NOUVELLE CONVENTION, NOUVEAU PHARMACIEN

Syndicats et Assurance maladie ont réussi ce qui paraissait une gageure : signer la nouvelle convention mercredi 4 avril, soit deux mois après l’ouverture des négociations. A raison d’une réunion par semaine pendant 50 jours et de 20 heures de négociations non-stop le 28 mars dernier. « C’est l’un des moments les plus importants des dernières décennies pour la pharmacie française ! », a déclaré Philippe Gaertner, président de la FSPF, le 29 mars suite à l’assemblée générale du syndicat qui a voté à l’unanimité la signature de la convention. Pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, « c’est une convention de rupture et d’envergure ». Michel Caillaud, président de l’UNPF, se dit, lui, « moyennement satisfait ». Le syndicat émet des réserves, même s’il a finalement signé la convention.

Il faut dire que cette seconde convention pharmaceutique marque un tournant pour le réseau officinal. Economique, puisqu’elle instaure un « honoraire » de dispensation issu d’un transfert de la marge commerciale. Professionnel, car elle entérine les nouvelles missions des pharmaciens créées par la loi HPST avec, dans un premier temps, l’accompagnement des patients sous AVK et de patients asthmatiques. Conventionnel enfin : les pharmaciens entrent dans le cadre d’une convention tarifaire à l’instar des médecins. Ils vont également être rémunérés sur objectifs (substitution de génériques, qualité de dispensation des génériques, télétransmission et scannérisation), ce qui est, pour reprendre les termes de Philippe Gaertner, « un pendant avec le paiement à la performance des médecins ». « La convention marque un progrès conceptuel et pratique majeur qui ouvre enfin l’horizon de la pharmacie française. Jamais, en dehors des travaux de doctrine, la finalité comme le contenu technique et clinique des actes n’avaient été ainsi concrétisés par la profession et les assureurs. Cela commence bien », observe Francis Megerlin, maître de conférences en droit et économie de la santé.

Des incertitudes dans un nouveau condiv politique

Pour autant, la nouvelle convention pharmaceutique comporte des incertitudes car plusieurs avenants doivent la compléter. Ce qui implique encore des négociations dans un condiv économique toujours difficile et un nouveau condiv politique. C’est notamment le cas de l’avenant sur le nouveau mode de rémunération mixte. Il doit être signé avant le 1^er janvier 2013. « Il faut attendre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 et les mesures qui pourraient toucher les pharmaciens et avoir des conséquences sur leur marge. Nous négocierons avec le nouveau gouvernement », explique Gilles Bonnefond. La FSPF et l’UNPF ont la même position. « Les négociations auront lieu pendant l’été », remarque d’ailleurs Philippe Besset, en charge de l’économie à la Fédération. De fait, les syndicats n’ont pas d’autre choix que d’attendre les résultats des élections présidentielle et législatives et l’élaboration du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En outre, ils devront également déterminer quelle tranche de marge sera transférée.

Certes, Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l’UNCAM, a assuré que l’Assurance maladie se livrait à des simulations économiques pour chaque officine afin de mesurer les conséquences du changement de rémunération. Mais les syndicats sont bien décidés à être vigilants en la matière. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine, déclare, dans un communiqué du 2 avril, que « la profession devra être particulièrement attentive et veiller à ce que toute modification de distribution de l’enveloppe budgétaire de la pharmacie ne déstabilise pas notre réseau. L’organisation des pharmacies et de leurs moyens en ressources humaines devra absolument être au cœur des débats à venir ».

Services pharmaceutiques et génériques à l’honneur

D’autres acteurs seront également attentifs. Le Gemme (Générique même médicament) va ainsi suivre de près les objectifs de substitution. « Nous sommes tout à fait favorables aux objectifs de substitution à la fois collectif et individuels qui seront mis en œuvre dans le cadre de la convention, explique Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme. Mais il faut que cela soit combiné à d’autres actions pour permettre aux pharmaciens d’atteindre ces objectifs ambitieux, comme une campagne nationale de communication sur le générique, une reprise du “tiers payant contre génériques” et des actions pour limiter l’usage de la mention “non substituable”. » Quant à l’objectif pour les pharmaciens de délivrer une seule marque de génériques aux personnes âgées de plus de 75 ans, Catherine Bourrienne-Bautista s’interroge : « Cette mesure semble répondre à une des raisons invoquées par les médecins pour justifier l’usage de la mention “non substituable”. Les médecins disent alors répondre à des demandes de leurs patients. Cette mesure est-elle vraiment de nature à lever les freins ? »

« La simple existence d’un consensus entre syndicats est en soi remarquable. Mais on ne pourra certainement pas s’endormir dessus. Le courant porteur des génériques est une aubaine qui ne portera pas très loin. Les services pharmaceutiques évalués dans les chaînes de soins ambulatoires sont l’avenir », prévient Francis Megerlin. A condition que les évolutions professionnelles induites par la convention soient tracées et évaluées, et répondent aux objectifs d’efficience des pratiques et d’économies attendues par l’Assurance maladie. Les meilleures négociations sont celles où toutes les parties sont gagnantes. Un principe que Frédéric Van Roekeghem n’a certainement pas oublié pour la convention des pharmaciens.