LE CHARME DISCRET DES GROUPEMENTS LOCAUX - Le Moniteur des Pharmacies n° 2902 du 22/10/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2902 du 22/10/2011
 

Dossiers

Enquête

Auteur(s) : François Pouzaud

A première vue, la réussite et la pérennité des petits groupements régionaux ou départementaux étonnent. Ces structures reposent avant tout sur des valeurs communes, des liens amicaux et de proximité, plus que sur de simples rapports confraternels entre adhérents. Une spécificité qui leur permet d’avoir la cote.

Sans faire de bruit, les groupements locaux s’épanouissent avec la conviction que la valeur ne tient pas au nombre. Constitués de quelques centaines voire quelques dizaines de pharmaciens, ils se sont créés autour de valeurs communes : l’éthique, la solidarité, la cohésion, la proximité et l’indépendance. Les adhérents y recherchent ce qu’ils n’ont pas forcément trouvé dans l’offre des groupements nationaux : la convivialité, la confraternité amicale, des relations personnalisées et de confiance, un droit de regard sur les activités de la structure. Ils y sont fidèles parce qu’ils ont le sentiment d’être mieux entendus que s’ils appartenaient à des structures nationales.

Autre intérêt mis en avant : les frais de structure du groupement sont moins élevés et la réactivité de ses adhérents est plus grande sur des actions tant éthiques que commerciales. Par leur taille et leur proximité, les groupements régionaux proposent des solutions qui collent au plus près des attentes. Leur organisation, plus légère, apporte souplesse d’action et réactivité immédiate. Les cotisations sont facilement amorties. Mais la médaille a toujours un revers. Les groupements régionaux sont moins structurés et moins puissants que leurs homologues nationaux. Leur offre de services n’est pas comparable non plus. C’est donc pour se donner les moyens des grands que plusieurs d’entre eux (Pharmalliance, Unipharm, Pharmasud, OPA Pharm Plus…) ont rejoint la fédération européenne de groupements Apsara, qui comporte 11 membres soit quelque 850 pharmacies.

L’offre personnalisée et l’« esprit d’équipe » caractérisent les groupements régionaux, ce qui explique que les mots d’ordre soient suivis par leurs membres sans avoir à vaincre ni convaincre. Comme se plaît à le dire Bernard Moyon, président délégué de Réseau Santé depuis avril 2011 : « Notre force, c’est notre concentration. » Implanté en Bretagne, Réseau Santé regroupe quelque 400 officines réparties sur le Finistère, les Côtes-d’Armor, l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan. « Nous avons quelques adhérents au-delà la Loire, jusqu’à La Rochelle », précise-t-il. Réseau Santé représente un tiers des pharmacies de la région. « Nous sanctuarisons la Bretagne, ironise Bernard Moyon. Un patron de groupement national en visite à Morlaix annonçait, en plaisantant, qu’il voulait porter plainte contre Réseau Santé pour abus de position dominante ! »

Des résultats à faire rougir les groupements nationaux

Le groupement, qui présente un des plus faibles turnovers de France, ne s’interdit pas de grossir. « A condition que cela réponde à un besoin et sans renier nos fondements : respect de l’autonomie, enrichissement mutuel par nos différences, équité de traitement entre tous les adhérents. » Réseau Santé, qui compte une majorité d’adhérents « originels », estime qu’il est à leur service, et non le contraire. La prise de participation dans le capital des officines et l’adossement à des structures solides ne sont pas envisagés. « L’avenir nous dira s’il faut changer notre fusil d’épaule », ajoute le président délégué.

Une petite taille n’est pas un frein au développement et à la croissance. Depuis plus de 20 ans, Réseau Santé apporte à ses adhérents une panoplie complète et renouvelée de services et d’assistanats en gestion, communication, management et formation. En mai dernier, le groupement a proposé à ses adhérents un nouveau service de formation en ligne sur la prise en charge des patients asthmatiques. « Il n’y a jamais de mot d’ordre. Il n’y a que des orientations et les adhérents sont libres de les suivre », affirme Bernard Moyon. C’est justement cette liberté préservée qui fait le succès de ce groupement régional. Sans rien imposer, Réseau Santé arrive peu ou prou aux mêmes résultats que les groupements nationaux les plus disciplinés. « Lorsque nous montons une action commerciale avec un laboratoire, cela se voit tout de suite sur les statistiques du GERS ! », assure-t-il. « Indépendants mais regroupés pour réussir », cette devise des groupements se conjugue en toutes circonstances. Sur des dossiers où l’effet de taille est nécessaire, Réseau Santé juge opportun de se rapprocher d’autres groupements. C’est le cas pour la démarche – volontaire – de certification ISO des pharmacies du réseau (20 % des adhérents certifiés), menée collectivement avec d’autres entités (CEIDO, Forum Santé, Apsara, Cofisanté…). Si les groupements régionaux n’ont pas cherché à franchir le Rubicon, c’est parce qu’ils croient profondément aux vertus des réseaux de proximité. « Lorsque le groupement décide d’une opération vitrine dans toutes les officines adhérentes, ça interpelle les gens », constate Bernard Moyon, citant la campagne grand public de 2011 axée sur le maintien à domicile.

Apsara, la fédération européenne pourvoyeuse de services

Dans la Somme, la cohésion des pharmaciens se retrouve dans une structure locale : OPA Pharm Plus, un groupement d’achats organisé à l’origine en coopérative. Eddy Naillon en est le dirigeant fondateur. « Notre groupement réunit 35 pharmaciens. Disposant de sa propre identité de gestion, il est affilié au groupe Apsara pour bénéficier de moyens plus importants. Aujourd’hui, le groupement est organisé en société par actions simplifiée. Cette forme juridique est plus souple que notre ancien statut de coopérative car les pharmaciens peuvent nous rejoindre plus facilement en tant que simples clients », explique le dirigeant. Cependant, le groupement ne fait pas de prosélytisme. « Il y a sept ou huit ans, j’avais envisagé de le faire grossir, mais les adhérents – souvent des amis connus sur les bancs de la faculté d’Amiens – ne l’ont pas souhaité afin que perdure notre état d’esprit confraternel. Aujourd’hui, on veut bien grossir mais l’équipe dirigeante n’est composée que de bénévoles qui doivent gérer les relations avec 45 officines. Au-delà, cela devient un autre métier… Nous ne sommes pas prêts et n’avons pas la volonté de monter une usine à gaz ! », assure Eddy Naillon, qui ne se voit pas président à temps plein d’un groupement national. Les seuls départs qu’il peut déplorer sont ceux d’adhérents partant à la retraite. « Le groupement est très soudé, les adhérents font preuve d’une grande adhésion aux choix et nos actions sont toujours suivies d’effets », affirme-t-il. Selon lui, la présidence du groupement n’est pas une fonction trop dévorante. L’équipe dirigeante se réunit chaque trimestre, des rencontres plus informelles se tenant chaque semaine. Quant aux réunions organisées par les laboratoires, elles ont lieu tous les deux mois en moyenne.

Première fédération européenne de groupements pharmaceutiques, créée en 1997, Apsara permet à ses membres de profiter de la puissance de négociation d’une entité nationale forte, mais aussi de l’offre personnalisée et de l’esprit d’équipe qui sont l’apanage des structures plus locales. « Notre objectif est de mutualiser les moyens au bénéfice des groupements régionaux, en partenariat avec les laboratoires », explique Olivier Verdure, directeur marketing. Conservant son indépendance, chaque groupement affilié profite de la structure nationale pour adopter une politique de communication, un référencement (90 % de laboratoires communs, aux conditions « grand compte national »), un développement économique et marketing commun. Les services proposés par Apsara (commandes en ligne, site Internet, merchandising, client mystère, magazine de santé grand public, etc.) sont comparables à ceux des groupements nationaux.

Apsara ne veut surtout pas alourdir son fonctionnement actuel. Il souhaite rester le plus indépendant possible et n’affiche aucune intention d’acheter, d’être acheté, de fusionner avec un autre groupement ou de s’adosser à une structure de type grossiste ou autre partenaire financier. « Nous n’avons intégré aucun nouveau groupement depuis 2003 », précise Olivier Verdure. Et ce malgré les sollicitations de groupements locaux réunissant 10 ou 15 pharmacies. « En dessous d’un seuil critique d’une cinquantaine de pharmacies se pose un problème de représentativité à l’intérieur d’Apsara. En effet, un groupement de dix adhérents ne peut être crédible pour nos laboratoires partenaires. Il ne peut pas non plus avoir voix au chapitre dans les discussions et les prises de décisions d’Apsara », explique-t-il.

L’avenir appartient aux alliances entre groupements locaux

Ces petits îlots locaux, souvent organisés en GIE (groupements d’intérêt économique), peuvent cependant entrer dans le groupe et profiter de ses services en intégrant un des groupements membres. Cela s’est déjà produit par le passé avec Pharmalliance. Toutes les opérations montées par Apsara doivent avoir un sens et un intérêt pour chaque groupement par rapport à sa région d’appartenance. « Nous avons monté une campagne nationale sur les éthylotests pour les fêtes de fin d’année, expose Olivier Verdure. Elle a été adaptée aux besoins spécifiques d’un groupement d’une région viticole du sud de la France. Apsara a créé une affiche différente de celle de la campagne nationale, beaucoup moins axée sur les méfaits de l’alcool. Le principe a toujours été : Apsara propose, le groupement dispose. »

Objectif Pharma, présidé par Jean-Pierre Dosdat, a suivi un parcours atypique. D’abord régional, il a connu la désunion puis l’alliance pour devenir enfin une entité nationale. Les choix stratégiques ont toujours été dictés par rapport aux adhérents. A l’origine, Jean-Pierre Dosdat était président de Pharma-Moselle, qui comptait 87 adhérents en 2006, soit un tiers des pharmacies du département. « Pharma-Moselle était une émanation du groupement national Giropharm, duquel nous sommes sortis en raison d’un fort tempérament régional. En 2009, il a renoncé à son atavisme et a fusionné avec un groupement de même taille, Pharmobjectif, créé en 2004 et adossé à l’époque à la CERP Lorraine », détaille Jean-Pierre Dosdat. Selon lui, Pharmobjectif avait le même positionnement que Pharma-Moselle, partageait les mêmes valeurs coopératives dans le sens du commerce associé. Le bébé né de cette fusion a bien grandi : aujourd’hui, Objectif Pharma est un groupement national fort de 400 adhérents, s’appuyant sur une structure coopérative solide appartenant exclusivement à des pharmaciens. Un gage de pérennité et d’indépendance, selon Jean-Pierre Dosdat : « Les modèles qui vivent des ressources des laboratoires ne sont pas pérennes. » Il estime que l’avenir appartient à ce type d’alliance, afin de pouvoir apporter les services dont ont besoin les adhérents et de prendre en charge la délégation de tâches du back-office (logistique, informatique…), et du front-office (aides au point de vente, sell-out…). « Les nouveaux métiers du pharmacien demandent de plus en plus de moyens et de savoir-faire. En restant simple groupement régional, replié sur soi-même, il était difficile d’avoir une offre multidisciplinaire et multiservice pour satisfaire tous nos adhérents. Même s’ils partagent la même culture, nos adhérents ont des typologies différentes et n’ont donc pas les mêmes besoins. » Si le nombre d’adhérents n’est pas une priorité, Jean-Pierre Dosdat estime néanmoins que les nouvelles missions du pharmacien requièrent de franchir une taille critique pour le groupement. « Les actes pharmaceutiques réalisés par les adhérents devront être mesurés, car n’oublions pas que s’ils ne génèrent pas d’économies pour l’assurance maladie, ils n’apporteront pas de rémunération complémentaire… » Pour lui, les positions jusqu’au-boutistes sur l’indépendance du pharmacien « sont contraires à la philosophie d’un groupement, quelle que soit sa taille. Ceux qui s’accrochent à cette idée ne font que transférer le problème et repousser l’heure des choix décisifs, car le changement de business model est inéluctable ».

DPGS, le groupement national… libre de toute entité nationale

Par la force des choses, presque malgré soi, DPGS (Développement Pharma Gestion Service) est devenu groupement national, tout en restant fortement attaché aux valeurs qui caractérisent un groupement régional (confraternité et indépendance). Implanté historiquement dans le Nord-Pas-de-Calais et connu des pharmaciens de la région pour ses services, notamment son concentrateur (Agetip) pour la gestion du tiers payant, DPGS, organisé en société anonyme coopérative, a essaimé dans l’Oise et jusque dans la Vienne. « Il a fallu changer légèrement l’appellation du groupement, qui était Douai Pharma Gestion Service », précise Jean-Claude Pothier, son président. Le groupement (120 adhérents) est ouvert à des fusions avec de petits groupements de la région en perte de vitesse tels Socopharma, Artesispharma ou Association Flandres Lys. Pour l’instant les contacts n’ont abouti à aucun accord. L’intégration de GIE montés par quelques pharmaciens fait partie aussi des éventualités. « Ils sont appelés à disparaître car leur activité est en marge de l’illégalité, prédit Jean-Claude Pothier. Le GIE commande des médicaments et rétrocède les remises arrière à ses membres. Il arrivera un moment où les pouvoirs publics feront comme les douanes avec l’alcool à 90° ! »

Né en 1988, DPGS s’est toujours voulu libre de toute entité nationale. Rejoindre la fédération Apsara ne fait pas partie des plans de Jean-Claude Pothier : « Une structure nationale impose sa politique et notamment le choix de ses partenaires laboratoires, lesquels ne correspondent pas forcément avec ceux de l’entité régionale. » Le président de DPGS reproche, notamment, les cotisations élevées des nationaux, leurs frais de fonctionnement, des décisions de directeurs des achats pas toujours en phase avec les besoins des adhérents. Il souligne également le coût à payer pour adhérer à une enseigne, la perte d’indépendance et de liberté d’action, la complexité du calcul des remises. « Chez DPGS, le but étant de faire comprendre à nos patients que le pharmacien est unique et non un parmi tant d’autres. » Et lui aussi de conclure : « Je n’impose rien, je propose et mes adhérents disposent. »

Sondage

Adhérez-vous à un groupement national ?

Adhérez-vous à un groupement local ?

Les deux ?

Sondage réalisé par téléphone les 4 et 5 octobre 2011 sur un échantillon de 100 titulaires représentatifs en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Quel est le principal avantage d’adhérer à un groupement local ?

Base : pharmaciens adhérant à un groupement local ou national.

Et le principal inconvénient ?

Base : pharmaciens adhérant à un groupement local ou national.

Pensez-vous que votre groupement est capable de bien vous accompagner dans les évolutions prochaines du métier ?

Base : pharmaciens adhérant à un groupement local ou national.

Des GIE difficiles à chiffrer

Dans le panorama de la distribution pharmaceutique qu’il dresse chaque année, Labo Pharma Conseils (LPC) identifie les groupements en tant qu’entité économique structurée en société. « Nous en comptons une soixantaine avec un rayonnement national, régional ou local », rapporte Arnaud Cazalbou, son directeur général. En revanche, il lui est impossible d’avancer des chiffres concernant le nombre des petits groupements rassemblant une ou plusieurs dizaines d’officines, et le plus souvent organisés en groupements d’intérêt économique (GIE). « Il peut y en avoir une centaine. Leur nombre varie au gré des politiques des génériqueurs et de volontés personnelles d’individualités », estime Arnaud Cazalbou. Le GIE est en effet très prisé par les petits groupements informels car il présente peu de contraintes au plan juridique, économique et fiscal. Cependant, « il a une portée économique extrêmement réduite et n’est plus viable dès que le groupement cherche à grossir un tant soit peu. Mais un tel groupement n’est pas forcément petit au regard de son implantation, laquelle peut être forte localement. Ainsi, Pharma Direct compte une soixantaine de pharmacies toutes implantées dans le Var. Leur poids national ne représente rien, ce qui n’est pas le cas au niveau de ce département. » Autre exemple : APM-34 est une coopérative locale forte de plus de 210 adhérents. « Cette forte densité ne laisse pas indifférents les laboratoires pharmaceutiques qui intègrent les petits groupements dans leurs stratégies commerciales », conclut Arnaud Cazalbou.

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