5 RAISONS D’ÊTRE OPTIMISTE EN 2012 - Le Moniteur des Pharmacies n° 2913 du 07/01/2012 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2913 du 07/01/2012
 

Dossier

Auteur(s) : François Pouzaud

2012 sera une année économiquement difficile pour l’officine. Unanimes sur ce point, les responsables de la profession jettent un regard réaliste sur les perspectives d’évolution. Leur analyse est néanmoins porteuse d’espoirs pour les mois à venir et donne des raisons d’être optimiste.

1 Une nouvelle convention et de nouvelles missions

La loi HPST sur les nouvelles missions du pharmacien, la loi Fourcade sur les nouvelles structures d’exercice professionnel et de coopération interprofessionnelle, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2012, qui élargit le champ de convention pharmaceutique avec de nouveaux modes de rémunération, fixent le cadre d’un nouvel exercice pharmaceutique. « Depuis trois ans, nous mettons en place des stratégies se traduisant aujourd’hui par des divs de loi et un nouveau champ conventionnel qui apportent des nouveaux outils permettant aux pharmaciens d’aller chercher de la croissance ailleurs que sur le médicament », rappelle Gilles Bonnefond, président de l’USPO, faisant notamment référence aux services à la personne ou à l’éducation thérapeutique du patient.

Tous les projets portés par ces lois vont se concrétiser en 2012, mais les pharmaciens en tireront-ils des bénéfices cette année ? « Oui, assure Gilles Bonnefond, à condition que la convention soit signée en début d’année. » Selon lui, le pharmacien référent dans les EHPAD (établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes), la PDA (préparation des doses à administrer) et les honoraires dans le cadre du traitement substitutif aux opiacés peuvent rapidement devenir opérationnels.

« Il ne faut pas sous-estimer les possibilités qui nous sont données par l’article 74 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 : convention tarifaire avec l’Assurance maladie, élévation du seuil de la deuxième tranche pour l’attribution des licences, signature d’accords conventionnels avec d’autres professions », énumère Philippe Gaertner, président de la FSPF, qui salue « les efforts des politiques à trouver un nouveau modèle d’exercice qui s’appuie sur le pharmacien en tant que professionnel de santé ». Et quel que soit le résultat des urnes, l’élection présidentielle ne changera pas le cap défini pour la pharmacie. « Tous les projets portés par la profession sont porteurs pour le pharmacien et surtout s’inscrivent dans l’amélioration du dispositif de soins à destination des patients, explique Philippe Gaertner. Ils n’ont pas de couleur politique, sont partagés à droite comme à gauche. »

2 Un nouvel exercice professionnel

« Notre profession est actuellement confrontée à trois crises : crise économique, crise de confiance liée au Mediator, crise de la démographie médicale, résume Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. L’affaire du Mediator a fait prendre conscience qu’un médicament peut apporter des bénéfices mais aussi des risques. On ne peut pas renier la sécurité. Il y a, de fait, une place de choix pour le pharmacien, spécialiste du médicament, pour minimiser ces risques et apporter sa contribution à l’efficience du système de santé. » Selon elle, le vrai danger serait de rester figer dans un monde qui bouge. « La multiplication du nombre de déserts médicaux va inciter les pharmaciens à s’engager à la fois dans une offre de soins de premiers recours et dans des actions de coopérations interprofessionnelles, et ce dans un monde en pleine mutation, ajoute Isabelle Adenot. Nous sommes dans une rupture créative, un exercice différent demain ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas d’avenir pour la profession. »

En 2012, la profession va devoir mettre en musique les partitions écrites. Mais il ne faut pas se leurrer, le temps des expérimentations, des analyses et évaluations des résultats sera incompressible et l’Assurance maladie ne « paiera pas pour voir ». Les pharmaciens sont prévenus, le retour sur investissement ne sera pas immédiat. Aussi, la croissance en 2012 ne pourra venir que d’offres intelligentes et nouvelles sur le marché dit du non-administré comme les services à la personne (maintien à domicile, etc.).

Les expérimentations à mener ne pourront avoir force probante que par des initiatives communes et une dynamique collective, et non pas par des actes individuels isolés. Pascal Louis, président du Collectif des groupements, pense que les initiatives des groupements sur la loi HPST seront déterminantes dans les choix de rémunérations qui seront arrêtés dans la convention : « Nous pouvons être un tremplin pour les syndicats. Ils seront en position de force pour négocier avec l’Assurance maladie si les groupements repositionnent avec succès le pharmacien comme professionnel de santé, jouant pleinement son rôle dans le suivi des patients chroniques, l’amélioration de l’observance des traitements, la prévention, etc. ».

3 Des holdings de pharmacies vont pouvoir voir le jour

Les SPF-PL (sociétés de participations financières des professions libérales) sont porteuses de nouvelles espérances depuis que la Commission européenne a décidé d’abandonner toutes les poursuites à l’encontre de la France. « Cette levée des procédures dégage l’horizon, aussi ai-je réuni les différentes sections de l’Ordre concernées et les syndicats pour parvenir à un accord sur le div à soumettre à notre ministre de tutelle », informe Isabelle Adenot. La parution des décrets est devenue une urgence pour beaucoup. « Les banques considèrent les pharmacies comme un secteur à contrainte financière forte. Sur le plan juridique et économique, les SPF-PL feront le lit de la coopération intergénérationnelle, entre jeunes et anciens, elles permettront de mettre le pied à l’étrier aux adjoints, de restructurer le réseau, de proposer de nouveaux modèles d’exploitation pour assumer l’ensemble des missions actuelles et à venir du pharmacien, de surmonter à la fois la question de la taille critique et celle de la proximité », expose la présidente de l’ordre des pharmaciens. « Ce div devra être consensuel et nécessitera des efforts de part et d’autre », avertit Michel Caillaud, président de l’UNPF. Si les syndicats et l’Ordre s’accordent sur un div commun, plus rien ne devrait s’opposer à la publication d’un décret.

Dans un premier temps, les holdings seront un outil financier destiné à fluidifier le rachat de parts de SEL (sociétés d’exercice libéral), puis deviendront un outil de restructuration du réseau autour de modèles coopératifs et organisés qui auront la taille critique pour accéder aux nouveaux marchés. « J’ai bon espoir que le décret sur les holdings ne soit pas un simple outil de transmission du patrimoine et qu’il contribue à aménager les structures de la pharmacie », confie Pascal Louis.

4 2012, année de la coopération interprofessionnelle

Les SISA (sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires) donneront également aux pharmacies l’opportunité d’entrer dans l’ère des services, de l’interprofessionnalité et de la coordination entre professionnels pour faciliter le parcours de soins du patient. En particulier en milieu rural, les petites officines seront associées à ces évolutions et peut-être même les premières à proposer des services à valeur ajoutée. Pascal Louis est convaincu que les premières SISA verront le jour rapidement en 2012. « Leur création n’est pas tenue par les négociations conventionnelles », souligne-t-il.

Il en va de même pour les maisons de santé qui vont remodeler en profondeur la carte sanitaire et l’offre de soins. Gilles Bonnefond maintient que l’on peut s’appuyer dès à présent sur les pharmaciens pour restaurer la permanence des soins et développer la pharmacie comme pôle de santé dans un parcours de soins.

Autre point à retenir de l’année 2011 et qui doit inspirer la réflexion en 2012 : dans une période de défiance vis-à-vis médicament, le binôme médecin/pharmacien conserve la confiance des Français. « Il faut renforcer ce couple, exhorte le président de l’USPO. Mais aussi établir de nouvelles relations et organisations de travail. » Selon lui, la rémunération des médecins à la capitation ouvrira des perspectives aux délégations de tâches. « Elles se feront si la rémunération du médecin par rapport à un certain nombre de prises en charge de patients est annualisée », explique Gilles Bonnefond.

Le Dr Martial Olivier-Koehret, ancien président de MG-France et animateur de soins coordonnés de patients chroniques, appelle à l’arrêt de la guerre froide entre pharmaciens et médecins. « Il est facile de les opposer, mais si on ne se met pas ensemble pour proposer des solutions moins coûteuses et rééquilibrant la relation ville/hôpital, on continuera de vendre à la découpe le système de soins », met-il en garde. Une des solutions pour réunir les professionnels de santé et les faire travailler ensemble est de les former ensemble et de leur donner les mêmes outils. « La dynamique de groupe apporte un plus et fait tomber les représentations, chacun reconnaît l’autre comme acteur de santé », constate sur le terrain Corinne Isnard-Bagnis, professeur de néphrologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI) et responsable d’un programme pilote d’éducation thérapeutique en néphrologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

5 Une marge de croissance possible pour les génériques

Le générique reste un gisement de rentabilité extrêmement fort. « 2012 sera l’année la plus riche de toutes, au cours de laquelle 1,4 milliard d’euros d’échéance de brevets (en prix fabricant hors taxes) vont arriver, promet Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme (Générique, même médicament). Les officinaux pourront trouver dans ce potentiel de chiffre d’affaires un nouveau souffle de rémunération ». A condition toutefois que les derniers freins à la substitution soient levés et que les conditions d’une prescription plus importante dans le périmètre du Répertoire soient enfin réunies. L’Assurance maladie devrait y veiller. « Une fois les résultats de l’enquête connus sur les mentions « non substituable » et les molécules les plus touchées, on peut penser qu’elle monitorera très finement leur présence sur les prescriptions », espère Catherine Bourrienne-Bautista.

De son côté, Michel Caillaud souhaite que « l’intérêt des nouvelles molécules à génériquer ne soit pas brisé dans l’œuf par une baisse des prix des princeps juste avant la chute de leur brevet ». Avec des objectifs renforcés sur la prescription de génériques, le paiement des médecins selon les résultats devrait remplacer avantageusement les CAPI (contrats d’amélioration des pratiques individuelles). « A la différence des CAPI, le paiement à la performance est inscrit dans la convention médicale, il s’applique donc à tous les médecins », remarque Catherine Bourrienne-Bautista. Le second axe de travail consiste à remobiliser autour du médicament générique, ce qui nécessite d’entreprendre auprès des patients et des médecins des actions d’information et de réassurance. De plus, chaque année voit un élargissement du périmètre du Répertoire. Après les « quasi-génériques » l’an dernier, l’Assemblée nationale a adopté dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, l’extension du Répertoire aux médicaments d’origine minérale et végétale. Une mesure dont se félicite le Gemme, qui regrette néanmoins la suppression de l’amendement sur l’entrée des sprays et antiasthmatiques au Répertoire des génériques.

Croire en une reprise de la substitution n’est donc pas déraisonnable, mais penser que le marché pourra renouer avec une croissance à deux chiffres est illusoire. « S’il progresse de 5 % ou 6 %, ce sera déjà bien », considère Catherine Bourrienne-Bautista.

Cédants et acquéreurs n’ayez pas peur !

Les données du marché changent. Les cédants en âge de partir à la retraite ou désireux de changer d’orientation professionnelle ne peuvent plus attendre, au risque de voir filer à leur nez et à leur barbe les exonérations sur les plus-values de cession. L’évolution du marché est favorable aux repreneurs. Pour peu qu’ils sachent se montrer sélectifs et exigeants, ils pourront bénéficier de la baisse des prix des officines et saisir les opportunités qui se présenteront à eux. Ceux qui s’inquiètent de la baisse de la valeur de leur fonds souhaiteront vendre rapidement. Une remise des prix à un bon niveau permettra d’assurer le renouvellement normal de la profession. L’arrivée des premières cohortes des chefs d’entreprise de la génération du baby-boom partant à la retraite n’a pas eu encore de conséquences très visibles sur le nombre de pharmacies mises sur le marché. Mais il est possible que la crise accélère l’émergence de ce phénomène.

FRANCIS MEGERLIN
DOCTEUR EN DROIT ET MAÎTRE DE CONFÉRENCES À LA FACULTÉ DE PHARMACIE DE PARIS-DESCARTES

« Nous ne traversons pas un orage, nous changeons de climat »

« Pour la pharmacie, mon optimisme vient du fait que les conditions nécessaires ont été réunies à temps. Je pense naturellement à la consécration des nouvelles missions du pharmacien (dont la participation aux soins de premier recours) en 2009, à l’innovation en matière d’organisation de production des soins ambulatoires avec les SISA en 2011 (dont l’objet pourrait rapidement s’élargir), à la possibilité de négocier avec l’Assurance maladie des rémunérations qui dépendront ainsi moins ou parfois plus des prix des médicaments, grâce à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012. Nous ne traversons pas un orage, nous changeons de climat. La contrainte économique croissante empêchera-t-elle ce changement ? Je crois au contraire qu’elle va l’accélérer ! Le dégel de la réflexion sur les SPF-PL, les initiatives de certains groupements et répartiteurs vers les services innovants, l’intérêt croissant des assureurs pour le pharmacien dans la chaîne des soins de proximité, les futures vagues de génériques, la coopération interprofessionnelle, la reconquête possible du maintien à domicile par la préparation des traitements, etc., tout cela permet de sortir de la roue de hamster dans laquelle les années grasses ont enfermé bien des pharmaciens. Il existe aujourd’hui un immense besoin de pédagogie lucide et loyale de la transformation et des projets, et de refondation des vocations. »

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