POUR UNE MEILLEURE OBSERVANCE DES TRAITEMENTS ANTIDIABÉTIQUES - Le Moniteur des Pharmacies n° 2874 du 19/03/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2874 du 19/03/2011
 
LE MURET (HAUTE-GARONNE)

Reportage

Auteur(s) : Myriem Lahidely

Mathieu Davasse, doctorant en pharmacie, reçoit et accompagne les patients diabétiques de la Pharmacie de l’Europe. L’objectif ? Les aider à mieux observer leur traitement et à acquérir des règles d’hygiène de vie. Une initiative mise en place par Hélène de Graeve, titulaire de l’officine, qui œuvre au sein du réseau Diamip depuis dix ans.

Le diabète est une maladie silencieuse où l’observance à long terme est donc essentielle. » Hélène de Graeve compte parmi ses patients une soixantaine de diabétiques. Un nombre toujours en hausse. « Beaucoup de malades n’ont pas une bonne observance de leur traitement et il faut parfois tout leur expliquer. » Pour les aider, son officine a mis en place depuis avril 2010 un « diagnostic éducatif » sous forme d’entretiens volontaires. L’accompagnement des patients pour une meilleure observance dans les diabètes de type 1 et 2 a été confié il y a quelques mois à, Mathieu Davasse, qui présentera en juillet sa thèse sur ce sujet. Ce dernier reçoit les patients dans une pièce à part. « Au comptoir, ils n’osent pas s’exprimer. Il faut s’isoler pour qu’ils acceptent de s’ouvrir. On découvre alors des comportements inadaptés et des croyances déconcertantes à propos de la maladie », observe-t-il.

Des questions sur les traitements

Les entretiens durent de vingt minutes à une heure, au rythme d’un par mois durant deux à trois mois, pour faire le point, au moment de renouveler l’ordonnance. Le patient connaît-il bien sa maladie et son traitement ? Sait-il ce qu’il faut faire avec un diabète ? Fait-il son autocontrôle glycémique quotidien ? A-t-il une activité sportive ? Mange-t-il correctement ? Le questionnaire élaboré préalablement à la mise en œuvre du « diagnostic éducatif » est toutefois enrichi au fil des entretiens selon les interrogations des patients.

La demande vient rarement des patients. La plupart du temps, c’est le pharmacien qui leur propose ces entretiens, car les patients n’osent pas ou ne veulent pas déranger. « Il y a pourtant beaucoup de questions sur l’alimentation. Les patients ne savent pas ce qu’ils peuvent manger et ils sont souvent perdus par rapport aux médicaments », explique Mathieu Davasse. Ils ont également entendu parler de Mediator et de l’Afssaps qui a retiré des molécules du marché. « Ils me demandent si leur médicament est dangereux, s’il est efficace, s’il y a un risque. Il faut aussi adapter les entretiens en fonction de l’actualité… et apporter une réponse à leur doute », constate-t-il. Les entretiens, qui favorisent donc un échange de qualité, ont permis à Mathieu Davasse de renvoyer des patients vers leur médecin pour vérifier le traitement. « L’un d’eux se plaignait de nausées alors qu’il était sous Victoza. Il ne savait évidemment pas que c’est l’un des effets secondaires. Le médecin lui a prescrit un autre traitement », relate le jeune doctorant. Idem pour un patient diabétique mis sous Actos alors qu’il a des problèmes cardiaques : « Son généraliste a modifié le traitement en lui prescrivant une molécule équivalente. J’ai expliqué au patient les risques présentés par la glitazone. Il est allé voir son diabétologue qui lui a prescrit une molécule adaptée. »

Des fiches pour chaque traitement

Pour les aider à mieux comprendre les traitements, l’officine met à leur disposition des fiches de consensus sur les différentes classes de médicaments (incrétines, sulfamides, biguanides, glitazone, inhibiteurs de la DDP-4…) sur lesquelles se sont penchés tous les professionnels de santé concernés par le diabète. Ces fiches ont été élaborées par le groupe de travail « gestion du traitement au quotidien » du réseau Diamip (diabète Midi-Pyrénées) auquel adhère depuis dix ans la titulaire de l’officine, Hélène de Graeve. Huit fiches ont été rédigées pour détailler les principaux effets secondaires, les précautions à prendre ou les posologies de Victoza, Byetta, Diamicron, Glucophage, Actos… incluant aussi une case pour d’éventuelles remarques ou questions. « Les patients ne voient leur médecin que tous les trois mois, voire tous les six mois, pour renouveler l’ordonnance. Il faut donc leur expliquer les caractéristiques de la maladie, ses conséquences à long terme, la surveillance à mettre en place et la façon d’administrer un médicament, spécifique à chaque molécule, observe Mathieu. Le médecin n’a plus le temps de le faire. » Ce dernier a également mis au point quelques fiches sur les thèmes abordés au comptoir ou en entretien, comme le soin des pieds, sujets à infection – comment les nettoyer, que faire en cas de plaies… –, le suivi de l’hypertension, les complications du diabète, les soins dentaires… et met à disposition un livre sur les activités physiques, indispensables pour aider à réguler le sucre.

L’officine a par ailleurs testé pendant un an le logiciel Nutri-Éduc, prêté par le CHU de Toulouse, pour conseiller les patients sur l’alimentation à partir de questions-réponses ludiques. « Nous avons eu de bons retours des patients. Ce logiciel les a aidés à mieux organiser leurs menus en trouvant le bon équilibre », explique Mathieu Davasse. L’expérience menée de concert par dix officines a été arrêtée, mais l’adjoint continue de conseiller les patients en navigant sur Internet où le logiciel a été mis en ligne (nutrieduc.fr).

Une diminution de l’hémoglobine glyquée

Sur la soixantaine de diabétiques qui fréquentent la Pharmacie de l’Europe, seule une dizaine a refusé le « diagnostic éducatif ». « Soit par manque de temps, soit parce qu’ils savent déjà tout, soit parce que leur médecin dit qu’il ne voit pas ce que vient faire le pharmacien dans ce suivi », confie Mathieu Davasse. Qu’à cela ne tienne. Depuis cinq à six mois, 30 à 40 % des patients conseillés ont changé leur façon de prendre leur traitement et l’hémoglobine glyquée de certains d’entre eux s’est améliorée de 0,5 %. L’officine fidélise également des personnes qui viennent par le bouche-à-oreille, s’assurant ainsi une forme de rentabilité. Le but est d’atteindre les 100 patients et de mettre en place le même service pour l’asthme, la BPCO ou l’hypertension. Un objectif « difficile à tenir pour l’instant, car cela demande une volonté de la part des patients et plus de temps à l’équipe », remarque Hélène de Graeve. L’idéal serait que les médecins conseillent à leurs malades une séance à la Pharmacie de l’Europe. « Mais ce n’est pas pour demain », ironise l’adjoint. Dans le cadre de sa thèse, ce dernier va cependant leur demander ce qu’ils pensent de cette démarche. Il interrogera aussi les patients. Mine de rien, Mathieu Davasse lors de sa soutenance va démontrer que l’hygiène et une bonne observance des traitements peuvent retarder des soins plus lourds.

Le parcours d’Hélène de Graeve

Obtention du diplôme : 13 juillet 1973 à la faculté de Montpellier.

Installation : 1980.

Diplômes universitaires : orthopédie, immunologie, médecine nucléaire.

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Un réel échange avec le patient.

• Etre reconnu comme un professionnel compétent.

• L’incitation à se perfectionner pour mieux travailler.

• L’implication d’un membre de son équipe reconnu comme personne ressource par sa clientèle.

• La gratification d’un travail reconnu parce qu’il a été élaboré et validé de façon collégiale.

Les difficultés

• La démarche demande beaucoup d’énergie.

• Elle est très chronophage, tant à l’officine qu’en dehors (par exemple, deux ans ont été nécessaires pour concevoir les fiches).

• La difficulté de trouver un consensus avec le corps médical.

Les conseils

• Constituer un groupe de travail et le faire vivre.

• S’armer de patience et de courage.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

La mise en place de ce nouveau service a été un moyen de fédérer l’équipe et de la redynamiser. Tous y ont trouvé un moyen de s’extraire de leurs occupations quotidiennes et de varier les centres d’intérêt. Chacun des membres de l’équipe peut être amené à prendre le relais en l’absence de l’adjoint référant, puisque tout le monde a pris en main le dispositif, considérant cette initiative comme un travail d’équipe. Les fiches élaborées sont très abordables. Doublées d’un protocole bien intégré, elles permettent de prendre le relais pour expliquer au client les implications de sa maladie sur sa prise en charge.

LE PLUS ET LE MOINS DE SON MÉTIER

• Ce qu’elle aime le plus : le contact avec les clients et les patients, le conseil et les explications qu’elle peut développer sur les médicaments.

• Ce qu’elle aime le moins : le temps passé à régler toutes les questions administratives, la paperasse…

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !