LE CANCER DU SEIN - Le Moniteur des Pharmacies n° 2938 du 16/06/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2938 du 16/06/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

Sandra, 40 ans, sous Tyverb et Xeloda

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mme Sandra V., 40 ans.

Par quel médecin ?

Son médecin oncologue.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui. Xeloda et Tyverb sont des médicaments à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie, oncologie médicale et hématologie.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Suite au diagnostic de son cancer il y a 3 ans, Mme V. a subi une mastectomie suivie d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie adjuvante associée à du trastuzumab (Herceptin). Il y a un an, Mme V. a dû débuter une nouvelle chimiothérapie intraveineuse suite à une rechute de la maladie avec présence de métastases hépatiques.

Quel était le motif de la consultation ?

Mme V. s’est rendue à une visite de suivi. Le scanner abdominal a montré une progression des lésions secondaires hépatiques et les marqueurs tumoraux ont augmenté.

Que lui a dit le médecin ?

Un changement de traitement est nécessaire devant l’apparition d’une résistance au protocole employé. Mme V. étant très rigoureuse dans le suivi et la surveillance de son traitement, une chimiothérapie orale a pu lui être proposée.

Vérification de l’historique du patient

L’historique médicamenteux mentionne d’autres traitements en relation avec les chimiothérapies précédentes notamment : prednisone, aprépitant, ondansétron, paracétamol.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Xeloda (capécitabine) : cytostatique antimétabolite antipyrimidique notamment indiqué dans le traitement du cancer du sein.

• Tyverb (lapatinib) : thérapie ciblée, inhibiteur de la tyrosine kinase des récepteurs EGFR et HER2 indiquée dans le cancer du sein avec surexpression des récepteurs HER2 en association à la capécitabine ou à un inhibiteur de l’aromatase.

• Imodium (lopéramide) : antidiarrhéique antisécrétoire intestinal et ralentisseur du transit.

• Smecta (diosmectite) : adsorbant intestinal.

• Tiorfan (racécadotril) : antidiarrhéique antisécrétoire intestinal.

• Dexeryl (glycérol, vaseline, paraffine liquide) : protecteur cutané, émollient et hydratant.

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui. Le protocole associant Tyverb et Xeloda est un traitement de deuxième ligne du cancer du sein métastasé.

• Un cancer du sein est dit HER2 positif lorsqu’ il présente une surexpression de la protéine membranaire HER2. Les patientes concernées peuvent bénéficier d’une thérapie ciblée appropriée (associée à la chimiothérapie) par trastuzumab en première intention ou par lapatinib en cas d’échec du trastuzumab.

• L’association Tyverb/Xeloda induit fréquemment une diarrhée (parfois sévère), un syndrome main-pied (ou érythrodysesthésie palmo-plantaire) et des mucites. Il est indispensable de prendre en charge précocement ces effets indésirables (antidiarrhéiques, émollients en prévention/traitement du syndrome main-pied, bains de bouche en prévention/traitement des mucites) pour éviter leur aggravation et permettre la poursuite de la chimiothérapie à des doses optimales.

• Ce protocole est peu émétisant mais des nausées ou des vomissements sont possibles d’où la prescription si besoin de dompéridone (Motilium).

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Xeloda : en association au lapatinib, la posologie est de 2 000 mg/m2/jour soit ici 3 000 mg/jour.

• Tyverb : en association à la capécitabine, la posologie du lapatinib est bien de 5 cp par jour (1 250 mg/jour) en continu.

• Imodium et Tiorfan : les doses maximales prescrites sont supérieures à celles mentionnées dans les RCP respectifs (8 gélules par jour pour Imodium, 3 gélules par jour pour Tiorfan). Ces posologies particulières sont nécessaires et habituelles dans ce condiv.

Y a-t-il des contre-indications pour cette patiente ?

Non, la patiente ne souffre pas d’insuffisance hépatique ou rénale sévère qui contre-indiquerait l’emploi de Xeloda. Il n’y a pas de contre-indication particulière pour Tyverb.

Y a-t-il des interactions ?

• Smecta devra être pris à distance des autres médicaments soit 2 h avant ou après car les propriétés adsorbantes de la diosmectite peuvent réduire leur biodisponibilité.

• Tyverb peut augmenter la biodisponibilité de la dompéridone et allonger l’intervalle QT.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière à l’officine ?

Il faut s’assurer que les examens biologiques (NFS, fonction rénale…) sont pratiqués avant chaque nouveau cycle de Xeloda.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Il s’agit de la première délivrance de Tyverb et de Xeloda, qui nécessitent des conseils de prise spécifiques. Bien reporter la posologie de Xeloda et Tyverb sur les boîtes ou sur un plan de prise.

Utilisation des médicaments

• Traitement anticancéreux

Mme V. se demande s’il est possible de prendre Tyverb en 2 prises matin et soir comme Xeloda.

• Idéalement, la patiente doit respecter les modalités de prise indiquées (réponse 2) qui garantissent une concentration sanguine optimale des 2 anticancéreux. Il n’est pas recommandé de fractionner les prises de Tyverb au risque de compromettre l’efficacité du traitement. Tyverb doit être pris 1 heure avant ou après le petit-déjeuner, toujours au même moment. L’administration de Xeloda doit se faire dans les 30 minutes qui suivent le repas car en cas de prise à jeun la toxicité de la molécule est très largement augmentée.

• Les concentrations plasmatiques de Tyverb et Xeloda sont fortement influencées par la prise de nourriture. Il est donc prudent de déconseiller la prise de Tyverb avec un jus de fruit et surtout avec le jus de pamplemousse (formellement proscrit) qui peut augmenter la biodisponibilité du médicament (inhibiteur du CYP3A4).

• Traitement symptomatique

– Topique émollient (Dexeryl) : Le syndrome main-pied se traduit par un desséchement de la paume des mains et des pieds, des picotements, des rougeurs, l’apparition de cloques. En prévention de ce syndrome, il est nécessaire d’hydrater la peau plusieurs fois par jour. Un stade plus sévère (douleur ou œdème gênant les activités…) peut amener l’oncologue à interrompre le traitement.

– Antidiarrhéiques : suivre les recommandations du médecin en veillant à prendre Smecta à distance des anticancéreux. En cas de selles supérieures à 4 par jour, associer Imodium à Smecta et/ou Tiorfan.

– Bains de bouche : à faire 3 fois par jour après les repas.

– Dompéridone : à prendre 20 min avant les repas si nécessaire.

Quand commencer le traitement ?

Il n’y a pas d’urgence à débuter le traitement : la patiente peut le commencer le lendemain matin.

Que faire en cas de vomissements ou d’oubli ?

• L’absorption des médicaments anticancéreux est généralement rapide. En cas de vomissement après la prise des médicaments, même si l’absorption du médicament n’est que partielle, il n’est pas recommandé de reprendre une dose.

• En cas d’oubli, il faut appeler l’oncologue référent. Si l’oubli est constaté dans les 2 heures qui suivent le repas, le traitement peut généralement être pris à ce moment, mais cela ne doit pas se renouveler régulièrement.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Non. L’efficacité du traitement sera jugée par l’oncologue.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• La diarrhée, le syndrome main-pied, les mucites sont les principaux effets indésirables de l’association Tyverb/Xeloda pouvant conduire à une interruption temporaire du traitement ou à une réduction des posologies.

• Outre les effets indésirables hépatiques et cardiaques nécessitant une surveillance particulière, Tyverb peut induire une toxicité pulmonaire (pneumopathies…).

• Une fatigue, une perte d’appétit, des douleurs articulaires, des céphalées, un rash cutané à type de dermatite acnéiforme surviennent aussi très fréquemment.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• Diarrhée : règles hygiénodiététiques en complément du traitement symptomatique.

• Syndrome main-pied

La chaleur est déconseillée. Certains recommandent de tremper fréquemment les mains ou les pieds dans l’eau froide plusieurs fois par jour pour prévenir et améliorer les symptômes. Le plus important reste de bien hydrater la peau et de protéger les mains et les pieds des traumatismes en portant des gants (pour éviter les frottements au niveau des mains), en évitant de marcher pieds nus ou d’effectuer de longues marches (réponse 2). Il faut recommander des gants et des chaussures confortables. Par ailleurs, il faut en règle générale éviter la prise d’AINS (en automédication) sous chimiothérapie (risque d’interaction par déplacement de la liaison aux protéines plasmatiques).

• Mucites : maintenir une bonne hygiène buccale (brossage des dents avec une brosse à dent souple, bains de bouche systématique…).

Eviter les substances irritantes : épices, noix…

• Lésions d’acné (dues au lapatinib) : traitements locaux.

• Douleurs : la prise de paracétamol peut être proposée.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

L’aggravation du syndrome main-pied, l’apparition d’une toux, d’une fièvre ou d’une dyspnée (faisant suspecter une toxicité pulmonaire), une douleur thoracique, en particulier à l’effort (toxicité cardiaque), la survenue d’ulcérations buccales, une diarrhée importante malgré le traitement symptomatique, ou encore tout signe évocateur d’infection.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Vérifier que le médecin a remis à la patiente un carnet de suivi du traitement Tyverb/Xeloda (demande auprès des laboratoires). La patiente doit y noter toutes les informations se rapportant au traitement (effets indésirables, oubli de prise…).

• Adopter un régime adapté en cas de survenue de diarrhée (riz, viande grillée, éviter les jus de fruits…).

• Appliquer Dexeryl régulièrement sur les mains et les pieds.

• Pour les autres conseils, se reporter à la partie « Accompagner le patient », p. 14.

Deux mois plus tard, vous revoyez Mme V. à l’occasion du renouvellement de son traitement. Elle va partir 4 jours au bord de la mer.

– Savez-vous qu’il faut bien vous protéger du soleil car les anticancéreux que vous prenez peuvent provoquer des réactions cutanées avec le soleil ?

– Oui j’y ai pensé…

– Le mieux est de garder une protection vestimentaire et d’appliquer une crème très haute protection sur les zones découvertes. Restez à l’ombre le plus possible.

PATHOLOGIE

Le cancer du sein en 4 questions

Premier cancer de la femme, le cancer du sein est accessible à un diagnostic précoce. D’où l’utilité du dépistage organisé, généralisé en France depuis 2004.

1 QUELS FACTEURS DE RISQUE ?

Les facteurs de risque majeurs

• L’âge est le premier des facteurs de risque majeurs.

• Le risque augmente aussi avec l’année de naissance et le pays de naissance, l’incidence la plus élevée étant notée en Amérique du Nord et en Europe du Nord.

• S’agissant des mutations génétiques, la mutation du gène BRCA 1 est associée à un risque de cancer du sein avant 70 ans de 60 à 70 %. Une anomalie sur BRCA 2 est associée à un risque d’environ 45 %. En l’absence de mutation génétique, les antécédents familiaux de cancer du sein sont à prendre en compte, qu’il s’agisse de la branche paternelle ou maternelle.

• Les antécédents personnels de cancers du sein constituent un facteur de risque de récidive ou de survenue d’un cancer controlatéral.

• Les mastopathies bénignes sont un facteur de risque lorsqu’en histologie elles sont de type proliférant surtout avec des atypies.

Les autres facteurs de risque

• La contraception œstroprogestative augmente légèrement le risque chez les jeunes utilisatrices, actuelles et récentes. Concernant le traitement hormonal de la ménopause, le risque varie selon le type de progestatif utilisé mais reste faible avec la progestérone naturelle et la dydrogestérone.

• Des premières règles précoces, un âge avancé à la ménopause, la nulliparité ou la primiparité, une première grossesse tardive, l’absence d’allaitement élèvent également le risque.

• Le surpoids et l’obésité (gynoïde : cuisse et fesse) sont plutôt protecteurs avant la ménopause mais élèvent le risque une fois la femme ménopausée. L’obésité androïde (abdominale) augmente le risque avant et après la ménopause.

• L’alimentation grasse et sucrée, l’abus d’alcool et le travail de nuit majorent aussi le risque.

2 QUELS SIGNES CLINIQUES ?

• Le cancer du sein reste longtemps asymptomatique. On examine les deux seins, quadrant par quadrant, la patiente étant d’abord assise, bras le long du corps, puis bras levés, puis en position couchée. Lorsque une tumeur est palpable, on évalue sa taille, sa mobilité par rapport au plan thoracique et sa topographie : quadrant supéro-externe, supéro-interne, inféro-externe, inféro-interne, ou siège central (derrière l’aréole).

• Classiquement, les lésions malignes sont dures, indolores, irrégulières, peu mobiles ou fixées.

• L’examen de la peau en regard de la tumeur recherche des signes inflammatoires, une zone infiltrée, un aspect en “peau d’orange”, une ulcération. Au niveau du mamelon et de l’aréole, il existe parfois un écoulement, un eczéma, une déformation ou une rétraction.

• Les aires ganglionnaires axillaires et sus-claviculaires sont palpées à la recherche d’adénopathies, sans oublier l’examen gynécologique et général.

3 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• La mammographie bilatérale est l’examen complémentaire de référence. Elle peut être réalisée dans un but diagnostic lorsqu’il existe une anomalie clinique suspecte, ou bien à titre de dépistage (encadré ci-dessous). Elle recherche la présence d’une opacité, de microcalcifications, ou encore une désorganisation architecturale de la glande mammaire.

• L’échographie mammaire précise les caractéristiques de la lésion. Elle permet aussi de guider d’éventuelles biopsies.

• L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un examen très sensible pour le diagnostic de cancer du sein, mais la HAS n’en recommande pas l’utilisation dans le bilan initial en raison de son manque de spécificité.

• La classification TNM

Une fois les données cliniques et mammographiques collectées, la tumeur primitive peut être classée selon la classification TNM. “T” désigne la taille de la tumeur (cotation de T0 à T4) ; “N”, la présence d’adénopathies cliniques (N0 à N3) ; “M”, l’absence (M0) ou la présence (M1) de métastases à distance.

• Les prélèvements

La confirmation du diagnostic de malignité et du type de cancer est apportée par l’analyse anatomopathologique de la lésion, après prélèvement biopsique. La HAS recommande de recourir préférentiellement aux techniques de micro ou macrobiopsies percutanées, réalisées en ambulatoire. La cytoponction et la biopsie chirurgicale sont moins utilisées. Dans tous les cas, l’analyse anatomopathologique détaillée de l’ensemble de la tumeur doit être réalisée après ablation chirurgicale de la totalité de la lésion.

• L’analyse précise le type histologique de la tumeur (cancer lobulaire ou canalaire, in situ ou infiltrant) et son grade histopronostique (I, II, ou III, en fonction du degré de différenciation cellulaire, de l’aspect du noyau et de l’activité mitotique).

La “carte d’identité” de la tumeur est complétée par la recherche en immunohistochimie ou en analyse moléculaire de récepteurs hormonaux : récepteurs aux œstrogènes (RE) ou à la progestérone (RP), qui permettent de poser l’indication d’une hormonothérapie adjuvante.

Un autre biomarqueur est HER-2 (erbB2), récepteur de facteur de croissance à activité tyrosine kinase impliqué dans la prolifération cellulaire.

• Le bilan d’extension

Il comprend une radiographie pulmonaire, une échographie abdomino-pelvienne, une scintigraphie osseuse. Sur le plan biologique, les examens sont guidés par les signes cliniques.

• Diagnostic différentiel

Les tumeurs bénignes du sein sont fréquentes. Certaines sont cliniquement palpables. D’autres sont le plus souvent de découverte mammographique : hamartome, cicatrice radiaire. Dès lors qu’il existe une anomalie suspecte à l’examen clinique ou à la mammographie, une vérification histologique s’impose.

4 QUELS SONT L’ÉVOLUTION ET LE PRONOSTIC ?

• La précocité du diagnostic conditionne le pronostic. Lorsqu’elle est péjorative, l’évolution se fait vers la diffusion locorégionale, puis métastatique (métastases osseuses, pleuropulmonaires, hépatiques).

• Hormis le stade TNM, certaines données histologiques influent sur le pronostic : envahissement ganglionnaire, caractère infiltrant de la tumeur, grade histopronostique.

• Sur le plan biologique, la probabilité de bonne réponse à un éventuel traitement hormonal et la longueur de la survie sont augmentées lorsque la tumeur exprime les récepteurs hormonaux car elle se montre alors plus sensible à l’hormonothérapie.

• La surexpression du récepteur HER-2 est en soi associée à un mauvais pronostic, témoignant du potentiel élevé d’invasion et de diffusion métastatique de la tumeur, mais elle conditionne tout de même la bonne réponse à un traitement par trastuzumab (Herceptin), anticorps monoclonal ciblant le site de HER-2.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter le cancer du sein ?

Le traitement du cancer du sein repose sur la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie (cytotoxiques et thérapies ciblées) et l’hormonothérapie.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Traitement locorégional

Chirurgie

Le traitement chirurgical est la pierre angulaire de la prise en charge du cancer du sein au stade précoce.

• Trois gestes principaux composent aujourd’hui la chirurgie du sein : la tumorectomie, la mastectomie et le curage axillaire.

• L’exérèse tumorale doit être complète avec des marges saines et adaptées à la taille de la tumeur et au volume du sein. Les critères en faveur de l’alternative conservatrice sont une tumeur ne dépassant pas 3 cm de diamètre clinique, et un rapport volume de la tumeur/volume du sein permettant une exérèse suffisante. Dans les autres cas, une mastectomie sera proposée.

• Le geste axillaire permet en outre d’évaluer le statut ganglionnaire, capital pour décider du traitement adjuvant à instaurer. Le curage axillaire provoque un risque de lymphœdème.

Radiothérapie

La radiothérapie est un complément indispensable à la chirurgie limitée, dans la mesure où elle réduit le risque de rechute locale mais est sans effet sur la survie. Après chirurgie conservatrice du sein, une radiothérapie mammaire est délivrée, à la dose minimale de 50 Gray en 25 fractions. Les séances débutent généralement 3 à 4 semaines après la chirurgie, et durent 5 semaines. Les traitements conservateurs par tumorectomie suivis de radiothérapie donnent des résultats équivalents à la mastectomie, tant en termes de récidive locale qu’en termes de survie.

Traitements adjuvants

Les traitements adjuvants comprennent la chimiothérapie, l’hormonothérapie et l’utilisation de thérapies ciblées. L’objectif de ce traitement post-opératoire est d’améliorer la survie, en luttant contre la maladie micro-métastatique. En cas de cancer infiltrant ou volumineux, en vue d’une réduction première du volume tumoral ou pour permettre l’accès à une chirurgie conservatrice, ce traitement peut être débuté en néo-adjuvant (pré-opératoire) afin de réduire le volume tumoral ou de circonscrire son contour et ainsi faciliter le geste chirurgical. Cela permet d’éviter une mastectomie plus d’une fois sur deux.

Chimiothérapie

La chimiothérapie adjuvante n’est pas indiquée pour les tumeurs peu agressives, sans ganglions envahis, n’exprimant pas HER-2 à leur surface et présentant des récepteurs hormonaux positifs. Dans les autres cas, elle sera discutée en prenant en considération l’âge de la patiente, le nombre de ganglions axillaires envahis, la taille tumorale, le grade histologique et le statut des récepteurs hormonaux. Le consensus actuel recommande l’utilisation d’une anthracycline, dont la référence en France est le protocole FEC 100, administré en 6 cycles toutes les 3 semaines chez les patientes sans atteinte ganglionnaire (N-). S’il y a atteinte ganglionnaire (N+), il est alors recommandé d’utiliser un taxane en schéma séquentiel, combinant 3 cycles de FEC 100 puis 3 cycles de Taxotère. Le traitement est débuté 3 à 6 semaines après la chirurgie.

Pour les patientes présentant une tumeur surexprimant HER2 , il est recommandé d’utiliser le protocole séquentiel afin de réduire la toxicité cardiaque de l’association anthracyclines + trastuzumab (Herceptin), et ce quel que soit le statut ganglionnaire N.

Hormonothérapie

Seules les femmes dont la tumeur exprime les récepteurs aux hormones stéroïdiennes (RH+) peuvent éventuellement bénéficier d’un traitement hormonal adjuvant.

Chez la femme non ménopausée, le tamoxifène est l’hormonothérapie de référence pour les patientes HER2-, à raison de 20 mg/j durant 5 ans. Les inhibiteurs de l’aromatase ne sont pas indiqués. Les analogues de la LH-RH seront préférés en cas de statut HER2+, sur une durée de 2 à 5 ans.

Chez la femme ménopausée, le traitement par anti-aromatase sera instauré d’emblée, pour une période de 5 ans ou pour une durée de 2 à 3 ans pour les patients ayant déjà reçu 2 à 3 ans de tamoxifène. Pour les patientes N+, il est possible de prescrire 5 ans de traitement anti-aromatase après les 5 années de tamoxifène. Enfin, il est toujours possible de prescrire 5 années de tamoxifène en cas de contre-indication aux anti-aromatases.

Traitements du cancer du sein métastatique

• À ce stade d’évolution clinique, la chimiothérapie et l’hormonothérapie ont une efficacité incontestable mais transitoire, nécessitant un changement de traitement fréquent. La place de la chirurgie est faible. Quant à la radiothérapie, elle occupe une place importante comme traitement palliatif à visée anti-tumorale et antalgique, venant lever l’effet de masse responsable de compression ou d’obstructions, et soulager les douleurs focalisées. Le choix du traitement systémique dépend de critères relatifs à la maladie, des traitements antérieurs, des facteurs biologiques (récepteurs hormonaux, HER2), de la hiérarchisation des effets indésirables, de l’état de la patiente, de ses comorbidités et de son score de performance, de l’urgence thérapeutique, et des connaissances personnelles que possède l’équipe des protocoles utilisés.

• Si l’arsenal thérapeutique en terme de chimiothérapie est plus vaste en métastatique qu’en adjuvant dans le cancer du sein, sa stratégie d’utilisation est moins bien définie. Néanmoins, il est clairement établi que la première ligne de traitement est occupée par les anthracyclines dans des schémas similaires à ceux vus en adjuvants ou éventuellement associées au docétaxel ou à la vinorelbine, pour autant que la dose cumulée d’anthracyclines ne soit pas dépassée. La gencitabine en association au paclitaxel, est indiquée après échec d’anthracyclines. La présence de récepteurs HER2+ permet le recours aux thérapies ciblées (trastuzumab, lapatinib). Quant au bévacizumab, il est indiqué en première ligne en association au paclitaxel ou à la capécitabine. Mais la capécitabine, prodrogue non cytotoxique du 5-FU a pour avantage d’être administrable per os, permettant ainsi de conduire le traitement à domicile.

• Concernant l’hormonothérapie, le traitement de première intention chez la femme ménopausée, réside dans l’utilisation d’anti-estrogènes (tamoxifène, torémifène), ou d’un inhibiteur sélectif de l’aromatase indiqué en première ligne, à savoir, anastrozole ou létrozole. Les autres inhibiteurs sélectifs de l’aromatase (exemestane et formestane) ne sont indiqués qu’en deuxième ligne, tout comme le fluvestrant. En troisième ligne, en raison de leur profil de tolérance, il est possible d’utiliser les progestatifs anticancéreux (médroxyprogestérone, mégestrol), dont le mécanisme d’action antitumoral est imparfaitement connu. Chez la femme non ménopausée, la castration par agoniste de la LH-RH sera prescrite en première intention. L’évaluation de la réponse thérapeutique est recommandée après 2 à 3 mois de traitement hormonal, et après 2 ou 3 cycles de traitement cytotoxique.

TRAITEMENTS

Cytotoxiques

La plupart des cytotoxiques s’administrent par voie paentérale à l’hôpital. Seules certaines molécules per os sont utilisées en ville : capécitabine, cyclophosphamide, lapatinib et plus rarement, melphalan, vinorelbine et étoposide.

Anthracyclines

Les anthracyclines sont des antibiotiques agissant comme agents intercalants. Le médicament le plus utilisé de la famille est la doxorubicine, aussi appelée adriamycine (Adriblastine), malgré sa toxicité cardiaque. Cette cardiotoxicité dose-dépendante et cumulative commune aux anthracyclines, s’exprime par une insuffisance cardiaque dans l’année qui suit le début du traitement ou plus d’un an après, limitant théoriquement la dose cumulée reçue à 550 mg/m2. L’épirubicine (Farmorubicine) est aussi utilisée en raison de sa moindre toxicité cardiaque, médullaire et capillaire, ainsi que de son volume de distribution supérieur. Les autres effets indésirables sont des neutropénies, des nausées et vomissements, des mucites et diarrhées. L’alopécie, quasi constante est réversible et moins fréquente avec l’épirubicine.

Taxanes

Il y a deux représentants dans cette famille de poison du fuseau ?: le paclitaxel (Taxol) et le docétaxel (Taxotère). Les effets indésirables des taxanes sont de type neutropénie et réactions d’hypersensibilité. Le paclitaxel provoque une alopécie complète mais réversible et une neuropathie périphérique à prédominance sensorielle, ainsi que des myalgies et des arthralgies fréquentes. Le docétaxel provoque fréquemment des effets cutanés habituellement contrôlés par une prémédication corticoïde, une desquamation des mains et des pieds, une onychodystrophie et une rétention hydrique.

Antipyrimidiques

Leur chef de file est le 5-fluoro-uracile (5-FU). Il est indiqué après traitement locorégional ou lors des rechutes. Neutropénie réversible et non cumulative, nausées et vomissements, mucites, photosensibilisation sont les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés. Une hyperpigmentation peut survenir le long des trajets veineux utilisés pour l’administration du produit nécessitant de protéger le bras perfusé de la lumière.

La capécitabine (Xeloda) quant à elle est une prodrogue du 5-FU administrée per os. Elle est indiquée en situation métastatique en monothérapie ou en association avec le docétaxel après échec d’une 1re ligne de chimiothérapie ayant comporté une anthracycline.

Sa toxicité est similaire à celle du 5-FU avec une fréquence supérieure de diarrhées (50 % des patients) et de syndromes main-pied.

Gemcitabine

La gemcitabine (Gemzar) est indiquée dans le cancer du sein métastatique. Toxicité hématologique modérée, asthénie, syndrome grippal et cytolyse hépatique sont fréquents.

Agents alkylants

Le cyclophosphamide, l’ifosfamide et le melphalan sont des agents alkylants. Le cyclophosphamide (Endoxan) est indiqué dans le traitement adjuvant et en situation métastatique. Les effets indésirables des agents alkylants sont la myélosuppression, des ulcérations buccales, des complications gastro-intestinales, des nausées et vomissements. L’alopécie est un effet fréquent, systématique à forte dose. Le cyclophosphamide entraîne fréquemment une ménopause.

Autres

D’autres principes actifs trouvent aussi une indication dans cette pathologie. Parmi eux, les alcaloïdes de la pervenche (vinorelbine, vinblastine, vindésine et vincristine) sont indiqués au stade métastatique. Navelbine (vinorelbine) doit être pris une fois par semaine à la fin d’un repas avec un verre d’eau froide sans croquer ou mâcher. Chaque prise de médicament doit être placée par le pharmacien dans l’enveloppe de regroupement fournie par le laboratoire et conservée au réfrigérateur.

Le méthotrexate est indiqué en adjuvant ou après rechute, et la mitoxantrone est indiquée dans les formes métastatiques en monothérapie ou en association.

Thérapies ciblées

Parmi les trois thérapies ciblées ayant une indication dans le cancer du sein, seul Tyverb est disponible en ville.

Anticorps monoclonaux

Les anticorps monoclonaux humanisés ayant l’AMM dans le cancer du sein sont le bévacizumab (Avastin) et le trastuzumab (Herceptin). Le bévacizumab pouvant altérer la cicatrisation, un délai de 28 jours après une intervention chirurgicale doit être observé avant d’initier le traitement. Ses effets indésirables sont des réactions d’hypersensibilité et des réactions liées à la perfusion, une HTA, une asthénie, des diarrhées et des douleurs abdominales.

Le trastuzumab (Herceptin) est dirigé contre la protéine HER2 présente à la surface des cellules, surexprimé dans 20 à 30 % des cancers primitifs du sein. Il est cardiotoxique, responsable d’insuffisance cardiaque parfois mortelle, dont le risque est majoré par l’association aux anthracyclines. Ses effets indésirables sont les réactions liées à la perfusion et les réactions de type allergique et d’hypersensibilité.

Lapatinib (Tyverb)

Disponible en ville, le lapatinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase (ITK) des récepteurs EGFR (récepteur du facteur de croissance épidermique). Il est indiqué dans le cancer du sein avec surexpression des récepteurs HER2 en association à la capécitabine ou à un inhibiteur de l’aromatase. Ses effets indésirables sont cardiaques par diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche et allongement de l’intervalle QT, digestifs de type diarrhées, cutanés (rashs acnéiformes) et pulmonaires.

Hormonothérapie

Le tissu mammaire est soumis de manière physiologique à l’influence des œstrogènes, avec une corrélation positive entre cancer du sein et exposition œstrogénique. L’hormonothérapie adjuvante vise à supprimer cette exposition, soit par l’intermédiaire d’une suppression ovarienne par chirurgie ou irradiation, ou l’utilisation d’agonistes de la LH-RH chez la femme non ménopausée, soit avec des composés bloquant l’action des œstrogènes comme le tamoxifène ou bloquant l’aromatase responsable de la synthèse d’œstrogènes au niveau des surrénales et du tissu adipeux chez la femme ménopausée. Tous les médicaments de l’hormonothérapie sont disponibles en ville.

Antiestrogènes

Le tamoxifène (Nolvadex) est le principal traitement hormonal utilisé en traitement adjuvant dans le cancer du sein. Il agit comme un antiestrogène non stéroïdien compétitif au niveau mammaire et possède une action oestrogénique périphérique sur l’os, l’endomètre et les lipides. Il s’utilise à la posologie de 20 mg/j, sur une durée optimale de 5 ans. Il est préféré au torémifène (Fareston), médicament de la même famille et possédant les mêmes indications, mais pour lequel le recul d’utilisation est moindre et qui est contre-indiqué en cas d’hyperplasie de l’endomètre et d’insuffisance hépatique sévère. Le fulvestrant (Faslodex), est quant à lui sans activité agoniste. Les effets indésirables sont essentiellement thromboemboliques et cancérigènes au niveau de l’endomètre. Des cataractes peuvent apparaître. Les bouffées de chaleur sont très fréquentes.

Inhibiteurs de l’aromatase

Les inhibiteurs de l’aromatase (létrozole Femara, anastrozole Arimidex et exemestane Aromasine) sont des antiestrogènes agissant par inhibition compétitive de la transformation de l’androstènedione en estrone. Ils présentent l’avantage d’une meilleure tolérance par rapport au tamoxifène, notamment au niveau thrombo-embolique et de l’endomètre, mais n’offrent pas une efficacité supérieure. Tous sont indiqués chez la femme ménopausée. Les effets indésirables les plus fréquents sont des bouffées de chaleur, une sécheresse vaginale, des dyspareunies, une ostéoporose ou des arthralgies.

Progestatifs

Deux médicaments composent cette classe, la médroxyprogestérone (Farlutal et Depo-prodasone) et le mégestrol (Megace). Les effets indésirables sont essentiellement des accidents thromboemboliques veineux, une prise de poids, une hyperglycémie et une HTA.

Agonistes de la LH-RH

Les agonistes de la LH-RH, (leuproréline, goséréline) aussi appelés analogues de la Gn-RH, entraînent une stimulation suivie au bout de 2 à 4 semaines d’une inhibition de la sécrétion d’hormones gonadotropes. Il en résulte un hypogonadisme persistant durant toute la durée du traitement, sans phénomène d’échappement. Cette castration pharmacologique est entièrement réversible dans les 4 semaines suivant l’arrêt du traitement. Les agonistes de la LH-RH sont indiqués dans les formes métastatiques chez la femme préménopausée, quand une suppression de la fonction ovarienne est nécessaire. Les effets indésirables consistent en des bouffées de chaleur, une sécheresse vaginale, une baisse de la libido et un risque d’ostéoporose.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Isabelle, 48 ans, atteinte d’un cancer du sein

« L’annonce du diagnostic il y a 5 mois au cours d’une mammographie a été brutal et terrible. Le médecin n’a pas pris de gant et m’a annoncé un cancer de haut grade. Je ressentais depuis peu une boule au niveau de mon sein mais je pensais à un kyste. Je ne m’attendais pas à un cancer même si je savais que j’avais des risques : ma sœur et mon grand-père paternel ont eu un cancer du sein. Je viens de faire ma 6e cure de chimiothérapie néoadjuvante et je suis beaucoup plus fatiguée que les précédentes : ça porte un coup au moral.

En principe, je devrais bénéficier d’une chirurgie conservatrice car, pour l’instant, la taille de la tumeur diminue bien. Mais une mastectomie n’est pas exclue et je m’y prépare. Faire partie d’une association m’aide beaucoup. Ce contact est essentiel car à l’hôpital, je n’ai pas trouvé de soutien psychologique. »

LA MALADIE VUE PAR LES PATIENTES

Impact psychologique

L’annonce d’un cancer provoque souvent de profonds boulever– sements : la maladie suscite un retour sur soi, sur sa vie personnelle et familiale. Pour certains patients, la maladie change la perception des choses. Les conséquences psychologiques sont parfois importantes (dépression…).

Impact sur le quotidien

• La fatigue, les effets indésirables des traitements impactent sur les activités quotidiennes, la vie sociale et familiale et peuvent conduire à un isolement.

• La maladie est une épreuve pour le couple et la famille.

Impact sur la sexualité

• Les traitements affectent la sexualité (les femmes se sentent moins désirables, baisse de la libido, sécheresse vaginale) et le conjoint doit s’adapter aux différentes transformations qui surviennent chez sa femme.

• Une reconstruction mammaire n’est jamais « parfaite » : il faut s’y habituer. L’intervention d’un psychothérapeute est utile à certains couples.

À DIRE AUX PATIENTES

À propos de la maladie

• Le cancer du sein est curable dans un grand nombre de cas. Le pronostic est lié à la précocité du diagnostic d’où l’importance de sensibiliser au dépistage et d’alerter les patientes à risque. Quel que soit l’âge, certains signes « suspects » au niveau du sein justifient un avis médical : apparition d’une « boule », d’une rougeur, d’une douleur, présence de ganglions palpables au niveau des aisselles… Une étude a montré que la pratique de l’autopalpation ne permettait pas de réduire la mortalité par cancer du sein. Elle peut être source d’angoisses et n’est donc pas à conseiller systématiquement.

• Ne pas rester seul : faire part de ses craintes à ses proches, à l’équipe soignante, au psychologue ou se tourner vers les associations ou la ligne Cancer Info Service (0810 810 821).

• Alimentation et activité physique : la prise de poids (qui concerne 1 femme sur 2 après un cancer du sein) est facteur de moins bon pronostic. Les études montrent que l’activité physique améliore la fatigue, le moral et la qualité de vie. Elle diminue significativement le risque de rechute. Elle est réalisable pendant et après les soins (marche, natation, vélo…).

• Fatigue : considérée comme « normale » durant le traitement, elle persiste parfois des années. Il faut apprendre à déléguer, à se faire aider. Chaque fois que possible, exécuter les gestes de la vie quotidienne assis (brossage des dents, toilette…), faire des pauses.

• Prothèse mammaire externe : son rôle est esthétique mais elle participe aussi au maintien d’une bonne posture. Les prothèses sont fragiles : attention aux objets pointus.

• Grossesse : la chimiothérapie et l’hormonothérapie peuvent provoquer une aménorrhée transitoire ou définitive. Chez les patientes non ménopausées traitées pour cancer du sein, une contraception mécanique est recommandée (stérilet au cuivre, préservatif…). Une grossesse peut être envisagée dans les suites d’un cancer du sein traité avec succès. On recommande généralement aux patientes d’attendre au moins 2 à 3 ans après le traitement (le risque de rechute est alors moindre). w Après un cancer du sein, le suivi dépend du stade auquel le cancer a été diagnostiqué, du traitement reçu. En règle générale, il repose sur une consultation plusieurs fois par an pendant 5 ans, puis de manière annuelle. Une mammographie est réalisée chaque année.

À propos des traitements

• Administration. Des carnets de suivi des traitements sont donnés par les médecins. Ils peuvent aussi être demandés auprès des laboratoires. Bien respecter les moments de prise de chaque médicament. En cas de vomissement ou d’oubli de prise, ne pas prendre de prise supplémentaire ni doubler la prise suivante.

• Effets indésirables

– Perte des cheveux : elle est toujours réversible. L’efficacité du casque réfrigérant est variable. Il peut induire des maux de tête et des vertiges (paracétamol 30 min avant la pose du casque). Recommander d’adopter une coupe courte avant la chimiothérapie, de laver ses cheveux avec des nettoyants très doux et d’éviter tout traitement agressif (brushing, décoloration…).

– Protéger ses ongles (sous docétaxel notamment) : les moufles et chaussettes réfrigérantes restent le meilleur moyen de prévenir la toxicité unguéale. La pose d’un vernis à base de silicium puis d’un vernis foncé contribue à protéger les ongles. Retirer le vernis avant une consultation médicale.

– Nausées et vomissements : éviter les parfums ou aliments à odeur forte, fractionner les repas, manger lentement en mastiquant bien, préférer les aliments pauvres en graisse, tièdes ou froids, boire abondamment, ne pas manger quelques heures après une séance de traitement.

– Diarrhée et syndrome main-pied (voir analyse d’ordonnance page 5).

– Mucites orales (voir page 5) : Réaliser les soins dentaires avant le début de la chimiothérapie. Les bains de bouche renfermant de l’alcool sont déconseillés.

– Lymphœdème : sa survenue est liée au curage ou à une radiothérapie axillaires. Les séances de kinésithérapie (exercices de drainage lymphatique) limitent la sensation de raideur dans l’épaule et aident à le réduire. Un manchon peut être prescrit. Les gestes de prévention (du côté du membre atteint) sont à connaître : éviter de porter une charge lourde ou de faire certains mouvements répétitifs, éviter les sources de chaleur, surélever le bras lorsqu’il est au repos. Recommander de porter un gant de protection au cours de certaines activités (jardinage…). Une activité physique est recommandée mais il ne faut pas qu’elle entraîne de douleur au niveau du bras. L’apparition de fièvre, d’une rougeur ou d’un œdème au niveau du bras nécessite d’alerter le médecin. La prise de la tension artérielle, les injections ou les prises de sang ne doivent pas être réalisées au niveau du bras opéré.

– Sécheresse vaginale : l’atrophie et la sécheresse vaginale sont améliorés par les lubrifiants ou par la prescription des produits locaux à base d’estriol (diffusion systémique quasiment nulle).

• « Médecines naturelles ». Proscrire la prise de millepertuis (inducteur enzymatique) et du jus de pamplemousse (inhibiteur enzymatique) qui peuvent interférer avec les anticancéreux. Les plantes à base de phytoestrogènes (sauge, soja) proposées contre les bouffées de chaleur sont souvent déconseillées par les oncologues, par prudence.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : Il ne faut pas délivrer l’antidépresseur Deroxat (paroxétine). En effet, le tamoxifène ne doit pas être associé à un inhibiteur du CYP 2D6 (fluoxétine, paroxétine, quinidine, sertraline, terbinafine…) au risque de diminuer son efficacité : il s’agit d’une association déconseillée. Il faut donc joindre le médecin généraliste pour qu’il modifie le traitement par Deroxat.

ORDONNANCE 2 : NON. La prise de Navelbine se fait de manière hebdomadaire et non journalière. Il faut donc appeler le médecin pour corriger la prescription. Durant les 3 premières semaines, la posologie hebdomadaire est de 60 mg/m2 ce qui correspond bien à 90 mg (la posologie est augmentée ensuite après les résultats de la NFS). Enfin, il faut vérifier que le médecin a remis à la patiente un livret d’information sur le traitement par Navelbine.

MÉMO-DÉLIVRANCE

CHIMIOTHERAPIE

En cas de prescription d’un cytotoxique ou d’une thérapie ciblée :

Quels médicaments sont à prescription restreinte ?

Xeloda et Tyverb sont à prescription hospitalière réservée aux spécialistes en oncologie, hématologie ou médecins compétents en cancérologie.

Quels conseils donner pour soulager les effets indésirables ?

• Nausées et vomissements : éviter les odeurs fortes, fractionner les repas, préférer les aliments froids ou pauvres en graisse.

• Diarrhées : règles hygiénodiététiques voire traitement symptomatique (Imodium, Tiorfon, Smecta…) Smecta doit être pris à distance des traitements.

• Syndrome main-pied : hydrater la paume des mains et la plante des pieds, les tremper dans l’eau froide plusieurs fois par jour. Éviter les AINS.

• Mucite orale : réaliser les soins dentaires avant la chimiothérapie. Ne pas utiliser de bain de bouche renfermant de l’alcool. Éviter les substances irritantes (épices, noix…).

• Perte des cheveux : toujours réversible. Prendre du paracétamol 30 min avant la pose du casque réfrigérant. Laver les cheveux avec des nettoyants très doux.

• Ongles cassants : protéger les ongles avec des moufles ou des chaussettes réfrigérantes. Poser un vernis à base de silicium puis foncé. A retirer avant la consultation médicale.

• Lymphœdème : éviter de porter des charges lourdes ou de faire certains mouvements répétitifs, éviter les sources de chaleur… Alerter le médecin en cas de rougeur ou d’œdème au niveau du bras.

Quelles mesures hygiéno-diététiques ?

• Veiller à l’observance et au respect des moments de prise indiqués par le médecin (Navelbine : 1 fois par semaine). Lorsque le médicament est administré par cycle, bien repréciser les jours de prise à la patiente.

• En cas de vomissements, ne pas prendre de prise supplémentaire.

• Les médicaments à base de millepertuis ou de phytoœstrogènes sont proscrits.

• Ne pas s’exposer au soleil.

HORMONOTHÉRAPIE

Quels sont les principaux effets indésirables possibles ?

• Risque thrombo-embolique.

• Bouffées de chaleur, sécheresse vaginale.

• Prise de poids.

Quelles mesures hygiéno-diététiques ?

Ne pas prendre de poids et respecter le rythme des surveillances. Faire une activité physique régulière. Accepter la fatigue en déléguant certaines tâches…

LE CAS : Sandra V., 40 ans, est suivie pour un cancer du sein infiltrant diagnostiqué il y a 3 ans. Elle vient chercher son traitement à la pharmacie.

Qu’en pensez-vous

Quelle réponse faites-vous à Mme V. ?

1) Oui, vous pouvez répartir Tyverb en deux prises matin et soir.

2) Non, vous devez prendre les 5 comprimés ensemble mais vous pouvez les prendre 1 heure après le petit déjeuner.

Qu’en pensez-vous

En plus de l’hydratation de la paume des mains et de la plante des pieds, il est recommandé :

1) de soulager les mains et les pieds en prenant des bains chauds.

2) de porter des gants pour les travaux ménagers.

3) de prendre un AINS.

Physiopathologie du cancer du sein

• Le parenchyme mammaire (voir page 11) est constitué de structures glandulaires destinées à assurer la sécrétion lactée, de canaux excréteurs, de tissu conjonctif et de tissu adipeux. Chaque sein contient une vingtaine de lobes, eux-mêmes composés de 15 à 20 lobules et de leurs canaux excréteurs, les canaux galactophores. Tous les canaux collecteurs issus de chaque lobule s’organisent pour former une arborescence convergeant vers la zone mamelonnaire, se terminant par le canal galactophore principal. Au sommet du mamelon s’abouchent une vingtaine de canaux galactophores (autant que de lobes).

• Sur le plan anatomopathologique, la grande majorité des cancers du sein sont des adénocarcinomes, se développant au niveau des cellules épithéliales d’un lobule ou de son galactophore extralobulaire. Le cancer peut être lobulaire ou canalaire. Lorsque les cellules cancéreuses restent au niveau de leur tissu d’origine sans franchir la membrane basale, c’est-à-dire sans coloniser les tissus voisins, on parle de cancer in situ.

Lorsqu’elles franchissent la membrane basale et envahissent le tissu conjonctif de soutien, elles entrent en contact avec les vaisseaux sanguins et lymphatiques qui s’y trouvent : le cancer est dit “infiltrant” ou “invasif”, et il existe un risque métastatique. Le carcinome canalaire infiltrant est le plus fréquent (80 % des cas de cancers du sein).

EN CHIFFRES

• Avec 53 000 nouveaux cas en 2011, le cancer du sein est le premier cancer de la femme devant le cancer colorectal et le cancer du poumon.

• Le taux d’incidence a presque doublé en 25 ans : 56,8/100 000 en 1980, 101,5/100 000 en 2005.

• 11 500 décès par cancer du sein en 2011. Première cause de décès par cancer chez la femme.

• Âge moyen au diagnostic : 61 ans.

• Le risque de cancer du sein avant 75 ans augmente avec l’année de naissance, passant de 4,9 % pour les femmes nées en 1910 à 12,1 % pour les femmes nées en 1950.

• La survie moyenne à 5 ans est estimée à près de 85 %.

BRCA 1 ET 2

Gènes suppresseurs de tumeurs. En cas de mutation, le risque de cancer du sein est majoré.

CYTOPONCTION

Prélèvement des cellules à l’aiguille fine sous contrôle échographique.

BIOPSIE CHIRURGICALE

Prélèvement sous anesthésie générale.

HAMARTOME OU ADÉNOFIBROLIPOME

Tumeur bénigne faite de tissu mammaire normal isolé de la glande, réalisant comme un « sein dans le sein ».

Le dépistage du cancer du sein

• Actuellement en France, coexistent deux systèmes de dépistage des tumeurs mammaires. Le dépistage individuel, réalisé à l’initiative du généraliste ou du gynécologue, concerne les femmes à risque, quel que soit leur âge.

• Le dépistage organisé du cancer du sein vise les femmes de 50 à 74 ans sans symptôme ni facteur de risque particulier. Celles-ci reçoivent tous les deux ans une invitation écrite. L’examen est gratuit et comporte deux clichés par sein (face et oblique externe), avec si besoin des incidences complémentaires. Il est associé à un examen clinique. Lorsqu’aucune anomalie n’est observée en première lecture, les clichés sont présentés à un second radiologue pour une deuxième lecture. Si les deux ·lectures sont normales, la patiente est reconvoquée deux ans plus tard. En cas d’anomalie suspecte en 1ère ou 2e lecture, des examens complémentaires sont réalisés (échographie, biopsie… ; à la charge de la patiente). Attention, ce dépistage ne dispense pas de l’examen gynécologique annuel avec palpation mammaire.

MASTECTOMIE

Enlèvement chirurgical partiel ou total d’un sein.

MALADIE MICRO-MÉTASTATIQUE

Présence de métastases non décelables car encore de trop petite taille pour être mise en évidence à l’imagerie médicale.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

Lapatinib (Tyverb) est commercialisé depuis juin 2008 dans le cancer du sein avec surexpression des récepteurs HER2, au stade avancée ou métastatique.

Bevacizumab (Avastin) : première ligne dans le cancer du sein métastatique (04/2005)

Interaction tamoxifène/inhibiteur du CYP 2D6 (fluoxétine, paroxétine, terbinafine, quinidine) : risque de diminution de l’efficacité du tamoxifène (Afssaps, juin 2010).

SCORE DE PERFORMANCE

Indice permettant de quotter l’état général de l’individu.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications absolues au traitement doivent être connues du pharmacien :

Agonistes de la LH-RH : grossesse, allaitement.

Anastrozole : grossesse, allaitement, femme pré-ménopausée, insuffisances hépatique et rénale sévères.

Capécitabine : insuffisance hépatique ou rénale sévère, grossesse, allaitement.

Cyclophosphamide : infection urinaire aiguë, absence de contraception masculine et féminine, grossesse, allaitement.

Exemestane, létrozole : grossesse, allaitement, femme préménopausée.

Fluorouracile : mauvais état nutritionnel, grossesse, allaitement.

Fulvestrant : grossesse, allaitement, insuffisance hépatique sévère.

Lapatinib : grossesse, allaitement.

Médroxyprogestérone : antécédents thrombo-emboliques, insuffisance hépatique sévère.

Mégestrol : 4 premiers mois de grossesse, allaitement

Tamoxifène : grossesse, allaitement, absence de contraception féminine.

Torimifène : grossesse, allaitement, hyperplasie de l’endomètre, insuffisance hépatique sévère, QT long, hypokaliémie, bradycardie, insuffisance cardiaque gauche, antécédent de troubles du rythme.

ANTICORPS MONOCLONAL HUMANISÉ

Anticorps chimériques « humanisés », modifiés par génie génétique pour remplacer au maximum les fragments constants Fc de l’espèce d’origine (souris) par des fragments humains.

POINT DE VUE Dr Séverine Alran, Chef de service de chirurgie du sein du département d’oncologie chirurgicale à l’Institut Curie à Paris, interrogée par Carole Fusi

« La mastectomie n’est pas reliée à la gravité de la maladie »

Constatez-vous une désescalade thérapeutique ?

Oui, et cette désescalade thérapeutique concerne les 3 types de traitement : chirurgie, radiothérapie et traitement médicamenteux. En chirurgie, dans mon domaine, la désescalade thérapeutique est due notamment à la généralisation de la méthode du ganglion sentinelle, laquelle a permis d’éviter 70 % des curages axillaires. C’est un réel progrès qui permet notamment de prévenir la morbidité liée à ce curage, de diminuer les douleurs post-opératoires et les sensations de lourdeurs. En ce qui concerne la mastectomie, elle est parfois inévitable et n’est d’ailleurs pas reliée à la gravité de la maladie.

Les reconstructions mammaires sont-elles réalisées en même temps que les mastectomies ?

Cela dépend des indications. Les reconstructions mammaires sont réalisées en même temps que les mastectomies dans certains cancers ne nécessitant pas de radiothérapie par la suite. En effet, la radiothérapie peut altérer le résultat cosmétique car la peau irradiée est plus fragile. Dans les cancers infiltrants chez une femme jeune, la mastectomie sera suivie d’une radiothérapie ou chimiothérapie, on ne reconstruira pas en même temps que la mastectomie mais 6 mois après la fin du traitement. Celle-ci est réalisée à partir d’un lambeau musculo-cutané de grand dorsal avec ou sans prothèse, d’un lambeau libre DIEP (peau et graisse abdominale sous-ombilicale) ou d’une prothèse seule.

La reconstruction mammaire est proposée à l’ensemble des patientes ayant eu une mastectomie. Ce sont les patientes qui décident d’avoir ou de ne pas avoir de reconstruction du sein. Il faut savoir qu’en France, la majorité des patientes ayant eu une mastectomie n’ont pas de reconstruction (77 %). Les raisons sont multiples aussi bien médicales que personnelles et l’important est que les patientes reçoivent une information adaptée pour choisir ce qu’elles souhaitent.

Quelle est la prise en charge du lymphœdème ?

La prise en charge du lymphœdème consiste en un drainage lymphatique manuel, un bandage peu élastique et/ou une compression élastique. Le plus importantest de le prévenir. Pour cela, un kinésithérapeute passe voir la patiente après l’intervention chirurgicale. Il lui remet un livret d’information et lui indique les mouvements à réaliser et ceux à éviter en prévention du lymphœdème et dans le but de retrouver une amplitude des mouvements du bras. Il lui prescrit éventuellement des séances de rééducation par kinésithérapie. Un lymphœdème peut apparaître, disparaître, réapparaître tout au long de la vie des patientes.

QUESTION DE PATIENTS On m’a parlé de la technique du ganglion sentinelle. Qu’est-ce que c’est ?

La technique du ganglion sentinelle permet dans certains cas d’éviter un curage axillaire qui peut lui-même favoriser la survenue d’un lymphoedème. Les ganglions sentinelles sont les plus proches de la tumeur. La technique du ganglion sentinelle consiste à enlever et à analyser 1 ou 2 de ces ganglions potentiellement atteints. Si la biopsie est négative, le risque que d’autres ganglions soient touchés est minime et on ne pratique donc pas de curage axillaire.

CAHIER CONSEIL

Pour plus de conseils sur le cancer du sein (prothèses capilaires, lymphœdème…), consulter le Cahier Formation « Autour du cancer du sein », n° 2815 du 30 janvier 2010 (disponible dans les archives du Moniteur des pharmacies sur www.wk-pharma.fr).

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