LA RUPTURE CONVENTIONNELLEEN CINQ RÈGLES - Le Moniteur des Pharmacies n° 2898 du 24/09/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2898 du 24/09/2011
 
JURIDIQUE

Entreprise

Auteur(s) : Chloé Devis

Depuis trois ans, la rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de définir d’un commun accord les conditions de leur séparation. Un outil salutaire mais à manier avec discernement.

1 Evaluer les bénéfices d’une séparation à l’amiable

La séparation, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, ne doit être imposée ni par l’employeur ni par l’employé. « C’est une solution adaptée pour se quitter en bons termes quand il y a toujours eu des échanges normaux, respectueux et non conflictuels entre les deux parties », souligne Philippe Lévy, dirigeant du cabinet de conseils Neopharma.

Dès lors, plusieurs arguments plaident en faveur de ce divorce par consentement mutuel : il élimine l’aspect vexatoire d’un licenciement pour l’employé et s’avère plus souple, plus simple et plus rapide à mettre en œuvre, mais aussi moins coûteux pour l’employeur malgré le versement d’une indemnité de départ (voir encadré p. 42).

2 Repérer les situations propices

Il n’y a pas un cas type justifiant le recours à une rupture conventionnelle, mais une palette nuancée de situations auxquelles employeur et salarié peuvent se retrouver un jour ou l’autre confrontés.

Du côté de l’employé, il peut s’agir d’un nouveau projet professionnel ou personnel incompatible avec la poursuite d’une activité au sein de l’officine, mais pas assez solide pour entraîner une démission. Autre cas de figure, l’officine connaît une évolution (transfert…) mal vécue par l’employé. La rupture conventionnelle s’avère alors pertinente, l’employeur n’ayant pas intérêt à garder un salarié démotivé.

« Mieux, l’envie du collaborateur peut rejoindre la volonté patronale de réduire son effectif », note Thierry Foyard, avocat au cabinet parisien Laboureix Foyard et Associés. Mais si une rupture conventionnelle peut intervenir sur fond de difficultés économiques, elle ne doit pas servir à contourner les règles d’un licenciement économique collectif, privant le salarié des garanties qui y sont attachées !

Dans bien des cas, c’est le facteur humain qui déclenche une rupture conventionnelle : « L’employé peut ainsi avoir certaines difficultés à remplir correctement ses missions, sans pour autant commettre de faute avérée », indique Philippe Levy. « Dans d’autres cas, il peut faire l’affaire techniquement et professionnellement mais le courant ne passe pas soit avec l’employeur, soit avec le reste de l’équipe, ou encore avec la clientèle », ajoute Thierry Foyard.

Là encore, le patron comme le salarié trouveront un intérêt commun à mettre un point final à leur collaboration.

3 Huiler les rouages de la négociation

La mise en place d’une rupture conventionnelle, précisément parce qu’elle repose sur des situations souvent empreintes de non-dits et d’affects, exige une approche tout en nuances et en souplesse, notamment lorsque l’employeur en prend l’initiative. Première règle : l’anticipation. « Il est indispensable de prendre en compte une situation avant qu’elle ne s’envenime », insiste Philippe Lévy.

Le pharmacien abordera la question sans détour avec le collaborateur concerné, tout lui accordant le temps de la réflexion. « D’autre part, il pourra lui proposer un bonus sur l’indemnité de départ réglementaire, en fonction de l’ancienneté et, éventuellement, un accompagnement dans ses démarches futures, en gage de reconnaissance du travail accompli », préconise l’avocat.

Suivre la procédure

L’employeur et le salarié conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens, le plus souvent deux ou trois. Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (titulaire d’un mandat syndical ou non) et doit prévenir l’employeur. Celui-ci peut lui-même faire intervenir un tiers appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou un autre employeur relevant de la même branche. Attention, un avocat ne peut jouer ce rôle !

Les deux parties rédigent une convention définissant les conditions de la rupture du CDI, en particulier le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui sera versée au salarié. Elle fixe également la date de fin du contrat, laquelle ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative.

Les deux parties disposent ensuite d’un délai de rétractation de 15 jours ouvrables avant le dépôt de la convention auprès de l’autorité administrative.

A ce terme, elles devront en effet transmettre une demande d’homologation du dossier au Direccte (Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) via un formulaire réglementaire.

L’organisme dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de notification à l’issue de ce délai, l’homologation est considérée comme acquise.

5 Connaître les risques pour mieux les prévenir

Liberté de consentement des parties et respect des règles relatives à l’assistance des parties, au droit de rétractation, au montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle sont autant de points étudiés par le Direccte qui, s’ils ne sont pas respectés, conduisent au refus d’homologation (6 à 9 % des demandes).

« Dans ce cas, il faut tout reprendre à zéro, l’échéance de la rupture conventionnelle est retardée », met en garde Philippe Levy.

Une rupture conventionnelle ne met pas l’employeur totalement à l’abri d’une action judiciaire de l’employé. « Une convention ne vaut pas transaction et n’empêche pas l’individu concerné de contester tout ou partie des conditions de travail passées », rappelle Thierry Foyard. Reste que ces actions contentieuses dans la foulée d’une rupture conventionnelle demeurent rares tant elles s’opposent au principe même de cette démarche.

A noter que les deux parties peuvent émettre un recours devant les prud’hommes concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation dans un délai de douze mois.

TÉMOIGNAGE

« Une porte de sortie intelligente »

« J’ai eu l’occasion de mettre en œuvre deux ruptures conventionnelles, concernant deux préparateurs qui voulaient se reconvertir, témoigne Eric Myon, l’un des quatre titulaires de la Pharmacie homéopathique de l’Europe à Paris. Grâce à cette alternative au licenciement et à la démission, qui ne correspondaient ni l’un ni l’autre aux cas en question, nous avons pu nous séparer en bonne entente. Certes, la rupture conventionnelle est plus intéressante pour l’employé que pour l’employeur. Mais il aurait été contre-productif de garder des personnes qui n’ont plus le cœur à ce qu’elles font. De surcroît, le système est simple à mettre œuvre et laisse la possibilité de revenir. Comme les salariés concernés avaient deux à trois ans d’ancienneté, le coût a représenté environ 30 % d’un mois de salaire, que j’ai légèrement “arrondi”. C’est une façon de les remercier, car notre collaboration s’était toujours bien passée. »

Quelle indemnité ?

Le salarié doit percevoir une indemnité spécifique de « rupture conventionnelle ». Son montant, éventuellement négocié, ne pourra être inférieur :

• pour un salarié cadre, jusqu’à 15 ans d’ancienneté, à 3/10 de mois par année de présence à compter de la date d’entrée dans l’entreprise, puis 5/10 de mois à compter de la 16e année. Si le salarié a moins de 5 ans d’ancienneté, cette indemnité est de 2/10 de mois par année de présence ;

• pour un salarié non cadre, à 2/10 de mois jusqu’à 10 ans d’ancienneté, puis 3,34/10 à partir de la 11e année.

Si la rupture conventionnelle intervient avant que le salarié ait un an d’ancienneté, l’indemnité sera calculée au prorata du nombre de mois de présence.

Laurence Vénin

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