Un système de santé sous influence - Le Moniteur des Pharmacies n° 2865 du 22/01/2011 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2865 du 22/01/2011
 

Actualité

L’événement

Auteur(s) : Magali Clausener

Les laboratoires pharmaceutiques ont une influence certaine sur le système sanitaire. Ce constat, souligné par l’IGAS au sujet de Mediator, n’est pourtant pas une découverte. Depuis 2006, deux rapports parlementaires ont proposé des mesures pour limiter les pressions. Sans succès…

En France, nous avons le chic pour découvrir de nouveaux concepts. Le dernier en date est celui de « faire une nouvelle enquête pour découvrir ce qui a déjà été dénoncé par le passé ». De quoi s’agit-il ? De la mise en exergue de l’influence des laboratoires pharmaceutiques sur le système du médicament et, plus généralement, sur le système sanitaire.

Le rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) sur Mediator, rendu public le 15 janvier dernier, constate ainsi que, pendant 35 ans, les laboratoires Servier « sont intervenus sans relâche auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Mediator et pour en obtenir la reconnaissance en qualité de médicament antidiabétique ». Le rapport observe également que l’Afssaps « se trouve à l’heure actuelle structurellement et culturellement dans une situation de conflit d’intérêt. Pas en raison de son financement qui s’apparente à une taxe parafiscale, mais par une coopération institutionnelle avec l’industrie pharmaceutique qui aboutit à une forme de coproduction des expertises et des décisions qui en découlent ». Certes, les laboratoires Servier semblent particulièrement doués dans la mise en œuvre de réseaux d’influence auprès des différents acteurs du circuit du médicament. Mais le lobbying exercé par l’industrie pharmaceutique et les conflits d’intérêt entre laboratoires et experts sont loin d’être une révélation.

Revoir le mode de financement de l’Afssaps

Catherine Lemorton, députée socialiste et pharmacienne, n’a pas hésité à interpeller à ce sujet Xavier Bertrand, en tant que ministre de la Santé, à l’Assemblée nationale le 18 janvier lors de la séance des questions au gouvernement. « Depuis près de trois ans, nous demandons la déclaration publique des conflits d’intérêts de tout expert s’exprimant sur un sujet de santé. Rejetée ! Nous demandons que les firmes pharmaceutiques procèdent à des essais cliniques systématiques sur leurs soi-disant nouveaux médicaments en comparaison des produits déjà sur le marché. Rejeté !, a-t-elle déclaré. Quand, en février 2008, j’interroge Mme Bachelot et M. Woerth sur le problème que pose le financement de l’Agence du médicament par les industries pharmaceutiques, la réponse est simple : ”Circulez, il n’y a rien à voir !”. »

On peut effectivement s’interroger. Catherine Lemorton avait, en 2008, rendu et présenté un rapport d’information sur « la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments ». Déjà en 2006, Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet, sénatrices, avaient remis un rapport au Sénat sur « les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments ». Cette mission a été créée en raison du retrait de certaines molécules dont Vioxx, retiré du marché par Merck en septembre 2004. Le document comprend trois parties dont les titres sont on ne peut plus explicites : « Les agences dans la politique du médicament : une organisation complexe, des lacunes évidentes » ; « L’indépendance de l’information et de l’expertise, gages de la qualité des produits et des prescriptions » ; « La sécurité sanitaire : un enjeu pour l’avenir ». Le rapport aborde rapidement le financement de l’Afssaps : « La question du financement de l’Afssaps est évoquée de façon récurrente par les rapporteurs de la commission des Affaires sociales du Sénat qui estiment que le mode de financement retenu n’est pas de nature à assurer l’indépendance de l’Agence. Cette opinion est partagée par d’autres institutions ?; la Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2004 sur la Sécurité sociale, faisait ainsi également part de ses interrogations sur les effets que le mode de financement de l’Agence pouvait entraîner sur son fonctionnement. »

Le problème des conflits d’intérêt des 2 000 experts externes qui travaillent pour l’Afssaps est également évoqué. Les sénateurs notent que, malgré les efforts réalisés par l’Agence, « parmi les experts enregistrés, tous n’ont pas rempli de déclaration d’intérêts. A la demande de la mission, la cellule de veille déontologique a chiffré à 16,5 % en 2000 et 10,5 % en 2001 la part des experts non déclarants des seules commissions dont les déclarations sont publiées par l’Agence ».

25 recommandations pour améliorer le système…

Le rapport de 2006 émet vingt-cinq recommandations « pour améliorer la commercialisation, l’usage et le suivi des médicaments ». Il s’agit, par exemple, « d’étendre l’obligation de publicité à l’intégralité des travaux et à toutes les agences sanitaires » et de « renforcer les financements publics pour les études post-AMM ». Le rapport sera adopté par la mission après quelques modifications des recommandations. Fin du premier acte.

Deux ans plus tard, Catherine Lemorton s’empare du sujet. Son rapport traite, entre autres, de la question de l’indépendance des organismes dont l’Afssaps. La députée souligne que la Haute Autorité de santé (HAS) perçoit une taxe payée par les laboratoires pharmaceutiques qui ne représente, en 2006, qu’environ 7 % de ses recettes, mais qu’« elle couvre 90 % du coût de fonctionnement de la Commission de la transparence (rattachée à la Haute Autorité de santé) qui est chargée de l’évaluation du service médical rendu des médicaments. Cette taxe ne génère aucun contentieux ». La députée de Haute-Garonne note également que « plus de la moitié du financement de l’Afssaps est assuré par cinq taxes payées par les laboratoires pharmaceutiques ».

Assurer la transparence et la publicité des travaux

En 2006, la totalité de ces taxes ont donc rapporté à l’Agence 55 millions d’euros, soit 55 % de son budget total (près de 100 millions d’euros). Un financement qui, au passage, ne représente pas le principal problème pour l’IGAS, laquelle parle de « taxe parafiscale ».

Mieux encore, le rapport de Catherine Lemorton ne comporte pas moins de 92 propositions, dont celles de veiller à l’indépendance de l’Afssaps et de la HAS à l’égard de l’industrie pharmaceutique malgré les taxes, mais également à l’indépendance des experts de ces deux organismes, et « notamment des membres de la Commission de la transparence ». La députée recommande aussi d’assurer « la transparence et la publicité des travaux d’expertise de l’Afssaps et de la HAS ». Sans oublier toutes les propositions concernant l’amélioration de l’encadrement de la vie du médicament et le rééquilibrage de l’information médicale des médecins grâce notamment à une maîtrise de « l’impact de la visite médicale ».

A la lecture des mesures préconisées par Catherine Lemorton, qui couvrent toutes les problématiques du circuit du médicament, on est en droit de poser la même question que la députée à Xavier Bertrand : pourquoi avoir attendu trois ans ? Un autre paradoxe français serait-il aussi de ranger les rapports et de les oublier quand certains intérêts sont en jeu ?

Les mesures de Xavier Bertrand

Xavier Bertrand a présenté plusieurs mesures pour réformer le système sanitaire « en profondeur ». Le nombre des membres des commissions de l’Afssaps devrait être réduit et le financement de l’Agence sera directement assuré par les subventions de l’Etat. Le ministre veut également revoir le rôle, la structure et le fonctionnement de l’Afssaps. « Nous ne pouvons pas conserver l’Afssaps en l’état », a déclaré le ministre à l’Assemblée nationale le 18 janvier. Les patients et les associations de patients agréées pourront avoir la possibilité de déclarer directement des cas d’effets indésirables. Ce dernier point répond d’ailleurs à une demande de l’UFC-Que Choisir et de l’Association française des diabétiques. Xavier Bertrand veut prendre des « décisions radicales et rapides ». Pour « rebâtir le système de sécurité sanitaire », il prévoit une large concertation qui sera lancée dès la fin du mois de janvier, « avec une conclusion des travaux en mai 2011 ».

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