A la reconquête de la préparation - Le Moniteur des Pharmacies n° 2850 du 16/10/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2850 du 16/10/2010
 
BARCELONE

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Auteur(s) : Armand Chauvel

Professeur de physique-chimie mais aussi passionné de préparation magistrale, Oriol Valls a doté sa pharmacie de Rubi, située à quelques kilomètres de Barcelone, d’un laboratoire ultramoderne. Il milite pour convaincre pharmaciens et médecins des mérites de cette activité un peu oubliée.

En Espagne, et surtout en Catalogne, la préparation magistrale est en train de retrouver ses lettres de noblesse. Oriol Valls, propriétaire de deux pharmacies à Barcelone et à Rubi, ville de la banlieue barcelonaise de 60 000 habitants, en est convaincu. « J’ai toujours été un amoureux de la préparation, mais je manquais de place », explique cet homme entreprenant, par ailleurs professeur de physique-chimie à la faculté de pharmacie de l’Université de Barcelone.

A Rubi, dans une officine ouverte début 2009 après huit années de difficiles démarches (la législation espagnole exige une distance minimale de 250 mètres entre chaque pharmacie et une population de 4 000 habitants par officine), il a pu réaliser son vieux rêve : construire un laboratoire de 20 mètres carrés qui, à terme, devrait permettre à deux personnes de travailler en simultané. « Nous sommes encore en phase de lancement et ne faisons que cinquante préparations par mois alors que les grands préparateurs en réalisent de deux cents à trois cents », reconnaît Oriol Valls.

20 000 euros d’investissement pour parier sur l’avenir

Le mur vitré, le sol en résine, le mobilier plastifié, l’absence de rainures, les filtres à air qui garantissent un environnement stérile sont quelques-unes des conditions requises pour exercer une préparation, cet art ancien hérité des apothicaires. Un investissement minimal de 7 000 euros est nécessaire. Dans le cas d’Oriol Valls, il s’est élevé à 20 000 euros : « C’est un laboratoire important, car je suis convaincu que la demande ira croissante et pense même acquérir une hotte à flux laminaire afin de fabriquer des collyres ou des médicaments injectables. »

La demande actuelle provient à plus de 70 % de la dermatologie et, pour le reste, de la pédiatrie où il s’agit surtout de dissoudre des principes actifs ou de préparer des médicaments sans conservateurs ou sans additifs à cause des allergies. La préparation s’impose aussi de plus en plus dans le traitement de certaines maladies rares.

Bien que ce travail soit partie intégrante du métier de pharmacien, les employés d’Oriol Valls ont tous reçu une formation complémentaire leur permettant notamment de manier un logiciel de formulation, d’utiliser la hotte à nitrogène, de doser et de mélanger les soixante-dix principes actifs et la vingtaine d’excipients enfermés dans les armoires, de préparer la notice d’emploi à remettre aux patients, etc.

En Espagne, les pharmacies se divisent en trois catégories : celles qui ne préparent pas, celles qui le font uniquement pour leurs clients et celles qui préparent pour d’autres officines. Pour ces dernières, la préparation magistrale peut représenter jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires, entre 20 000 et 30 000 euros avec un bénéfice net variant de 6 000 à 10 000 euros, selon Oriol Valls. « Mais, dans notre cas, précise-t-il, si nous faisons 1 000 euros de CA par mois grâce à cette activité, c’est déjà beaucoup. » Il est vrai que passer toute la matinée sur une pommade ou un sirop, qui sera vendu en définitive entre 5 et 15 euros, réclame parfois une certaine dose d’abnégation.

Sensibiliser les médecins au-delà les dermatologues

Alors, pourquoi le fait-il ? A voir ses mains fines saisir une éprouvette graduée ou manier précautionneusement le mélangeur, il est évident que ce travail le passionne beaucoup plus que la vente pure et dure. Mais ce n’est pas tout. D’une part, et c’est un avis que partagent beaucoup de ses collègues en Espagne, la préparation apporte un grand prestige à la pharmacie. « Les clients sont sensibles à l’idée d’un médicament personnalisé fait spécialement pour eux et le bouche-à-oreille fonctionne très bien à Rubi où nous sommes du reste les seuls à offrir ce service », raconte-t-il. D’autre part, le marché est en expansion.

Certes, en 2009, seulement 655 000 ordonnances de préparations magistrales, représentant un chiffre d’affaires global de 11,7 millions d’euros, ont été émises dans le pays, mais les signes d’un réveil sont indiscutables. A Madrid par exemple, une soixantaine d’officines attendent leur autorisation pour exercer. Et, en Catalogne, le Collège des pharmaciens de Barcelone compte une association de pharmaciens préparateurs qui travaille actuellement dans deux directions. La première consiste à mettre au point un formulaire d’ordonnance électronique (généralisée dans cette communauté autonome) qui facilitera une prescription de préparations par les médecins généralistes, que ce soit par pathologie ou par principe actif. La seconde, plus compliquée, consiste à sensibiliser les médecins. « Pour le moment, les seuls praticiens vraiment familiarisés sont les dermatologues », affirme Oriol Valls. Afin de convaincre les autres, l’association prévoit d’organiser en 2011 une série de cours auprès des généralistes.

« Il existe ici une vraie tradition du remède personnalisé »

Une tendance que les pouvoirs publics n’encouragent pas, au contraire : la sécurité sociale rembourse ces médicaments, à des tarifs en moyenne 40 % inférieurs à ceux de la médecine privée. Mais Oriol Valls est persuadé que le marché lui donnera finalement raison. Et de citer l’exemple des Etats-Unis où certaines pharmacies ont renoncé à la vente des médicaments de laboratoires pour se consacrer essentiellement aux préparations. En Europe, les Allemands ou les Belges ont toujours maintenu cette tradition quelque peu tombée en désuétude chez les Français.

En Espagne, la clientèle catalane est la plus réceptive. « Il n’y a qu’à voir le nombre d’herboristeries à Barcelone pour se rendre compte qu’il existe ici une vraie tradition du remède personnalisé. A nous, pharmaciens, en collaboration avec les médecins, de la remettre au goût du jour », conclut Oriol Valls.

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LES AVANTAGES

• Transmet une image de grand professionnalisme.

• Motive les collaborateurs, en général intéressé par la préparation.

• Peut s’avérer financièrement rentable dans le cas des pharmacies travaillant pour d’autres officines.

LES DIFFICULTÉS

• Réclame une très bonne organisation.

• Oblige à prendre en compte des coûts annexes comme le nettoyage ou l’élimination des déchets.

• Faible rentabilité, du moins dans un premier temps.

• Le pharmacien engage sa responsabilité jusque dans la rédaction de la notice.

LES CONSEILS

• Disposer d’une surface minimale de 10 m2 pour le laboratoire.

• Ne pas négliger les préparations vétérinaires, qui peuvent apporter un complément et permettre de rentabiliser l’investissement.

• Former le personnel avec des cours spécialisés comme les préparations magistrales en pédiatrie ou les excipients.

• Porter ses efforts sur les relations avec les médecins, qui sont les prescripteurs.

• Intégrer cette démarche dans une approche plus globale où le pharmacien doit prouver sa pertinence comme agent de santé.

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