondage réalisé par téléphone du 29 au 30 août 2012 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Avez-vous déjà quitté un groupement ?

Si oui, pourquoi ?

(plusieurs réponses possibles)

Avez-vous déjà été rappelé à l’ordre par votre groupement pour non-respect des obligations contractuelles ?

Attention à la structure juridique !

Il convient de s’informer sur la structure juridique du groupement : société commerciale, société coopérative, association loi 1901 à but non lucratif. Le capital est-il tenu par les adhérents du groupement ? Majoritairement ou minoritairement ? Le groupement est-il adossé à un groupe financier ? A un grossiste-répartiteur ? Par exemple, l’esprit coopératif (1 pharmacien actionnaire = 1 voix) est un élément fédérateur chez Giphar.

Quid du contrat en cas de cession ?

Un contrat d’adhésion à un groupement ou à une enseigne est attaché juridiquement à la personne du pharmacien. En cas de cession, il est résilié de plein droit. Le successeur est libre de rallier ou pas l’enseigne du vendeur pour profiter des acquis. Cependant, il n’est absolument pas certain d’en conserver le bénéfice s’il n’a pas le profil ou n’accepte pas les règles de conduite et obligations qu’incombe l’appartenance à un groupe ! Concernant les contrats de longue durée (5 ans et plus), Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv, invite les acquéreurs à vérifier si la convention d’affiliation du cédant est attachée à l’entreprise ou au pharmacien, afin d’éviter toute mauvaise surprise au moment de la reprise de l’officine. Il y a plusieurs années, la tentative de Plus Pharmacie d’insérer dans ses contrats une clause donnant un droit de préemption aux pharmacies du groupe, en cas de cession, a fait date dans l’histoire des contrats des groupements, provoquant un tollé général. Près de 70 officines étaient alors parties du groupement. Quid enfin de la cotisation annuelle qui a été versée ? Elle peut être remboursée au prorata du temps écoulé sur demande de l’intéressé. De même, si un adhérent est actionnaire, il devra patienter jusqu’à l’assemblée générale pour recouvrer sa participation dans le capital de la société. Enfin, s’il envisage de se réinstaller en gardant son groupement, ce dernier reporte généralement la cotisation qui n’a pas été consommée sur la nouvelle officine, sans facturer à nouveau des droits d’entrée.

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