LES PATHOLOGIES DE L’ŒIL - Le Moniteur des Pharmacies n° 2878 du 16/04/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2878 du 16/04/2011
 

Cahiers Formation du Moniteur

Conseil

CONJONCTIVITES INFECTIEUSES

« Ses paupières sont collées au réveil »

Mme J. se présente au comptoir :

– J’ai utilisé ce collyre antibiotique, trouvé dans ma trousse à pharmacie, la semaine dernière, pour soigner une conjonctivite. Mon fils de 15 ans présente aujourd’hui les mêmes symptômes, puis-je encore l’utiliser ?

– Non, je vous le déconseille. Votre fils a-t-il des sécrétions purulentes ?

– Oui, et il a les paupières collées au réveil, comme moi.

– Commencez par un lavage oculaire avec ces dosettes puis instillez ce collyre antiseptique. Si ça ne va pas mieux dans quelques jours, il faudra qu’il consulte un médecin.

NOTIONS DE BASE

Conjonctive

Muqueuse mince, transparente et finement vascularisée, la conjonctive couvre le blanc de l’œil et la face postérieure des paupières. Elle fabrique le mucus nécessaire à la lubrification de la surface de l’œil. Etant donnée sa position de muqueuse ouverte sur l’environnement, la conjonctive est fréquemment agressée.

Conjonctivite

Une conjonctivite est une inflammation isolée ou diffuse de la conjonctive. Elle s’accompagne de signes cliniques :

– un œil rouge dû à une hyperhémie des vaisseaux conjonctivaux ;

– une gêne oculaire non douloureuse : irritation, picotement, sensation de grain de sable dans l’œil ;

– un écoulement de sécrétions transparentes (conjonctivites virales) ou épaisses (conjonctivites bactériennes) pouvant gêner la vision mais sans diminution de l’acuité visuelle.

Les causes des conjonctivites sont nombreuses : infectieuses, irritatives, allergiques ou dues à une sécheresse oculaire.

Très fréquentes, les conjonctivites infectieuses sont d’origine bactérienne ou virale.

Porteurs de lentilles

Il faut systématiquement penser à demander au patient s’il porte des lentilles. Si c’est le cas, il doit en interrompre le port jusqu’à guérison complète.

Les lentilles et leur étui doivent être décontaminés avant leur réutilisation.

LES CONJONCTIVITES BACTÉRIENNES

Etiologies

Les conjonctivites bactériennes sont essentiellement dues à des staphylocoques, streptocoques ou pneumocoques.

Signes cliniques

Ces conjonctivites infectieuses sont initialement unilatérales mais s’étendent généralement aux deux yeux en moins d’une semaine en l’absence de traitement. Elles se caractérisent par la sécrétion de pus jaunâtre qui s’accumule dans l’angle interne de l’œil. Les cils s’agglutinent et les paupières se retrouvent collées au réveil.

Le prurit est généralement absent.

Traitement

Deux étapes sont nécessaires :

• Lavage oculaire abondant au sérum physiologique 2 à 3 fois par jour. Les antiseptiques boratés ou les solutions ioniques peuvent également être utilisés : Dacryum, Dacudoses, Dacryosérum, Ophtaxia… Les formes unidoses sont à privilégier pour éviter les risques de propagation au deuxième œil. Les sécrétions purulentes agglutinées sur les paupières sont retirées avec une compresse imprégnée de sérum physiologique.

• Instillation de collyre antiseptique (voir tableau ci-contre) 3 à 6 fois par jour.

Si les symptômes persistent plus d’une semaine, la consultation d’un médecin est souhaitable.

En présence de critères de gravité (vive douleur, baisse de l’acuité visuelle, photophobie) ou de facteurs de risque (diabète mal équilibré, immunodépression, chirurgie oculaire récente, corticothérapie locale, lentilles de contact, obstruction des voies lacrymales), le patient doit être dirigé rapidement vers un ophtalmologiste. Les collyres antiseptiques même en flacon ne contiennent pas de conservateurs ajoutés : le principe actif fait office de conservateur.

Les topiques antibiotiques sont dorénavant inscrits sur la liste I afin d’éviter une utilisation massive et souvent inappropriée, responsable de l’émergence de souches bactériennes résistantes.

LES CONJONCTIVITES VIRALES

Etiologies

Les adénovirus de la sphère ORL sont les principaux virus responsables de conjonctivite virale. Ils sont souvent associés à des pathologies hivernales, syndromes grippaux ou pseudo-grippaux. Les deux yeux sont généralement atteints en même temps. Très contagieux, ces virus se transmettent par contact direct (larmes, salive, éternuements) plus d’une semaine après les premiers symptômes. Les autres causes de conjonctivites virales sont l’herpès et le virus de la varicelle et du zona.

Signes cliniques

Le plus souvent bilatérale, la conjonctivite virale se reconnaît par un larmoiement important avec des sécrétions séreuses transparentes et un œdème des paupières. La notion d’épidémie et/ou de pathologie hivernale est présente : les enfants se contaminent car ils se frottent souvent le nez et les yeux sans se laver les mains. Cette affection très contagieuse peut nécessiter une éviction scolaire.

Traitement

Des mesures d’hygiène rigoureuses sont nécessaires car le patient atteint est contagieux pendant 10 à 12 jours après l’apparition des symptômes : ne pas partager de linge de toilette, privilégier l’utilisation de mouchoirs jetables, ne pas se frotter les yeux, se laver régulièrement les mains, ne pas porter de lentilles.

• Lavage oculaire

Nettoyer les sécrétions au sérum physiologique ou mieux à l’aide d’une solution de lavage oculaire 2 à 3 fois par jour.

• Collyre antiseptique

Instiller un collyre antiseptique 3 à 6 fois par jour. L’utilisation de topique antibiotique ne se justifie qu’en cas de surinfection bactérienne, sur prescription médicale.

Conjonctivite herpétique

En cas de conjonctivite herpétique, l’atteinte est unilatérale accompagnée d’une éruption vésiculeuse.

Attention, la conjonctivite herpétique impose une consultation médicale en urgence !. Le traitement, sur prescription, repose sur la prise d’un antiviral à usage local (collyre Virophta, pommade ophtalmique Zovirax) 5 fois par jour. Il se poursuit jusqu’à trois jours après la cicatrisation. Brûlures ou picotements peuvent apparaître pendant le traitement.

CONJONCTIVITES IRRITATIVES

« J’ai dormi avec mes lentilles cette nuit »

M. H. vous demande conseil pour ses yeux rouges :

– « J’ai dormi avec mes lentilles cette nuit et ce matin, mes yeux sont rouges et ils me piquent. Que puis-je faire ?

– Retirez d’abord vos lentilles. Je vous conseille ensuite un lavage oculaire avec des unidoses de sérum physiologique.

– J’en ai à la maison.

– Très bien. Lavez-vous les yeux avec et instillez une goutte de ce collyre anti-irritation jusqu’à disparition des symptômes. Et bien sûr, ne portez pas vos lentilles pendant la durée du traitement. »

SIGNES CLINIQUES

Symptômes

La conjonctivite irritative se caractérise par un œil rouge sans sécrétion, avec uniquement un léger larmoiement. Le patient se plaint d’une sensation de corps étranger, de légers picotements et d’une fatigue oculaire.

L’atteinte peut être uni– ou bilatérale.

Etiologies

La conjonctivite irritative survient sous l’influence de facteurs d’irritation :

– exposition à des produits chimiques, à la pollution, à la poussière, à la fumée de tabac ;

– exposition au vent, au soleil ;

– bains de mer ou de piscine ;

– port exagéré de lentilles ;

– autres : fatigue, verres correcteurs mal adaptés…

PRISE EN CHARGE À L’OFFICINE

Lavage oculaire

Les solutions de lavage oculaire facilitent l’élimination des impuretés et calment l’irritation.

L’action antiseptique et astringente légère des solutions boratées ou salicylées leur confère une plus grande efficacité que le sérum physiologique.

Après s’être lavé les mains soigneusement, procéder à l’instillation en jet plusieurs fois par jour, en inclinant la tête.

Attendre 15 minutes avant l’instillation d’un collyre. L’œillère parfois fournie doit être désinfectée avant chaque utilisationcar elle peut être source d’infection.

Collyres anti-irritation

Instillés à raison d’une goutte 2 à 4 fois par jour, les collyres anti-irritation à base d’acide salicylique ou de plantes apaisantes soulagent momentanément la gêne et calment les picotements.

La durée du traitement dépend de l’évolution de la conjonctivite mais n’excède pas 10 jours. Les vasoconstricteurs sont de moins en moins présents dans les collyres conseil sauf dans Isodril, Collyre bleu Laiter ou Visiodose. Ils présentent en effet une balance bénéfices/risques peu favorable (mydriase, augmentation de la pression artérielle, pâleur, tremblements, céphalées, troubles du rythme…) par rapport à leurs bénéfices.

Déconseillés sans avis médical, ils sont contre-indiqués dans de nombreux cas : glaucome par fermeture de l’angle, enfant de moins de 3 ans, porteur de lentilles souples, femme enceinte ou allaitante. Les vasoconstricteurs sont également contre-indiqués avec certains médicaments (IMAO, bromocriptine, guanéthidines ou apparentés…) et en présence de certaines pathologies (hypertension artérielle, affection cardiaque, hyperthyroïdie…).

Un collyre antiseptique peut être associé au collyre anti-irritation pour éviter tout risque de surinfection.

Prévention

Quelques précautions sont à prendre :

– éviter les zones enfumées ;

– porter des lunettes de soleil ou de piscine, surtout si le patient est sensible au chlore ;

– limiter les heures passées devant un écran (ordinateur ou télévision) et penser à hydrater les yeux ;

– éviter le port prolongé des lentilles et faire une « pause lunettes » un jour par semaine.

ADMINISTRATION D’UN COLLYRE

La méthode d’instillation d’un collyre favorise l’efficacité du traitement et limite le risque d’effets indésirables :

– se laver les mains ;

– agiter le flacon ;

– déposer la goutte dans le cul-de-sac conjonctival en pinçant la paupière inférieure entre le pouce et l’index pour la tirer vers le bas ;

– éviter de toucher l’œil ou la paupière avec l’embout ;

– fermer doucement l’œil ;

– appuyer une minute sur le coin interne de l’œil afin de limiter le passage systémique ;

– attendre 15 minutes avant d’administrer un autre collyre ;

– respecter la durée de conservation du flacon ;

– ne jamais prêter son collyre (risque de contamination).

Les formes unidoses sont à privilégier : elles garantissent une grande sécurité d’emploi en évitant tout risque d’autocontamination, elles sont faciles à utiliser et évitent le gaspillage. Non utilisées, les unidoses se conservent jusqu’à la date de péremption et l’absence de conservateur permet un usage régulier du collyre.

En cas de traitement simultané par un collyre et une pommade ophtalmique, commencer par le collyre et attendre environ 15 minutes avant d’appliquer la pommade ophtalmique.

BON USAGE DES LENTILLES

• La lentille modifie l’environnement oculaire : diminution de l’oxygénation de l’œil, diminution de l’action lavante et antibactérienne du film lacrymal, apport de germes, formation de dépôts. Si la lentille est mal entretenue ou portée trop longtemps, elle peut provoquer une irritation.

• Quelques conseils doivent être rappelés au patient :

– hygiène des lentilles : se laver les mains avant toute manipulation, respecter les dates de péremption, ne pas utiliser d’eau du robinet (risque de kératite amibienne), d’eau minérale ou de salive pour rincer les lentilles (risque infectieux) ;

– usage des lentilles : garder les lentilles souples au maximum 8 heures par jour pour permettre la réoxygénation oculaire, respecter la durée de vie de la lentille, éviter le port des lentilles à la piscine, sous la douche ;

– utilisation de cosmétiques : appliquer le maquillage après la pose des lentilles et les retirer avant le démaquillage, préférer les produits hypoallergéniques ;

– problème ophtalmologique : retirer les lentilles pendant toute la durée de la gêne oculaire ;

– médicaments : certains per os (amiodarone, chloroquine, fer, caroténoïdes, indométacine, tamoxifène, tétracycline…) peuvent colorer les lentilles via leurs métabolites. D’autres altèrent la sécrétion lacrymale : anxiolytiques, psychotropes, estrogènes et anti-H1 et peuvent rendre inconfortable le port des lentilles.

CONJONCTIVITES ALLERGIQUES

« Mes yeux me brûlent depuis trois jours »

Mme V. a les yeux rouges :

– « Les yeux me démangent et me brûlent depuis 3 jours. ça revient tous les ans, mais c’est particulièrement pénible cette année ?!

– Utilisiez-vous un collyre antiallergique les années précédentes ?

– J’ai déjà utilisé Naaxia, je crois.

– En plus de lavages oculaires, je vous conseille un collyre plus adapté que vous pourrez utiliser pendant 5 jours. Ensuite vous prendrez du Naaxia durant toute la période de pollinisation pour limiter la réapparition des symptômes.? »

SYMPTÔMES

La conjonctivite allergique touche les deux yeux simultanément. Elle se caractérise par un prurit important (en particulier au niveau du coin interne de l’œil) et un larmoiement clair. Les paupières sont souvent rouges, gonflées, parfois collées le matin. Il existe parfois un œdème de la conjonctive (chémosis).

Le patient se plaint de fortes démangeaisons, de sensation de brûlures, de picotements. Des signes de rhinite allergique sont souvent associés : éternuements, écoulement ou obstruction nasale, démangeaisons, picotements du nez. Il existe souvent un terrain atopique personnel et/ou familial.

ÉTIOLOGIES

• La conjonctivite allergique saisonnière

C’est la plus fréquente ; elle se répète chaque année à la même saison en fonction de l’apparition des allergènes responsables, surtout les pollens de graminées, d’arbustes et/ou d’arbres.

• La conjonctivite allergique perannuelle

Elle évolue sur un mode chronique car les allergènes responsables sont présents toute l’année : acariens, poussières, moisissures, poils d’animaux, produits d’entretien… Les symptômes sont généralement plus atténués. Le principal diagnostic différentiel de la conjonctivite allergique perannuelle est la sécheresse oculaire. Un terrain atopique est en faveur d’une allergie, un âge plus avancé oriente plutôt vers une sécheresse oculaire.

D’autres allergènes sont parfois responsables : les cosmétiques, certains aliments (poisson, soja…), les conservateurs des collyres (chlorure de benzalkonium, bromure de benzododécinium…), les produits de coloration (coiffeurs), les farines (boulangers), le latex…

TRAITEMENT

Eviction de l’allergène

L’identification et si possible l’éviction de l’allergène permettent de prévenir l’apparition des symptômes. En cas d’allergie aux pollens, une désensibilisation est parfois proposée.

Traitement local

Lavage oculaire

Instiller la solution de lavage en grande quantité pour éliminer les allergènes et les médiateurs de l’inflammation en contact avec l’œil. Terminer en passant une compresse stérile imbibée de solution sur les cils.

Collyres anti-H1

La lévocabastine a une action rapide. Elle est indiquée préférentiellement au début de la manifestation allergique pour enrayer rapidement les symptômes ou lorsque les symptômes sont marqués.

Le traitement conseil est limité à 5 jours. Sur ordonnance, l’anti-H1 est souvent prescrit durant 1 mois. L’administration de lévocabastine est envisageable avec précaution pendant la grossesse mais n’est pas recommandée en cas d’allaitement en raison de l’absence de données.

Collyres inhibiteurs de la dégranulation des mastocytes

Ces molécules (acide N-acétylaspartylglutamique, cromoglycate, ou lodoxamide) stabilisent la membrane des mastocytes et empêchent ainsi la libération de l’histamine. Leur délai d’action est plus long.

Ils sont à privilégier en prévention de l’allergie ou en relais de l’antihistaminique pour une prise en charge au long cours (pas de durée limite de traitement). Ils sont aussi indiqués dans des formes plus modérées. En règle générale, ces molécules sont déconseillées au cours de la grossesse et de l’allaitement (cromoglycate de sodium : emploi possible durant l’allaitement). Dans tous les cas, lavages oculaires ou collyres, préférer les formes sans conservateurs (voir encadré p. 6).

Traitement oral

Il est nécessaire en cas de signes de rhinite allergique associés.

La Société française d’allergologie recommande une consultation médicale uniquement en cas d’aggravation ou de persistance des symptômes, d’échec du traitement initial, d’effets indésirables.

• Les anti-H1 non anticholinergiques

Peu sédatifs, ils sont privilégiés : en OTC, la cétirizine (Alairgix, Zyrtecset, Humex allergie, Actifed allergie…) ou la loratadine (Loratadine RG, Loratadine Arrow Conseil…). La somnolence, a priori moindre avec la loratadine, est l’effet indésirable le plus fréquent.

Troubles digestifs et sensation de bouche sèche sont possibles. Le traitement est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale. Il est réservé à l’adulte et aux enfants de plus de 6 ans ou de 12 ans selon RCP (galénique non adaptée aux enfants plus jeunes).

• Les anti-H1 anticholinergiques (méquitazine, prométhazine, dexchlorphéniramine, isothipendyl…) ne sont pas recommandés par les spécialistes. Ils peuvent induire une sécheresse des muqueuses, une constipation, des troubles de l’accommodation, des palpitations, une rétention urinaire, une hypotension orthostatique, une somnolence. Des troubles de l’équilibre, une confusion sont également possibles. Ils sont réservés aux adultes et enfants de plus de 6 ans (selon RCP). Ils sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle, de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques. Ils sont déconseillés au premier trimestre de la grossesse et durant l’allaitement.

CONSEILS

• Limiter l’exposition aux pollens : éviter les sorties à la campagne (ou ne pas rouler en voiture fenêtres ouvertes), la tonte de la pelouse et la coupe de fleurs sans masque.

• Limiter l’exposition aux allergènes de la maison (acariens, moisissures) : aérer chaque jour, éviter peluches, moquettes, tapis. Remplacer la literie en plume par du synthétique, utiliser une housse de matelas ou d’oreiller antiacariens…

• Appliquer des compresses d’eau froide sur les yeux en l’absence de solution de lavage pour soulager les symptômes puis les rincer à l’eau du robinet. Ne pas se frotter les yeux.

SÉCHERESSE OCULAIRE

« J’ai les yeux secs et irrités »

Mme K. entre dans l’officine :

– « Je travaille sur ordinateur et j’ai fréquemment les yeux secs et irrités.

– Avez-vous déjà utilisé des larmes artificielles ?

– Oui mais je dois en remettre souvent et je ne les trouve pas très efficaces.

– Je vais vous donner un autre type de substitut lacrymal qui agit plus longtemps. »

SIGNES CLINIQUES

Comme dans le cas d’une conjonctivite irritative, les patients se plaignent de sensation de grains de sable dans les yeux, de picotements, d’irritation. Il peut exister un larmoiement réflexe, une gêne à la lumière, un clignement réflexe des paupières, une gêne au port de lentilles.

ETIOLOGIES

La sécheresse oculaire est due à une diminution de la quantité de larmes et/ou à une évaporation excessive. Parmi les causes de sécheresse oculaires, figurent le vieillissement, la ménopause (facteurs hormonaux), certains médicaments (isotrétinoïne, certains bêtabloquants, anticholinergiques, psychotropes…), certaines pathologies (syndrome de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde et autres maladies du système immunitaire), des facteurs environnementaux (climatisation, ambiance enfumée, vent…), les conservateurs des collyres (chlorure de benzalkonium)…

SUBSTITUTS LACRYMAUX

• Sérum physiologique (chlorure de sodium isotonique)

Il a une action limitée. Dépourvu de lipides, il a une action hydratante de courte durée et nécessite de très fréquentes instillations. Ex : Larmabak*, Larmes artificielles Martinet (flacon* ou unidoses)…

• Polymères

Ce sont des dérivés de la cellulose : carmellose (Celluvisc*) ou povidone (Aqualarm U.P., Nutrivisc Unidoses*, Lacrifluid flacon* ou unidoses, Unifluid*, Refresh*, Dulcilarmes*, Fluidabak*). Ces composés sont capables de retenir l’eau et sont également plus visqueux que le sérum physiologique, d’où une meilleure efficacité et une durée d’action plus longue. Ils sont généralement indiqués dans les sécheresses oculaires modérées.

• Gels de carbomères synthétiques

Ils ont une durée d’action plus longue encore grâce à un effet bioadhésif sur l’œil : Aqualarm Unidose, Systane, Aquarest*, Gel Larmes*, Civigel*… Ils sont indiqués après échec des références précédentes ou dans les formes plus sévères de sécheresse oculaire. Ils peuvent entraîner un flou visuel.

• Acide hyaluronique

Il entraîne moins de gêne que les carbomères car sa viscosité diminue avec le clignement des yeux. Il possède une très forte capacité à retenir l’eau, ce qui permet de maintenir l’hydratation de la surface oculaire : Aqualarm U.P. Intensive, Hyabak, Hyaline, Hylo-Comod, Hylo-Care, Ilast, Vismed*, Hylovis*

EN PRATIQUE

• Le patient gère les instillations en fonction de ses besoins.

• Privilégier des références sans conservateur.

• Choisir entre collyre et gel selon le ressenti du patient : les gels ont une rémanence plus longue.

• Ne pas oublier de réaliser une instillation au coucher pour limiter toute douleur nocturne ou le matin, au réveil.

COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES

Certaines études ont montré l’intérêt des vitamines antioxydantes, des acides gras oméga 3 et de certains oligoéléments (zinc, sélénium) dans la sécheresse oculaire.

Ces compléments alimentaires (Dioptec, Nutrilarm, Lacry +, Alpha Larm…) sont généralement proposés dans les formes les plus sévères de sécheresse oculaire.

CONSEILS

• Humidifier l’air, se tenir éloigné des systèmes de climatisation ou d’un courant d’air.

• Porter des lunettes pour se protéger du vent et du soleil.

• Se forcer à cligner souvent des yeux. Ne pas se frotter les yeux.

• En cas de travail sur l’ordinateur, faire des pauses régulières de 10 à 20 secondes les yeux fermés.

PATHOLOGIES DES PAUPIÈRES

« J’ai une boule sur la paupière »

M. R s’inquiète :

– « J’ai une petite grosseur au niveau de la paupière supérieure depuis quelques jours. Ça ne me fait pas vraiment mal mais ça me gêne esthétiquement.

– Il s’agit probablement d’un chalazion. En attendant de voir votre ophtalmologiste, je vous conseille d’appliquer plusieurs fois par jour des compresses d’eau chaude dessus, puis de masser doucement votre paupière. Avez-vous une solution de lavage oculaire ?

– Non.

– Je vais vous en délivrer pour bien nettoyer l’œil après ces massages. »

ORGELET, CHALAZION ET BLÉPHARITE

Orgelet

Appelé communément compère-loriot, l’orgelet est un petit furoncle généralement dû à un staphylocoque, qui se développe au niveau d’une glande pilosébacée située à la base d’un cil (glandes de Zeiss ou de Moll). Il est favorisé par l’utilisation de produits cosmétiques de mauvaise qualité, une mauvaise hygiène, une inflammation chronique des paupières (blépharite) ou certains troubles de la vision en raison de mouvements palpébraux parfois excessifs (myopie, hypermétropie, astigmatisme…). L’orgelet guérit en principe après une semaine de traitement. Si ce n’est pas le cas, il faut consulter un ophtalmologiste. Des récidives fréquentes doivent amener à rechercher un diabète.

Symptomatologie

L’orgelet se traduit tout d’abord par une simple gêne puis par une douleur franche associée à un gonflement au niveau de la zone atteinte. Au bout de quelques jours, un point jaunâtre purulent apparaît à la base d’un cil et s’évacue ensuite généralement spontanément.

Chalazion

Le chalazion se présente sous la forme d’un petit nodule inflammatoire rouge siégeant dans l’épaisseur de la paupière.

Le plus souvent idiopathique, il est provoqué par l’obstruction d’une glande palpébrale (glande de Meibomius qui sécrète le meibum, phase lipidique du film lacrymal). Dans certains cas, le chalazion est secondaire à une blépharite chronique ou à une conjonctivite allergique.

Il évolue en plusieurs semaines, parfois plusieurs mois et nécessite souvent une incision par l’ophtalmologiste.

Symptomatologie

Les premiers symptômes ressemblent à ceux d’un orgelet.

La paupière est sensible et gonflée, plus ou moins douloureuse. Au bout de quelques jours, une bosse indolore et ferme se forme.

Il n’y a pas de pus. Une douleur est le signe d’une surinfection.

Blépharite

C’est une inflammation du bord libre des paupières.

Les étiologies de la blépharite sont nombreuses. Elles peuvent être provoquées par les germes présents au niveau du visage (rosacée, acné séborrhéique…), par un parasite (Demodex folliculorum), par une pédiculose… La blépharite est souvent chronique, la complication la plus grave étant l’atteinte de la cornée, souvent associée à des troubles visuels.

Symptomatologie

Le patient se plaint d’une gêne, voire d’une sensation de brûlures. Elle se caractérise par une rougeur des paupières avec la présence possible de sécrétions et/ou de squames.

PRISE EN CHARGE A L’OFFICINE

Il peut être difficile de faire la distinction entre un orgelet et un chalazion. Dans tous les cas, la désinfection des paupières et l’application d’un collyre antiseptique peuvent être recommandés. L’évolution doit alors être favorable en 8 à 15 jours.

Orgelet

• Nettoyer les cils et les bords des paupières à l’aide d’une solution oculaire antiseptique (acide borique, acide salicylique…). Recommander éventuellement d’enlever le cil correspondant au follicule infecté à l’aide d’une pince à épiler. Puis appliquer une compresse stérile chaude pour favoriser le drainage du pus.

• Proposer un collyre antiseptique. L’oxyde de mercure (Ophtergine, Oxyde de mercure Chauvin), à des concentrations de 1 à 5 %, est antibactérien. Indiqué dans le traitement des blépharites infectieuses, il peut éventuellement être proposé en cas d’orgelet. Le traitement est limité à 7 jours.

Certaines précautions s’imposent : vérifier l’absence d’allergie aux composés mercuriels et ne pas utiliser sous pansement occlusif.

L’oxyde de mercure est irritant : stopper les applications en cas de gêne excessive. Les pommades à l’oxyde de mercure sont contre-indiquées chez l’enfant (risque d’intoxication par le mercure). Des cas d’eczéma de contact allergique ont été rapportés.

Ces pommades font actuellement l’objet d’une réévaluation de leur rapport bénéfice/risque.

La forme pommade a l’avantage d’être bien adaptée à une application au niveau des paupières. Le temps de contact avec l’œil ou la paupière est plus long. L’inconvénient est qu’elle entraîne une gêne provisoire de la vision plus longue qu’avec un collyre.

Chalazion

• Réaliser des toilettes palpébrales 3 à 4 fois par jour. Elles accélèrent la guérison en favorisant le drainage des sécrétions.

• Appliquer des compresses d’eau tiède pendant quelques minutes sur la paupière afin de réchauffer et liquéfier les sécrétions. Masser ensuite la paupière (30 secondes environ) pour drainer les sécrétions : du bas vers le haut pour la paupière inférieure et inversement pour celle du haut.

• Appliquer un collyre antiseptique pour prévenir le risque de surinfection.

Blépharite infectieuse

• Appliquer des compresses d’eau tiède.

• Réaliser des toilettes palpébrales avec une compresse imprégnée d’un gel nettoyant pour les cils et les paupières type Ilast, Blephagel….

• En cas de surinfection, la prescription d’un antibiotique par l’ophtalmologiste s’avère souvent nécessaire.

Nécessité d’une consultation médicale

• En l’absence d’amélioration des symptômes sous 48 heures pour un orgelet.

• Devant une suspicion de chalazion.

• En cas de pathologie récidivante ou d’immunosuppression.

L’application d’une pommade antibiotique (orgelet) ou renfermant un corticoïde (chalazion) peut être nécessaire. En cas d’échec, l’incision chirurgicale du chalazion est proposée.

CONSEILS

• Ne pas tenter de percer le nodule ou l’orgelet.

• Ne pas proposer de pommade ophtalmique en cas de suspicion de traumatisme oculaire (peut gêner l’examen ophtalmique).

• Pour les porteurs de lentilles, attendre la disparition complète des symptômes avant de les remettre.

• En prévention : conseiller une hygiène systématique des paupières si la pathologie a tendance à récidiver (sérum physiologique ou solution de lavage oculaire sans conservateur). Ne pas s’échanger les produits de maquillage (crayon à paupière, mascara…), le linge de toilette (serviettes…), respecter les mesures d’hygiène pour les porteurs de lentilles (durée d’utilisation des produits d’entretien…). Se laver les mains régulièrement, ne pas se frotter les yeux.

TRAUMATISMES OCULAIRES

« Un bouchon de champagne dans l’œil ! »

M. L. se présente au comptoir, une main sur un œil.

– « J’ouvrais une bouteille de champagne et le bouchon m’a sauté dans l’œil. Ce n’est pas grand chose mais c’est douloureux. Quel collyre me conseillez-vous ?

– Un tel choc n’est pas banal. Je vois d’ailleurs un épanchement de sang.

– Je peux prendre rendez-vous chez mon médecin traitant ce soir.

– Ce n’est pas suffisant, il faut vérifier qu’il n’y a pas de plaie plus profonde. Je vais vous appliquer un pansement oculaire puis allez aux urgences !

Les traumatismes oculaires sont très fréquents malgré les efforts de prévention. Ils touchent principalement les hommes et surviennent au cours d’accidents de travail, bricolage, jeu, rixe, sport…

Le patient se dirige souvent, en premier lieu, chez son pharmacien. Les premiers soins doivent alors être effectués avec prudence et l’orientation vers un service d’urgence ophtalmologique est généralement indispensable.

L’instillation de collyre anesthésique, qui pourrait soulager le malade, est contre-indiquée sans avis médical car elle nuirait à l’examen ophtalmologique et masquerait d’éventuelles complications.

LES CONTUSIONS

Etiologies

Les contusions résultent d’un choc sur l’œil, sans qu’il y ait de plaie. Elles se produisent surtout au cours du sport, principalement lors de jeux de balle comme le baseball, le squash, le tennis, le ping-pong ou le hockey.

Les plus bénignes sont dues à un choc léger (coup de doigt, de poing…). Les plus graves sont dues à un traumatisme violent par une balle de petit diamètre, un club de golf, un pistolet à billes, une carabine à plomb, un bouchon de champagne…

Signes

Suite à l’impact, l’onde de choc atteint toutes les structures de l’œil, pouvant entraîner :

• une hémorragie sous-conjonctivale ;

• un œdème palpébral ;

• un hyphéma (épanchement de sang dans la chambre antérieure)

• un décollement de la rétine.

Dans les cas les plus graves, la douleur est très importante, parfois accompagnée de nausées et/ou de vomissements.

Conduite à tenir

Le patient doit être dirigé vers les urgences ophtalmologiques car il est capital de s’assurer de l’absence de plaie du globe oculaire sous-jacente. L’œil peut être maintenu fermé en plaçant une compresse pliée sur la paupière supérieure et recouverte d’un pansement oculaire maintenu par du sparadrap.

LES PLAIES

L’œil peut facilement être la cible de particules métalliques, minérales ou végétales. Les traumatismes mineurs, sans perforation du globe oculaire, doivent être distingués des traumatismes majeurs, avec perforation du globe. Dans tous les cas, la consultation s’impose et le statut vaccinal tétanique est à contrôler.

Plaies non perforantes

Corps étranger superficiel

De petite taille et de faible énergie cinétique, ce corps étranger ne pénètre pas dans le globe oculaire et reste à la surface : sur la cornée, dans le cul-de-sac conjonctival ou sous la paupière supérieure. Le plus fréquent est la limaille reçue lors du ponçage ou du meulage sans protection oculaire, mais il peut aussi être d’origine végétale.

La gêne fonctionnelle est importante : douleur vive, photophobie, larmoiement, sécrétions sales si le corps étranger est ancien. L’œil est rouge et l’acuité visuelle peut être diminuée. Le traitement médical consiste en l’ablation du corps étranger sous anesthésie locale puis l’instillation de collyre antiseptique ou antibiotique pendant quelques jours, parfois accompagnée d’un pansement oculaire.

Erosion de la cornée

L’abrasion superficielle de la cornée est souvent provoquée par un coup d’ongle, une branche d’arbre, une page de livre ou une griffe de chat. Le patient se présente avec un œil rouge, douloureux. Il se plaint de photophobie, larmoiement et blépharospasme (contraction des muscles de la paupière).

La guérison est obtenue en 48 heures, sans séquelles, si le traitement est bien suivi : administration de collyre antibiotique et cicatrisant et application d’un pansement occlusif. Une récidive due à une réouverture de la plaie mal soignée est possible à distance du traumatisme, avec la survenue de douleurs, au réveil surtout.

Plaies perforantes

Etiologies

Les plaies perforantes sont très fréquentes dans les accidents domestiques (couteaux, ciseaux, fléchettes…), les accidents du travail ou de bricolage (marteau sur un burin, débroussailleuse…) ou les accidents de la voie publique (bris de vieux pare-brise ou de lunettes).

Conduite à tenir

Cette urgence ophtalmologique nécessite une radiologie oculaire et une antibiothérapie générale pour empêcher toute infection. Le traitement est chirurgical. Une coque sur l’œil peut être placée à l’officine, avant le transfert à l’hôpital, pour éviter tout risque de pression sur l’œil atteint.

LES BRÛLURES OCULAIRES

Etiologies

Les brûlures oculaires surviennent généralement au cours d’accidents domestiques (enfants), d’accidents du travail (bâtiment, chimie) ou d’agression. Elles sont provoquées par :

• des agents chimiques : les acides (chlorhydrique, vitriol, acide de batterie, antirouille, décapant…) provoquent des brûlures peu pénétrantes, maximales d’emblée. Les bases (soude, eau de javel, chaux vive, ciment, ammoniaque…) sont plus insidieuses : les brûlures induites sont graves, pénétrantes et évolutives (risque de complications).

• des agents physiques : courant électrique, rayonnement laser, brûlure thermique. Elles sont plus rares et limitées par la fermeture des paupières.

Conduite à tenir

Le geste d’urgence est le lavage des deux yeux pendant une dizaine de minutes. L’eau du robinet, de faible pression, ou le flacon de solution de lavage est dirigé à légère distance de l’œil. Les paupières sont maintenues ouvertes avec les doigts. Pour une prise en charge rapide et efficace aux urgences, le patient doit préciser la nature, la quantité du produit en cause, ainsi que la durée du contact.

Cas particulier du gaz lacrymogène

Les sprays d’autodéfense sont composés d’un gaz à fort pouvoir irritant pour la peau et les muqueuses, associé à des solvants et à un agent propulseur. Ils provoquent une hyperhémie conjonctivale, un larmoiement et une sensation de brûlure oculaire. Selon le temps de contact et la distance d’aspersion, l’ulcération est conjonctivale ou cornéenne.

Le patient ne doit pas se frotter les yeux. Il doit se déshabiller, procèder à un lavage oculaire abondant pendant une dizaine de minutes et se brosser les cheveux. Si les symptômes persistent durant plus de 2 heures, une consultation ophtalmologique s’impose.

L’INTERVIEW Béatrice Cochener Ophtalmologiste au CHU de Brest, présidente de la société française d’ophtalmologie et de l’Académie d’ophtalmologie

« Les dégâts liés aux lentilles sont largement sous estimés »

Le Moniteur : Faut-il systématiquement conseiller des collyres sans conservateur ?

Dr Béatrice Cochener : Oui, dans la mesure du possible. Cela permet en effet de limiter le risque infectieux mais également d’éliminer le risque inflammatoire et allergisant des conservateurs, et particulièrement du chlorure de benzalkonium. C’est en altérant la surface oculaire que les conservateurs modifient la réponse au traitement. Deux systèmes permettent d’éviter la présence de conservateurs : la forme unidose et le système Abak constitué d’un embout à ressort. Il faut toutefois vérifier pour chacun de ces conditionnements la facilité d’administration et choisir celui qui convient le mieux au patient, notamment en fonction de la mobilité de ses doigts.

La démocratisation du port de lentilles a-t-elle entraîné une augmentation des plaintes des patients ?

Les dégâts liés au port de lentilles sont largement sous-estimés. C’est pourquoi il est essentiel de faire prendre conscience aux patients du risque infectieux posé par le port de lentilles. Il faut, à chaque délivrance de produit d’hygiène pour les lentilles et pour tout conseil concernant un porteur de lentilles, rappeler les règles d’hygiène et préférer les petits conditionnements pour éviter le développement de germes. Il faut également sensibiliser les patients au fait que les infections sont souvent découvertes à un stade parfois grave car leur sensibilité cornéenne est diminuée par le port de lentilles.

Où s’arrête le conseil à l’officine ?

Un patient qui vient vous voir à l’officine pour un conseil en ophtalmologie peut être pris en charge tant qu’il ne présente pas de signes de gravité. En effet, une baisse de la vision, une photophobie ou des symptômes aigus doivent systématiquement entraîner une orientation vers un ophtalmologiste, d’autant que le parcours de soin n’impose pas de visite préalable à un médecin généraliste. Il en est de même si le patient n’a pas observé d’amélioration de ses symptômes après 48 à 72 heures de traitement.

L’essentiel à retenir

A dire aux patients

Lavage oculaire

• Se laver les mains ;

• procéder à l’instillation en jet en inclinant la tête ;

• Attendre 15 minutes avant d’instiller un collyre.

Instillation d’un collyre

• Se laver les mains ;

• agiter le flacon ;

• déposer la goutte dans le cul-de-sac conjonctival en pinçant la paupière inférieure entre le pouce et l’index ;

• fermer doucement l’œil pour répartir le collyre ;

• appuyer une minute sur le coin interne de l’œil ;

• attendre 15 minutes entre 2 instillations de collyres.

Toilette palpébrale

• Nettoyer les cils et les bords des paupières à l’aide d’une solution de lavage oculaire ou de sérum physiologique, en massant à l’aide d’une compresse.

Hygiène des lentilles

• Hygiène : se laver les mains avant toute manipulation, utiliser une solution adaptée pour le rinçage (pas d’eau du robinet, d’eau minérale, ou de salive) ;

• emploi : garder les lentilles souples au maximum 8 heures par jour, respecter leur durée de vie, éviter leur port à la piscine, sous la douche ;

• utilisation de cosmétiques : appliquer le maquillage après la pose des lentilles et les retirer avant le démaquillage, choisir des produits hypoallergéniques ;

• retirer les lentilles pendant toute la durée d’un problème ophtalmologique.

Orgelet et chalazion

• Orgelet (petit furoncle au niveau d’une glande pilosébacée à la base d’un cil) : solution oculaire antiseptique pour nettoyer les cils et les bords libres des paupières + compresse stérile chaude + collyre ou pommade antiseptique.

• Chalazion (petit nodule inflammatoire rouge siégeant dans l’épaisseur de la paupière) : toilettes palpébrales + massage avec une compresse d’eau tiède + collyre ou pommade antiseptique.

* Produits remboursés.

EXPERT : DR BERTRAND ARNOUX, OPHTALMOLOGISTE, CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

INFOS CLÉS

• Conjonctivite bactérienne : œil rouge, pus dans l’angle interne, paupières collées ;

• Conjonctivite virale : œil rouge, écoulement clair, paupière gonflée, notion d’épidémie ;

• Le traitement d’une conjonctivite, qu’elle soit virale ou bactérienne, repose sur le lavage au sérum physiologique et l’administration d’un collyre antiseptique.

TESTEZ-VOUS

1 – Devant une conjonctivite bactérienne, chez un porteur de lentilles, vous conseillez :

a) un collyre antibiotique

b) un collyre corticoïde

c) un collyre antiseptique

d) une consultation médicale

2 – Vous pensez à une conjonctivite virale si :

a) les paupières sont collées au réveil

b) les paupières sont gonflées

c) les sécrétions sont jaunes

d) le patient souffre également d’un rhume

Réponses : 1 – d) 2 – b) et d).

EXPERT : DR BERTRAND ARNOUX, OPHTALMOLOGISTE, CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

La kératoconjonctivite phototraumatique

Aussi appelée « ophtalmie des neiges » ou « coup d’arc », cette inflammation de la cornée est due à une exposition aux UV sans protection oculaire efficace. Les signes cliniques, douleur, photophobie, rétractation des paupières et larmoiement apparaissent après un temps d’exposition variable : de quelques minutes (soudure à l’arc) à quelques heures (ski ou mer).

Les yeux doivent être mis au repos dans la quasi-obscurité pendant plusieurs heures (compresse et sparadrap pour les maintenir fermés). Dans la journée, instiller un collyre anti-irritation et une pommade à base de vitamine A. Un antalgique de type paracétamol calme la douleur. Si les symptômes ne disparaissent pas en 12 à 24 heures, il faut consulter un ophtalmologiste. Le port de lunettes de soleil fermées sur les côtés est indispensable les jours suivants.

INFOS CLÉS

• Eviter si possible l’agent irritant.

• Conseiller un lavage oculaire systématique en jet, de préférence à l’aide d’un produit unidoses.

• Y associer un collyre anti-irritation sans vasoconstricteur 2 à 4 fois par jour.

QU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?

Mlle F. se présente à l’officine avant ses vacances :

– Bonjour, je voudrais des produits de premier soin pour emporter en République dominicaine : pansements, antiseptiques, lopéramide, du produit pour mes lentilles, etc.

– Vous a-t-on prescrit un médicament contre le paludisme ?

– Oui, de la Nivaquine mais je l’ai déjà.

– Entendu, je vous prépare tout cela pour demain.

Le pharmacien a-t-il bien répondu ?

Non, la chloroquine se transforme en métabolites qui, sécrétés dans les larmes, peuvent colorer les lentilles. Si la patiente refuse de porter des lunettes pendant ses vacances, il faut appeler le médecin pour l’avertir du port de lentilles de la patiente et voir avec lui s’il veut changer son traitement antipaludéen.

EXPERT : DR SERGE DOAN, OPHTALMOLOGISTE, HÔPITAL BICHAT (PARIS)

Attention aux conservateurs des collyres !

Les conservateurs présents dans les collyres et les gels ophtalmiques peuvent être à l’origine de phénomène d’hypersensibilité et/ou de toxicité. Le chlorure de benzalkonium, en particulier (le plus fréquemment employé), a montré des effets toxiques en laboratoires, lors d’expérimentations et d’études cliniques : instabilité du film lacrymal, perte des cellules à mucus, perturbation de la barrière de l’épithélium cornéen… Les mécanismes responsables ne sont pas complètement élucidés. Il est préférable, au vu de ces données et lorsque c’est possible, de privilégier des solutions sans conservateur.

INFOS CLÉS

• Les collyres anti-H1 (lévocabastine) sont à conseiller en cas de symptômes marqués et/ou au début de la réaction allergique.

• Les collyres inhibant la dégranulation mastocytaire sont à privilégier pour prévenir et limiter la réapparition des symptômes.

• La prise d’un antihistaminique par voie orale est parfois justifié.

Testez-vous

Vrai ou faux ?

a) Le cromoglycate de sodium soulage plus vite que la lévocabastine

b) Privilégier les formules sans conservateur

c) La durée d’un traitement par lévocabastine en conseil est de 5 jours

d) En cas de conjonctivite allergique, les lavages oculaires sont inutiles

Réponses. a) : faux ; b) : vrai ; c) : vrai ; d) : faux.

EXPERT : DR SERGE DOAN, OPHTALMOLOGISTE, HÔPITAL BICHAT (PARIS)

Testez-vous

a) Les conservateurs (chlorure de benzalkonium…) peuvent induire une sécheresse oculaire

b) Il faut attendre au moins 3 heures entre chaque instillation de substituts lacrymaux

Réponses. a) : vrai b) : faux.

EXPERT : DR SERGE DOAN, OPHTALMOLOGISTE, HÔPITAL BICHAT (PARIS)

INFOS CLÉS

• Orgelet : nettoyer les cils à l’aide d’une solution de lavage oculaire antiseptique puis proposer un collyre ou une pommade antiseptique.

• Chalazion et blépharite infectieuse : réaliser une toilette palpébrale 3 à 4 fois par jour. Nettoyer ensuite l’œil et la paupière avec une solution oculaire antiseptique.

QU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?

Une jeune fille que vous ne connaissez pas vous présente une ordonnance émanant d’un dermatologue et mentionnant : Dermonettoyant Lacté Avène antirougeur et Uriage Isothéliale soin anti-rougeurs. Au fil de la discussion, elle vous indique qu’elle souffre de rosacée.

– Pourriez-vous également me donner un collyre ? Les yeux me piquent et me gênent depuis 2 jours et cela m’arrive régulièrement. Il paraît que c’est dû à la rosacée mais j’aimerais éviter que cela ne revienne tout le temps.

– Il n’y a pas de solution préventive. Je ne peux que vous conseiller une hygiène palpébrale quotidienne quand cela vous arrive.

Le pharmacien a-t-il bien répondu ?

Oui et non. Il est vrai que l’hygiène palpébrale quotidienne pendant 2 à 3 semaines est l’élément clé du traitement de la blépharite chronique pour favoriser l’élimination du sébum. En revanche, le pharmacien aurait pu préciser à sa patiente que le fait de pratiquer régulièrement des soins des paupières (2 fois par semaine par exemple) pouvait limiter les risques de récidive.

EXPERT : DR BERTRAND ARNOUX, OPHTALMOLOGISTE, CHARLEVILLE-MÉZIÈRES

L’urgence ophtalmique

Devant l’un de ces symptômes, une consultation immédiate chez un ophtalmologiste ou aux urgences hospitalières est indispensable :

• baisse brutale de l’acuité visuelle ;

• douleur intense (risque d’atteinte de la cornée ou de crise de glaucome aigu) ;

• photophobie (signe d’atteinte nerveuse) ;

• traumatisme ;

• impression d’éclairs lumineux, de voile noir (signe de décollement de la rétine).

Le cercle périkératique est un signe d’urgence à reconnaître : hyperhémie plus marquée autour de l’iris. Il traduit une atteinte sévère du segment antérieur de l’œil (glaucome aigu par fermeture de l’angle, uvéite, kératite).

INFOS CLÉS

• Contusions et plaies : appliquer un pansement occlusif.

• Brûlures : lavage oculaire abondant.

• Puis, dans tous les cas, consultation ophtalmologique en urgence.

L’hémorragie sous-conjonctivale

• D’apparition brutale, l’hémorragie sous-conjonctivale se traduit par une rougeur en nappe, unilatérale, sans douleur, due à une fragilité capillaire. Angoissante pour le patient, elle est pourtant sans gravité et disparaît spontanément en une quinzaine de jours. L’interrogatoire du patient est important pour détecter un microtraumatisme par corps étranger, une prise d’aspirine ou d’anticoagulants (vérifier l’INR), une HTA ou un diabète, nécessitant une consultation médicale.

• Aucun traitement n’est nécessaire. Le patient doit simplement être rassuré du caractère bénin de ce symptôme. Pendant toute la durée de l’hémorragie, il est préférable d’éviter la prise de salicylés.

Testez-vous

Une femme a reçu une goutte d’eau de javel dans l’œil. Vous lui conseillez :

a) un collyre anti-irritation

b) de se rendre aux urgences

c) un lavage oculaire abondant

d) un pansement occlusif pendant une semaine

Réponse : b) et c)

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