LES ANÉMIES ET NEUTROPÉNIES CHIMIO-INDUITES - Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

M. C. a des complications hématologiques

RÉCEPTION DES ORDONNANCES

Pour qui ?

Marc C. 68 ans. C’est Mme C. qui vient chercher le traitement de son époux.

Par quel médecin ?

Le pneumo-oncologue hospitalier qui le suit pour son cancer bronchique.

Les ordonnances posent-elles un problème législatif ?

• Oui, Neorecormon (érythropoïétine) nécessite une prescription initiale hospitalière (PIH) annuelle rédigée sur une ordonnance de médicament d’exception à 4 volets (réponse 1). Le pharmacien doit appeler le prescripteur pour obtenir l’ordonnance adéquate.

• Emend nécessite également une ordonnance de médicament d’exception mais n’a pas de restriction de prescription.

• Neulasta (G-CSF) nécessite une PIH d’une durée maximale de 3 mois mais pas d’ordonnance de médicament d’exception.

Appel au médecin

– Bonjour Dr S., je suis le pharmacien de monsieur C. Neorecormon n’a pas été prescrit sur une ordonnance d’exception à 4 volets.

– Ah bon ? C’est un oubli. Je l’établis et l’infirmière va vous la faxer immédiatement. Est-ce que madame C. peut revenir dans mon service pour récupérer l’original ? Elle le trouvera chez ma secrétaire.

QUEL EST LE CONdiv DES ORDONNANCES ?

Que savez-vous du patient ?

• M. C. est traité depuis 2 mois pour un carcinome bronchique métastatique. Sa chimiothérapie (cisplatine-étoposide) est très émétisante. Il reçoit de ce fait une prémédication délivrée à l’officine avant chaque cycle. Un antagoniste 5-HT3 (sétron) fait également partie du protocole de chimiothérapie sous forme IV à J1 de chaque cycle.

• Depuis le 2e cycle, M. C. prend aussi Neorecormon pour corriger une anémie chimio-induite. C’est la 2e fois qu’il lui est prescrit.

• M. C. est porteur d’une chambre implantable percutanée pour l’administration des chimiothérapies.

• Il a arrêté de fumer depuis 4 ans.

Quelle était le motif de la consultation ?

• Le patient revient d’une consultation, impérative avant chaque cure. L’examen clinique effectué permet :

– de juger de l’état général de M. C ;

– d’autoriser une autre cure s’il n’y a pas de signe clinique de progression tumorale ;

– d’évaluer la toxicité clinique (neurologique, alopécique, mucitique) et biologique en intercure ;

– de s’assurer que le bilan biologique (hémogramme, ionogramme, fonctions rénale et hépatique) permette une nouvelle cure et si nécessaire, d’adapter les doses des anticancéreux et des traitements de support dont l’EPO.

• Un bilan de réévaluation scannographique est fait par le médecin après 2 cycles afin d’apprécier la réponse au traitement.

Que lui a dit le médecin ?

Il a expliqué à M. C. que les résultats de l’évaluation intercures permettent de continuer la chimiothérapie. Le taux d’hémoglobine s’est amélioré et les injections d’EPO seront adaptées voire arrêtées selon l’évolution de la valeur.

Vérification de l’historique du patient

M. C. ne prend pas d’autre traitement hormis du paracétamol pour des douleurs.

LES PRESCRIPTIONS SONT-ELLES COHÉRENTES ?

Que comportent les prescriptions ?

• Les prescriptions comportent des médicaments indiqués dans le contrôle de l’hématotoxicité chimio-induite :

– Neulasta (Pelfigrastim) est un G-CSF pégylé, facteur de croissance de la lignée granulocytaire, utilisé en prophylaxie primaire pour réduire la durée de la neutropénie et prévenir la potentielle incidence de neutropénie fébrile due à l’étoposide (réponse 1).

– Neorecormon (Epoétine bêta) est un facteur de croissance de la lignée érythrocytaire prescrit pour corriger l’anémie induite par le cisplatine.

• Les prescriptions comportent également un traitement contre les nausées et vomissements chimio-induits :

– Emend (Aprépitant) est un antagoniste sélectif des récepteurs de la substance P-neurokinine 1 (NK1) qui doit être associé à de l’ondansétron à J1 et à de la dexaméthasone de J1 à J4 ;

– Solupred (Prednisolone) est un corticostéroïde utilisé à la place de la dexaméthasone. En effet, le schéma thérapeutique avec 8 mg de dexaméthasone équivaut à 16 comprimés de Dectancyl. Pour plus de confort, le médecin a remplacé les 16 comprimés de dexaméthasone par de la prednisolone.

Les prescriptions sont-elles conformes à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui. La prise en charge des complications hématologiques et des vomissements chimio-induits est conforme aux recommandations de la HAS, de l’Organisation européenne de la recherche et du traitement du cancer et de l’American Society of Clinical Oncology.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre– indications pour ce patient ?

Non, M. C. n’a pas d’hypertension artérielle (Neorecormon).

Il ne présente aucune des situations contre-indiquant la prise de Solupred (état psychotique non contrôlé par un traitement ; état infectieux).

Emend et Neulasta ne possèdent aucune contre-indication.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Neorecormon : oui, car la dose est adaptée à la réponse hématologique (valeur de l’Hb). En général, la posologie de Neorecormon ne dépasse pas 30 000 UI/semaine.

Neulasta : oui, car la dose de 6 mg par cycle n’est pas dépassée.

Solupred : l’équivalent de 8 mg de dexaméthasone équivaut à environ 50 mg de prednisolone. La posologie maximale recommandée (1,2 mg/kg/jour soit 78 mg pour M. C.) n’est donc pas atteinte ici.

Emend : oui, car les doses du schéma thérapeutique de l’AMM (J1 : 125 mg, J2 à J3 : 80 mg) sont respectées.

Y a-t-il des interactions médicamenteuses ?

Non.

Les prescriptions posent-elles un problème particulier ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

• Oui. M. C. fait ses analyses biologiques en ville à la veille de chaque perfusion de cytotoxiques afin de vérifier :

– l’hémogramme (NFS, plaquettes). L’administration de l’EPO doit être surveillée et adaptée au maintien de la valeur cible d’hémoglobine : 12 g/dl jusqu’à la fin de la chimiothérapie. Au-delà de cette valeur, le risque thromboembolique est augmenté ;

– la fonction rénale (néphrotoxicité du cisplatine);

– la fonction hépatique et un ionogramme.

• Une surveillance de la pression artérielle (Neorecormon) est également nécessaire. Les érythropoïétines peuvent entraîner une augmentation de la pression artérielle dans 1 à 10 % des cas.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

M. C. a déjà utilisé ces médicaments le mois dernier. Il importe de s’enquérir de la bonne tolérance et observance de son traitement.

Efficacité du traitement

Le pharmacien interroge Mme C. sur l’efficacité du traitement de son mari. Mme C. répond qu’« au scanner le médecin n’a pas vu de progression tumorale.

Avec Neorecormon, il semble moins fatigué et moins essoufflé et il fait lui-même ses injections ».

Effets indésirables

« Est-ce que les nausées et vomissements postchimiothérapie sont bien contrôlés » Mme C. acquiesce.

Suivi biologique

« M. C fait-il correctement les analyses ? » Mme C. confirme que son mari fait très attention à respecter le rythme des surveillances.

Observance

« M. C fait-il ses injections comme prescrit ? » Mme C. confirme.

Modalités de prise

Le pharmacien rappelle les modalités d’injection. Pour chaque injection, se laver les mains, vérifier la limpidité de la solution et l’absence de particules. S’installer confortablement. La seringue doit être remise à température ambiante 20 minutes avant l’injection. L’injection sera faite au niveau de la face externe de la cuisse ou de l’abdomen. Désinfecter la zone préparée. Faire un pli cutané entre le pouce et l’index. Introduire l’aiguille avec un angle de 45° ou 90° selon l’épaisseur du tissu cutané, d’un geste rapide, précis et ferme. Ne pas relâcher la peau car le relâchement des tissus risquerait d’introduire l’aiguille dans un muscle. Injecter lentement le produit. Retirer l’aiguille d’un geste rapide et recouvrir le point de ponction d’une compresse stérile et sèche. Jeter immédiatement la seringue et l’aiguille dans le conteneur à déchets contaminés piquants. Ne pas masser le point de ponction pour ne pas faire sortir le produit injecté par pression.

Signes d’alerte

M. C doit signaler tout symptôme inhabituel tels que signes d’infection (fièvre, toux, maux de gorge), éruption ou rash cutané, prurit, dyspnée, douleur thoracique, inflammation cutanée en regard de la chambre implantable.

CONSEILS COMPLEMENTAIRES

• Hygiène générale : être attentif à toutes les situations à risque d’infections.

• Règles diététiques : l’hydratation est capitale pour éviter la néphrotoxicité du cisplatine. Ne pas consommer de boissons alcoolisées. Les jours de la chimiothérapie, manger léger.

• Automédication : ne pas prendre d’autres médicaments sans avis médical. Ne pas prendre d’antalgiques antipyrétiques en continu pour ne pas masquer une éventuelle fièvre.

• La maladie de M. C. est incurable : l’équipe doit avoir un discours positif pour l’accompagner. Il faut harmoniser les informations transmises et les tracer afin d’en garantir la cohérence et assurer un suivi en complément du médecin.

Demande du patient

Madame C. vous appelle le lendemain. Elle a oublié de mettre les boîtes au réfrigérateur !

– Mon mari peut-il encore utiliser ces médicaments ?

– Oui, car ils peuvent rester à température ambiante pendant une période unique de 72 h. Au-delà, il ne faut plus les utiliser. Dans votre cas il n’y pas de problème, mais il faut les remettre au réfrigérateur immédiatement.

PATHOLOGIE

L’anémie et la neutropénie chimio-induites en 6 questions

L’anémie et la neutropénie sont des complications fréquentes des chimiothérapies. Outre une altération de la qualité de vie du patient, leurs conséquences peuvent être sévères.

1 COMMENT DÉFINIR L’ANÉMIE ET LA NEUTROPÉNIE ?

• La neutropénie est définie le plus souvent par un nombre de polynucléaires neutrophiles (PN), appelés également granulocytes neutrophiles, inférieur à 1 500/mm3. Sous chimiothérapie, les protocoles de surveillance et de prise en charge s’appliquent généralement lorsque le taux de PN est inférieur à 1 000/mm3.

• La neutropénie est considérée comme sévère lorsque le nombre de PN est inférieur à 500/mm3 ou inférieur à 1 000/mm3 avec une décroissance attendue à moins de 500 en 48 heures : le risque infectieux est alors fortement majoré.

• L’anémie est définie par un taux d’hémoglobine (Hb) inférieur à 12 g/dl chez la femme et à 13 g/dl chez l’homme. L’anémie est considérée comme légère si le taux d’Hb reste supérieur à 10 g/dl. Elle est modérée si le taux d’Hb est compris entre 8 et 10 g/dl. En dessous de 8 g/dl, on parle d’« anémie sévère ».

2 COMMENT ÉVOLUENT-ELLES ?

• La neutropénie survient généralement à partir du 8e jour après le début du traitement. Le nadir est le plus souvent atteint au cours de la deuxième semaine de traitement (entre J10 et J15). Dans le cadre des lymphomes et des tumeurs solides, la neutropénie est généralement de courte durée (moins de 7 jours).

• L’anémie induite par la chimiothérapie s’observe plus tardivement, généralement entre 8 et 21 jours après le début du traitement et parfois après plusieurs mois de chimiothérapie. Elle s’installe d’autant plus rapidement que la chimiothérapie reçue est lourde. Elle a tendance à devenir plus sévère au fur et à mesure des cycles de chimiothérapie.

3 QUELS SONT LES SIGNES ÉVOCATEURS ?

Neutropénie

• La survenue d’une fièvre est souvent le premier et le seul signe d’infection chez un patient neutropénique. On parle de « neutropénie fébrile » lorsque la température est supérieure à 38,3°C (auriculaire) sur une prise ou supérieure à 38°C sur deux prises à une heure d’intervalle. C’est une urgence qui nécessite la réalisation d’un hémogramme et justifie la prescription d’une antibiothérapie à large spectre sans délai.

D’autres signes infectieux justifient la même démarche : hypothermie brutale (≤ ou égale à 36°C) suivant l’hyperthermie, frissons, toux, brûlures mictionnelles…

• Des signes de collapsus débutant constituent une extrême urgence : hypotension, troubles de la conscience, signes respiratoires avec augmentation de la fréquence respiratoire et début de cyanose.

Anémie

Les premiers signes sont une fatigue, des troubles de la concentration, un essoufflement à l’effort et une tachycardie (pour compenser le manque d’oxygène). On peut aussi observer une pâleur des muqueuses (des lèvres, des ongles), une froideur cutanée, des nausées, puis, pour des anémies sévères, une humeur dépressive, des troubles du sommeil, un essoufflement au repos, des vertiges, voire une décompensation cardiaque.

4 QUELLES CONSÉQUENCES ?

• Le risque essentiel de la neutropénie est une infection susceptible d’évoluer rapidement en septicémie mortelle. Le risque infectieux augmente avec la profondeur de la neutropénie, la rapidité d’installation et sa durée. Les germes en cause sont le plus souvent des bactéries endogènes (essentiellement des entérobactéries : Escherichia coli, Klebsiella, Enterobacter, Citrobacter) ou des streptocoques. D’autres agents infectieux peuvent être retrouvés (virus, champignons, parasites) lorsque la neutropénie est de longue durée (plus de 10 jours). Dans plus de la moitié des cas, on ne retrouve ni foyer infectieux ni germe responsable.

• L’anémie est à l’origine d’une fatigue importante et peut aggraver certains effets indésirables des chimiothérapies (nausées, vomissements, perte de l’appétit…). Par ailleurs, l’anémie induit ou aggrave l’hypoxie tumorale, d’où une moins bonne réponse aux traitements anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie).

5 QUELS FACTEURS DE RISQUE ?

Neutropénie

• La survenue d’une neutropénie dépend de facteurs liés au patient (âge, comorbidités, antécédents de radiothérapie, ou chimiothérapie, envahissement médullaire…) et au traitement administré. Certains facteurs de risque de neutropénie fébrile sont identifiés dont l’âge (personnes âgées plus à risque), l’état général, la dose-intensité de la chimiothérapie.

• Les neutropénies les plus sévères sont observées avec les anthracyclines (doxorubicine…), les alkylants (cyclophosphamide…), les nitroso-urées (fotémustine) ainsi qu’avec la cytarabine et la vinblastine. D’autres anticancéreux peuvent induire des neutropénies sévères : ixabépilone, vinflunine, docétaxel, paclitaxel.

Anémie

Des facteurs de risque sont identifiés : le sexe féminin et le taux d’Hb à l’inclusion. L’anémie est fréquente au cours des cancers bronchiques et des lymphomes. Elle est très fréquente au cours des chimiothérapies comportant des sels de platine (cisplatine, carboplatine).

6 COMMENT DIAGNOSTIQUER ?

Neutropénie

• L’examen clinique recherche des critères de gravité (hypotension, hypothermie, oligoanurie, choc…). Le score de MASCC (Multinational Association for Supportive Care in Cancer), s’appuyant, entre autres, sur l’âge, le type de cancer et la présence d’une hypotension aide à déterminer les patients à haut risque d’infection dont la prise en charge est impérativement hospitalière.

• Des prélèvements bactériologiques (hémocultures périphériques et, selon le cas, sur cathéter veineux central), un examen cytobactériologique des urines (ECBU) et parfois une coproculture sont réalisés.

• Une radiographie du thorax est systématique (les signes cliniques d’une pneumonie étant souvent discrets voire absents).

• Le bilan biologique comporte une NFS (qui confirme la neutropénie et permet de suivre son évolution), un ionogramme, une mesure de la créatininémie (recherche d’une insuffisance rénale qui peut aggraver la neutropénie ou l’anémie), le dosage de la CRP (protéine C réactive) à la recherche d’un foyer infectieux sévère, un bilan hépatique.

Anémie

• L’anémie peut avoir de multiples causes, liées au cancer lui-même ou à des comorbidités (syndrome inflammatoire, infiltration de la moelle osseuse par la tumeur, dénutrition, saignements, insuffisance rénale…). Toute anémie doit faire l’objet d’une enquête étiologique.

• La mesure du taux d’Hb confirme une anémie. Le bilan biologique initial (NFS, fer sérique, ferritinémie, transferrine, réticulocytes, CRP, vitamine B12, acide folique…) cherche à déterminer l’origine de l’anémie (carence martiale, inflammatoire…).

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les anémies et neutropénies chimio-induites ?

La prise en charge thérapeutique de l’anémie du patient cancéreux repose sur les transfusions de culots globulaires et l’utilisation d’agents stimulant l’érythropoïèse. La neutropénie, quant à elle, sera prise en charge par antibiothérapie préventive, facteurs de croissance hématopoïétique et mesures hygiénodiététiques.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Traitement de l’anémie

• Le traitement des patients anémiques passe en premier lieu par le traitement spécifique de la maladie causale, de type déficit en fer, en vitamine B12, en folates, hémolyse ou hémorragie. L’utilisation d’agents stimulants l’érythropoïèse (ASE) a subi de nombreuses modifications réglementaires ces dernières années afin de redéfinir ou mieux définir les seuils de mise en œuvre des traitements ainsi que les valeurs cibles à atteindre, l’objectif principal étant de contrôler les signes cliniques de l’anémie tout en évitant de recourir à la transfusion. En effet, si la transfusion permet une élévation rapide du taux d’hémoglobine et une amélioration significative des signes cliniques dans les situations d’urgence, elle présente des risques d’accidents immunologiques, allergiques ou infectieux, bien connus et chiffrés, si l’on excepte le risque pathogène d’agents mal connus ou non détectables à ce jour chez le donneur.

• En l’absence de conférence de consensus sur le sujet, chaque société savante avance ses propres recommandations, dont il est possible de faire la synthèse suivante :

– le traitement par ASE ne doit être instauré que lorsque l’hémoglobinémie est inférieure à une certaine valeur seuil (comprise entre 9 et 12 g/dl) et doit viser une valeur cible n’excédant pas 12 g/dl ;

– une fois ce taux d’hémoglobine cible atteint, un traitement de maintenance doit être poursuivi à posologie minimale efficace aussi longtemps que le patient est traité par chimiothérapie ou que le taux d’Hb reste inférieur à 12 g/dl ;

– le traitement est arrêté dès dépassement du taux de 13 g/dl ;

– il est possible de réinstaurer un traitement par ASE si le taux d’Hb redescend sous la valeur des 12 g/dl, avec une posologie alors abaissée de 25 à 50 % par rapport à la posologie initiale. Le traitement par ASE améliore la qualité de vie du patient et la tolérance à la chimiothérapie ;

– l’efficacité thérapeutique peut être augmentée par une supplémentation en fer par voie parentérale pour les patients présentant une carence martiale, sans schéma posologique actuellement défini ;

– la transfusion de culots de globules rouges reste aujourd’hui le traitement de choix pour des diminutions importantes et rapides de l’hémoglobine, mettant en jeu le pronostic vital du patient, ou pour les 30 % de patients non répondeurs aux agents stimulants l’érythropoïèse. L’injection d’un culot globulaire augmente généralement l’hémoglobinémie de 1 g/dl. S’ils se sont révélés insuffisamment actifs, les agents stimulants l’érythropoïèse peuvent être associés à la transfusion ou, si cette dernière est réalisée en urgence, après afin d’en conforter l’action.

Traitement de la neutropénie

• La prise en charge thérapeutique des neutropénies fébriles, à l’aide de facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF, granulocyte-colony stimulating factors, cytokine jouant un rôle dans la croissance et la différenciation des éléments de la lignée granuleuse), peut se pratiquer de 3 manières : soit en prophylaxie primaire, soit en prophylaxie secondaire, soit en curatif. Mais quelle que soit la situation, il existe des règles de base indispensables pour la conduite de ce type de traitement.

• Les G-CSF seront utilisés en prophylaxie primaire dès la première cure de chimiothérapie si l’on sait que cette dernière est susceptible d’entraîner un taux de neutropénie fébrile supérieur ou égal à 20 %.On débute le traitement par G-CSF entre 24 et 72 heures après la fin de la chimiothérapie et on l’arrête dès le retour à la normale des polynucléaires neutrophiles (soit 1 000/mm3) après passage du nadir. Aucune utilisation concomitante de la chimiothérapie n’est possible. Ainsi, la durée moyenne d’utilisation est de 3 à 7 j et jusqu’à 10-14 j, voire jusqu’à 28 j pour les chimiothérapies myélosuppressives.

• En prophylaxie secondaire, la première démarche sera de diminuer lors du cycle suivant les posologies des anticancéreux connus pour être les plus myélotoxiques, et non d’ajouter du G-CSF. Sa prescription dans ce cas ne se fera que chez les patients pour lesquels une réduction de la dose-intensité est préjudiciable à la survie.

• Enfin, l’utilisation du G-CSF en curatif ne doit se limiter qu’aux patients ayant une neutropénie fébrile et des signes de gravité majeurs tels qu’une infection tissulaire avérée (pneumopathie) ou un risque septique (infection fongique systémique, syndrome septique….).

• Les recommandations actuelles en termes de prise en charge anti-infectieuse font débat. L’IDSA (Société américaine des maladies infectieuses) recommande de donner un traitement à domicile aux patients présentant un faible risque, à l’aide d’une antibiothérapie empirique per os, recommandation reposant sur une méta-analyse concluant à une efficacité comparable de l’antibiothérapie orale par rapport à l’antibiothérapie IV. Cependant, cette pratique est controversée. La Société européenne d’oncologie médicale, quant à elle, recommande de débuter par une antibiothérapie intraveineuse puis de passer à la voie orale à domicile après 48 heures même lorsqu’il s’agit de patients à risques peu élevés. Selon l’IDSA, le traitement oral empirique de première intention est une combinaison de ciprofloxacine et d’amoxicilline + acide clavulanique. Mais d’autres traitements, ayant été bien moins évalués, sont communément utilisés (monothérapie de lévofloxacine ou de ciprofloxacine, association ciprofloxacine-clindamycine…).

TRAITEMENTS

Transfusion de culots de globules rouges

• La transfusion de globules rouges est indiquée lorsque la réparation spontanée de l’anémie ne peut être espérée à court terme. En l’absence d’études randomisées, il est difficile de déterminer de manière rigoureuse les règles de transfusion chez le sujet cancéreux car chez ce type de patient la durée de vie des globules rouges transfusés est réduite. Ainsi, le seuil de 8 g/dl est habituellement retenu, porté à 10 g/dl chez le sujet présentant des facteurs de gravité comme un âge > 65 ans ou une anémie symptomatique. Si les transfusions sont rapprochées en cas de facteurs de comorbidité respiratoires ou de localisations bronchopulmonaires, il ne semble pas nécessaire, en revanche, de fixer un seuil plus élevé en l’absence de facteurs de risque cardio-vasculaire dans la mesure où il existe une adaptation par diminution de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène au cours de l’anémie.

• Chez le patient en fin de vie, la finalité de la transfusion étant de participer au maintien optimal d’un certain degré de qualité de vie, il conviendra d’évaluer son incidence sur l’asthénie physique due aux efforts de la vie courante et sur les capacités intellectuelles, et de mettre en balance cette incidence avec les inconvénients liés aux déplacements imposés par la transfusion et avec les réactions transfusionnelles.

• En pédiatrie, hormis quelques rares situations, le support transfusionnel est systématique chez tout enfant atteint d’hémopathie maligne ou de tumeur solide, l’intensité des chimiothérapies administrées n’étant réalisable que grâce à ce support.

• En France, le risque de transmission d’infections virales a considérablement chuté depuis la sélection rigoureuse des donneurs. Le risque est actuellement estimé à 1/450 000 pour l’hépatite B, 1/6 500 000 pour l’hépatite C et 1/2 500 000 pour le VIH. De plus, la transfusion de globules rouges dans cette indication s’adresse le plus souvent à des patients métastatiques dont le pronostic est souvent fatal à court terme et chez qui la transmission éventuelle d’agents infectieux viraux n’a pas les mêmes conséquences à long terme qu’au cours des pathologies bénignes.

Agents stimulants l’érythropoïèse (EPO)

• Il existe actuellement trois érythropoïétines commercialisées : deux protéines recombinantes dites « humaines » (époétine alpha Eprex et époétine bêta Neorecormon), et dont la structure primaire est similaire à celle de l’érythropoïétine humaine, avec quelques différences au niveau des hydrates de carbone, et la darbépoétine (Aranesp), qui diffère de l’érythropoïétine endogène par une augmentation de la fraction glucidique et une élévation de la partie protéique, lui conférant une demi-vie plus longue. Les époétines zêta (Retacrit), thêta (Eporatio) et alpha (Binocrit) sont des biosimilaires de l’époétine alpha (Eprex).

• Les érythropoïétines sont des médicaments à prescription initiale hospitalière annuelle, leur renouvellement pouvant être effectué par tout médecin.

• Elles font partie de la liste des médicaments d’exception devant être prescrits sur une ordonnance à quatre volets.

• Elles sont indiquées en chimiothérapie chez l’adulte dans le traitement de l’anémie due aux tumeurs solides, aux myélomes multiples, aux lymphomes non hodgkiniens ou aux leucémies lymphoïdes chroniques.

• L’intérêt des érythropoïétines réside dans la réduction du nombre de transfusions de l’ordre de 25 à 60 % et dans l’amélioration de la qualité de vie. Il est néanmoins indispensable de tenir compte du délai minimal d’obtention d’un début de réponse (de l’ordre de 2 à 3 semaines). Enfin, quelle que soit l’observance au traitement, un tiers environ des patients ne répondent pas à l’administration des agents stimulants l’érythropoïèse.

• Les érythropoïétines peuvent être administrées par voie sous-cutanée dès le début de la chimiothérapie si besoin. En théorie, la posologie doit faire l’objet d’une adaptation individuelle en fonction du poids, durant toute la chimiothérapie et jusqu’à 3 semaines après la dernière cure. En pratique, l’utilisation de doses standard est de mise avec 30 000 UI/ semaine d’époétine, équivalant à 500 µg toutes les 3 semaines de darbépoétine. La posologie pourra être doublée si le taux d’hémoglobine a augmenté de moins de 1 g/dl sur 4 semaines. Si 4 semaines plus tard ce taux a insuffisamment augmenté, le traitement sera jugé inefficace et arrêté. En dehors du taux sérique d’érythropoïétine endogène, il n’existe aucun facteur prédictif de réponse favorable au traitement susceptible d’être utilisé en pratique clinique.

• Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sont de type augmentation de la pression artérielle (1 à 10 %), thrombose veineuse profonde, en particulier chez le patient cancéreux, syndrome pseudo-grippal, réactions au point d’injection, douleurs articulaires, sensations de faiblesse, vertiges, asthénies ou encore céphalées.

• Surveillance : le potassium sera régulièrement contrôlé tout au long du traitement, les érythropoïétines pouvant provoquer des hyperkaliémies inexpliquées. Le taux d’hémoglobine, la tension artérielle et le nombre d’éléments figurés du sang font l’objet d’une surveillance mensuelle.

• Enfin, l’érythropoïétine stimulant l’érythropoïèse, la mise en œuvre de ce type de traitement se traduit rapidement par une augmentation importante des besoins en fer. Celui fixé sur la transferrine est rapidement épuisé, entraînant une mobilisation lente de la ferritine et une diminution de la réponse érythrocytaire. Aussi, l’utilisation d’érythropoïétine devrait s’accompagner d’une supplémentation martiale dès que le coefficient de saturation de la transferrine est inférieur à 20 %. Mais, en pratique, aucune attitude standard n’est définie à ce jour.

• Le risque de mésusage, notamment dans un condiv de dopage, justifie le classement de des agents stimulant l’érythropoïèse en médicaments d’exception.

Facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF)

• Il existe actuellement trois facteurs de croissance hématopoïétique commercialisés. Le filgrastim et le pegfilgrastim sont des facteurs de croissance granulocytaire G-CSF recombinants humains non glycosylés, le pegfilgrastim étant une forme conjuguée à une molécule de polyéthylène-glycol, apportant une durée d’action prolongée par diminution de la clairance rénale. Le lénograstime est quant à lui glycosylé.

• Les facteurs de croissance hématopoïétique sont des médicaments à prescription initiale hospitalière valable 3 mois et leur renouvellement peut être effectué par tout médecin.

• Neupogen (filgrastim), Granocyte (lénograstime) et Neulasta (pegfilgrastim) sont indiqués dans les neutropénies intervenant au cours de chimiothérapies cytotoxiques afin d’en réduire leur durée et leur incidence. Neupogen et Granocyte sont aussi indiqués dans la réduction de la durée des neutropénies chez les patients sous thérapie myélosuppressive suivie de greffe de moelle ainsi que dans la mobilisation des cellules-souches hématopoïétiques dans le sang périphérique. Des biosimilaires du filgrastim sont commercialisés sous le nom de Nivestim, Ratiograstim, Tevagrastim ou encore Zarzio.

• Le traitement débute 24 heures après la fin de la perfusion du médicament cytotoxique. En pratique, les doses utilisées sont des doses standard : Granocyte 13 pour le patient dont la surface corporelle est inférieure à 0,7 m2, et Granocyte 34 pour une surface corporelle allant jusqu’à 1,8 m2. La posologie de Neulasta est de une injection de 6 mg en sous-cutané à chaque cycle de chimiothérapie. Enfin, la dose standard de Neupogen est de 30 MUI pour les petits poids et de 48 MUI pour les autres.

• Les effets indésirables les plus fréquents sont de type céphalées, nausées, vomissements, thrombopénies, réactions au point d’injection ou douleurs osseuses.

• Surveillance : surveillance étroite de la numération sanguine, dont la numération plaquettaire des polynucléaires neutrophiles.

• Il est souhaitable d’effectuer une surveillance de la densité minérale osseuse, d’autant que le traitement peut durer plus de 6 mois.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Anne, 34 ans, sans enfant, atteinte d’un cancer du sein

« On m’a retiré un sein puis j’ai débuté des séances de chimiothérapie. Après la première séance, je n’ai pas eu de traitement préventif de la neutropénie car on m’a expliqué que le risque de chute des “blancs” au cours d’une première séance était peu probable. Au bout de 10 jours environ, j’ai ressenti des douleurs très violentes au niveau des gencives et j’ai commencé à avoir des aphtes. Les infirmières m’ont recommandé de faire des bains de bouche. Quelques jours plus tard, j’ai commencé à avoir de la fièvre (jusqu’à 39°C). J’ai pris les antibiotiques prescrits et j’ai fait une NFS (comme cela était prévu en cas de fièvre supérieure à 38,3°C), laquelle a révélé une chute très importante des globules blancs et une légère anémie. La fièvre a persisté malgré les antibiotiques et j’ai dû être hospitalisée. Je suis restée près d’une semaine à l’hôpital avec des antibiotiques en perfusion. Parallèlement, j’avais une mucite importante, je ne pouvais plus rien avaler. Depuis, j’ai eu deux autres séances de chimiothérapie associées à chaque fois à la prise de facteurs de croissance leucocytaires. La fatigue est omniprésente, je suis vite essoufflée et j’ai des étourdissements mais pour l’instant, on ne m’a rien donné contre l’anémie. »

LE VÉCU DES PATIENTS

Impact psychologique

• Liée à une anémie ou non, la fatigue est l’un des premiers symptômes décrits par un patient cancéreux. Elle est ressentie comme épuisante, très pesante. La fatigue peut conduire à une dépression.

• L’anémie comme la neutropénie sont une source d’angoisse supplémentaire car pouvant compromettre la poursuite du protocole de soin.

Impact sur le quotidien

• La fatigue est omniprésente, non récupérable par le repos. La moindre activité paraît difficile voire insurmontable.

• La neutropénie oblige à une vigilance dans les gestes de la vie courante (ne pas attraper froid, ne pas se blesser…). En cas de neutropénie importante, le patient ne doit plus sortir de chez lui.

Impact social

La fatigue intense altère les rapports avec les proches (le patient est plus irritable, donne l’impression de ne penser qu’à lui-même). Ces effets indésirables isolent le patient en limitant les contacts extérieurs et les sorties en famille.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la neutropénie ou de l’anémie

Concernant la neutropénie

• Eviter les contacts avec les personnes enrhumées, grippées et, d’une manière générale, les lieux publics (cinéma…), les transports en commun. Protéger ses mains des coupures et brûlures (port de gant), ne pas marcher pieds nus. Se couvrir suffisamment pour sortir. Eviter la piscine. Privilégier le rasoir électrique plutôt qu’une lame de rasoir. Avoir une bonne hygiène : douche quotidienne, se laver les mains plusieurs fois par jour, après chaque passage aux toilettes et avant les repas.

• Surveiller son alimentation. Certains aliments sont proscrits tels que les crustacés, les fromages au lait cru, la charcuterie à la coupe, les fruits crus non épluchés… S’assurer que la viande soit bien cuite. Ne pas manger des aliments préparés depuis plus de 24 heures.

• Réaliser s’il y a lieu les soins dentaires avant la chimiothérapie (ils peuvent favoriser les infections).

• Surveiller sa bouche : informer le médecin en cas de difficultés à avaler, de saignements des gencives… Les mucites se manifestent par des aphtes ou des ulcérations buccales. En cas de neutropénie, elles sont associées à un risque accru d’infections. La prévention repose sur une bonne hygiène buccale : brossage des dents avec une brosse à dents souple, nettoyage de l’appareil dentaire 2 fois par jour, utilisation de brossettes interdentaires… Des bains de bouche non alcoolisés peuvent être prescrits ou conseillés. Il est important de bien s’hydrater et de stimuler la salivation (en suçant des bonbons…) pour limiter la sécheresse buccale (qui favorise l’apparition des lésions).

• Signaler sans délai la survenue d’un symptôme évocateur d’une infection : brûlure urinaire, toux, diarrhée, rougeur, douleur au niveau d’un cathéter… La prise de température ne doit pas devenir une obsession : s’en tenir aux seules recommandations de l’oncologue (certains privilégient la clinique). Proscrire une prise rectale car elle exposerait à un risque local hémorragique et infectieux. En règle générale, une température (auriculaire) supérieure à 38,3°C nécessite d’alerter le médecin pour se faire prescrire des antibiotiques. Ne pas prendre d’antalgiques/antipyrétiques (paracétamol…) en continu car ils pourraient masquer la fièvre.

Concernant l’anémie

• Toute fatigue doit être mentionnée à l’équipe soignante afin d’en évaluer l’intensité, le retentissement et la cause. Expliquer à quel moment elle survient, si elle s’accompagne d’une perte d’appétit, d’un sentiment de déprime, de palpitations, d’un essoufflement, de troubles du sommeil…

• Hiérarchiser les activités selon leur importance, déléguer des tâches. Faire des pauses et/ou des petites siestes. Faire appel aux différents professionnels de santé : kinésithérapeute, ergothérapeute (aménagement de l’habitat)… Faire si possible les tâches ménagères (repassage…) en position assise. Réaménager les placards pour rendre les objets courants facilement accessibles…

A propos des traitements

Effets indésirables

• Sous EPO ou G-CSF, maux de tête, douleurs articulaires ou osseuses et courbatures peuvent le plus souvent être contrôlés par un traitement symptomatique.

• Sous EPO, contrôler régulièrement la tension artérielle. Consulter rapidement en cas de tension artérielle élevée.

• Toute douleur inexpliquée, chaleur ou un œdème localisé au niveau d’un membre doivent être rapidement signalés au médecin (suspicion de thrombose veineuse profonde).

• En cas de supplémentation en fer, une coloration noire des selles est fréquente. Par voie orale, recommander une prise en dehors du repas (ou juste avant le repas en cas de mauvaise tolérance digestive : constipation, diarrhée). Limiter la consommation de thé (qui inhibe l’absorption du fer).

Auto-injection d’EPO et de facteurs granulocytaires

Sauf pour Granocyte, sortir le médicament du réfrigérateur environ 30 minutes avant l’injection. Se laver soigneusement les mains. Désinfecter le site choisi (haut de la cuisse, abdomen à distance du nombril) puis injecter en sous-cutané (voir page 10).

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. La posologie est adaptée à ce patient. Neupogen s’injecte quotidiennement pendant une durée pouvant aller jusqu’à 14 jours, en fonction de la NFS, contrairement à Neulasta qui s’injecte une fois par cycle. Le pharmacien rappellera les conditions de conservation (conserver entre + 2°C et + 8°C, l’exposition accidentelle à la congélation n’affecte pas sa stabilité) ainsi que les modalités d’injection.

ORDONNANCE 2 : OUI, mais le pharmacien ne peut pas dispenser l’AINS et doit expliquer que sa prise risque de majorer les troubles digestifs éventuels de M. F. De plus, il doit lui rappeler que l’automédication est déconseillée avec son traitement. Le pharmacien appellera le service d’oncologie afin de trouver une solution pour soulager les douleurs de M. F.

MÉMO-DÉLIVRANCE

AGENTS STIMULANTS DE L’ÉRYTHROPOÏÈSE (EPO)

Quelles sont les modalités de prescription ?

Les érythropoïétines sont des médicaments à prescription initiale hospitalière annuelle, leur renouvellement pouvant être effectué par tout médecin. Ce sont des médicaments d’exception nécessitant une prescription sur ordonnance à 4 volets.

Le patient sait-il quand commencer le traitement ?

Les érythropoïétines peuvent être commencées pendant la chimiothérapie dès que cela est nécessaire. La fréquence d’injection est de 1 ou 3 par semaine, sauf pour Aranesp qui est de 1 fois par semaine ou 1 fois toutes les 3 semaines.

Quelle surveillance est recommandée ?

Le taux de potassium et la NFS doivent être surveillés régulièrement ainsi que la tension artérielle. Dès lors que le taux d’hémoglobine est supérieur à 12 g/dl, le traitement est arrêté.

FACTEURS DE CROISSANCE HÉMATOPOÏÉTIQUE (G-CSF)

Quelles sont les modalités de prescription ?

Les G-CSF sont des médicaments à prescription initiale hospitalière valable 3 mois, leur renouvellement pouvant être effectué par tout médecin. Ce ne sont pas des médicaments d’exception.

Le patient sait-il quand commencer le traitement ?

Les facteurs de croissance granulocytaires doivent être commencés au plus tôt 24 heures après la fin de la dernière séance de chimiothérapie. La fréquence d’injection est de 1 par jour, sauf pour Neulasta qui est de 1 fois par cycle de chimiothérapie.

Quelle surveillance est recommandée ?

La NFS doit être surveillée régulièrement ainsi que la densité minérale osseuse si le traitement dure plus de 6 mois.

EPO ET G-CSF

Le patient connaît-il le mode de conservation de ces médicaments ?

Tous les EPO et G-CSF doivent être conservés au réfrigérateur, sauf Granocyte.

Le patient sait-il comment injecter son médicament ?

Le patient doit se laver les mains, désinfecter la zone d’injection et changer de zone à chaque administration. Le produit a été remis à température ambiante 20 à 30 minutes avant l’injection. Il doit vérifier la limpidité de la solution à injecter sans agiter le produit. Si besoin, une aiguille doit être fixée et l’air dans la seringue doit être chassé. Pincer la peau entre le pouce et l’index et piquer à 90° d’un coup sec. Injecter en sous-cutané puis retirer l’aiguille rapidement. Le point d’injection doit être comprimé avec une compresse sèche et stérile. Granocyte est le seul de ces produits à devoir être reconstitué.

LE CAS : Marc C. 68, ans, retraité, est atteint d’un carcinome bronchique à petites cellules d’emblée métastatique. Son traitement comporte une chimiothérapie sur 3 jours, tous les 21 jours, en hôpital de jour. Il vient de recevoir son 2e cycle de chimiothérapie. Son épouse se présente aujourd’hui à l’officine avec les nouvelles ordonnances.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous :

ordonnance@wolters-kluwer.fr

Qu’en pensez-vous

Neorecormon doit-il être prescrit sur une ordonnance à 4 volets ?

1) Oui

2) Non

Qu’en pensez-vous

Quelle est l’indication de Neulasta ?

1) Prévenir la neutropénie

2) Traiter l’anémie

3) Traiter la thrombopénie

EN CHIFFRES

Anémie

• Elle concerne 75 % des patients atteint de cancer (quelle que soit la cause de l’anémie).

• L’incidence des anémies chimio-induites est très importante chez les patients recevant des sels de platine.

Neutropénie

• Risque de complication infectieuse : de l’ordre de 50 % chez le patient neutropénique avec une tumeur solide ou un lymphome, de l’ordre de 90 % chez le patient neutropénique traité pour une leucémie aiguë.

• Neutropénie fébrile nécessitant d’hospitaliser : de l’ordre de 10 % des cas.

NADIR

Taux le plus bas de neutrophiles dans le sang.

RÉTICULOCYTE

Erythrocyte jeune formé avant la différenciation des érythroblastes en globule rouge. Leur taux permet d’estimer les capacités fonctionnelles de la moelle osseuse. Valeurs moyennes : entre 6 et 9 %.

Physiopathologie de la toxicité hématologique chimio-induite

• Les cellules sanguines sont constituées des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes.

Les globules rouges ou érythrocytes ou hématies se combinent à l’oxygène grâce à l’hémoglobine au niveau des poumons et le véhiculent jusqu’aux tissus.

Les globules blancs ou leucocytes (taux normal de 5 000  à 6 000/mm3) constituent un groupe formé de plusieurs types de cellules :

– les polynucléaires ou granulocytes (45 à 75 % des leucocytes) interviennent dans les processus de défense de l’organisme. Ils englobent les polynucléaires neutrophiles (les plus nombreux), les polynuclaires éosinophiles et les polynucléaires basophiles ;

– les lymphocytes (T et B) sont impliqués dans les réactions immunitaires ;

– les monocytes ont une fonction de phagocytose (dans les tissus ils se différencient en macrophages).

Les plaquettes ou thrombocytes interviennent dans les phénomènes de coagulation du sang.

• Le tissu hématopoïétique, constitué de cellules-souches hématopoïétiques à l’origine de toutes les cellules sanguines et se divisant rapidement, est particulièrement sensible à la toxicité des anticancéreux. La production médullaire des polynucléaires neutrophiles nécessite 2 semaines et leur durée de vie est très courte (moins de 24 heures) : la leucopénie (baisse du nombre de globules blancs, c’est-à-dire de leucocytes totaux) est donc la première toxicité hématologique à apparaître. La lignée plaquettaire est ensuite touchée (thrombopénie) et enfin la lignée érythrocytaire (anémie), les globules rouges ayant une durée de vie plus longue.

– L’anémie induite par la chimiothérapie peut avoir pour cause plusieurs mécanismes : une myélosuppression, une toxicité directe sur la lignée érythrocytaire, une sécrétion d’érythropoïétine inadaptée au degré d’anémie (liée à une atteinte des cellules péritubulaires rénales productrices de l’érythropoïétine endogène).

– La neutropénie induite par la chimiothérapie peut avoir pour cause plusieurs mécanismes : le plus souvent une myélosuppression.

La radiothérapie peut aussi être à l’origine d’une neutropénie et d’une anémie.

CULOT GLOBULAIRE

Transfusion de sang déleucocyté.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• La valeur cible de l’hémoglobinémie a été revue à la baisse entre 2006 et 2007. Elle est actuellement au maximum de 12 g/dl contre 12 à 13 g/dl antérieurement.

• Les médicaments biosimilaires des agents stimulants d’érythropoïèse et des facteurs de croissance hématopoïétique sont apparus en 2006 dans l’Union européenne.

DISPARU

Arrêt de commercialisation du Neorecormon 10 000, 20 000 et 60 000 UI en cartouche bicompartimentée.

PROTÉINE RECOMBINANTE HUMAINE

Protéine produite par une cellule dont le matériel génétique a été modifié par recombinaison génétique. Un gène humain est introduit dans le génome de l’espèce productrice (bactéries, cellules mammifères en culture).

MÉDICAMENT BIOSIMILAIRE

Forme générique d’un médicament issu d’une biothérapie. La substitution n’est pas possible par le pharmacien.

Utilisation pratique des EPO et G-CSF

Les EPO et G-CSF sont des médicaments injectables s’utilisant la plupart du temps par voie sous-cutanée dans la cuisse ou la paroi abdominale. Ils peuvent être administrés par une infirmière à domicile, par le patient lui-même ou par une personne de son entourage. Tous ces médicaments sauf Granocyte se conservant au réfrigérateur, il est nécessaire de les laisser revenir à température ambiante avant de procéder à leur administration. Pour cela, sortir le médicament du réfrigérateur environ 30 minutes auparavant, mais ne pas utiliser une source de chaleur de type eau chaude pour les réchauffer. Si le patient choisit d’injecter lui-même le médicament, il est indispensable qu’il suive les règles suivantes :

• Respecter les règles d’asepsie en se lavant les mains avant de procéder à l’injection et en nettoyant la zone d’injection avec un coton imbibé d’alcool. Changer de site d’injection à chaque administration.

• Vérifier avant de pratiquer l’injection que la solution est transparente ou légèrement opalescente, incolore, et qu’elle ne comporte pas de particule en suspension. Tous ces médicaments, sauf Granocyte, sont en seringue prête à l’emploi ou en stylo injecteur.

• Ne pas agiter la seringue ou le stylo avant d’injecter. Ne pas agiter le flacon de Granocyte lors de la préparation mais le faire tourner lentement sur lui-même.

• Fixer l’aiguille si besoin. Chasser l’air de la seringue.

• En cancérologie, les EPO et G-CSF sont injectés en pleine dose.

• Pincer la peau entre le pouce et l’index afin de former un pli au niveau de l’abdomen ou au-dessus de la cuisse, et piquer perpendiculairement à la peau d’un coup sec.

• Injecter en appuyant sur le piston de la seringue ou le bouton du stylo. Oter l’aiguille rapidement et comprimer le point d’injection à l’aide d’une compresse stérile et sèche.

• Utiliser un conteneur jette-aiguilles pour éliminer l’aiguille après l’injection.

VIGILANCE !!!

Filgrastim : neutropénie congénitale sévère.

Lénograstime : phénylcétonurie.

Darbépoétine et Epoétine alfa : hypertension artérielle mal contrôlée.

Epoétine bêta : hypertension artérielle mal contrôlée, phénylcétonurie.

POINT DE VUE Dr Linda Sakhri, assistante, spécialiste en oncologie thoracique au CHU de Grenoble, interrogée par Carole Fusi

« Je ne prescris pas d’antibiotiques en prévention d’une neutropénie fébrile »

Les thrombopénies chimio-induites peuvent-elles être traitées en ville, à l’instar des anémies et des neutropénies chimio-induites ?

Lorsque les plaquettes sont inférieures à 10 000/mm3, une transfusion de culot plaquettaire est organisée en milieu hospitalier. Entre 10 000 et 20 000/mm3, des transfusions de concentrés plaquettaires sont réalisées uniquement en cas de signes cliniques (épistaxis, hématome cutané, gingivorragie…). Les thrombopénies chimio-induites ne sont pas plus courantes que les anémies et neutropénies chimio-induites. Comme ces dernières, elles sont plus ou moins fréquentes selon le protocole de chimiothérapie initié.

Prescrivez-vous par avance des antibiotiques à utiliser en cas de neutropénie fébrile ?

Cela ne figure pas dans les recommandations de bonnes pratiques cliniques. Les patients doivent plutôt être informés des risques infectieux liés à l’immunodépression induite par la chimiothérapie, et notamment du risque de neutropénie fébrile. Je leur explique que, compte tenu de l’hématotoxicité des produits utilisés, ils ont plus de risque de développer une infection. Je prescris une numération-formule sanguine à réaliser en cas de température supérieure à 38,3°C et le patient doit alors contacter son médecin traitant.

Après avoir évalué la situation clinique, ce dernier prescrira un traitement antibiotique en ambulatoire ou nous contactera pour que nous hospitalisions le patient.

QUESTION DE PATIENT Je suis très fatigué et pourtant le médecin me recommande de faire de l’exercice ?

Effectivement, pratiquer un exercice régulièrement semblerait avoir une action bénéfique sur l’état physique (potentiel musculaire, capacité respiratoire) et le moral (meilleure confiance en soi). L’exercice permet de « s’évader » de la maladie. L’activité doit être adaptée aux capacités du patient et les dépasser aurait pour conséquence de surajouter de la fatigue.

QUESTION DE PATIENT « Dois-je modifier mon alimentation ? »

En cas de neutropénie, il faut penser à bien cuire la viande et le poisson. Les crustacés, le lait et les fromages au lait cru et la charcuterie à la coupe sont à éviter. Les fruits et les légumes doivent être pelés. En prévention de l’anémie et de la fatigue, une alimentation équilibrée suffisamment riche en calories, en fer (œufs, poissons, viande, foie…) et en acide folique (levure de bière, foie, choux, épinard, brocolis, légumes secs…) est recommandée.

SITE INTERNET

www.e-cancer.fr

Le site Internet de l’Institut national du cancer (INCA) est accessible aux professionnels de santé et aux patients. Il met notamment à disposition des guides « Cancer info » (« Comprendre la chimiothérapie », « Traitements du cancer et chute des cheveux », « Vivre auprès d’une personne atteinte d’un cancer ») permettent de mieux répondre aux questions des patients et peuvent être mis à leur disposition.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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