ENVOL VERS LA QUALITÉ - Le Moniteur des Pharmacies n° 2929 du 14/04/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2929 du 14/04/2012
 
ROISSY (VAL-D’OISE)

Reportage

Auteur(s) : Stéphanie Bérard

Urgence du départ ou pas, dans un aéroport, la sécurisation de la délivrance ne doit souffrir aucune faille. C’est la raison pour laquelle Annette-Laure Ngombi, titulaire de la Pharmacie du Voyage, s’est engagée dans une certification ISO 9001-QMS Pharma.

Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, 8 heures. L’écran affiche des départs immédiats pour Kuala Lumpur, Istanbul, New York et Le Caire. Des passagers en transit se sont assoupis sur leur valise, d’autres courent vers l’escalator qui mène à l’embarquement. Au rez-de-chaussée, à l’écart de l’effervescence des départs, un discret signal lumineux oriente les voyageurs vers la Pharmacie du Voyage. D’une surface de vente de moins de 100 m2, elle est située dans un couloir sombre, entre deux restaurants, à l’écart des boutiques. Pourtant, elle ne désemplit pas : un groupe de Japonaises regarde attentivement le rayon des cosmétiques, un routard vient chercher un antimoustique, une hôtesse sollicite un conseil pour son mal de gorge… « Nous recevons en moyenne 200 clients par jour, confirme Annette-Laure Ngombi, titulaire depuis 2007 de cette officine, la seule du terminal 1, où travaillent 10 000 personnes. Les voyageurs ont parfois les nerfs à vif et exigent d’avoir un médicament sur-le-champ, même s’ils n’ont pas l’ordonnance. Ils pensent que cela leur est dû car ils sont dans l’urgence du départ. » D’où l’importance d’être infaillible sur la sécurisation de la délivrance.

C’est la raison pour laquelle Annette-Laure Ngombi, qui travaille avec deux préparatrices et deux adjointes (dont l’une pour le week-end uniquement), s’est engagée dans une démarche qualité dès son arrivée à la Pharmacie du Voyage. « Dans un aéroport, une démarche qualité est indispensable. Ici, en effet, il y a souvent des situations critiques où il faut s’interroger sur la conduite à tenir, précise la titulaire, qui était déjà aguerrie à la qualité au moment d’arriver dans cette pharmacie affiliée au groupement CEIDO. J’étais auparavant adjointe dans une pharmacie d’un centre commercial. Mon titulaire avait mis en place des procédures qualité. Les collaborateurs travaillaient de la même façon, les méthodes étaient normées et suivies. »

Quand elle reprend la gestion de la Pharmacie du Voyage – dont elle détient 51 % des parts en SEL, en association avec le titulaire de l’officine située au terminal 2 –, c’est donc tout naturellement qu’Annette-Laure Ngombi tente d’insuffler l’esprit qualité à l’équipe. L’adjoint en place à l’époque sera envoyé en formation PRAQ (pharmacien responsable de l’assurance qualité) et, dans le but d’obtenir une certification QMS Pharma, l’équipe écrira quelques procédures. Sans vraiment d’élan. « L’adjoint démotivait l’équipe. Les réunions étaient rares », se souvient la titulaire. Pendant deux ans, la démarche qualité avance d’un pas puis recule… jusqu’à avorter. La faute à l’adjoint ? Pas seulement. « La certification QMS Pharma était très exigeante, justifie Annette-Laure Ngombi. Elle était constituée d’une centaine de procédures, souvent peu adaptées à notre situation de pharmacie d’aéroport car elles n’étaient pas assez concrètes. »

Savoir insuffler un esprit qualité à l’équipe

Quand la certification de services ISO 9001-QMS Pharma arrive dans la profession, la titulaire s’en empare immédiatement. « Les procédures étaient plus pratiques, moins nombreuses et, surtout, elles pouvaient évoluer. » Au même moment l’adjoint quitte l’officine, remplacé par une nouvelle recrue, Florence Dujardin. Celle-ci est enthousiaste à l’idée d’entamer une démarche qualité. Elle suit la formation PRAQ et commence à coordonner la rédaction des procédures qualité auprès de l’équipe. Surtout, elle insuffle un vrai esprit qualité à l’équipe. Pendant un an, la nouvelle adjointe, les deux préparatrices et la titulaire écrivent tour à tour plusieurs dizaines de procédures qualité. Avec un guide de rédaction fourni par l’organisme QMS-Pharma, elles bâtissent des fiches selon le même modèle : domaine d’application, description de la procédure, personnes habilitées à la mettre en œuvre, objectifs… Certes, l’équipe doit y consacrer du temps, en plus du travail officinal, et il n’est pas rare que Florence Dujardin ait eu à les préparer de chez elle. Mais, cette fois, la mayonnaise prend. Et en février 2011 la Pharmacie du Voyage réussit avec succès l’examen de passage de la certification ISO 9001-QMS Pharma 2010.

Cette norme conduit l’équipe à changer ses habitudes. D’abord au comptoir. Premier signe visible du changement : l’ouverture de dossiers pharmaceutiques (DP) pour sécuriser la délivrance. « Dans un aéroport, il permet d’avoir une traçabilité. Si un voyageur demande un médicament sans ordonnance, il est plus facile de vérifier s’il fait l’objet d’un suivi médical. » Dans le travail quotidien, la certification permet de cadrer le travail des collaborateurs et rend l’équipe plus autonome. Ainsi, chaque jour, chacun sait qui relève les températures de l’enceinte réfrigérée, contrôle les ordonnances, établit un relevé des ventes ratées… En outre, les situations fréquentes de délivrance font l’objet de procédures qualité. Rangées dans un classeur, elles sont consultables à tout moment. « Tout est écrit. Un collaborateur de l’officine qui remplace au pied levé un absent adopte les mêmes méthodes de travail. »

De cette manière, rien n’est laissé au hasard. « Quand un voyageur demande un antidépresseur ou un anxiolytique, la procédure recommande d’attendre l’ordonnance, faxée par le médecin. » Autre exemple fréquent à l’aéroport : les demandes de somnifères tels que Stilnox. « Dans ce cas, nous refusons systématiquement de délivrer sans ordonnance. » Des procédures spécifiques existent aussi pour le site Internet, cogéré avec l’officine du terminal 2, également dénommée Pharmacie du Voyage, qui propose aux patients de préparer leurs médicaments à l’avance après avoir reçu, par fax ou scanner, l’ordonnance du médecin. Ils viennent ensuite les chercher au comptoir.

Un rapport d’une dizaine de critères chaque mois

Dans le back-office, la certification a permis la mise en place d’une organisation sans faille. Avant, les commandes étaient entassées par terre sans précaution. Aujourd’hui, l’officine s’équipe de palettes pour relever les colis et se prémunir contre les risques d’inondation. Un tableau listant les tâches et le rôle de chacun est placardé : préparation d’ordonnance, conseil, appel du médecin, préparation des commandes… Un tableau de bord, également affiché, fait l’objet d’un rapport mensuel : nombre de clients par jour, répartition des ventes, panier moyen, nombre d’erreurs de dispensation, nombre de dossiers pharmaceutiques alimentés…

La certification qualité a aussi abouti à une gestion des ressources humaines plus suivie. Outre la création d’un entretien individuel annuel et de fiches de fonctions pour chaque collaborateur, la titulaire développe un vrai plan de formation. « Chaque salarié part en formation trois fois par an », indique Annette-Laure Ngombi. Cette année, une préparatrice a choisi des cours d’espagnol et d’orthopédie, l’adjointe se perfectionne dans la prévention des maladies cardiovasculaires, la titulaire apprend les bases du management et tout le personnel suivra cette année une formation en anglais. Autre outil précieux : un cahier de liaison. Commandes, jours de congés, manquants, passage d’un client…toutes les informations y figurent. « Comme nous sommes ouverts sept jours sur sept, les rotations de personnel sont fréquentes. Les informations sont transmises par ce biais. »

Cette refonte de l’organisation a-t-elle porté ses fruits ? « Oui, sans aucun doute, assure Annette-Laure Ngombi. Certains dysfonctionnements n’existent plus, comme par exemple les périmés et les manquants. » Autre exemple : le pourcentage d’impayés est passé de 6 % à 0,6 %. Surtout, Annette-Laure Ngombi a réussi son pari : « l’équipe s’est remise en question et a changé ses habitudes. » Reste maintenant le plus difficile. « Il ne faut pas relâcher la pression et continuer sans cesse à faire évoluer les procédures. Le pire ennemi de la qualité, c’est la routine. » Et le pire ennemi de la routine, c’est la qualité !

Annette-Laure Ngombi en cinq dates

• 1989 Diplômée de la faculté de pharmacie d’Amiens.

• 2007 Titulaire de la pharmacie du Voyage au terminal 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle.

• 2009 Abandonne la certification QMS Pharma après deux ans de rédaction de procédures. L’équipe n’est pas motivée pour continuer.

• 2010 Se lance dans la démarche qualité ISO 9001-QMS Pharma et nomination d’un nouveau PRAQ.

• 2011 Certification de la pharmacie.

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Mobiliser l’équipe autour d’un projet.

• Avoir une organisation plus efficace.

• Normer et harmoniser le travail de tous les collaborateurs.

Les difficultés

• Impliquer l’équipe.

• Rédiger des procédures prend du temps.

• Maintenir le niveau de qualité après la certification.

Ses conseils

• Nommer un PRAQ motivé car c’est lui qui va insuffler l’esprit de la qualité

à l’équipe.

• Rédiger des procédures pratiques directement en lien avec les situations

rencontrées au comptoir.

• Organiser des réunions d’équipe pour faire le point sur la rédaction des procédures.

• Ne pas relâcher la pression sur le maintien de la qualité.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

Florence Dujardin, nommée PRAQ, a coordonné la démarche qualité. « Il y a beaucoup de travail à la base, mais ensuite le personnel travaille de la même manière. Cela permet de gagner du temps. L’équipe travaille plus sereinement, avec moins de tension. Il faut cependant rester en alerte continue sur la qualité et continuer à rédiger des procédures. »

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