L’ULCÈRE DE JAMBE VEINEUX - Le Moniteur des Pharmacies n° 2868 du 12/02/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2868 du 12/02/2011
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme D. souffre d’une plaie à la jambe qui ne cicatrise pas

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Madame Françoise D., 81 ans.

Par quel médecin ?

Dr Yves P., son médecin traitant.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui, il n’y a pas de règles de délivrance particulières.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme D. est une patiente connue de la pharmacie, traitée pour une hypertension artérielle modérée. Elle achète souvent Daflon pour soulager son insuffisance veineuse.

Quel était le motif de la consultation ?

Mme D. se rendait chez son médecin pour sa consultation bimestrielle. C’est à cette occasion qu’elle a montré sa plaie au médecin.

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin lui a expliqué qu’en raison de son insuffisance veineuse, toute plaie à la jambe aura du mal à cicatriser. L’infirmier viendra faire les soins.

Le médecin souhaite la revoir dans trois semaines pour suivre l’évolution de la plaie.

Vérification de l’historique patient

La patiente est sous Mono-Tildiem 200 pour son hypertension artérielle.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

La prescription comporte :

• des pansements hydrocolloïdes absorbants stériles autoadhésifs (Hydrocoll). Ils permettent le maintien d’un milieu humide favorisant la cicatrisation, absorbent les exsudats et évitent la formation d’odeurs ;

• un hydrogel à base d’alginate de calcium (Purilon gel) qui facilite la détersion de la plaie et par conséquent sa cicatrisation ;

• des bandes extensibles destinées à maintenir le pansement primaire ;

• de la lidocaïne topique à 2 % (Xylocaïne) à appliquer avant la détersion mécanique pour atténuer la douleur. Toutefois, il est étonnant que le médecin ait prescrit la forme urétrale et il faudra l’appeler pour confirmer son choix ;

• du sérum physiologique pour irriguer la plaie et ainsi éliminer l’hydrogel avant de renouveler le pansement.

Qu’en pensez-vous

Le choix de la dimension du pansement en 10 x 10 cm est-il adapté à la plaie de MmeD., qui fait 3 cm de diamètre ?

1) Oui

2) Non, ce pansement est trop grand

Le pansement doit dépasser d’au moins 3 cm des berges de la plaie. La plaie doit faire au maximum 4 cm de diamètre. Le pansement est donc bien adapté (réponse 1).

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui et non ! D’après les recommandations de la HAS, les soins locaux de l’ulcère doivent comporter un lavage de la plaie à l’eau savonneuse ou au sérum physiologique, un séchage, une détersion mécanique (douleur atténuée par l’application de topiques anesthésiques), le maintien de la plaie en milieu humide.

• La prescription d’un hydrogel associé à un pansement hydrocolloïde est adaptée au traitement de l’ulcère.

Le choix du pansement sera régulièrement réévalué en fonction du stade de la cicatrisation.

• En revanche, la prise en charge d’un ulcère de jambe veineux doit comporter un traitement étiologique par compression à haut niveau de pression.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Oui. La prescription de Xylocaïne gel urétral 2 % est hors AMM dans cette indication. Le pharmacien constate également que la patiente ne détient pas d’ordonnance pour la compression veineuse. Il décide donc d’appeler le médecin.

Après vérification auprès de la patiente, celle-ci retrouve l’ordonnance dans son sac à main. Elle pensait qu’il s’agissait de l’ordonnance pour l’infirmier !

Ces trois types de bandes sont adaptés à la compression dans le cadre d’un ulcère veineux (réponses 1, 2 et 3). Le choix est réalisé en fonction du patient (mobilité, aptitude à assurer seul ses soins, fréquence des pansements…).

Appel au prescripteur

– Bonjour Docteur P., je suis le pharmacien de Mme D. Je m’étonne qu’elle n’ait pas de prescription de bandes de contention ?

– Bonjour ! Je lui ai pourtant bien donné l’ordonnance pour des bandes de compression à faire poser par l’infirmier chaque matin.

– Ah ! je vais voir cela avec elle. J’ai une autre question concernant la prescription de Xylocaïne gel urétral. Vous me confirmez que c’est bien ce produit que vous souhaitez utiliser ?

– Tout à fait, je préfère cet anesthésique local à d’autres car son délai d’action est plus court. Il peut être appliqué par l’infirmier juste avant le soin.

– Entendu, je ne le savais pas ! Je vous remercie Docteur.

Bonne journée !

Qu’en pensez-vous

Quelles bandes peuvent être utilisées dans le traitement de l’ulcère veineux ?

1) Les bandes élastiques amovibles en tricot type Biflex

2) Les bandes élastiques amovibles cohésives type Cohéban

3) Les bandes adhésives type Elastoplaste

• L’ordonnance comporte ici la prescription de 2 bandes Biflex Plus n° 17 Forte Pratic 10 cm × 3 m, à faire poser quotidiennement par l’infirmier jusqu’à guérison. Les deux bandes sont utilisées pour l’ulcère, l’une est posée lorsque l’autre est lavée. La jambe sans ulcère porte de la compression type bas de contention de classe II en prévention. Mme D. a déjà eu une prescription de bas de classe II mais elle ne les portait pas régulièrement.

• Concernant Xylocaïne gel urétral à 2 %, ce médicament est indiqué dans l’anesthésie locale en urologie. Toutefois il est fréquemment prescrit dans la prise en charge de la douleur lors de la détersion mécanique des plaies nécrotiques. Emla crème (lidocaïne + prilocaïne) est le seul médicament ayant l’indication « anesthésie locale des ulcères de jambe » mais les prescripteurs lui préfèrent parfois la lidocaïne à 2 % car Xylocaïne gel urétral 2 % peut être appliqué par l’infirmier en début de soin alors qu’Emla crème doit être appliquée une demi-heure avant le soin.

Le pharmacien délivre Xylocaïne pour une indication hors AMM ?: le gel de Xylocaïne urétral ne sera théoriquement pas pris en charge par l’assurance maladie.

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Le changement du pansement tous les 3 jours est adapté à ce type de pansement utilisé en phase de détersion.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

L’infirmier devra surveiller l’évolution de la plaie et contacter le prescripteur si son évolution n’est pas favorable (signes d’infection, dermite périlésionnelle).

QUELS CONSEILS DONNER ?

Il s’agit d’une première délivrance de ce type de traitement.

Utilisation des produits

• La bande de compression sera posée par l’infirmier si possible avant le lever de la patiente ou après 20 min de repos allongé. La taille doit être adaptée à la longueur et au volume de la jambe (en général 3 à 3,5 m de long et 8 à 10 cm de large). La peau peut être protégée si nécessaire, ici, grâce aux bandes extensibles Nylex.

La pose de la bande Biflex débute à la base des orteils, le pied maintenu à l’équerre, en réalisant au minimum 3 tours au pied. La compression doit être dégressive, maximale au dos du pied et à la cheville, plus faible à la jambe. La force de compression est déterminée par le degré d’étirement et le chevauchement de la bande (plus les spires se chevauchent, plus la compression est élevée). Il faut veiller à appliquer un étirement constant en s’aidant des marques d’étalonnage imprimées sur les bandes (rectangle ou ovale qui se déforment par étirement en carré ou en rond) : on recouvre de la moitié aux deux tiers le tour précédent, avec un chevauchement plus important au dos du pied et à la cheville qu’en haut du mollet pour conserver le caractère dégressif de la compression. La bande doit recouvrir le dessin d’étalonnage du dessous. On termine l’enroulement à quelques centimètres de distance du pli du genou sans superposer les derniers tours de spire en cas d’excès de longueur.

La patiente doit veiller à garder sa bande de compression du lever au coucher.

• Si le gel coule en dehors du pansement, celui-ci doit être changé dès que possible. Le gel en contact avec le tissu périlésionnel peut le ramollir et retarder la cicatrisation. L’ancien pansement sera retiré, la plaie rincée avec du sérum physiologique pour éliminer les résidus de gel puis séchée. Mme D. pourra simplement appliquer un autre pansement hydrocolloïde pour maintenir la plaie en milieu humide en attendant la visite de l’infirmier.

Quand commencer le traitement ?

Le médecin ayant déjà mis en place un pansement lors de la consultation, le prochain soin devra être réalisé par l’infirmier dans 3 jours. La bande de compression sera posée par l’infirmier demain matin.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

Le patient pourra constater que son ulcère cicatrise au fur et à mesure des soins ; toutefois seuls l’infirmier et le médecin seront aptes à déterminer si la plaie est bien cicatrisée et si les soins peuvent être interrompus afin d’éviter une récidive précoce.

Effets indésirables

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Les allergies à la Xylocaïne gel urétral 2 % sont rares mais possibles. Attention à la macération avec l’hydrocolloïde ainsi qu’au traumatisme de la peau périlésionnelle lors de son retrait ! Attention également à l’eczéma de contact au pansement !

Quand contacter le médecin ?

La patiente doit être très vigilante concernant l’apparition de nouvelles plaies aux membres inférieurs et contacter son médecin rapidement en cas de récidive.

Demande de la patiente

– Il me faudrait aussi un flacon de désinfectant. C’est toujours utile à la maison ! La preuve, j’en ai eu besoin pour désinfecter mon ulcère avant d’aller voir le médecin.

– Il peut s’avérer délétère d’utiliser un antiseptique sur une plaie chronique comme votre ulcère. Les antiseptiques sont déconseillés car ils freinent la cicatrisation et n’ont aucune action démontrée sur la prévention des infections.

– Ah bon ? Je ne savais pas que je ne pouvais pas l’utiliser sur mon ulcère.

– Je vais vous délivrer un flacon de chlorhexidine aqueuse. Mais souvenez-vous bien que les antiseptiques doivent être réservés aux plaies superficielles et de faible étendue.

– Très bien. De toute façon, c’est l’infirmier qui va s’occuper de tout ça maintenant.

CONSEILS COMPLEMENTAIRES

• Vérifier que la vaccination antitétanique est à jour.

• Faciliter le retour veineux par les techniques passives : surélever les jambes, la position des membres doit observer un angle entre 10° et 30° par rapport au plan cardiaque et peut être obtenue par surélévation des pieds du lit. Conseiller également la pratique quotidienne d’exercice physique (marche, vélo).

• La patiente doit ôter la bande de compression le soir ; vérifier que le passage de l’infirmier est bien prévu chaque matin.

• La patiente peut se doucher avec le pansement hydrocolloïde car il est imperméable à l’eau.

PATHOLOGIE

L’ulcère de jambe veineux en 6 questions

L’ulcère de jambe veineux correspond à une plaie, sous le genou, ne cicatrisant pas depuis plus d’un mois, liée à une pathologie préexistante à l’origine d’une hyperpression veineuse.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• La majorité des ulcères de jambe ont une étiologie vasculaire par hypertension veineuse ambulatoire ou par insuffisance artérielle. Les ulcères sont d’origine veineuse dans près de 65 % des cas. L’ulcère se forme souvent après un traumatisme, même infime. La stase sanguine entraîne des troubles trophiques responsables de la perte de substance.

• La présentation clinique de l’ulcère veineux pur est assez stéréotypée. Il s’agit d’un ulcère à fond propre ou fibrineux, exsudatif en l’absence de contention ou de repos au lit. L’ulcère veineux présente des douleurs modérées en dehors des poussées d’extension ou d’infection. La perte de substance cutanée est généralement superficielle (dermoépidermique). L’extension ne se fait pas en profondeur mais en superficie. Les berges sont déchiquetées. La périphérie est inflammatoire ou eczématisée, phénomènes majorés par l’œdème de stase et liés à l’insuffisance veineuse. L’ulcère périmalléolaire est unique. Situé plus haut, il ne dépasse pas le tiers inférieur du mollet, plus bas il respecte le dos du pied et peut être multiple et bilatéral.

• Les ulcères correspondent à un stade clinique sévère de l’insuffisance veineuse chronique (stade 6 de la classification CEAP). Les autres manifestations cliniques sont la sensation de jambe lourde associée à la présence au niveau des jambes de varices, d’eczéma de stase, de capillarite de stase (dermite ocre liée aux dépôts d’hémosidérine), d’atrophie blanche liée à l’obstruction des petits vaisseaux dermiques, de capillarite hypertrophique (multiples petits vaisseaux visibles sur le dos du pied).

• Une évolution supérieure à 4 à 6 semaines est nécessaire pour retenir le caractère chronique de ces ulcères qui sont aussi récidivants. Ils engendrent souvent de nombreux soins médicaux et paramédicaux, parfois sur plusieurs mois, et détériorent la qualité de vie des patients.

2 AVEC QUELLES MALADIES NE PAS CONFONDRE ?

Les autres étiologies les plus fréquentes des ulcères chroniques de jambe sont :

– l’ulcère artériel, qui est un ulcère hyperalgique, à bords nets à « l’emporte-pièce » creusant rapidement, situé au niveau du pied ou des orteils. Au niveau de la jambe, il apparaît « suspendu » (isolé au milieu du mollet). Il est satellite d’une artérite des membres inférieurs qui se traduit cliniquement par des douleurs de décubitus importantes obligeant le patient à dormir la jambe pendante (responsable d’œdème). Les pouls périphériques sont faibles ou abolis ;

– l’angiodermite nécrotique qui est un ulcère superficiel nécrotique hyperalgique à bords livédoïdes, extensif en carte de géographie au niveau de la face antéro-externe de la jambe. Elle fait suite à un traumatisme minime chez un patient hypertendu ou diabétique. Elle correspond à un infarctus artériolaire favorisé par les variations tensionnelles ;

– le mal perforant plantaire diabétique, qui est un ulcère hyperkératosique de cause neurologique, localisé le plus souvent au niveau des points d’appui plantaire. Il est souvent indolore car il est satellite d’une neuropathie évoluée.

• Les autres causes d’ulcères sont plus rares. Ils sont alors associés à des vasculites, à des phénomènes emboliques, à l’insuffisance rénale chronique, ou correspondent à des tumeurs ou à des infections (mycobactéries). Enfin, ils peuvent avoir une origine médicamenteuse (hydroxyurée) ou génétique.

3 COMMENT EST PORTE LE DIAGNOSTIC ?

• Le diagnostic est évoqué sur les données cliniques, les examens ultrasonographiques et l’interrogatoire du patient. Le médecin interroge le patient sur tout élément orientant vers une origine veineuse de l’ulcère : antécédents de varices, thrombose veineuse profonde ou superficielle, chirurgie des membres inférieurs.

• Les caractéristiques, la topographie et l’aspect de la peau périulcéreuse sont essentiels (reflet des complications cutanées de la maladie vasculaire sous-jacente) mais nécessitent d’être confirmés par la réalisation d’examens complémentaires ;

– l’écho-Doppler veineux profond et superficiel recherche des séquelles de phlébite, met en évidence une thrombose ou un reflux, précise la topographie de l’incontinence valvulaire ou des perforantes afin de connaître l’origine de l’insuffisance veineuse chronique. Il est essentiel pour guider la suite de la prise en charge phlébologique du trouble trophique (compression, sclérose, éveinage…) ;

– l’index de pression systolique (IPS) : les pouls périphériques bien perçus ou un index de pression systolique normal, c’est-à-dire compris entre 0,9 et 1,3 confirment la composante veineuse pure. En dehors de ces valeurs, un écho-Doppler artériel doit être effectué pour préciser l’artériopathie. Un IPS compris entre 0,7 et 0,9 est en faveur d’une étiologie mixte à prédominance veineuse. Il est primordial d’écarter une composante artérielle qui modifie la thérapeutique, en particulier la mise en place d’une compression.

4 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

• L’hyperpression veineuse est à l’origine de l’ulcère. Tout antécédent personnel de phlébite ou familial de varices superficielles constitue un facteur de risque. Un dysfonctionnement du retour veineux, engendré notamment par une obésité, une compression abdominale (néoplasie) ou un déficit de la pompe musculaire du mollet ou plantaire (sédentarité, station debout prolongée, paralysie, prothèse du genou), représente aussi un élément susceptible de modifier le retour veineux et de favoriser la stase.

• Les maladies hématologiques modifiant la rhéologie sanguine sont aussi un facteur de risque.

• L’insuffisance cardiaque est un facteur récemment identifié.

5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

Seul un traitement complet comportant pansement, compression et prise en charge phlébologique permet d’espérer une cicatrisation en quelques semaines. Sans cette prise en charge, l’évolution peut durer plusieurs années. Si l’insuffisance veineuse est superficielle et prise en charge rapidement, le pronostic est meilleur. Une réduction de 40 % de la surface de l’ulcère à la 4e semaine est un facteur de bon pronostic de cicatrisation à la 24e semaine.

Dans près de 70 % des cas les ulcères récidivent. Plusieurs études soulignent le rôle protecteur d’un maintien d’une activité physique, des périodes de décubitus prolongé, de la compression de classe III posée par un professionnel de santé.

6 QUELS SONT LES PRINCIPALES COMPLICATIONS ?

• La surinfection microbienne est la complication la plus fréquente. Les ulcères chroniques sont toujours « colonisés » par plusieurs bactéries. Lorsqu’il existe des conditions favorables (exsudat important, utilisation inadaptée d’antiseptique), une ou plusieurs bactéries émergent. L’infection est à suspecter en cas de douleurs, d’érythème, d’œdème, d’odeur et d’augmentation des exsudats associés à des signes généraux. Les érysipèles secondaires sont fréquents. Les épisodes d’ostéomyélite ou de septicémie sont plus rares.

• Les dermites de contact et troubles ostéoarticulaires sont secondaires aux traitements. Des dermites irritatives ou de véritables eczémas peuvent apparaître. Ils sont favorisés par l’utilisation d’antiseptiques, les applications répétées de certains composants contenus dans les pansements (lanoline, colophane), les bandes de compression élastiques et les adhésifs. Les troubles ostéoarticulaires à type d’ankylose de la cheville, de rétractions tendineuses sont favorisés par l’immobilisation liée aux épaisseurs des pansements, à la compression, aux positions bloquées antalgiques (positions adoptées par le patient pour diminuer les douleurs).

• Des hémorragies, parfois importantes, peuvent survenir. Une simple compression suffit à la contrôler.

• La cancérisation est exceptionnelle (0,3 à 0,7 %). Elle doit être évoquée en cas d’ulcère ancien (> 5 ans), hypertrophique.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter l’ulcère de jambe veineux ?

Stratégie thérapeutique

• Les objectifs thérapeutiques sont d’obtenir la cicatrisation des lésions, de prendre en charge la douleur, de prévenir les récidives par un traitement étiologique et de prévenir et traiter les complications.

• La première étape, dans la prise en charge de l’ulcère de jambe, consiste à déterminer son étiologie afin de pouvoir choisir le traitement adapté qui permettra d’éviter les rechutes et sans lequel le traitement local ne serait pas efficace. Dans le cas d’une étiologie veineuse, le traitement passe par la compression veineuse et le traitement médical et/ou chirurgical des varices en particulier.

• L’objectif est bien sûr d’obtenir une cicatrisation complète. Si celle-ci peut être envisagée, elle est parfois difficile à obtenir, notamment sur des ulcères anciens ou en cas de comorbidité. Ensuite, l’évaluation des caractéristiques de la plaie viendra dicter le choix du pansement ainsi que la technique de soins à utiliser. Le pansement a pour rôle de maintenir un milieu humide, d’absorber l’excès d’exsudat et de protéger la plaie des infections secondaires. La peau périulcéreuse doit aussi être traitée si besoin. De plus, il faut mettre en place des mesures telles que traiter les comorbidités (surpoids, diabète, dénutrition…), recommander une mobilisation globale et des chevilles (kinésithérapie si nécessaire), prévenir les traumatismes et traiter précocement les plaies.

• Si l’ulcère est douloureux, tous les types d’antalgiques oraux ou injectables, jusqu’aux morphiniques, peuvent être utilisés. La vaccination antitétanique du patient doit être à jour, 60 % des tétanos ayant pour porte d’entrée un ulcère de jambe.

• Le nettoyage de la plaie, qui s’effectue à l’eau et au savon ou bien au sérum physiologique permet d’éliminer les débris tissulaires ainsi que les résidus de pansements à chaque changement de pansement. Cette étape peut être effectuée en baignant la jambe, hormis au stade du bourgeonnement où les bains ne sont plus indiqués car ils risquent d’éliminer les sécrétions riches en facteurs de croissance. L’utilisation d’antiseptiques ou d’antibiotiques locaux est déconseillée en dehors d’un condiv infectieux à cause de leur cytotoxicité et de leur capacité de sélection de germes résistants.

• La détersion de la plaie consiste à réaliser un nettoyage du tissu nécrotique et de l’exsudat fibrinoleucocytaire qui retardent la guérison. La phase de détersion de la plaie pouvant se révéler douloureuse, il est important de prémédiquer le patient avec un anesthésique local. Pour ce faire, trois techniques peuvent être utilisées :

– la détersion mécanique (à la curette ou au bistouri) ;

– la détersion enzymatique (enzymes protéolytiques ou larves de mouches), souvent moins efficace que la détersion mécanique ;

– la détersion autolytique avec des pansements très absorbants de type alginates, hydrofibres, hydrocellulaires, hydrogels ou pansements au charbon. C’est la technique la plus utilisée.

• Lors de la phase de bourgeonnement de l’ulcère, qui se manifeste par l’apparition de petits bourgeons charnus roses lorsque les conditions circulatoires ont été améliorées, les pansements de choix sont les hydrocellulaires, les hydrocolloïdes, les alginates et les hydrofibres. Bien que la plaie soit rarement sèche à ce stade, elle peut justifier l’emploi d’hydrogels ou d’interfaces, voire de pansements gras. Il est indispensable d’utiliser des pansements non adhésifs, en utilisant alors un pansement secondaire, ce dernier venant recouvrir le pansement primaire et la peau environnante particulièrement fragile.

• Lors de la phase d’épidermisation, qui peut commencer lorsque le bourgeonnement arrive au niveau des bords de l’ulcère, il est indispensable de respecter le bourgeon charnu qui s’est formé. Pour ceci, le choix du pansement se dirigera vers les hydrocellulaires ou les hydrofibres, si la plaie est très exsudative, ou vers les interfaces. A ce stade, le renouvellement de pansement se fera de manière plus espacée dans le temps, et l’état de la peau autour de la lésion viendra dicter le choix d’un pansement adhésif ou non.

• En cas de macération, d’irritation ou d’apparition d’un eczéma, le choix se portera sur les hydrocellulaires non adhésifs. Les matrices à effet antiprotéases trouveront leur place dans les condivs de retard de cicatrisation.

Il n’y a pas d’intérêt à effectuer des prélèvements systématiques dans la mesure où l’ulcère n’est jamais stérile. En cas de complications infectieuses, il faut savoir prélever pour identifier le germe. L’instauration d’une antibiothérapie générale et adaptée à un antibiogramme se justifiera en cas d’infection extensive de type dermohypodermite, lymphangite ou d’écoulement franchement purulent. Cette antibiothérapie devra alors être efficace sur les pyogènes à Gram+ (streptocoque, staphylocoque) : pristinamycine (3 g/j) ou amoxicilline + acide clavulanique (3 g/j), et parfois sur les bacilles Gram-, et/ou les germes anaérobies.

Traitements

Traitements de la douleur

Voie locale

• L’association de deux anesthésiques locaux, la lidocaïne et la prilocaïne (Emla), est indiquée dans l’anesthésie par voie locale des ulcères veineux exigeant une détersion mécanique. La dose recommandée est de 1 à 2 g pour 10 cm2, avec une dose maximale de 10 g par application sans dépasser 8 applications pour un même ulcère. La crème s’applique en couche épaisse, recouverte avec un film occlusif durant 30 minutes. La crème est ensuite retirée à l’aide d’une compresse sèche afin de pratiquer dans la foulée la détersion mécanique de l’ulcère.

La lidocaïne en gel à 2 % ou en spray à 5 % est parfois utilisée hors AMM pour son délai d’action plus court.

Voie générale

Des antalgiques par voie générale peuvent également être utilisés en fonction de la douleur ressentie par le patient (changement de pansement ou au long cours).

Traitements étiologiques

Ces traitements ont pour objectif de corriger les troubles hémodynamiques veineux.

Compression veineuse

La compression veineuse est indispensable pour accompagner la cicatrisation d’un ulcère veineux ou mixte. Elle lutte contre l’œdème et l’insuffisance veineuse en limitant le reflux par effet mécanique. Elle doit être de force 3 (20,1 à 36 mmHg) ou 4 (>36 mmHg) et doit être portée toute la journée pour prévenir les récidives. Cependant, la compression est à adapter en fonction de l’IPS en cas d’ulcère mixte à prédominance veineuse.

• Type de compression

La compression doit être posée avant le lever et se pratique avec des bandes ou des bas tant que l’ulcère n’est pas cicatrisé (chaussettes, bas-cuisses ou collants ; >36 mmHg), puis avec des bas (> 20 mmHg). Les compressions multitypes sont à favoriser. Les dispositifs de compression sont au choix des bandes élastiques amovibles en tricot à étirement long ou court (Biflex 16, 17 et 18 ; Dupraflex 1, 2, 3 et 4), des bandes élastiques amovibles cohésives (Cohéban, Coplus), des bandes adhésives (Elastoplaste, Veinopress), des bandages multicouches (Profore) et des bandes amovibles non élastiques (Somos, Medica 315). Afin de protéger la peau et d’optimiser la répartition de la pression, des bandes de maintien et/ou des dispositifs de capitonnage (mousse, ouate, coussins…) peuvent être associés aux bandes de compression.

• Pose de la bande

Concernant la pose d’une compression amovible, elle doit toujours commencer par le pied mis à l’équerre en réalisant au minimum 3 tours de pied ; la bande passe en huit autour de la tibiotarsienne. Les spires doivent être régulières, horizontales et parallèles, ou posées en croisillon. Il faut toujours s’arrêter au-dessus du relief du mollet, près du pli poplité, sans superposer les derniers tours en cas d’excès de longueur, et appliquer un étirement constant lors de la pause. Pour faciliter la pose, les bandes ont des motifs d’étalonnage qui se déforment selon la pression souhaitée.

La compression inamovible se pratique avec des orthèses tubulaires de contention (Tubulcus), posées et enlevées par le médecin.

Chirurgie

La chirurgie des veines (ligature, crossectomie ou stripping) doit être associée à la compression veineuse afin de supprimer le point de reflux. La ligature des crosses suivie d’une exérèse des veines superficielles pathologiques se pratique par endoscopie, sous anesthésie locale ou locorégionale.

Pansements

Le type de pansement dépend du stade de cicatrisation (détersion, bourgeonnement, épidermisation) de l’ulcère mais également de certains facteurs particuliers (infections, hémorragies, odeur, exsudation…). L’ulcère doit donc être régulièrement réévalué. Il est préférable que le pansement soit réalisé à domicile par un infirmier qui peut éventuellement renouveler l’ordonnance des produits prescrits par le médecin.

Hydrocolloïdes

• Mécanisme d’action. Les pansements hydrocolloïdes sont composés d’une couche externe constituée de mousse ou d’un film, et d’une couche interne absorbante et adhésive composée de carboxyméthylcellulose. Ils se présentent sous forme de pâtes ou de plaques adhésives, parfois adaptées à certaines localisations (sacrum, talon…), qui se délitent au contact de l’exsudat en se gonflant d’eau pour former un gel souvent malodorant. Le rôle est de maintenir au niveau de la plaie un milieu humide favorable à la cicatrisation. Ils n’ont pas d’action cicatrisante à proprement parler mais ils optimisent la cicatrisation naturelle.

• Indications. Traitement des plaies peu exsudatives, avec un pourtour sain. Ils ne doivent pas être utilisés sur les plaies sèches ou infectées. Ce sont de loin les pansements les plus utilisés, à tous les stades.

Hydrogels

• Mécanisme d’action. Les hydrogels sont des gels constitués majoritairement d’eau et d’autres composés tels le carboxyméthylcellulose, la pectine, l’alginate de sodium, le chlorure de sodium ou la gomme guar, qui augmentent la viscosité de l’eau. L’eau va hydrater les tissus nécrotiques secs et faciliter la détersion mécanique en maintenant l’environnement humide. Les hydrogels existent en compresses, plaques et gels.

• Indications. Traitement des plaies nécrotiques sèches ou fibrineuses et peu exsudatives.

Hydrocellulaires

• Mécanisme d’action. Les hydrocellulaires sont composés de trois couches : une couche hydrophile de transfert au contact de la plaie, qui lui permet un retrait aisé et atraumatique, une couche hydrocellulaire centrale absorbante et d’une couche externe imperméable aux liquides et bactéries. Ils absorbent les exsudats et maintiennent un milieu humide tout en réduisant le risque de macération. De nombreuses présentations existent : plaques adhésives ou non, à bords adhésifs ou non, plaques microadhérentes, formes anatomiques, formes adaptées au remplissage des plaies cavitaires ou forme contenant de l’ibuprofène à visée antalgique (Biatain Ibu).

• Indications. Traitement des plaies exsudatives peu fibrineuses ou bourgeonnantes ou en cours d’épidermisation, dès le stade de la détersion. Ils ne doivent pas être utilisés sur les plaies sèches, infectées ou très exsudatives. Les formes adhésives sont réservées aux plaies dont la peau périlésionnelle est saine.

Alginates

• Mécanisme d’action. Les alginates se présentent sous forme de compresses ou de mèches. Ils sont composés majoritairement de polymères d’alginate de calcium, extraits d’algues brunes, caractérisés par leurs capacités d’absorption (supérieures aux hydrocolloïdes et aux hydrocellulaires) et leurs propriétés hémostatiques, avec ou sans carboxyméthylcellulose. Au contact des exsudats, l’alginate de calcium forme un gel.

• Indications. Traitement des plaies modérément ou fortement exsudatives, hémorragiques, infectées, fibrineuses ou bourgeonnantes. Il convient de les humidifier sur les plaies peu exsudatives en phase de détersion. Ces pansements ne s’utilisent pas sur les plaies sèches.

Hydrofibres

• Mécanisme d’action. Les hydrofibres sont des pansements hydrocolloïdes constitués de fibres non tissées de carboxyméthylcellulose pure. Ils se présentent sous forme de compresses et de mèches capables d’absorber 30 fois leur poids en eau. Ces fibres se transforment au contact des exsudats en gel cohésif malodorant.

• Indications. Traitement des plaies très exsudatives fibrineuses ou bourgeonnantes.

Tulles et interfaces

• Mécanisme d’action. Les pansements gras et interfaces sont des compresses imprégnées de matières grasses neutres (vaseline, paraffine). Les interfaces se distinguent des simples pansements gras (tulles) par une adhérence faible, qui ne s’accroît pas au long de l’utilisation, afin de limiter les traumatismes et les douleurs induits par leur retrait. Au contact des exsudats, les particules d’hydrocolloïdes se gélifient et forment avec la vaseline une émulsion qui maintient un milieu humide. Ils assurent le drainage vers le pansement secondaire.

• Indications. Traitement des plaies peu exsudatives, bourgeonnantes ou en voie d’épidermisation. Ces pansements ne doivent pas être utilisés sur des plaies très exsudatives.

Pansements au charbon

• Mécanisme d’action. Ils sont constitués de différents supports auxquels a été ajouté du charbon actif, à visée d’absorption des molécules responsables des mauvaises odeurs des plaies. Ils existent sous forme de plaques et compresses. Ils permettent un drainage des bactéries en cas de colonisation trop importante et un contrôle des odeurs.

• Indications. Traitement des plaies infectées, malodorantes et peu exsudatives.

Matrices à effet antiprotéases

• Mécanisme d’action. Certaines matrices à base de cellulose oxydée régénérée et de collagène inactivent des protéases présentent en concentration importante dans les plaies chroniques et nuisibles, car elles dégradent le tissu de bourgeonnement et les facteurs de croissance. Ces matrices agissent par délitement sur la plaie.

• Indications. Traitement des plaies nécessitant une cicatrisation dirigée, exemptes de tissus nécrosés en seconde intention.

Acide hyaluronique

• Mécanisme d’action. L’acide hyaluronique est un constituant naturel du derme. Ce dernier est synthétisé essentiellement par les fibroblastes et les kératinocytes. Son pouvoir hygroscopique lui permet de maintenir un environnement humide favorable. Ses propriétés rhéologiques se traduisent par une prolifération et une migration cellulaires facilitées. Ses propriétés viscoélastiques lui confèrent un rôle de protection en inhibant la pénétration bactérienne et virale.? Quant à ses propriétés antiradicalaires et antioxydantes, elles jouent un rôle protecteur contre les oxydants et les enzymes de dégradation. L’acide hyaluronique est présenté sous forme de crème ou de compresses.

• Indications. Traitement des plaies bourgeonnantes et de petite taille à cicatrisation difficile.

Pansements à l’argent

• Mécanisme d’action. Constitués de différents supports (crèmes, plaques, compresses) auxquels a été ajouté de l’argent, ils sont à visée antibactérienne. L’activité antibactérienne à large spectre est proposée dans un objectif de prévention de l’infection ou de cicatrisation plus rapide des plaies infectées. Ils permettent un drainage des bactéries en cas de colonisation trop importante et un contrôle des odeurs.

• Indications. Traitement des plaies exsudatives infectées.

Autres traitements locaux

La greffe cutanée

La greffe cutanée est indiquée en cas d’ulcère veineux étendu bourgeonnant. Son objectif est d’accélérer l’épidermisation. Elle peut être réalisée soit en pastilles, soit en résilles si l’ulcère est résistant au traitement depuis plus de 6 mois ou est de surface > 10 cm2.

La pression négative

Les systèmes de traitement des plaies par pression négative (TPN) sont utilisés jusqu’à obtention d’un tissu de granulation. Le TPN consiste à placer la plaie sous une pression inférieure à la pression atmosphérique en utilisant un pansement raccordé à une source de dépression et à un système de recueil des exsudats. Son utilisation dans les plaies chroniques n’est envisagée qu’en deuxième intention après échec d’un traitement bien conduit et suffisamment prolongé (3 à 6 mois) en vue d’un geste de couverture chirurgicale par greffe cutanée.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Roger, 80 ans, 1,75 m, 95 kg, ancien ouvrier

Je souffre d’ulcères de jambe depuis 4 ans et ne suis toujours pas guéri. Au début, je pensais que ça n’était pas bien méchant, mais aujourd’hui je souffre en permanence. On m’a mis un tas de pansements, de crèmes mais aucun traitement ne semble vraiment marcher. Certaines de mes plaies font près de 10 cm de diamètre. Je suis content de voir l’infirmière qui vient mettre mes bandes tous les matins, ça me fait un peu de compagnie. Mais j’appréhende le jour de changement du pansement car je souffre le martyre pendant le soin. J’ai beau prendre des gélules de morphine avant, ça ne fait pas grand-chose. On me dit de faire un peu d’exercice, que ça aide à la guérison, mais avec mon poids et mon arthrose aux genoux je ne peux pas trop, alors je reste dans mon fauteuil toute la journée. J’essaye de garder mes jambes un peu surélevées comme on me l’a conseillé, mais parfois j’en ai marre ! De toute façon, à mon âge je crois qu’il n’y a plus rien à faire…

L’ULCÈRE VEINEUX VU PAR LES PATIENTS

Alors que l’ulcère veineux apparaît au départ comme une plaie bénigne, le patient prend très vite conscience de la chronicité.

Impact psychologique

La cicatrisation des ulcères est longue. Les divers pansements utilisés apparaissent comme peu efficaces, le patient finit souvent par se résigner et apprend à vivre avec ses plaies et la douleur qui les accompagne.

Impact sur l’activité physique

Alors que le patient est invité à pratiquer de l’exercice modéré, cela est de plus en plus difficile à appliquer au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. L’apparition de douleurs plus ou moins continues et parfois rebelles aux antalgiques de palier 1 et 2 marque un nouveau stade dans l’installation de la pathologie.

Impact social

La pathologie ulcéreuse rend la vie sociale difficile. En effet, les activités sont souvent limitées à un stade avancé de la maladie en raison des douleurs qu’elle peut entraîner. Les déplacements loin du domicile sont compromis en raison de la fréquence élevée des soins infirmiers (un pansement tous les 2 à 3 jours).

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la maladie

• L’ulcère est uniquement un symptôme d’une maladie veineuse. La prise en charge de son étiologie est indispensable à la guérison et à la prévention des rechutes (chirurgie veineuse, sclérothérapie, compression veineuse…).

• Vérifier que le patient est vacciné contre le tétanos.

• L’ulcère n’est pas douloureux à son stade précoce mais peut le devenir avec le temps. Il est important d’évaluer l’intensité de la douleur tout au long de la prise en charge de l’ulcère. En plus d’altérer la qualité de vie, la douleur est un facteur de mauvais pronostic de cicatrisation car elle diminue la mobilité et l’observance du patient. Elle peut également révéler une complication (infection, dermite d’irritation). Un traitement de fond par antalgiques devra être mis en place dès que la douleur devient chronique.

• L’hygiène au niveau du membre ulcéré doit être la même que pour l’ensemble du corps.

Avant l’arrivée de l’infirmier pour le changement du pansement, celui-ci peut être retiré. Il est alors conseillé d’effectuer un lavage à l’eau et au savon doux suivi d’un rinçage soigneux puis d’un séchage sans frotter. Si le changement de pansement n’est pas journalier et que celui-ci n’est pas imperméable à l’eau, il faut protéger la jambe lors de la douche.

• Après l’apparition d’un ulcère, la mise en place d’un certain nombre de règles d’hygiène de vie est indispensable à la prévention des récidives :

– surélever les jambes d’un angle de 10 à 30° par rapport au plan cardiaque (surélévation des pieds du lit). Eviter d’être assis jambes pendantes ou croisées et essayer d’être mobile même assis ;

– l’exercice physique est conseillé, cependant le patient est souvent âgé avec des troubles moteurs ou de la posture et son périmètre de marche se limite alors à son habitation. La gymnastique antistase, l’exercice quotidien, notamment 30 minutes de marche, et les sports tels que le vélo et la natation sont favorables ;

– des conseils nutritionnels adaptés doivent être donnés au patient. La surcharge pondérale est un facteur de risque reconnu des maladies veineuses, en particulier chez la femme. De même, on devra veiller à la qualité de l’apport nutritionnel du patient : la dénutrition est un facteur de retard de cicatrisation ;

– la cicatrice de l’ulcère est souvent fragile. Le patient doit la protéger en appliquant, par exemple, un émollient ;

– l’exposition solaire est à éviter : elle peut aggraver une pathologie veineuse par effet vasodilatateur ;

– ne pas désinfecter la plaie.

A propos du traitement

Le traitement de l’ulcère est long (de plusieurs semaines à plusieurs années). Une prise en charge de la pathologie veineuse est le seul moyen de prévention primaire de l’ulcère de jambe veineux.

• Les soins de pansement effectués par un professionnel réduisent significativement la durée de cicatrisation. Ils sont réalisés en ambulatoire, de préférence par un infirmier à domicile qui peut éventuellement renouveler l’ordonnance des produits prescrits par le médecin. Le patient sera revu par le médecin, en moyenne une fois par mois, pour apprécier l’évolution de la plaie.

• Une attention particulière doit être portée à la peau périulcéreuse. En effet, l’apparition d’une dermite irritative ou d’eczéma périulcéreux peut retarder la guérison de l’ulcère.

• La compression veineuse est indispensable à la guérison de l’ulcère. Le patient doit adhérer totalement au mode de compression mis en place afin que son efficacité soit optimale.

• Les bandes de compression doivent être mises en place en position allongée (si possible le matin avant le lever). Un étirement constant de la bande doit être réalisé afin d’obtenir une pression décroissante de la cheville vers le genou. La mise en place par du personnel qualifié est en général nécessaire.

• Les bas de compression, plus faciles à enfiler, seront utilisés à partir du moment où la pathologie est stabilisée. Des bas de classe III ou IV sont nécessaires afin d’obtenir une compression suffisante, puis de classe II en prévention des récidives.

Pour protéger la peau, une bande en coton ou des matériaux de comblement peuvent être mis en place. Quelques conseils d’usage et d’entretien des bas peuvent être rappelés : enfiler le bas dès le lever, enlever bagues et bracelets ou mettre des gants pour éviter de filer le bas, ne pas appliquer de crème sur la peau avant la pose, retourner le bas à l’envers jusqu’au talon, enfiler d’abord son pied puis son talon, enrouler le bas sur la cheville jusqu’en haut de la cuisse sans trop tirer. Des systèmes d’enfilage mécanique semi-rigides ou souples, ou une superposition de la contention peuvent être utilisés en cas de difficulté d’enfilage. Les bas doivent être lavés fréquemment et séchés à plat.

La durée d’utilisation d’un bas est en général de 6 mois.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON. Dans le cas d’un ulcère infecté, les antibiotiques locaux ne sont pas recommandés car ils sont responsables d’un taux élevé de résistances bactériennes. Il existe aussi un risque de sensibilisation qui peut compromettre l’administration par voie orale du même antibiotique. Les pansements type Actisorb Plus, contenant du charbon actif et de l’argent métallique, suffisent en général à traiter un ulcère infecté

ORDONNANCE 1 : OUI. Urgotul est une interface. Les interfaces sont indiquées dans le traitement de l’ulcère, particulièrement lors des phases de bourgeonnement ou d’épidermisation. Le pharmacien devra cependant donner des informations complémentaires telles que le maintien d’Urgotul par un pansement secondaire et/ou une bande fine extensible car, lors de cette dernière phase de cicatrisation, l’infirmier n’est pas toujours sollicité pour faire les pansements.

MÉMO-DÉLIVRANCE

Le pansement prescrit est-il adapté ?

Le type de pansement à utiliser dépend du stade de cicatrisation et de la présence de circonstances particulières (infection, odeur, hémorragie…). Un pansement secondaire peut être nécessaire. La fréquence de changement du pansement dépend du type de pansement utilisé. L’infirmier vérifie l’évolution de la plaie à chaque changement de pansement et contacte le médecin si besoin.

Le patient sait-il comment nettoyer la plaie avant chaque changement de pansement ?

La plaie peut être nettoyée à l’eau et au savon ou au sérum physiologique à chaque changement de pansement avant le passage de l’infirmier, en prenant garde de la sécher soigneusement. Les autres jours, le pansement est conservé sous la douche s’il est imperméable à l’eau.

Une compression veineuse a-t-elle été prescrite ?

Une bande de compression de classe III ou IV est nécessaire du lever au coucher. Elle doit être appliquée sur le pansement. Une bande coton, un jersey ou des dispositifs de comblement peuvent être mis en place entre le pansement et la compression pour protéger la peau. Une superposition de bande est recommandée.

L’ulcère est-il douloureux ?

En dehors des poussées d’extension ou d’infection, l’ulcère présente des douleurs modérées. Pour permettre au patient de se déplacer le plus normalement possible, des antalgiques oraux peuvent être prescrits.

Lors du changement de pansement, un anesthésique local, type lidocaïne et prilocaïne (Emla), ou un anesthésique hors AMM, peut également être appliqué pour prévenir la douleur.

Le patient connaît-il les produits à ne pas utiliser ?

Les antiseptiques sont proscrits car ils sèchent la plaie, empêchent la cicatrisation et sélectionnent des germes résistants. En cas d’infection, les pansements à l’argent suffisent à traiter la plaie.

Quelles sont les mesures hygiénodiététiques à conseiller ?

L’exercice physique est favorable à la cicatrisation. Si le patient ne peut pas se déplacer, de la kinésithérapie peut être réalisée à domicile. De plus, il est conseillé de prendre soin de la peau périulcéreuse, de surélever les pieds du lit, d’éviter les expositions solaires et la surcharge pondérale, de ne pas s’asseoir jambes croisées ou pendantes… La dénutrition est un facteur de retard de cicatrisation.? Il faut donc veiller à la qualité de l’apport nutritionnel du patient.

Le patient sait-il que faire en cas de récidives ?

Le patient doit consulter un médecin le plus rapidement possible afin de prendre en charge la plaie immédiatement, et ce pour une meilleure cicatrisation.

LE CAS : Il y a 3 semaines, madame D. s’est blessée au-dessus de la malléole interne gauche du pied en déplaçant des pots de fleurs sur son balcon. La plaie ne guérissant pas, elle l’a montrée au médecin ce matin.

Vous avez été confronté à une ordonnance à problème ?

Contactez-nous :

ordonnance@wolters-kluwer.fr

EN CHIFFRES

• Insuffisance veineuse chronique : 7 millions de patients symptomatiques.

• Ulcères de jambe veineux : 0,3 à 2 % de la population générale.

• Age médian : de 70 à 75 ans.

• Sex-ratio : 2 fois plus de femmes.

• 25 à 34 % des ulcères de jambe veineux sont associés à une insuffisance veineuse superficielle.

• Durée : 34 % des patients ont un ulcère depuis plus de 5 ans.

• Récidive : près de 70 % (36 % dans les 3 premiers mois).

CLASSIFICATIONCEAP

Classification clinique, étiologique, anatomique et physiopathologique (6 stades).

HÉMOSIDÉRINE

Pigment ferrugineux insoluble provenant du catabolisme de l’hémoglobine.

Physiopathologie de l’ulcère de jambe veineux

L’hypertension veineuse ambulatoire induite par le reflux ou la thrombose des veines profondes ou superficielles, ou encore par une anomalie de la pompe musculaire de la jambe, est responsable d’anomalies de la microcirculation et d’une souffrance tissulaire : il existerait des modifications biochimiques et hémodynamiques avec stase vasculaire, apparition d’un manchon leucocytaire puis fibrineux autour des petits vaisseaux avec dilatation et raréfaction des capillaires. Les leucocytes activés seraient responsables de cette destruction tissulaire par ischémie progressive : ils libéreraient dans la microcirculation des radicaux libres et des enzymes toxiques pour le capillaire et le tissu interstitiel. La cicatrisation de l’ulcère constitué est perturbée par la dilatation des capillaires, l’œdème interstitiel et la diminution des facteurs de croissance qui entraîne un dysfonctionnement fibroblastique et kératinocytaire.

LIVÉDOÏDE

Maillage rouge violet traduisant la souffrance cutanée.

INDEX DE PRESSION SYSTOLIQUE

Rapport entre la pression artérielle systolique au niveau de la cheville et la pression au niveau du bras. La mesure est réalisée à l’aide d’un Doppler de poche et d’un tensiomètre.

CE QUI A CHANGÉ

EXIT MADÉCASSOL

Certaines spécialités, bénéficiant d’une AMM pour le traitement local d’appoint des ulcérations cutanées, associaient des antibactériens dont l’utilisation n’est plus recommandée par risque de sensibilisation et d’apparition de résistances. Il s’agit notamment de Madécassol néomycine hydrocortisone (arrêt de commercialisation en novembre 2007).

PANSEMENT SECONDAIRE

Pansement qui recouvre un précédent pansement et qui sert à le maintenir en place (compresses et matériels de fixation et de maintien : hydrocolloïde, film de polyuréthanne, compresses, adhésifs…).

DERMOHYPO-DERMITE INFECTIEUSE

Inflammation cutanée, intéressant le derme et l’hypoderme sous-jacent et secondaire à une infection.

COMPRESSION MULTITYPE

Bandage compressif constitué d’au moins deux bandes de compression de types différents.

POINT DE VUE Dr Patricia Senet, praticien hospitalier au service de dermatologie de l’hôpital Tenon à Paris

« Il ne faut pas substituer un pansement par un autre »

Peut-on rencontrer des différences importantes entre divers pansements d’une même catégorie ?

Au sein de la même catégorie, il n’y a pas de grande différence : un hydrocolloïde reste un hydrocolloïde. Cependant, le médecin prescrit un pansement en fonction notamment de sa tolérance (certains pansements sont plus traumatisants que d’autres lors du retrait), de la présence d’une interface en silicone, des capacités d’absorption… Si le pharmacien n’a pas en stock la référence désirée, il doit appeler le médecin pour changer éventuellement le pansement, en restant dans la même classe de produit. Il ne faut pas substituer un pansement par un autre. J’ajouterais que l’ulcère veineux est une maladie sociale qui touche des gens ayant peu de revenus. Leur traitement dure de 3 à 6 mois voire plusieurs années pour certains. En cas de fort dépassement sur les pansements, cela oblige parfois les patients à changer d’officine.

Les chaussettes, bas-cuisses ou collants de compression ont-ils une différence d’efficacité ?

Il n’y a aucune différence d’efficacité entre ces dispositifs.

Le choix revient donc au patient. Pour les classes fortes, les chaussettes sont plus faciles à enfiler. De plus, pour faciliter l’enfilage, le port d’une classe II sur une classe I à la place d’une classe III est possible. Le patient doit enfiler la classe I en premier et éviter les matières en coton afin de permettre à la classe II de glisser plus facilement. L’important dans le choix de la compression est la pression exercée par les bas. Les dispositifs de même classe ne présentent pas forcément la même pression selon le fabricant (de 15 à 20 mmHg pour une classe II par exemple). C’est pourquoi, il faut éviter de substituer une marque de bas par une autre.

Effets indésirables des pansements

• L’irritation est favorisée par un contrôle insuffisant des liquides exsudatifs. Elle s’observe aussi en cas de changement trop fréquent de pansement et est favorisée en cas de peau fragilisée.

• La macération s’observe lorsque les sécrétions sont trop importantes au regard du pansement choisi ou lorsque ce dernier est changé trop tardivement.

• Des cas d’allergies peuvent être observés avec les hydrocolloïdes et les hydrocellulaires adhésifs.

• La présence de pus est favorisée par le caractère occlusif du pansement.

• L’arrachage des bourgeons charnus peut s’observer lors de l’utilisation de tulles dont la largeur de maille va favoriser l’intrication du tissu de bourgeonnement à travers la trame.

• Une odeur nauséabonde peut s’observer lors de l’utilisation d’hydrocolloïdes ou d’hydrofibres suite à la dégradation de la carboxyméthylcellulose.

QUESTION DE PATIENT

« On m’interdit de laisser la plaie à l’air. J’ai pourtant l’impression que la plaie cicatriserait mieux si je la laissais sans pansement de temps en temps. »

Contrairement à une idée reçue, une plaie cicatrise mieux et plus vite en milieu humide qu’en milieu sec. Il ne convient donc pas de laisser sécher une plaie à l’air car la cicatrisation sous la croûte est plus lente et la douleur n’en est que plus importante. C’est le rôle des pansements de maintenir la plaie à l’humidité.

QUESTION DE PATIENT

« Je ne peux pas faire l’exercice quotidien recommandé. Est-ce que des séances de kinésithérapie sont envisageables ? »

La kinésithérapie est en effet un bon moyen de corriger l’ankylose et la stase veineuse au niveau de la cheville. Des séances peuvent être prescrites par le médecin dans les cas où l’inflammation est telle qu’elle entraîne un blocage de la cheville et limite alors considérablement le périmètre de marche du patient.

SITE INTERNET

www.ulcere-de-jambe.com

Ce site, rédigé par des médecins et une infirmière, comporte de nombreuses informations sur la plaie ulcéreuse, sa prise en charge, le soin de la plaie et la compression, ainsi qu’un dictionnaire des pansements. Il est destiné aux patients comme aux professionnels de santé.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !