Inspirons-nous de la spirométrie - Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2837 du 26/06/2010
 
BARCELONE

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Auteur(s) : Armand Chauvel

En Espagne, Santiago Ricarte participe à une expérience pionnière dans la détection de la bronchopneumopathie chronique obstructive : pharmaciens et pneumologues collaborent pour augmenter le diagnostic précoce de cette maladie mal connue du grand public.

Santiago Ricarte connaît très bien les habitants du quartier de Barcelone, en Espagne, où il exploite depuis seize ans son officine près de l’avenue Meridiana. Ainsi, depuis quelques semaines, quand il voit entrer un fumeur, il ne manque jamais l’occasion de lui proposer de se soumettre à une spirométrie afin de mesurer sa capacité pulmonaire. « Les gens réagissent bien dans l’ensemble, et j’ai déjà fait passer plus de vingt examens », raconte ce fils d’ébéniste, qui considère que se limiter à vendre des médicaments derrière un comptoir serait « dangereux pour [sa] santé psychologique ». C’est pourquoi il s’est tout de suite porté volontaire quand il a été informé d’une expérience sur la détection de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Une expérience pionnière connue sous le nom de « FarmaEPOC2 » et dont la publication des résultats définitifs, en septembre 2011, sera suivie par l’ensemble de la communauté mondiale des pneumologues.

Douze heures de formation pratique et théorique

« L’objectif est d’évaluer la valeur ajoutée des pharmacies dans le criblage opportuniste de cette pathologie », résume Rafael Guyata, conseiller scientifique du COFB, le Collège des pharmaciens de Barcelone. «  L’enjeu n’est rien moins que d’améliorer le diagnostic précoce de cette maladie mal connue, qui touche pourtant 10 % de la population espagnole de 40 à 80 ans et se situe dans les quatre premières causes de mortalité en Europe », ajoute le docteur Diego Castillo, du service de pneumologie de l’hôpital Santa Creu i Santa Pau de Barcelone et membre de la SEPAR, la Société espagnole de pneumologie et de chirurgie thoracique, partie prenante du projet.

Celui-ci a débuté en 2007 avec « FarmaEPOC1 », un test limité à 12 pharmacies sur trois mois pour prouver la faisabilité pratique de la spirométrie à l’officine (recrutement des patients puis conduite de l’examen). Forts d’un résultat positif – commenté dans des revues médicales comme Respiratory Medicine ou The Lancet –, le COFB, la SEPAR et la CAMFIC (groupement des médecins généralistes) ont décidé de lancer une expérience de détection précoce « grandeur nature » avec 100 pharmacies catalanes qui réaliseront pendant un an 3 600 examens. Comme tous les participants, Santiago Ricarte a dû suivre une formation pratique et théorique de douze heures. « C’est plus difficile que la mesure de la tension ou du taux de sucre par exemple, car il faut obtenir la participation active du patient », précise-t-il, avant d’accueillir une cliente ayant justement pris rendez-vous pour une spirométrie.

Orienter vers un médecin généraliste s’il le faut

La procédure, d’une vingtaine de minutes, est bien rodée. Dans un premier temps, elle consiste à remplir un « questionnaire de criblage » comportant cinq points principaux : tabagisme (nombre de cigarettes par jour et nombre d’années de tabagisme), âge, présence de toux, présence de crachats et fatigue. En fonction des résultats obtenus, le pharmacien procède ou non à la spirométrie. Bien sûr, les contre-indications à l’examen (problèmes rétiniens par exemple) sont écartées avant de passer dans une autre pièce où le spiromètre est relié à un ordinateur. A partir de ce moment, Santiago Ricarte se transforme en une sorte de coach. Après quelques cycles de respiration normale, il entraîne sa cliente à placer correctement le transducteur spirométrique dans sa bouche, puis fixe une pince sur son nez et l’encourage de la voix quand elle souffle dans l’appareil. En général, l’expérience comporte trois expirations forcées de façon à obtenir au moins deux résultats comparables. Facile ? « Beaucoup moins qu’il n’y paraît, affirme le pneumologue Diego Castillo, car 10 % des personnes ne comprennent pas la manœuvre et dix autres pour cent ne s’impliquent pas assez pour obtenir un bon résultat. »

Dans ces conditions, le « score » obtenu à ce jour par les pharmaciens catalans est plus que satisfaisant : 72 % de spirométries correctes, ce qui tend à prouver qu’ils sont aussi doués que les infirmiers ou les techniciens spécialisés. Mais le rôle de Santiago Ricarte ne s’arrête pas là. Si la spirométrie met en lumière une capacité pulmonaire insuffisante, il remplit un formulaire et oriente le patient vers son médecin généraliste, lequel décidera des mesures thérapeutiques à adopter. Par ailleurs, il transmet par voie télématique les résultats (dont trois copies de sécurité sont effectuées automatiquement) à un technicien de l’hôpital Santa Creu i Santa Pau. Ce dernier valide ou non l’examen et envoie un commentaire qualitatif dont Santiago Ricarte s’inspire pour améliorer son expérience.

Une image de professionnalisme payante et valorisante

« C’est exigeant mais très motivant sur le plan humain, déclare Santiago Ricarte, car on estime que 1,8 million d’Espagnols souffre de BPCO mais que seulement 27 % le savent. » D’où une « poche » de malades non diagnostiqués de 73 % à laquelle les pneumologues eux-mêmes reconnaissent qu’ils n’ont pas accès compte tenu de la réticence de nombreux fumeurs à consulter. Optimiste, la SEPAR envisage déjà d’étendre l’étude à d’autres régions telles que les Asturies ou Valence. « Les pharmaciens devraient participer au diagnostic précoce d’autres maladies à forte prévalence », affirme Diego Castillo. Une approche bien sûr défendue par le Collège des pharmaciens de Barcelone qui estime à 1 876 euros par an le coût sanitaire moyen d’un patient atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive. « Si “FarmaEPOC2” est couronné de succès, nous aurons enfin la preuve formelle que l’implication active des pharmaciens dans la prévention secondaire est rentable pour le système de santé et doit être étendue », explique Rafaël Guyata. De quoi donner des idées à d’autres pays, tel le Royaume-Uni où pneumologues et pharmaciens envisagent de suivre la même expérience.

En attendant, dans sa pharmacie, Santiago Ricarte devra réaliser 35 spirométries d’ici le 12 juillet. L’établissement ne désemplit pas et trouver des volontaires ne sera pas un problème. « Ici, nous sommes entourés de drogueries, de parfumeries et de parapharmacies, de sorte que la solution commerciale n’est pas de vendre davantage de produits mais d’offrir plus de services et de jouer la carte de la professionnalisation », calcule-t-il. Ses trois employées sont toutes des professionnelles chevronnées auxquelles les gens du quartier font confiance. Bien sûr, Santiago Ricarte effectue les spirométries gratuitement. Toutefois, en cas de succès de l’opération, rien n’exclut que ce service – et d’autres – deviennent générateurs de ressources à moyen terme.

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LES AVANTAGES

• Professionnaliser l’activité.

• Participer aux soins avec les généralistes et les pneumologues.

• Renforcer les liens avec la clientèle au travers d’une expérience pionnière dans le monde.

LES DIFFICULTÉS

• Les fumeurs de 40 à 50 ans sont plus réticents que ceux de 50 ans et plus.

• Le service n’est pas rétribué. Il pourrait le devenir à terme en cas de succès de l’opération.

• Planifier les rendez-vous avec les clients afin de ne jamais délaisser le comptoir.

• Se montrer très clair sur le fait que l’on ne joue qu’un rôle d’intermédiaire et qu’aucun diagnostic n’est réalisé.

• A peu près 20 % des spirométries sont vouées à l’échec, pour des causes diverses indépendantes des compétences du pharmacien.

LES CONSEILS

• Montrez-vous diplomate et ne brusquez jamais un client fumeur qui hésite à passer l’examen.

• Mettez une affichette sur la porte de façon à sensibiliser le client à la BPCO avant qu’il n’entre dans la pharmacie.

• Insistez sur l’importance de la détection précoce, laquelle permettra, dans la plupart des cas, de stopper l’évolution de la maladie.

• Impliquez-vous lors de la phase d’expiration forcée ; l’encouragement par la voix est très important.

• Intégrez cette démarche dans une approche plus globale où le pharmacien doit prouver sa pertinence comme agent de santé.

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