POLÉMIQUE AUTOUR D’UN SUIVI - Le Moniteur des Pharmacies n° 2932 du 05/05/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2932 du 05/05/2012
 

Dossiers

Débat

Auteur(s) : Magali Clausener*, Isabelle Guardiola**, Laurent Lefort***

La convention pharmaceutique acte l’accompagnement des patients sous AVK par les pharmaciens. Une nouvelle mission qui a très vite suscité une opposition de la part de médecins. Mais le débat ne concerne pas seulement praticiens et officinaux. Patients et complémentaires santé ont aussi leur mot à dire.

Les pharmaciens doivent-ils suivre les patients sous AVK ? Des syndicats de médecins se sont élevés, dès le 6 avril, soit deux jours après la signature de la convention pharmaceutique, contre l’accompagnement des patients sous AVK par les pharmaciens. Causes du courroux ? Le suivi en lui-même avec, en filigrane, le rôle du pharmacien et la responsabilité du médecin, ainsi que la rémunération forfaitaire attribuée aux officinaux. « J’ai beaucoup de mal à comprendre que certains syndicats de médecins s’offusquent que les pharmaciens puissent accompagner leurs patients dans la prise en charge de leurs traitements et diabolisent le rôle reconnu au pharmacien d’officine par la convention nationale pharmaceutique : il s’agit simplement de favoriser l’observance des traitements par les patients et de les inciter à réaliser leur suivi biologique, indispensable à l’optimisation des anticoagulants oraux. Ni plus, ni moins », déclare Philippe Gaertner, président de la FSPF. Et d’ajouter : « Sur la base du constat de problèmes récurrents de iatrogénie, cette nouvelle mission a été proposée par l’Assurance maladie, dans l’intérêt des patients. Nous avons la faiblesse de penser que nous pouvons améliorer le suivi des patients sous antivitamine K ». Gilles Bonnefond, président de l’USPO, estime qu’il s’agit d’une « réaction épidermique » : « Lorsque les médecins signent une convention pour un paiement à la performance afin de délivrer moins de médicaments, il y a des conséquences pour les pharmaciens, et lorsque les pharmaciens cherchent des moyens de rémunération différents, les médecins sont un peu à l’origine de cette recherche ». Pour Michel Caillaud, président de l’UNPF, il s’agit d’un « procès d’intention ». « J’ai du mal à opposer pharmaciens et médecins. Dans ce suivi, chacun a un rôle à jouer, explique-t-il. Sur le terrain, il y a un réel travail de fond entre médecins et pharmaciens, mais sur le plan national, la tension est complètement différente. Les syndicats de médecins ont pensé que les pharmaciens allaient marcher sur leurs plates-bandes. »

Accord interprofessionnel et protocole validé par la HAS

De fait, les syndicats des médecins qui sont montés au créneau, n’ont pas pris le temps de lire les pages consacrées à l’accompagnement des patients sous AVK dans la convention pharmaceutique, comme le remarque le Dr Jean-Marie Vailloud, cardiologue (voir son interview). « Dans le cadre d’un accord interprofessionnel, un protocole relatif à l’accompagnement des patients sous AVK, élaboré conjointement par les représentants des médecins, des pharmaciens et de l’Assurance maladie, va être proposé, pour validation, à la Haute Autorité de santé, détaille Philippe Gaertner. Un avenant à la convention pharmaceutique fixera par ailleurs les modalités pratiques de mise en œuvre de cet accompagnement. Sur 1,2 million de patients sous traitement, dont 300 000 nouveaux par an, les deux tiers ou les quatre cinquièmes seront éligibles au suivi par les pharmaciens. » Michel Caillaud insiste sur le fait que « le rôle des pharmaciens n’est pas de modifier les posologies. Cela ne figure pas dans la convention ». Et de compléter : « Notre rôle est d’attirer l’attention du patient quand son INR n’est pas en phase avec son traitement et d’avoir avec lui, s’il le souhaite, un entretien pour lui expliquer le traitement, la façon de le prendre, les interactions, etc. » « Il s’agit de surveiller les patients afin qu’ils se retrouvent dans une situation sécurisée », résume Gilles Bonnefond qui rappelle les enjeux de santé publique liés à la consommation d’anticoagulants oraux : 17 300 hospitalisation et 4 000 décès par an. Ce qui incite le président de l’USPO à envisager, ultérieurement, une adaptation de la posologie par le pharmacien sous certaines conditions. « Cette adaptation pourrait se faire en se basant sur des recommandations internationales qui deviendraient des référentiels intégrés dans un protocole partagé et respecté par les pharmaciens », précise Gilles Bonnefond.

Une rémunération pour une nouvelle mission

Les syndicats estiment ainsi que chacun peut jouer son rôle. Mais, en réalité, ce qui a le plus froissé les médecins, c’est le forfait annuel de 40 euros par patient que les pharmaciens vont percevoir. « Les médecins font un amalgame avec les 40 euros qu’ils touchent pour renouveler les patients en affection longue durée. Cela n’a rien à voir avec le suivi des patients sous AVK réalisé par les pharmaciens », décrypte Gilles Bonnefond. « Quant aux 40 euros, il s’agit d’une rémunération forfaitaire rémunérant deux entretiens pharmaceutiques au cours desquels le pharmacien délivrera notamment une information et des conseils au patient sur le bon usage des médicaments prescrits. Cela n’enlève rien à la possibilité, pour les médecins, de voir leurs patients en consultation et d’être rémunérés à ce titre », souligne Philippe Gaertner. Et de conclure : « Le fait que les syndicats médicaux estiment que leur rémunération pour la prise en charge d’un patient sous AVK est insuffisante n’est pas le problème des pharmaciens. Jamais je ne me permettrai de porter un jugement sur les tarifs des médecins. Qu’ils s’occupent de leur convention et nous de la nôtre. »

Ce que dit la convention

La convention précise que « les parties signataires reconnaissent dans ce cadre la nécessité de s’assurer de la bonne observance du traitement par les patients concernés, de manière à favoriser son efficacité à long terme et une prise en charge optimisée. Pour ce faire, elles estiment nécessaire de s’attacher prioritairement au suivi biologique du patient, qui a lui seul, permet d’évaluer l’efficacité du traitement ».

L’accompagnement du pharmacien « passe par » :

• un entretien à l’initiation du traitement ;

• la réalisation d’au moins deux entretiens pharmaceutiques annuels, au cours desquels le pharmacien informe et conseille le patient sur le bon usage des médicaments qui lui ont été prescrits dans le cadre de son traitement ;

• le contrôle de la réalisation de l’INR ;

• en cas de besoin, la prise de contact avec le prescripteur, avec l’accord du patient.

Les modalités pratiques de mise en œuvre de l’accompagnement seront définies dans un avenant qui doit être signé au plus tard le 1er janvier 2013.

L’une des missions du pharmacien québécois

En 2003, au Québec, la définition légale du métier de pharmacien a été modifiée pour intégrer de nouvelles missions. Elle autorise ainsi le pharmacien à initier et ajuster des traitements anticoagulants. Plus précisément, cette activité prend en compte la mesure de l’INR (le prélèvement peut être réalisé sur place), l’analyse du résultat en fonction du dossier pharmacologique à jour (prise en compte des médicaments et des antécédents médicaux), des interactions médicamenteuses, des habitudes de vie, des situations inhabituelles, de l’observance au traitement et de l’ajustement de la dose. Le protocole de suivi partagé a été établi conjointement par l’Ordre des pharmaciens du Québec et le Collège des Médecins du Québec*. Ce protocole attribue des responsabilités au médecin et au pharmacien, comme ajuster les doses et déterminer le moment du prochain INR, documenter les ajustements et autres interventions, communiquer les interventions au médecin selon la fréquence précisée dans l’ordonnance, informer le patient deux mois avant l’échéance qu’il doit prendre rendez-vous avec son médecin, aviser un mois avant terme le médecin de la nécessité de renouveler l’ordonnance d’ajustement de l’anticoagulothérapie, etc. Avec l’approbation du patient, le pharmacien prend les dispositions nécessaires pour obtenir une ordonnance du médecin lui donnant accès aux résultats et l’autorisant à initier et ajuster un traitement anticoagulant en fonction du protocole établi. Au sein d’un établissement, le pharmacien utilise un modèle d’ordonnance collective. Les pharmaciens ne perçoivent aucune rémunération pour ce service, mais peuvent demander aux patients de payer environ 25 dollars par ajustement, auxquels peuvent s’ajouter des frais d’ouverture de dossier.

Isabelle Latour

* Le médecin a toujours la liberté d’utiliser ou de ne pas utiliser le protocole, ainsi que de partager ou non avec un pharmacien le suivi du patient anticoagulé.

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