LA BOMBE À RETARDEMENT - Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2926 du 24/03/2012
 
CONTREFAÇON DE MÉDICAMENTS

Enquête

Auteur(s) : Henri Weill

Le commerce des médicaments falsifiés aurait généré, en 2010, un chiffre d’affaires de 52 milliards d’euros. Deux fois plus qu’en 2005. Cette croissance aiguise l’appétit des réseaux criminels car les bénéfices engrangés sont considérables. Jusqu’à 500 000 dollars pour 1 000 investis… La vente de ces produits contrefaits, qui touche tous les continents, se déroule dans des échoppes discrètes, au grand jour dans la rue, mais aussi dans des officines ou sur le web. Enquête sur ces « pharmaciens du diable ».

Côté jordanien, il y a Al-Ramtha. Côté syrien, Deraa lui fait face. En 2003, alors que l’Iraq sombre dans la guerre civile et le chaos à la suite de l’invasion des troupes américano-britanniques, deux groupes de familles mafieuses résidant dans ces deux villes décident de s’unir pour construire un business nouveau. Ils anticipent la demande de médicaments dans un Iraq désorganisé, mais également dans d’autres pays moyen-orientaux. Le cerveau de l’opération s’appelle Wajee Abou Odeh. Dans une autre vie, ce quadragénaire jordanien travaillait pour la télévision de son pays, à Amman. Puis il fonde avec ses associés un ensemble de sociétés en Chine dont la holding Sky Park International, domiciliée dans la province de Guangdong où seront fabriqués les produits. Des alliances sont nouées avec des « partenaires locaux », proches des triades. La fabrication est limitée à quelques classes thérapeutiques vitales : l’oncologie, les antibiotiques, le traitement de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires. Le réseau de distribution est vite bâti : il épouse, principalement, les zones chiites.

Au-delà de la construction de nouvelles filières du crime organisé, les énormes revenus qui sont tirés de cette activité illicite ne servent pas qu’à enrichir Wajed Abou Odeh et ses lieutenants, comme les trois frères Abou Merkhiyeh. Ils permettent également de financer un mouvement politique libanais, considéré comme terroriste par la communauté internationale, le Hezbollah.

La corruption abolit toutes les frontières

C’est une longue enquête qui a permis aux experts en sûreté d’un groupe pharmaceutique, en collaboration avec les services de renseignement et de police chinois et de pays arabes, de mettre au jour ce trafic. Action qui a rendu possible, en 2008 et 2009, l’arrestation de 150 personnes en Chine, Egypte, Syrie, Jordanie et dans les Territoires palestiniens. Plus que son ampleur, ce sont ses conséquences qui sont ahurissantes. Ainsi, en Egypte, 17 000 boîtes (510 000 comprimés) d’un traitement d’attaque du cancer du sein contrefait, sans aucun principe actif, ont été saisies. Ce qui correspond, pour le groupe pharmaceutique concerné, à 42 % de ses ventes annuelles dans le pays. Compte tenu de la posologie du médicament (un comprimé par jour pendant six mois en moyenne), cette saisie laisse à penser que 3 000 Egyptiennes ont été potentiellement sauvées d’un échec thérapeutique quasi certain. Combien, s’il n’y avait eu cette intervention, seraient aujourd’hui décédées ?

Ces produits commercialisés par les organisations criminelles (triades chinoises, groupes russo-balkaniques, FARC en Colombie…) sont généralement fabriqués en Chine, en Inde et au Pakistan. Certains contiennent des composants toxiques qui peuvent empoisonner et tuer (acide borique, peinture, mort-aux-rats). Ou un leurre comme le talc. « Ce n’est certes pas ce talc qui va tuer le patient, lance avec tristesse un cadre du secteur pharmaceutique mais sa maladie. Il s’agit bien d’un crime sans victime ! »

Dans son rapport 2008, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mentionnait qu’au Nigeria 70 % des médicaments étaient contrefaits. Terrible illustration que ces 84 enfants qui sont morts en 2009 pour avoir bu un sirop dans lequel le paracétamol avait été remplacé par de l’antigel. La situation africaine est dramatique, même si les chiffres sont imprécis. On peut toutefois envisager que 50 à 60 % des médicaments anti-infectieux vendus sur le continent seraient des faux. Même des médecins s’engagent dans la fraude, revendant des produits qu’ils savent contrefaits à leurs patients. A Conakry, en Guinée, le docteur Fofana, président de l’ordre national des pharmaciens, explique le défi : « En 2003, notre marché pharmaceutique à l’importation était estimé à 100 milliards de francs guinéens. Seuls 33 milliards entraient avec le visa. Imaginez ce que cela représente neuf ans plus tard… »

Il y a quelques mois, le laboratoire Pfizer a saisi l’unité des enquêtes spéciales d’Interpol sur un trafic de faux Viagra en Bosnie-Herzégovine contenant des composants très nocifs. L’enquête a démontré que la fabrication était chinoise, que le transport avait été effectué par voie aérienne jusqu’en Hongrie, qu’ensuite un transit avait été opéré en Serbie, avant un acheminement en Bosnie-Herzégovine – où le Viagra est très apprécié, y compris des adolescents. Officiellement, le sildénafil y est vendu sur ordonnance, mais on peut se le procurer dans certaines pharmacies, sans prescription, à des prix élevés voire prohibitifs (8 € le comprimé de 25 mg). Sur le marché parallèle, le prix aurait été cinq à dix fois moins élevé. En Bosnie-Herzégovine, qui est une fédération, le gendarme ne dispose pas de beaucoup d’atouts. Certainement d’une dose de bonne volonté pour les plus actifs, mais une réponse efficace des autorités tarde. Ainsi, la cybervigilance reste à l’état embryonnaire. Et la jeune Agence du médicament, créée en 2009, affirme n’avoir jamais identifié de faux médicaments lors de contrôles – même si les douanes opèrent des saisies, lesquelles n’auraient entraîné aucune suite judiciaire. Traduction du docteur Sabine Kopp, responsable du programme d’assurance qualité des médicaments à l’OMS, à Genève : « Beaucoup de pays ont un pouvoir limité de surveillance des systèmes d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et des ventes sur Internet. De nouveaux mécanismes internationaux, régionaux et nationaux sont devenus nécessaires. Il faut également que les Etats soient en mesure d’appliquer les lois ! » Et soient motivés pour le faire.

La « virilité balkanique », nouvelle indication du Viagra

Les autorités restent souvent très « pudiques » dans les Balkans lorsqu’il s’agit d’aborder ce dossier. Le chef du parquet contre la corruption et la criminalité organisée de Croatie (USKOK) estime ainsi que Viagra n’est pas réellement un médicament. Les Croates, qui se sont prononcés en janvier dernier pour l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, ne disposent pas non plus d’unité policière de surveillance de la cybercriminalité. Le parquet emploie un seul agent pour détecter les atteintes à la propriété intellectuelle sur Internet. En mai 2011, relate un représentant du ministère des Affaires étrangères français, 54 000 comprimés de Naposim (méthandiénone) et de clenbutérol ont été saisis à la frontière slovène. Dans ces pays de la zone balkanique, les contrôles douaniers, en particulier sur les envois postaux, sont jugés fragiles. Même constat en Bulgarie où il n’existe pas de juridiction spécialisée pour traiter de la criminalité organisée. Ce qui n’empêche pas la police de ce pays quadrillé par les mafias, de réaliser quelques belles opérations. En 2010, près de Sofia, à la suite d’un renseignement anonyme, un laboratoire clandestin d’emballage a été mis au jour. En 2011, dans les locaux de la boutique en ligne Health, des documents prouvant la vente de Viagra, de Cialis, de Levitra et de Lida (produit amincissant interdit en Bulgarie) ont été découverts. Membre de l’Union européenne depuis 2007, ce pays, qui produit surtout des génériques (entrepreneurs locaux ou sites appartenant à des multinationales comme Actavis), a vu se développer un marché parallèle alimenté par la Turquie, la Grèce et la Roumanie. Ces médicaments illégaux, en particulier des inducteurs de l’érection, sont vendus dans la rue mais aussi dans des officines des zones frontalières(1). L’Agence du médicament bulgare ne dispose que de seize fonctionnaires pour les contrôler. L’acquisition de Viagra ou de Cialis, produits les plus falsifiés, se fait au nom de la « virilité balkanique ». Au Monténégro enfin, ces produits sont en vente libre et la publicité dans la presse est autorisée. Un autre problème des pays de la région est la corruption. « Et personne dans le monde n’est protégé de cette maladie-là ! », constate Michel Buchmann, président de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP).

Internet, le contrebandier qui se joue des frontières

Un Européen sur cinq achète des médicaments sur Internet. Motivation ? Entre autres, le prix et la commodité d’achat. Une étude de Mark Monitor, spécialiste de la protection des marques d’entreprise, portant sur un échantillon de 22 marques, révèle que les sites web proposant des contrefaçons (produits de luxe, vêtements, médicaments…) enregistrent plus de 53 milliards de visites en 2010. Et le phénomène devrait exploser dans les prochaines années ! La contrefaçon coûte cher à l’industrie pharmaceutique. « 11,5 millions de comprimés Pfizer reproduits à l’identique ont été saisis dans le monde dans la seule année 2011, explique Pierre Souverain, responsable de la sûreté Europe, Afrique et Moyen-Orient chez Pfizer. Ces contrefaçons sont difficiles à détecter visuellement. » D’autant plus difficiles qu’elles ont été interceptées dans 103 pays. Toutes les classes thérapeutiques sont touchées. Les contrefacteurs s’adaptent et suivent la demande. « Le laboratoire Pfizer, comme ses concurrents, a fort à faire car l’industrie criminelle place ses produits dans les circuits légitimes, complète Pierre Souverain. En 2008, nous en avions découvert dans des pharmacies de 23 pays. 11 marques étaient concernées. L’an passé, nous sommes passés à 23 marques et 53 pays étaient attaqués. »

La cartographie de ces trafics ne se limite pas à quelques pays. Dans des proportions bien plus basses, les pays occidentaux sont également touchés. Ainsi, au Canada, la gendarmerie royale a saisi en mai dernier 115 000 comprimés de Viagra et de Cialis dans l’Ontario. Aux Etats-Unis, il y a quelques années, un vaste trafic de Viagra a été démantelé. Ses initiateurs utilisaient une logistique des plus classiques : Internet. « Ces comprimés, fabriqués en Asie, entraient aux Etats-Unis cachées dans du matériel hi-fi ou dans des peluches. Le client recevait sa commande en moins de deux semaines. Un des criminels arrêtés avoua que son organisation pouvait écouler 2,5 millions d’unités par mois », racontent dans un livre Bertrand Monnet et Philippe Véry (2). Dans les pays industrialisés où les systèmes de remboursement, de réglementation pharmaceutique et de contrôle du marché sont efficaces (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Etats-Unis, Japon, une grande partie des pays de l’Union européenne), le phénomène est faible (1 % à 3 %). « Nous devons toutefois redoubler de vigilance car les acteurs politiques méconnaissent l’ampleur du phénomène alors que nous devons imposer la notion de “crime pharmaceutique” dans le monde, commente Michel Buchmann.

Une coopération internationale se met progressivement en place

« Nous avons dépassé la notion de violation de la propriété intellectuelle, et donc de marque, pour développer une approche axée sur la santé publique et la sécurité », expliquait en mai 2011, au Moniteur des pharmacies (voir n° 2881), Aline Plançon, qui dirige à Interpol une unité spécialisée dans les produits de santé contrefaits. C’est aujourd’hui un discours partagé par l’industrie pharmaceutique. Qui ne cite cependant aucun chiffre quant au préjudice économique subi. Ce dossier constitue également un révélateur de la volonté et de la capacité des gouvernements et des organisations internationales à engager le fer contre les prédateurs. L’un de ces outils est Medicrime. Cette convention élaborée par le Conseil de l’Europe assure un instrument juridique contraignant en criminalisant la contrefaçon mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité, offrant ainsi un standard commun. Depuis fin octobre 2011, 15 pays l’ont signée, ce qui les oblige à se doter d’un arsenal juridique adapté.

Le Conseil de l’Europe, très impliqué dans cette lutte, vient de lancer un service informatique, eTACT, qui permettra aux patients de vérifier l’authenticité de leurs médicaments sur leurs smartphones ou sur Internet. L’OMS a mis en place, fin 2006, IMPACT (Groupe spécial international anti-contrefaçon de produits médicaux), programme qui s’articule autour de 5 groupes de travail. L’un de ses objectifs est de concevoir une législation « modèle ». Mais manœuvrer une organisation onusienne est délicat, car chaque membre défend souvent en priorité les intérêts de son pays. L’avenir d’IMPACT sera évoqué en mai prochain lors de la 65e Assemblée mondiale de la santé. De son côté, la maison mère, l’ONU, a adopté une résolution considérant les faux médicaments comme une menace. L’Union européenne qui, longtemps, n’a abordé la contrefaçon que sur l’aspect propriété intellectuelle, a également fait évoluer sa perception vers la santé publique, adoptant un div destiné à sécuriser la production et sa commercialisation. Cette directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 (3) introduit la notion de « médicament falsifié » et prévoit la création d’un logo commun aux vendeurs autorisés sur le web. Mais l’Europe peut souffler le chaud et le froid. La mauvaise nouvelle est venue de la Cour de justice le 1er décembre dernier. A travers un arrêt dit « Philips et Nokia », elle interdit aux services de contrôle de saisir des produits contrefaits qui ne font que transiter par le territoire européen, sauf à prouver, ce qui est impossible, que ces produits pourraient y revenir.

La douane française en première ligne dans la lutte

D’autres initiatives existent, comme l’Appel de Cotonou à l’origine duquel, en octobre 2009, est née la Fondation Chirac. Il a été signé par 42 pays. Lors de son lancement, l’ex-Président français a exhorté les Etats à mettre en place des politiques sécurisées d’accès universel à des médicaments de qualité. De même, le 2 novembre 2011, 27 présidents des ordres des pharmaciens francophones (CIOPF), réunis à Paris autour d’Isabelle Adenot, leur présidente, ont signé une déclaration commune interpellant les autorités politiques contre « ce fléau, véritable crime contre l’humanité ». A Paris, le Conseil des ministres du 7 septembre 2011 a décidé la mise en œuvre d’un plan de lutte contre la contrefaçon de médicaments.

La France s’est d’ailleurs engagée dans une tolérance zéro vis-à-vis des déviances médicales en particulier et de la contrefaçon en général. « Nous sommes en cela un exemple unique ! », tient à préciser Max Ballarin, directeur du renseignement au sein de la DNRED (Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières), l’un des six services de renseignement français. « En 2011, nous avons saisi 116 000 comprimés », souligne-t-il. Un bon ratio lorsqu’on sait que la douane, compte tenu du volume des flux circulant, ne contrôle que 5 % de ce qui passe. Tout est donc affaire de ciblage, et donc de flair. « Il nous faut faire preuve d’intelligence dans la sélection », justifie Max Ballarin. Les 17 000 douaniers français (dont 9 000 en uniforme) sont épaulés par des attachés douaniers (une quinzaine) en poste dans des ambassades françaises. La localisation de ces postes évolue en fonction des routes de la drogue. Une « cyberdouane » a également été créée afin de repérer les sites spécialisés, permettant ainsi d’initier des contrôles et des actions internationales. « Sur dix marques copiées dans le monde, cinq sont françaises, ce qui est gigantesque », rappelle Max Ballarin.

Les douaniers enquêtent, constatent ; ensuite, l’entreprise peut poursuivre en justice. « Cette coopération opérationnelle renforcée est indispensable », juge Séverine Kupfer, conseillère juridique en propriété intellectuelle du Leem (Les Entreprises du médicament). La Douane s’est dotée en 2010 d’un Observatoire du médicament chargé de récolter, de centraliser et d’analyser l’information sur les trafics et la menace qu’ils font peser. L’opération Pangea IV (voir encadré p. 34), qui a permis de faire des arrestations, s’est déroulée du 20 au 27 septembre 2011 dans 81 pays, dont la France, qui a engagé la douane, la police judiciaire et l’OCLAESP. L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique est l’autre bras armé français. « Nous sommes une unité interministérielle de police judiciaire traitant notamment de l’ensemble des trafics de produits de santé – notion englobant à la fois les dispositifs médicaux et les médicaments –, dont l’action est complémentaire de celles de nos partenaires », explique le colonel de gendarmerie Thierry Bourret, qui dirige l’OCLAESP. 55 gendarmes et policiers ainsi qu’une pharmacienne inspectrice du ministère de la Santé observent, enquêtent et répriment les nouvelles formes de délinquance. Au printemps 2010, l’OCLAESP a ainsi mis un terme aux agissements d’un pharmacien du sud de la France qui avait détourné 30 000 comprimés de Rivotril. Chaque boîte achetée 2,50 € était revendue 121 € au Maghreb. Cette année-là, 100 enquêtes ont été diligentées par l’office, mais 5 seulement concernaient des médicaments contrefaits. D’autres étaient liées à des vols, des ventes de produits périmés ou réétiquetés, dont de compléments alimentaires. L’une de ces actions de saisie de comprimés contrefaits, menée avec le concours de la police israélienne, était dirigée contre des délinquants fichés au grand banditisme qui se servaient de la France comme plaque tournante. « Beaucoup de trafiquants de drogue se recyclent aujourd’hui dans le trafic de médicaments car les peines encourues sont généralement beaucoup moins lourdes : 20 ans de prison en France pour le trafic de stupéfiants, 3 ans pour les substances vénéneuses ! », constate le colonel Bourret. Cette collaboration interservices est un des gages pour « faire des affaires », pour reprendre la terminologie policière. En 2007, grâce à une information de Scotland Yard, les Français ont ainsi pu mettre fin à un trafic de médicaments vétérinaires organisé par une mafia russe. Un entrepôt situé dans l’Oise abritait 140 m3 de faux produits, pour une valeur d’un million de dollars.

Boîtes inviolables RFID, Data Matrix : le Leem contre-attaque

Lorsque, en 2005, il prend la direction de la sûreté de Sanofi, Jacques Franquet, ancien directeur du Service de coopération internationale de la police (STIP, devenu aujourd’hui la DCI), bâtit une unité avec des spécialistes de la propriété intellectuelle et des hommes de terrain. Il installe des anciens policiers à São Paulo et Hongkong, un ex-douanier à Dakar, des hommes qui ont fait carrière dans le renseignement à Moscou et Dubai. « Ce n’était pas qu’une affaire de sûreté. Il fallait coordonner notre action au niveau du groupe, explique Jacques Franquet. C’est aussi pour cela que nous avons créé un laboratoire spécialisé à Tours, qui constitue un outil opérationnel majeur. » Aujourd’hui, Jacques Franquet, qui fut, avant d’entrer dans l’industrie pharmaceutique, patron de la police judiciaire et préfet en charge de la police à Lille, dirige l’Institut international de formation, de recherche, de documentation contre les produits de santé falsifiés (lire l’interview p. 33), créé à Paris en 2010.

« Notre réponse à la contrefaçon passe également par une lutte technologique sophistiquée », estime Séverine Kupfer, du Leem. Ce sont des marqueurs chimiques, des puces RFID qui permettent de contrôler le parcours d’un médicament par radiofréquence, mais aussi l’utilisation d’un numéro unique par boîte (Data Matrix) dans l’Union européenne. Autre procédé, déjà utilisé : les boîtes inviolables. Cet arsenal comporte également des dispositifs permettant d’identifier les médicaments grâce à des informations visibles (hologrammes, incrustations) et invisibles (nanoparticules, microdivs, marqueurs chimiques) figurant sur la boîte. Ces systèmes ne seront pas généralisés en raison de leur coût.

On estime que 200 000 décès par an pourraient être évités si les seuls médicaments prescrits contre le paludisme étaient conformes. Dans la hiérarchie du crime, celui-ci est d’un cynisme absolu. « D’autant, conclut un diplomate, que les trafiquants sont très actifs dans l’économie du marché intérieur européen. »

(1) Un kilo de Viagra acheté 47 dollars, revendu en comprimés, rapporte jusqu’à 141 000 dollars.

(2) « Les Nouveaux pirates de l’entreprise », CNRS Editions, 2010.

(3) Directive 2011/62/UE, « Journal officiel » de l’Union européenne du 1er juillet 2011.

Sondage

Sondage réalisé par téléphone du 5 au 6 février 2012 sur un échantillon représentatif de 100 pharmaciens titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

A votre avis, le circuit d’approvisionnement et de dispensation des médicaments en France est-il un rempart suffisamment efficace contre la contrefaçon ?

Pensez-vous que le phénomène de la contrefaçon va s’amplifier dans notre pays dans les années à venir ?

Quand vous référencez en direct des médicaments, vous renseignez-vous sur leur lieu de fabrication ?

Le show-business avec Interpol

La chanteuse de variétés française Chimène Badi va prêter sa voix à l’organisation internationale de police dans le cadre de sa campagne de sensibilisation contre les médicaments contrefaits, appelée « Proud to be » (« Fier d’être »). Chimène Badi participera notamment à des concerts et interprétera avec d’autres artistes internationaux, dont Youssou N’Dour, Proud to be.

Sondage

Vos patients vous posent-ils des questions sur les lieux de fabrication des médicaments ?

A titre personnel, avez-vous déjà acheté des produits contrefaits (vêtements, maroquinerie…) ?

Les jeunes visés via les réseaux sociaux

Dans son rapport 2011, lOrgane international de contrôle des stupéfiants, dont le siège est à Vienne, met en garde les jeunes. Ces derniers deviennent la cible des cyberpharmacies illégales qui ont commencé à utiliser les réseaux sociaux pour les attirer. Ce qui expose évidemment un public plus large, constate l’organisation onusienne.

4 QUESTIONS À

JACQUES FRANQUET, DIRECTEUR DE L’INSTITUT INTERNATIONAL DE RECHERCHE CONTRE LA CONTREFAÇON DE MÉDICAMENTS (IRACM)

A qui s’adresse l’IRACM ?

A tous ceux qui, amenés d’une manière ou d’une autre à prévenir ou à lutter contre le faux médicament, ont besoin d’une formation à caractère général, pluridisciplinaire ou spécialisée. Il peut s’agir de professionnels de santé, de cadres des services étatiques (police, gendarmerie, douanes, santé).

Quelles formations y dispensez-vous ?

Il peut s’agir d’une formation « tronc commun ou acquisition d’une culture commune », destinée à tous les intervenants potentiels d’une région géographique donnée ou d’une formation spécialisée : lutte contre la vente de faux médicaments sur Internet, identification et marquage des produits, spécificités d’une enquête, collaboration public/privé contre le faux médicament…

L’IRACM est-il un observatoire ?

L’IRACM n’a pas vocation à être un observatoire de la contrefaçon des faux médicaments qui rassemblerait les statistiques des administrations publiques et du privé. En revanche, il vise à regrouper sur un site (www.iracm.com) la documentation la plus exhaustive possible : actualités, législations, études de fonds…

Comment financez-vous ces activités ?

Sponsorisé à son lancement par le groupe Sanofi, l’IRACM a développé et développera divers partenariats publics et privés propres à diversifier ses sources de financement et le rendre encore plus indépendant.

Pangea IV vs Internet

Destinée à lutter contre la vente illicite de médicaments sur Internet, cette opération mondiale s’est focalisée sur les fournisseurs d’accès Internet, les systèmes de paiement ainsi que les services de messagerie. En France, elle a été menée par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et le Service de douane judiciaire, la Direction centrale de la police judiciaire et l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, le Service technique de recherches judiciaires et de documentation de la gendarmerie, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, ainsi que des inspecteurs de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Après une phase préparatoire conduite en août et début septembre 2011, elle a permis, entre les 20 et 27 septembre 2011, la saisie de 109 700 boîtes de médicaments de contrebande (dont 90 000 à Roissy) et l’identification, en France, de 12 sites Internet illégaux de vente de médicaments (171 localisés dans le monde). L’infraction principalement retenue contre ces contrefacteurs est l’exercice illégal de la profession de pharmacien.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !