LES GROSSISTES ENCAISSENT MAL - Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012
 
MARGE

Actualité

Auteur(s) : François Pouzaud

Après la modification de leur marge début janvier, les répartiteurs commencent à revoir les conditions commerciales octroyées au pharmacien. Il ne faut pas se faire d’illusions pour autant : il n’y aura pas de guerre des remises et les pharmaciens ont tout intérêt à bien étudier les offres qui leur seront faites.

En application depuis le 1er janvier 2012, le nouvel arrêté de marge de distribution en gros des spécialités pharmaceutiques remboursables conduit les grossistes à restructurer leur activité commerciale. Ils tentent de reprendre la main sur le flux des produits dont le prix fabricant hors taxes (PFHT) est inférieur à 3,02 €. Pour les médicaments remboursables dont le PFHT est compris entre 0 et 3,02 €, la marge minimale garantie de 30 centimes est plus élevée que la marge perçue avant janvier 2012. Cette augmentation compense partiellement la perte de marge des grossistes sur la tranche intermédiaire de 3,02 € à 132,35 €. Au-delà de 132,35 €, le nouvel arrêté de marge leur est à nouveau plus favorable. « Ces deux tranches extrêmes où notre marge augmente ne représentent que 20 % en valeur de l’activité des grossistes », précise cependant Jean Genge, P-DG de la CERP Rhin-Rhône-Méditerranée.

« La tendance est effectivement à une baisse des remises »

Sur le terrain, les discussions et explications sur l’arrêté de marge vont bon train. D’un côté, des pharmaciens inquiets des conséquences sur leurs remises et, de l’autre, des grossistes qui tentent de les rassurer en leur proposant des conditions commerciales plus alléchantes sur les spécialités de bas prix et de forte rotation (Doliprane, Efferalgan…) qu’ils ont l’habitude d’acheter en direct. Mais personne n’est dupe. Le nouveau mode de rémunération des grossistes n’est pas fait pour enrichir les officinaux, même s’ils peuvent bénéficier de l’augmentation de la marge du grossiste lorsqu’ils achètent auprès de leurs fournisseurs, ce qui est le cas notamment en direct avec les génériques. En effet, un arrêté du 3 mars 2008 leur permet de négocier avec leurs fournisseurs (répartiteurs ou vente directe) « tout ou partie » de leur marge pour l’ensemble des médicaments remboursables. « Si notre marge a été augmentée sur la catégorie de produits dont le prix est inférieur à 3,02 €, elle baisse si l’on considère l’ensemble de notre mix produit, souligne Joaquim Fausto Ferreira, président d’Alliance Healthcare France. Et c’était bien là l’objectif que souhaitait atteindre le gouvernement. »

Selon la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, la nouvelle marge grossiste fera perdre à ses adhérents 40 millions d’euros, voire 60 millions d’ici à fin 2012. « Notre nouvelle rémunération est un élément d’économie, pas un facteur d’amélioration de la marge, explique Laurent Cuiry, président de Phoenix Pharma, qui estime la perte de marge pour son entreprise entre 5 et 6 millions d’euros. La tendance est effectivement à une baisse des remises pour permettre de passer une partie de ce surcoût sur l’officine. » Hubert Olivier, président du directoire de l’OCP, estime qu’en ponctionnant les ressources des répartiteurs, le gouvernement ne pouvait ignorer qu’il allait toucher l’officine. Et lui faire payer indirectement la note via les conditions commerciales.

Les grossistes ne veulent pas de guerre commerciale

Compte tenu de la faiblesse de leur modèle économique, les répartiteurs n’envisagent pas d’ouvrir une nouvelle joute concurrentielle entre eux ou avec le direct. « Nous ne sommes pas dans une logique commerciale agressive et n’entendons pas agir de façon inconsidérée ; nous sommes dans une démarche du service au bon prix et, au niveau des remises, nous tiendrons compte de la vision globale de l’ensemble des achats de l’officine qui nous sont confiés sans aller au-delà », prévient Laurent Cuiry. « Il est clair que cette nouvelle donne ne peut être absorbée par l’entreprise seule et qu’elle doit être prise en compte au sein de l’ensemble de notre offre commerciale, déclare Joaquim Fausto Ferreira. Nous travaillons donc à réajuster notre positionnement commercial pour proposer des remises adaptées en fonction des nouvelles tranches et des offres promotionnelles compétitives sur l’OTC et la parapharmacie. Ce travail sur notre positionnement commercial se fait bien sûr en lien avec les pharmaciens. » Même souci du dialogue à l’OCP. « Rien ne sera fait avec nos clients sans une approche de confiance, car une relation d’affaire doit s’inscrire dans une relation de confiance », assure Hubert Olivier. A priori, les répartiteurs ne parlent pas de rogner sur les services. Jean Genge est peu loquace sur la stratégie de son groupe : « Nous adapterons notre discours et notre politique d’offres commerciales en fonction ce qui se passera sur le marché. » Tout va dépendre de la riposte des laboratoires pour conserver leurs parts de marché en jouant sur deux variables, la rétrocession de tout ou partie de la marge grossiste dans le cadre du direct et les frais d’approche (frais d’ouverture de marché).

La mise à plat des conditions commerciales avec l’ensemble de leurs fournisseurs (laboratoires en direct, full liners, short liners…) va conduire les pharmaciens à modifier certains comportements d’achats et à se déterminer en fonction des nouvelles offres. « En tout état de cause, le pharmacien paiera plus cher, que ses achats soient effectués en direct ou auprès de son grossiste », pense Laurent Cuiry. La bataille des arguments commerciaux fera le reste. Les grossistes peuvent mettre en avant les avantages des commandes « au fil de l’eau » pour la trésorerie des officines et l’efficacité de leur logistique, alors que le direct peut tirer plus facilement son épingle du jeu auprès des pharmacies qui ont davantage de moyens financiers et qui peuvent se permettre de stocker. Sur la marge de négociation avec l’OCP, Hubert Olivier ne s’avance pas : « La réponse est forcément complexe, cela dépend de la structure d’achats de chaque officine. C’est le travail de nos commerciaux et de nos directeurs d’établissement. »

Les syndicats favorables à une saine concurrence

Gilles Bonnefond, président de l’USPO, estime que les répartiteurs ne perdent rien et les accusent de faire payer deux fois l’officine, via leur baisse de marge sur les génériques – marge qui est captée par l’officine – et la baisse des remises. « Celle-ci s’accompagne parfois d’une diminution du nombre de tournées quotidiennes dans les zones où la concurrence n’est pas vive et de la facturation de frais de livraison en dessous d’un certain seuil d’achats », informe-t-il. Philippe Besset, président de la commission Economie de la FSPF, maintient que la réforme des marges de distribution en gros est globalement neutre pour ce circuit. « Les modifications intervenues sont calibrées pour que le produit de cette marge ne bouge pas, sauf que les grossistes traditionnels sont potentiellement perdants ; le pharmacien a donc intérêt à récupérer cette perte de marge auprès des autres acteurs du marché », conseille-t-il.

En début d’année, la FSPF a alerté les titulaires sur les possibilités commerciales qui leur sont offertes ou enlevées par ce changement de réglementation, et elle a sensibilisé les laboratoires pour qu’ils modifient leur plan d’affaires avec l’officine. Selon Philippe Besset, ce travail porte déjà ses fruits. « Les laboratoires et les grossistes jouent le jeu et les pharmaciens disposent d’une marge de manœuvre, constate-t-il. Ils peuvent récupérer tout ou partie de 30 centimes auprès de leurs fournisseurs, au lieu de tout ou partie de 8 centimes auparavant. »

« Il faut une transparence sur le calcul des remises », réclame Gilles Bonnefond. On ne peut lui donner tort. Les mécanismes de fixation des remises sont devenus si complexes qu’aucun pharmacien n’est en mesure de connaître avec exactitude les marges octroyées par les répartiteurs et d’apprécier la pertinence de leurs offres commerciales.

Pour Michel Caillaud, président de l’UNPF, les négociations des remises des fournisseurs devraient aller de pair avec les discussions sur la rétrocession et les nouvelles structures d’achats (structures de regroupement à l’achat, centrales d’achats pharmaceutiques…) : « C’est la seule façon de retrouver de la marge ! », estime-t-il.

L’ESSENTIEL

• La nouvelle marge des grossistes, en application depuis le 1er janvier 2012, se traduit par un taux de rémunération unique de 6,68 % sur le PAHT, avec un montant plancher de 30 centimes et un plafond de 30 €.

• Pour les grossistes, cette marge est plus favorable pour les médicaments dont le prix est inférieur à 3,02 € et supérieur à 132,35 €.

• Les répartiteurs estiment néanmoins leurs pertes à plus de 40 millions d’euros.

• Ils vont modifier voire baisser leurs remises et adapter leurs conditions à leur offre globale et au comportement d’achat du pharmacien.

Repères

La marge des grossistes appliquée avant le 1er janvier 2012

9,93 % du prix d’achat HT jusqu’à 22,90 €

6 % de 22,90 € à 150 €

2 % de 150 € à 400 €

0 % au-delà de 400 €

Boiron profite de la nouvelle marge

La nouvelle marge des grossistes est du pain bénit pour Boiron qui prévoit un effet positif de la modification du calcul. Les prix de vente de certaines de ses références, dont les tubes granules et doses, sont d’ailleurs revus à la hausse. Boiron n’avait pas vu ses prix évoluer depuis 23 ans ! Le laboratoire homéopathique vient d’annoncer une baisse de son résultat net de 2,4 % à 42,25 millions d’euros, bien que son CA en France ait progressé de 1,9 % en 2011. Pour l’instant, Boiron ne s’est pas avancé sur la possibilité de donner plus de remises aux pharmaciens en direct. Tout dépendra de leur comportement d’achat.

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