Prix du Moniteur - Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010
 

Cahiers Formation du Moniteur

Les résultats

Prix du Moniteur 2010 Un bon cru !

Le Prix du Moniteur « Intervention officinale autour d’une ordonnance récompense chaque année un pharmacien, un étudiant ou une équipe ayant montré l’importance du rôle du pharmacien lors de la délivrance d’une ordonnance. Réflexion, rigueur, contact avec divers professionnels de santé, formation et démarches qualité sont les marques incontestables retrouvées dans tous les dossiers sélectionnés.

Le Prix du Moniteur « Intervention officinale autour d’une ordonnance » a soufflé ses 7 bougies avec l’édition 2010. L’âge de raison s’est accompagné d’un nouveau protocole de sélection : chaque participant devait dans un premier temps envoyer un résumé d’une page de son intervention. Dix résumés ont ainsi été sélectionnés, chaque candidat retenu ayant alors un mois pour envoyer un dossier complet relatant l’intégralité de sa démarche et les répercussions sur son travail au quotidien. Ces dix dossiers sélectionnés nous livrent ainsi un peu de votre quotidien : gérer un INR à 11 suite à une prescription d’antibiotique, trouver une solution de remplacement à une prescription de Pradaxa un samedi soir alors que vous n’avez pas en stock ce nouvel anticoagulant, convaincre la maman d’un patient schizophrène que ce n’est pas l’idéal de cacher les comprimés de Risperdaloro dans l’eau de boisson de son fils, ou choisir des génériques sans aspartam chez une patiente atteinte de phénylcétonurie. C’est encore améliorer les échanges avec l’hôpital et l’infirmière pour éviter qu’une ordonnance vitale comme celle de Neulasta ne reste au fond d’un tiroir chez le patient après sa chimiothérapie, intercepter une prescription de laxatif risquant de provoquer une hyperkaliémie, ou une prescription de Xelevia en monothérapie non conforme aux référentiels, ou encore mettre en place des entretiens pharmaceutiques sur des pathologies chroniques comme le syndrome des antiphospholipides.

Le jury a choisi à l’unanimité un dossier portant sur une prescription d’Avlocardyl chez un nourrisson, pour laquelle la démarche des pharmaciennes a finalement conduit à valider la prescription mais en modifiant la forme galénique. Vous verrez en lisant leur dossier à quel point cette intervention était judicieuse et vitale !

Bravo à tous les participants qui nous montrent à quel point leur exercice est varié. A chaque fois, ils sont intervenus avec rigueur et efficacité. Et à chaque fois c’est le patient qui est gagnant. Et bien sûr l’image du pharmacien !

Florence Bontemps

Le jury a aimé…

« Le dossier sur l’Avlocardyl était très intéressant et original. Il a dû demander beaucoup de temps !, commente Isabelle Geiler, gagnante du Prix du Moniteur 2009 et membre du jury cette année. Tout y est : opinion pharmaceutique, appel au centre de pharmacovigilance et au laboratoire avec lecture des études cliniques. » Jean Calop, professeur de pharmacie clinique à la faculté de Grenoble et praticien hospitalier, renchérit : « Ils se posent les bonnes questions et vont jusqu’au bout de la démarche. C’est un vrai service rendu, avec une démarche originale ». Ce qui est certain, c’est que tous les dossiers sélectionnés provenaient d’officines qui appliquent la démarche qualité, l’opinion pharmaceutique, la formation, les entretiens pharmaceutiques… Toujours au service du patient.

Le jury était composé de Jean-Marie Gazengel (doyen de la faculté de Caen), Florence Bontemps (directrice scientifique au Moniteur), Jean Calop (professeur de pharmacie clinique à la faculté de Grenoble et praticien hospitalier), Isabelle Geiler (lauréat du Prix du Moniteur 2009), Vivien Veyrat (adjoint, professeur associé à la faculté de Paris-XI), Brigitte Vennat (professeur de pharmacie galénique et présidente de l’Appex) et Olivier Catala (titulaire, professeur associé à la faculté de pharmacie de Lyon).

Le dossier gagnant

Avlocardyl pour un bébé de 2 mois

Une ordonnance d’Avlocardyl prescrite pour un hémangiome chez un nourrisson de 2 mois, ce n’est déjà pas banal. Si, de plus, elle correspond à une forme injectable à administrer par voie orale, cela se complique franchement. Heureusement l’analyse de cette prescription a été rigoureuse : l’Avlocardyl injectable est à pH 3 !

LE CAS

Condiv clinique

→ Notre ordonnance concerne une petite fille de 2 mois qui était en parfaite santé à la naissance (3,3 kg). Dix jours après sa naissance, les parents ont constaté l’apparition de petits boutons ressemblant à des grains de beauté, en relief pour les plus gros, de couleur violacée et de localisation diverse.

On peut classer les boutons selon leur diamètre : ceux d’environ 5 mm de diamètre se situent sur le visage, au niveau de l’arcade sourcilière, sur une omoplate, sur une cheville, et deux sur le crâne ; ceux d’environ 3 mm de diamètre se trouvent sur le cou, au niveau d’un maxillaire, sur une oreille et sur un pied. Il existe un petit point sur une cuisse.

→ Inquiets, les parents consultent successivement :

– un médecin de la Protection maternelle et infantile, qui n’explique pas ces « boutons »,

– le médecin traitant, qui diagnostique des angiomes,

– le pédiatre, qui diagnostique des hémangiomes et prescrit une échographie du foie à réaliser en clinique (le foie étant la principale localisation viscérale des hémangiomes). L’échographie révèle effectivement la présence de 8 hémangiomes sur le foie. Le pédiatre adresse alors les parents en consultation dans le service dermatologique d’un centre hospitalier. Une IRM est pratiquée en premier afin d’écarter le risque de tumeur.

L’ordonnance

A la sortie du service de dermatologie du centre hospitalier, la maman nous présente une ordonnance avec de l’Avlocardyl en ampoule de 5 ml :

– pendant 1 semaine : 1 mg = 1 ml le matin, 1 mg = 1 ml le midi, 2 mg = 2 ml le soir ;

– pendant 1 semaine : 2 mg = 2 ml matin, midi et soir ;

– pendant 2 semaines : 3 mg le matin, 3 mg le midi, 2 mg le soir.

Une seringue de 5 ml est également prescrite.

Objectifs de la prescription

Cette ordonnance nous étonne et suscite d’emblée notre intérêt. Nous interrogeons la maman sur les motifs de la prescription. Lorsqu’elle nous précise la pathologie (un hémangiome), nous nous souvenons avoir lu quelques jours auparavant dans Le Moniteur un article relatif à l’utilisation du propranolol dans le traitement des hémangiomes du nouveau-né.

Indications de l’Avlocardyl

→ Les indications connues à ce jour de l’Avlocardyl pour la forme injectable, extraites du dictionnaire Vidal, sont les suivantes :

– « Traitement d’urgence sous contrôle ECG de différentes formes de tachycardies sympathicodépendantes : tachycardies sinusales et jonctionnelles, tachycardie de la fibrillation et du flutter auriculaire, certaines tachycardies d’origine ventriculaire.

– Traitement de certains troubles du rythme : supraventriculaires (tachycardies, flutters et fibrillations auriculaires, tachycardies jonctionnelles) ou ventriculaires (extrasystolie ventriculaire, tachycardies ventriculaires). »

– Pour les formes orales : Avlocardyl 40 mg et Avlocardyl LP 160 mg :

– « Hypertension artérielle.

– Prophylaxie des crises d’angor d’effort.

– Traitement au long cours après infarctus du myocarde.

– Traitement de certains troubles du rythme : supraventriculaires (tachycardies, flutters et fibrillations auriculaires, tachycardies jonctionnelles) ou ventriculaires (extrasystoles ventriculaires, tachycardies ventriculaires).

– Manifestations cardiovasculaires des hyperthyroïdies et intolérance aux traitements substitutifs des hypothyroïdies.

– Signes fonctionnels de la cardiomyopathie obstructive.

– Prévention des hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes (prévention primaire) et de leur récidive (prévention secondaire) chez les patients atteints de cirrhose : la prévention d’une première rupture de varice œsophagienne est limitée aux patients ayant une hypertension portale, chez lesquels l’examen endoscopique révèle des varices œsophagiennes de taille intermédiaire ou volumineuse (stade II ou III). »

→ Pour Avlocardyl 40 mg :

– « Traitement de fond de la migraine et des algies de la face.

– Tremblements, en particulier essentiels.

– Manifestations fonctionnelles cardiaques à type de tachycardie et de palpitations au cours de situations émotionnelles transitoires. »

→ Et pour Avlocardyl LP 160 mg : « Traitement de fond de la migraine. »

→ L’Avlocardyl est donc ici prescrit hors AMM.

Conservation des ampoules

Les ampoules ayant une contenance de 5 ml, la maman nous demande si elle pourra conserver l’ampoule après son ouverture pour prélever une autre dose. Nous lui indiquons que l’ampoule ne sera plus stérile. Nous précisons à la maman que nous n’avons pas le médicament prescrit en stock et que nous allons prendre contact avec le laboratoire qui commercialise l’Avlocardyl pour obtenir plus de renseignements.

QUEL EST LE PROBLÈME ?

Exposition du problème

Trois principaux problèmes se présentent :

– la prescription hors AMM,

– la forme du médicament prescrite,

– la posologie du médicament inconnue dans cette indication.

Analyse du risque encouru

Concernant la forme galénique

Administrer le contenu d’une ampoule injectable par voie orale entraîne un risque d’œsophagite pour le bébé car le contenu de l’ampoule est très acide (pH = 3). La maman a d’ailleurs eu connaissance de ce risque car elle a pris contact avec des parents dont l’enfant a été confronté au même problème de santé. Nous découvrirons plus tard, à la lecture d’articles qui nous ont été envoyés par le laboratoire, qu’il existe également un risque de rectorragies toujours dû au caractère acide de la solution ainsi qu’à son hyperosmolarité.

Concernant le bêtabloquant

Le médecin doit, avant de prescrire l’Avlocardyl chez le bébé, vérifier l’absence de contre-indications (bloc auriculoventriculaire, asthme…).

La prescription d’un bêtabloquant chez un bébé nécessite une surveillance cardiaque et métabolique étroite, surtout au début du traitement, mais aussi tout au long de celui-ci :

– surveillance à l’hôpital pendant les premières 48 heures,

– avant le traitement, mesure de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle aux quatre membres, ECG avec 12 dérivations et échographie cardiaque, fonction rénale et glycémie,

– durant les 2 premiers jours : monitoring ECG pendant le sommeil et 1 heure après administration du propranolol, tension artérielle 3 fois par jour, contrôles de la glycémie si facteurs de risque supplémentaires,

– avant la sortie de l’hôpital : ECG avec 12 dérivations,

– après la sortie : fréquence cardiaque et tension artérielle après 1 et 4 semaines, ensuite toutes les 8 semaines.

DÉROULEMENT DE L’INTERVENTION

Analyse du problème

Il nous faut d’abord résoudre le problème de la prescription hors AMM, de la forme d’administration du médicament et de la posologie.

→ Nous commençons par contacter le laboratoire qui commercialise l’Avlocardyl. Ce dernier nous précise que suite à une découverte fortuite dans le service de la clinique pédiatrique du CHU de Bordeaux, des études sur l’utilisation du propranolol dans le traitement des hémangiomes du bébé sont actuellement en cours (ce qui explique la prescription hors AMM de l’Avlocardyl).

C’est en août 2008, au CHU de Bordeaux, que des corticoïdes sont administrés à un nourrisson présentant un hémangiome assez important à proximité du nez. L’enfant réagit mal : sa tension artérielle augmente et son cœur s’emballe. Des bêtabloquants sont alors administrés en urgence à ce bébé. L’hémangiome « dégonfle » en quelques minutes. Les corticoïdes sont alors stoppés tandis que les bêtabloquants sont poursuivis. L’hémangiome s’est alors résorbé très rapidement, dans les mois qui suivirent.

Actuellement, un laboratoire pharmaceutique dirige une étude clinique multicentrique pour commercialiser une forme pédiatrique de propranolol.

→ Comme nous l’avions lu dans l’article du Moniteur, le laboratoire commercialisant Avlocardyl nous confirme que l’administration de la forme injectable par voie orale va poser un problème du fait de l’acidité de la solution : il nous est fortement conseillé de préparer des gélules à partir du principe actif que le laboratoire se propose de nous fournir. Nous confions la réalisation de ces gélules à la pharmacie avec laquelle nous avons l’habitude de travailler (nous l’avons, au préalable, contactée afin de nous assurer qu’elle avait bien ce principe actif).

→ D’après le centre de pharmacovigilance que nous avons contacté, la posologie recommandée est la suivante :

– Le 1er jour du traitement : 1 mg/kg/j en 3 doses,

– Dès le 3e jour : 2 mg/kg/j en 3 doses.

Sur notre ordonnance, la posologie est respectée.

→ Le laboratoire nous informe également de l’existence d’une spécialité appelée Syprol présentée sous forme de sirop (donc plus adaptée à l’usage pédiatrique), mais cette dernière n’est disponible qu’en ATU, donc à l’hôpital. Nous demandons au laboratoire de nous envoyer par courrier des articles relatifs aux études sur l’utilisation du propranolol pour le traitement des hémangiomes du nourrisson. Dans ces articles, nous trouverons les hypothèses émises sur le mécanisme d’action du propranolol, qui restent encore à confirmer à ce jour :

– vasoconstriction (les hémangiomes deviennent rapidement pâles et mous),

– expression réduite des gènes VEGF et bFGF (qui stimulent l’angiogenèse) par une régulation à la baisse du RAF-mitogen-activated protein kinase pathway (ce qui expliquerait la réduction du volume de l’hémangiome),

– induction de l’apoptose des cellules endothéliales des capillaires.

Les informations communiquées par le laboratoire nous rassurent et nous informons donc rapidement la maman que nous faisons préparer des gélules et que nous la contacterons dès réception de celles-ci.

Nous contactons ensuite le médecin.

Appel à Medqual et au centre de pharmacovigilance

N’ayant pas réussi à joindre le médecin immédiatement, nous envoyons un e-mail à Medqual (centre d’informations et de ressources pour le bon usage des produits de santé), qui travaille en liaison avec le centre de pharmacovigilance. Medqual nous confirme que le Syprol, spécialité en ATU, est bien disponible à la pharmacie de l’hôpital, mais que seul le médecin peut en faire la demande à l’Afssaps. Le centre de pharmacovigilance répondra à notre e-mail plus tard.

Appel au médecin

Le médecin, difficilement joignable, nous rappelle quelques jours plus tard. Nous lui parlons du pH très acide des ampoules d’Avlocardyl qui empêche son utilisation par voie orale. Le médecin nous indique qu’il n’avait pas connaissance de cette information et qu’il avait prescrit cette forme car la maman allaitait son bébé : la préparation de gélules ne lui pose aucun problème.

Nous abordons ensuite la question du Syprol forme sirop en ATU. Le médecin nous précise que le Syprol est utilisé dans le cadre d’un protocole d’étude. Les critères d’inclusion dans cette étude sont l’existence d’hémangiomes sur la tête et le cou, mais représentant une certaine superficie. Le cas de ce bébé ne correspondant pas à ces critères, il ne peut pas être inclus dans ce protocole d’étude.

Conseils sur l’utilisation du médicament

Les gélules d’Avlocardyl sont à ouvrir puis à diluer dans une partie du lait du biberon.

Elaboration d’une opinion pharmaceutique

L’Avlocardyl étant ici prescrit hors AMM (mais des études sont en cours) et la forme prescrite n’étant pas adaptée, nous rédigeons une opinion pharmaceutique.

Plan de prise

La concentration maximale d’un bêtabloquant après son administration orale est 2 fois plus élevée quand le médicament est donné à 8 h que lorsqu’il est administré à la même dose à 14 h ou à 20 h. Sa biodisponibilité est donc plus importante le matin que le soir. Le propranolol étant un bêtabloquant liposoluble, il doit être pris au cours des repas avec des matières grasses (c’est pourquoi nous conseillons à la maman d’ouvrir les gélules et de les mettre dans du lait). Par ailleurs, il faut éviter la prise d’un bêtabloquant liposoluble à forte affinité cérébrale comme le propranolol après 18 h afin d’éviter les troubles du sommeil (effet secondaire signalé par le médecin aux parents).

Mise en pratique d’une démarche qualité

Une procédure qualité intitulée « Analyse d’une ordonnance » rédigée auparavant nous a servi de base pour la résolution du problème présenté par cette ordonnance.

RÉPERCUSSIONS

Démarche de formation

Afin d’informer l’ensemble de l’équipe officinale sur cette pathologie peu fréquente, nous rédigeons une fiche et la présentons sous forme d’un exposé. Le schéma pourra nous servir si nous sommes de nouveau confrontées à des ordonnances prescrites pour des pathologies particulières.

Epilogue

Un mois après la première prescription, les parents nous présentent une ordonnance pour la poursuite du traitement. Ils sont déjà très satisfaits car le traitement a permis une bonne régression des hémangiomes. Ils apprécient notre implication face au problème de santé de leur enfant et, de notre côté, la coopération des parents nous est très utile pour le bon suivi du traitement. Une nouvelle échographie sera pratiquée prochainement afin de suivre l’évolution des hémangiomes hépatiques.

Résumés des dossiers sélectionnés

Neulasta : une ordonnance oubliée chez le patient

Il est parfois difficile pour un patient polymédiqué de s’y retrouver dans son traitement au sortir de l’hôpital. Or les conséquences d’une mauvaise observance peuvent être lourdes. Voici une stratégie inventive afin d’assurer le suivi thérapeutique du patient à domicile après son retour de chimiothérapie.

QUEL EST LE PROBLEME ?

Délai d’injection non respecté

Trois jours après le dernier cycle de chimiothérapie, l’infirmière qui prend en charge M. A. retrouve à son domicile une ordonnance de Neulasta. Or, pour une efficacité optimale, le Neulasta doit être injecté dans les 24 heures suivant la chimiothérapie. Cet oubli met la vie du patient en danger, et révèle surtout que celui-ci est incapable d’assurer seul l’approvisionnement de ses médicaments. Les oublis vont certainement se répéter si aucune aide n’est mise en place.

Risque encouru

Un retard de 72 heures diminue l’effet préventif du Neulasta et expose le patient à un risque de neutropénie fébrile. En effet, le risque infectieux reste une cause fréquente de mortalité chez les patients traités par chimiothérapie.

LA GESTION DU PROBLÈME

M. A. est incapable d’assurer lui-même la gestion et l’approvisionnement de ses médicaments. Mais ce n’est pas le seul problème. Cet incident a mis en évidence l’absence de coordination entre les professionnels de santé, notamment entre hôpital et ville. Le pharmacien décide alors de mettre en place une procédure en lien avec l’infirmière libérale en charge du patient pour assurer une continuité des soins après chaque cycle de chimiothérapie.

PROCÉDURE MISE EN PLACE

Contacts entre le pharmacien et l’infirmière

Dès le retour du patient à domicile, l’infirmière appelle systématiquement la pharmacie pour faire le point sur les médicaments restants au domicile du patient, ceux qui sont à commander et les délais d’approvisionnement. Le pharmacien vérifie la validité de l’ordonnance de Neulasta (prescription initiale hospitalière trimestrielle) et prépare les ordonnances, qu’elles soient archivées ou dictées par l’infirmière. Lors de la délivrance, à l’officine ou à domicile, le pharmacien donne des conseils à l’infirmière sur les nouveaux médicaments prescrits et leurs conditions de conservation. En cas d’absence, l’infirmière laisse les coordonnées de la pharmacie à la personne qui la remplace.

Détection des patients isolés

Cette démarche a sensibilisé toute l’équipe sur les problèmes liés à l’isolement des patients, et qui peuvent mettre leur vie en péril. Son objectif est donc de détecter les patients isolés, ou incapables de se prendre en charge, pour prendre contact avec le service hospitalier, le médecin ou l’infirmière concerné.

Informer par blog et entretiens pharmaceutiques

Blog, e-mails, entretiens pharmaceutiques sont de nouvelles approches qui contribuent à une meilleure prise en charge des patients. Ils permettent de prendre le temps de se renseigner sur des sujets pointus (comme ici le syndrome des antiphospholipides*) et de jouer le rôle de « personne ressource » vis-à-vis du patient.

QUEL EST LE PROBLEME ?

Une simple analyse de l’ordonnance de Mme X. ne permet pas d’identifier sa pathologie et de répondre à ses questions. Seule une discussion avec la patiente permet au pharmacien de comprendre le condiv du traitement. Mais la communication au comptoir avec Mme X. est limitée (méconnaissance de cette maladie orpheline, problème de confidentialité, manque de temps pour formaliser par écrit les conseils du pharmacien).

LA GESTION DU PROBLÈME

Le pharmacien propose à Mme X. de faire une recherche puis de lui envoyer par e-mail les documents trouvés sur le syndrome des antiphospholipides (SAPL) et les AVK. Il en profite pour lui rappeler l’importance du suivi biologique (contrôle de l’INR au moins une fois par mois) et lui distribue le carnet d’information « Vous et votre traitement anticoagulant par AVK ».

CONSEIL AU PATIENT

Afin d’assurer un suivi des échanges avec la patiente, le pharmacien crée un dossier patient. Lors de sa prochaine venue à l’officine, Mme X. aura une meilleure connaissance de sa pathologie et pourra s’entretenir avec le pharmacien sur les règles hygiénodiététiques à adopter (alimentation, activité physique…).

DÉMARCHE QUALITÉ

Pour accompagner au mieux ses patients, le pharmacien a mis en place plusieurs stratégies.

Il a tout d’abord créé une adresse e-mail professionnelle au nom de chaque membre de l’équipe. Ainsi, préparateurs et pharmaciens peuvent communiquer entre eux et avec leurs patients.

Le pharmacien tient également à jour un blog (www.remedeo-leblog.fr) sur lequel les patients peuvent trouver des explications simples mais validées sur certaines pathologies.

Enfin, il a mis en place des entretiens pharmaceutiques. Le principe est simple. Le patient prend rendez-vous avec le pharmacien adjoint ou titulaire une semaine à l’avance à l’aide d’une fiche de prise de rendez-vous. La thématique et les objectifs de l’entretien sont alors fixés. L’échange a lieu dans un espace de confidentialité (local orthopédie) et dure environ quinze minutes. L’entretien pharmaceutique permet de rassurer le patient face à la maladie, de rappeler l’importance du suivi biologique et de donner des conseils hygiénodiététiques.

Résumés des dossiers sélectionnés

Izilox chez un insuffisant cardiaque : dangereux !

Les torsades de pointes, dont le nom pourrait évoquer un point de dentelle, est en réalité un trouble du rythme pouvant entraîner le décès par arrêt cardiaque, Souvent dû à une interaction médicamenteuse, il nécessite une formation et une vigilance sans failles.

QUEL EST LE PROBLEME ?

Association contre-indiquée

La moxifloxacine (Izilox) entraîne des troubles du rythme ventriculaires, notamment des torsades de pointes par allongement de l’espace QT. Cette fluoroquinolone est donc contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque. Autre problème, la patiente est déjà traitée par amiodarone, médicament torsadogène. Cet antibiotique présente donc une double contre-indication.

Risque encouru

Le risque est d’ordre vital, puisqu’un allongement de l’espace QT augmente le risque de mort subite.

LA GESTION DU PROBLÈME

Recherche d’un antibiotique adapté

Parmi les antibiotiques indiqués dans le traitement des exacerbations aiguës de bronchite chronique, les macrolides sont décrits comme non torsadogènes. Le pharmacien propose donc de remplacer l’Izilox par la clarithromycine (500 à 1 000 mg/j en une prise).

Appel au prescripteur

Contacté par téléphone, le médecin confirme le risque torsadogène lié aux fluoroquinolones et accepte la proposition du pharmacien. Il modifie sa prescription en faveur d’un macrolide : Monozeclar (500 mg/j pendant 10 jours). Ce médicament non torsadogène ne présente aucune contre-indication avec l’amiodarone.

REPERCUSSIONS SUR L’EQUIPE

La gestion de cette interaction est l’occasion d’améliorer la formation à l’officine. Un document rappelant la définition des médicaments torsadogènes, les risques liés à leur association et la liste de ces médicaments a été établi. Il est disponible pour toute l’équipe dans le classeur « Formation » et en affichage.

Une alerte destinée à l’équipe a également été insérée dans tous les dossiers patients traités par amiodarone. Une mise en garde sur les médicaments qui ne doivent pas être délivrés à Mme X. a par ailleurs été enregistrée dans sa fiche patient.

De plus, une fiche médicament est disponible et remise aux patients traités par cet antiarythmique.

DÉMARCHE QUALITÉ

Devant la mauvaise observance de cette patiente polymédiquée, un plan de prise et une association horaires de prises/moments de la vie quotidienne sont mis en place. Un tableau récapitulatif reprend médicaments, heures de prises et conseils au patient. Pour plus de clarté, à chaque pathologies (troubles cardiaques, diabète, BPCO) est associée une couleur dans le plan de prise.

Afin de garder une trace de l’intervention, l’équipe s’intéresse à l’opinion pharmaceutique, qu’elle n’a encore jamais utilisée. Elle en analyse le principe et un classeur contenant un exemplaire type est désormais à disposition.

Phénylcétonurie et grossesse : risque pour bébé

Les femmes atteintes de phénylcétonurie présentent des grossesses à risque. Elles doivent être plus que vigilantes, la phénylalanine se retrouvant partout, même dans les médicaments ! Ce pharmacien de Plessis-Robinson a mis en place une stratégie pour analyser la composition des médicaments et éviter d’éventuelles malformations chez l’enfant.

QUEL EST LE PROBLÈME ?

Médicament source de phénylalanine

Connaissant la phénylcétonurie de la patiente, le pharmacien vérifie l’absence de phénylalanine dans Amodex 1 g (comprimé dispersible), prescrit par le médecin traitant. A la lecture de la composition du comprimé, il s’aperçoit de la présence d’aspartam comme excipient.

Le risque encouru

L’aspartam est un dipeptide. Son métabolisme libère deux acides aminés, l’acide L-aspartique et la L-phénylalanine. La consommation d’aspartam entraîne donc une augmentation du taux de phénylalanine chez la mère et un risque d’embryopathies pour l’enfant. En effet, la phénylcétonurie est due au déficit en une enzyme hépatique : la phénylalanine-hydroxylase, qui permet la transformation de la phénylalanine en tyrosine.

LA GESTION DU PROBLÈME

Recherche d’un autre antibiotique

Le pharmacien constate que la présence d’aspartam est liée à la forme galénique de l’antibiotique. L’excipient est essentiellement utilisé dans les formes dispersibles et les solutions buvables pour masquer le mauvais goût du principe actif. Le pharmacien propose donc Amodex en gélules dosées à 500 mg, compatible avec la grossesse de sa patiente.

Appel au prescripteur

Le pharmacien rappelle au médecin les antécédents de phénylcétonurie de Mme Z. et lui signale la contre-indication à l’aspartam. Le médecin entérine donc la proposition du pharmacien de prescrire Amodex 500 mg en gélules (2 gélules deux fois par jour pendant six jours).

CONSEILS À LA PATIENTE

Le pharmacien recommande à la patiente d’éviter l’automédication et de bien vérifier l’absence d’aspartam en contrôlant la notice de chaque médicament. Elle devra également signaler son régime à chaque professionnel de santé.

A l’officine, un « commentaire bloquant » est ajouté à son dossier patient et un dossier pharmaceutique est créé.

MISE EN PLACE D’UNE DÉMARCHE QUALITÉ

Un document sur la phénylcétonurie est désormais à disposition de l’équipe officinale. Dans la foulée, la procédure concernant la délivrance de médicaments aux personnes souffrant de phénylcétonurie a été étendue aux patients intolérants au gluten.

Liste des sélectionnés

Un prix pour les 10 meilleurs dossiers

Les divs des dossiers sélectionnés pour participer à la seconde phase du Prix du Moniteur recevront chacun un exemplaire de l’ouvrage « La Qualité en pratique » de Martine Costedoat et Cécile Sarraute, publié aux Editions Le Moniteur des pharmacies. Ce guide pratique regroupe 35 procédures qualité pour compléter celles que ces pharmaciens ont déjà largement mises en place.

Marina Piau et Annie Lombard, lauréates du Prix du Moniteur 2010

« Cela faisait un moment que nous voulions participer, explique Annie Lombard, colauréate avec Marina Piau du Prix du Moniteur, toutes deux adjointes à la Pharmacie Turpin-Morin à Nort-sur-Erdre (Loire-Atlantique). On cherchait une ordonnance intéressante. Et puis il y a eu cette coïncidence : quelques jours après avoir lu dans Le Moniteur un petit article sur la prescription d’Avlocardyl dans les angiomes, nous avons eu cette prescription ! Cela touchait un nourrisson, c’était intéressant… » Effectivement, un service de dermatologie hospitalier prescrivant une ordonnance d’Avlocardyl injectable sous forme buvable à un nourrisson de 2 mois, voilà qui a de quoi intriguer !

Marina Piau et Annie Lombard ont reçu leur prix de 2 000 euros lors de la soirée Initiatives Pharmacie qui s’est déroulée le 17 juin à Paris.

Pharmacie Turpin-Morin

1, rue du Général-Leclerc à Nort-sur-Erdre

→ Marina Piau, Annie Lombard pharmaciennes adjointes

Bibliographie

– « Moniteur des pharmacies » du 27 février 2010.

– « Vidal » 2010 (RCP d’Avlocardyl).

– Léauté-Labrèze C et al., Propranolol for severe hemangiomas of infancy, N Engl J Med, June 2008, 358 : 2649-2651.

– Weibel L., Zurich, Propranolol, un nouveau traitement pour les hémangiomes infantiles, Paediatrica, Zurich, vol . 20 n° 2, 2009.

– Thivent V., Un remède miracle contre les hémangiomes infantiles, Science Actualités, 14 avril 2009.

– Daoust. L, Le propranolol dans le traitement des hémangiomes, www.anomalievasculaire.org/propranolol.htm.

– CHU de Bordeaux : Révolution thérapeutique dans le traitement de l’hémangiome infantile, www.cadredesanté.com, 16 avril 2009.

– Zimmermann Ap et al., Propranolol therapy for infantile haemangiomas : review of the litterature, Int J Pediatr Otorhinolaryng 2010 ; 74/338-342.

– Lawley LP et al., Propranolol treatment for hemangioma of infancy : risks and recommandations, Pediatr dermatol 2009 ; 26 : 610-614.

– Michel JL et al., Efficacité des bêtabloquants par voie orale dans le traitement des hémangiomes prolifératifs du nourrisson, Arch Pediatr 2009 ; 16 : 1565-1568.

– Buckmiller L et al., Propranolol for airway hemangiomas : case report of novel treatment, Laryngoscope 2009 ; 119 : 2051-2054.

– Denoyelle F et al., Role of propranolol in the therapeutic strategy of infantile laryngotracheal hemangioma, Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2009 ; 73 : 1168-1172.

Pharmacie du XXe Corps

17 bis rue du XXème Corps-Américain

57000 Metz

Participante

→ Julie Rouyer, pharmacienne adjointe

LE CAS

→ Le patient

M. A., 68 ans, atteint d’un cancer du pancréas.

→ Le condiv clinique

M. A. reçoit une chimiothérapie anticancéreuse par Gemzar (gemcitabine), dont l’effet indésirable le plus fréquent est une neutropénie fébrile. L’administration doit être répétée une fois par semaine pendant 3 semaines consécutives suivies d’une semaine de repos.

→ L’ordonnance

Trois jours après le dernier cycle de chimiothérapie, l’infirmière libérale qui prend en charge M. A. retrouve à son domicile une ordonnance oubliée de Neulasta 6 mg (pegfilgrastim). Le Neulasta est un facteur de croissance hématopoïétique stimulant spécifiquement la lignée neutrophile. Ce médicament est indiqué dans la prévention des neutropénies induites par une chimiothérapie cytotoxique.

Pharmacie du Clos

2, bd du Colonel-Fabien 92240 Malakoff

Participante

→ Sandra Chasseloup, pharmacienne adjointe

Le cas

→ La patiente

Mme X., 50 ans, traitée pour un syndrome des antiphospholipides, est de nature anxieuse. Elle conjugue des soucis personnels (difficultés à communiquer avec le fils de son nouveau conjoint) et professionnels.

→ L’ordonnance

Mme X. se présente à l’officine avec une prescription de son médecin traitant comprenant Préviscan, de l’acide folique et Lévothyrox.

→ Le condiv

Mme X ne comprend pas très bien la physiopathologie de sa maladie et la prescription de Préviscan. Elle interroge donc son pharmacien.

Pharmacie Auchatraire

86 rue Carnot 62480 Le Portel

Participante

→ Lydie Lefebvre, étudiante en 6e année

LE CAS

→ La patiente

Mme X., âgée de 60 ans, ancienne fumeuse et diabétique, souffre d’insuffisance coronarienne depuis plus de 10 ans et de BPCO. Elle est notamment traitée par Cordarone (amiodarone) pour des troubles du rythme.

→ Le condiv clinique

Mme X. consulte son médecin pour des problèmes respiratoires associés à une recrudescence de la toux et d’importantes expectorations.

→ L’ordonnance

Dans un condiv d’exacerbation aiguë de bronchite chronique, le médecin prescrit un antibiotique, l’Izilox (1 cp/j pendant 7 jours).

Pharmacie de la Cité

9, avenue Charles-de-Gaulle 92350 Le Plessis-Robinson

Participants

→ Mathilde Scheuer, pharmacienne adjointe

→ Aurélien Malvestio, étudiant en 6e année

LE CAS

→ La patiente

Mme Z., enceinte de 2 mois, présente des antécédents de phénylcétonurie. Elle suit donc un régime pauvre en phénylalanine recommandé par son gynécologue.

→ Le condiv

Mme Z. consulte son médecin traitant pour fièvre, maux de gorge et douleur à la déglutition.

→ L’ordonnance

Le médecin traitant prescrit Amodex en comprimés dispersibles (1 g deux fois par jour pendant six jours) à Mme Z. pour traiter une angine.

* Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) se caractérise par la présence d’anticorps antiphospholipides. Les principales manifestations cliniques sont la survenue d’une thrombose, une morbidité chez la femme enceinte, une thrombocytopénie, la présence de symptômes neurologiques, un livedo reticularis et une anémie hémolytique.

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