Sombres perspectives - Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010
 
ÉCONOMIE

Entreprise

Auteur(s) : François Pouzaud

Les résultats de l’enquête annuelle « Perspectives » de KPMG pour 2010 font état d’un pessimisme ambiant. La rentabilité et le chiffre d’affaires continuent à décrocher et, pour y faire face, de plus en plus de titulaires songent à se regrouper.

La situation serait-elle devenue alarmante ? L’enquête « Perspectives », réalisée pour la quatrième année consécutive par le réseau Santé de KPMG, confirme un condiv d’exercice préoccupant. L’étude, réalisée à partir des bilans 2009 sur la base d’un panel de 330 personnes (dont 284 pharmaciens), révèle une croissance limitée à 1 % du chiffre d’affaires et à 0,9 % de la marge en valeur. « De nombreux ratios évoluent défavorablement, certes dans un condiv économique global ralenti avec un PIB à – 2,6 % en 2009 », résume Joël Vellozzi, directeur de la région Sud-Est de KPMG. En plus de la stagnation du chiffre d’affaires, la « performance commerciale et de gestion » accuse une légère baisse de 0,24 point en 2009, affichant un taux de 12,68 % du chiffre d’affaires.

Du point de vue économique, l’année 2009 a marqué les esprits. « Elle restera dans les mémoires comme l’année de la mise en place des nouvelles règles en matière de délais de paiement imposés par la loi de modernisation de l’économie », commente Patrick Bordas, responsable du réseau professions de santé chez KPMG. Car la trésorerie des officines souffre de ces nouvelles réductions imposées sur les crédits fournisseurs. C’est d’ailleurs la dégradation significative de l’économie des officines en Ile-de-France qui a conduit l’Union des pharmaciens de la région parisienne (UPRP) à demander la suspension pour trois ans de l’application pour les officines de la loi de modernisation de l’économie (LME). « Cette disposition redonnerait immédiatement un regain de trésorerie de 15 à 25 000 euros à chaque officine », affirme Patrick Zeitoun, président de l’UPRP.

L’activité se dégrade en 2010 pour un titulaire sur deux

Comment les titulaires ont-ils entamé l’année 2010 ? Plus de la moitié ont vu leur chiffre d’affaires baisser, soit une proportion identique à l’année dernière. Plus gênant, cet état de fait inquiète leurs partenaires financiers puisque 36 % des banquiers craignent également une baisse du chiffre d’affaires des pharmacies (contre seulement 19 % en 2009). Du côté des cabinets de transactions, cet avis est partagé par 60 % des consultants interrogés.

D’ailleurs, aux yeux des titulaires, tous les segments d’activité devraient décliner. 63 % des titulaires interrogés prévoient que le chiffre d’affaires va baisser sur le médicament remboursable (ils étaient seulement 55 % en 2009). Seul un tiers d’entre eux (31 %) sont convaincus que le médicament OTC progressera (ils étaient 40 % l’an dernier). Quant à la parapharmacie, presque un sur deux (48 %) prévoit que le secteur va encore décliner.

La menace sur la rentabilité se confirme car 73 % des pharmaciens s’attendent à une baisse du taux de marge. Mais elle marque moins les esprits qu’en 2009 où ils étaient 89 % à craindre cette érosion. Cette année, ils sont un peu plus nombreux à penser que la marge va se maintenir, même s’ils restent minoritaires (21 %).

Néanmoins, c’est sur l’évolution du résultat que les pharmaciens retrouvent, peu à peu, le « moral ». En effet, 67 % des titulaires s’attendent à une baisse du résultat, alors qu’ils étaient 73 % à l’envisager l’an dernier. Mais cette crainte reste partagée par les banquiers (68 %) et, surtout, par les cabinets de transactions (80 %).

L’outil de gestion ne passionne pas les foules

KPMG a ensuite interrogé les pharmaciens sur les mesures qu’ils comptaient prendre éventuellement pour rebondir en 2010, et ce dans trois registres. A leurs yeux, le MAD reste une voie royale pour se relancer : 63 % citent cette activité spécialisée. Sur les 116 pharmaciens qui n’ont pas mis en place un espace de libre accès en 2009, 16 % pensent le faire cette année. En ces temps de vaches maigres, les pharmaciens relèguent également au second plan la modernisation de leurs équipements puisque seulement 6 % ont déjà mis en place un automate et 3 % songent à le faire en 2010.

Malgré cette conjoncture difficile, les titulaires n’envisagent pas davantage de mesures drastiques sur la masse salariale qu’en 2009. Le recours à la baisse des effectifs concerne 19 % des titulaires (contre 20 % en 2009).

Une piste évoquée dans l’enquête pour redresser la situation est la mise en place d’outils de gestion. « C’est l’inquiétude et le repli sur soi qui transparaissent de cette enquête, et les titulaires ne semblent pas encore convaincus de la nécessité impérative de mettre en place les outils de pilotage leur permettant d’anticiper et de faire face aux difficultés », commente Patrick Bordas. Indispensable dans le condiv économique actuel, l’établissement d’un résultat prévisionnel ne passionne pas les foules (62 % n’ont pas l’intention de le demander à leur expert-comptable). La construction d’un plan de trésorerie et d’un tableau de bord est laissée de côté par respectivement 68 % et 38 % des titulaires. Ils ne voient pas plus l’utilité d’un suivi de la marge en valeur (pour 37 % d’entre eux). Seulement 27 % l’envisagent (contre 44 % en 2009).

Les partenaires inquiets pour le prix des officines

Les pharmaciens sont alors plus nombreux à vouloir gagner sur la fiscalité, puisqu’ils sont plus nombreux que l’an dernier ( 11 % contre 7 % en 2009) à vouloir changer de statut fiscal. En revanche, l’association (9 % contre 12 % en 2009) et la prise de participation dans une SEL (14 % contre 22 % l’an dernier) ne sont pas envisagées. Mais les candidats au regroupement augmentent. Ils sont 68 % (contre 62 % en 2009) à se déclarer prêts. La tendance est la même chez les banquiers (55 %) et les transactionnaires (70 %).

Pour l’ensemble des personnes interrogées (banquiers, transactionnaires, répartitezurs, ordre des pharmaciens…), le prix des officines ne peut que baisser dans les années à venir. Ils sont 59 % des pharmaciens, 64 % des banquiers et 82 % des différents intermédiaires à partager cet avis.

La dévalorisation des officines dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,1 million d’euros recueille le plus grand nombre de suffrages (83 %). Les grandes pharmacies (dont le chiffre d’affaires est supérieur à 2,2 millions d’euros) sont plus exposées à la baisse des prix (pour 51 % des réponses) que les pharmacies moyennes dont le chiffre d’affaires est compris entre 1,1 et 2,2 millions d’euros (37 %).

« Le pharmacien va devoir tout mettre en œuvre pour conserver la valeur capitalistique de son outil de travail », conseille Patrick Bordas.

« Malgré tout, la pharmacie reste une profession d’avenir »

En outre, la demande pourrait se raréfier si les banquiers serrent le robinet du crédit. La proportion d’avis favorables de cette profession pour conseiller l’installation à un jeune pharmacien passe de 90 % en 2009 à 64 % en 2010. D’ailleurs, 73 % d’entre eux n’envisagent pas d’allonger la durée des financements au-delà de 12 ans. Les conditions de crédit seront aussi moins favorables car la très grande majorité des banquiers (86 %) attend une augmentation ou un maintien des taux, alors qu’ils étaient 62 % à les voir baisser en 2009. De fait, la tension est sensible sur le niveau des apports personnels : 73 % des financeurs les voient augmenter.

« Les bonnes affaires se financeront très bien, pour les autres ce sera plus dur », souligne Patrick Bordas. Vu les tendances lourdes qui se dégagent des bilans depuis plusieurs années, il faut d’ores et déjà penser à des hypothèses de substitution car la consistance du capital va changer dans l’avenir. Malgré tout, la pharmacie reste une profession d’avenir. Ceux qui resteront les plus performants sont ceux qui auront su saisir les opportunités de développement et anticiper les menaces grâce à de bons outils de pilotage. »

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