L’officine qui sait parler sexualité aux jeunes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2835 du 12/06/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2835 du 12/06/2010
 
MOLSHEIM

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Auteur(s) : Aude Allaire

Depuis sept ans, la Pharmacie de la Ville participe au réseau Info-Ado. L’objectif : informer sur les maladies sexuellement transmissibles et, surtout, éviter le traumatisme d’une interruption volontaire de grossesse aux adolescentes en œuvrant pour une meilleure prise en charge contraceptive.

Il est 17 heures lorsqu’une adolescente franchit d’un pas mal assuré la porte de la Pharmacie de la Ville à Molsheim dans le Bas-Rhin. C’est à peine si elle murmure un bonjour en tendant à la pharmacienne son ordonnance. Sur celle-ci, pas de nom de patiente, mais un « laissez-passer » connu de toute l’équipe : le tampon du réseau Info-Ado et le nom du gynécologue qui a reçu gratuitement la jeune fille. « Le réseau dispose de trois sites qui permettent d’accueillir gratuitement et anonymement les jeunes mineures pour une consultation gynécologique », explique Francis Woltz. Le cotitulaire de la Pharmacie de la Ville avec Isabelle Wackermann fait partie du réseau depuis sa création. Deux des centres de consultation sont basés à Strasbourg, l’un à la Maternité des hospices civils, l’autre au centre de planning familial de Hautepierre. Le troisième est situé au SIHCUS*-CMCO (Centre médicochirurgical et obstétrical) créé par la caisse primaire d’assurance maladie de Strasbourg en 1972.

Information, gratuité et pédagogie

« Le réseau est né en 2001 sous l’impulsion du professeur Israël Nisand, reprend Francis Woltz, de la constatation d’un nombre élevé d’interruptions volontaires de grossesse chez les adolescentes sur le secteur géographique de la vallée de la Bruche. L’idée était donc de mettre en place un réseau qui permettrait de mieux informer les adolescents sur les moyens de contraception et de leur en faciliter l’accès pour éviter ces interruptions volontaires de grossesse. Celles-ci constituent en effet un traumatisme d’autant plus important qu’elles sont pratiquées chez des jeunes filles, au début de leur sexualité. »

En partenariat avec la caisse primaire d’assurance maladie (notamment pour le remboursement de la pillule), des praticiens libéraux et les officines du secteur, le réseau Info-Ado s’articule donc autour trois axes : l’information des jeunes, des consultations gratuites ouvertes aux jeunes sans rendez-vous et la délivrance anonyme et gratuite dans les officines du réseau. « Lors de la réunion, toutes les officines de la vallée de la Bruche et de Strasbourg étaient conviées, et je pense que nous étions quasiment tous là, se souvient Francis Woltz. A ma connaissance, le système fonctionne dans toutes les officines du secteur. » Pour le titulaire, la participation à un tel réseau relève de l’évidence tant elle rejoint les missions de santé publique du pharmacien : « Il y a un travail pédagogique important à faire lors de la délivrance d’une contraception orale. Nous le constatons tous les jours. Nous avions donc toute notre place dans un tel réseau. De plus, située à Molsheim, seule ville de la vallée à compter un lycée, notre situation géographique rend notre officine particulièrement accessible aux adolescentes. »

Le nombre d’IVG dans la région tend à diminuer

L’investissement ? Le pharmacien précise qu’il a été des plus simple. « La seule obligation pour s’investir dans ce type d’action consiste à être compétent sur le sujet pour délivrer une information de qualité aux jeunes filles. Tous les quinze jours, au cours de nos réunions d’équipe, nous débattons des sujets d’actualité et briefons l’ensemble des collaborateurs. Ayant une équipe majoritairement constituée de jeunes femmes, elle est particulièrement sensible à ce thème. »

Mais si le titulaire est certain de l’implication de toute son équipe dans le conseil lors de la délivrance, il reconnaît aussi la difficulté de faire passer le message auprès du jeune public. « J’ai parfois l’impression d’un certain appauvrissement du niveau intellectuel des adolescentes qui me fait douter de leur réceptivité à notre message… », regrette-t-il. Si la tâche n’est pas aisée, les chiffres sont plutôt positifs puisqu’il semblerait que le nombre d’IVG dans la vallée se soit infléchi ces dernières années. « Il est cependant difficile d’analyser ces chiffres avec certitude. » Et si les progrès ne sont pas ? forcément quantifiables, le pharmacien alsacien est convaincu du bien-fondé de ce réseau qui a de plus permis de rapprocher des professionnels de santé n’ayant guère l’habitude de travailler ensemble. « Jacques Machu, gynécologue à Molsheim et qui appartient au réseau, passe régulièrement à l’officine. Info-Ado a permis de décloisonner les relations entre professionnels et de travailler en coordination. »

250 000 visites sur le site Internet en 2007

En amont de la consultation et de la délivrance d’un moyen de contraception, l’information est assurée grâce à des interventions des médecins en milieu scolaire. « Des réunions sont organisées dans les lycées afin de mieux informer les jeunes filles à la fois sur les moyens de contraception, mais aussi sur les infections sexuellement transmissibles. Enfin, cela permet de leur faire connaître le réseau Info-Ado. » Ce dernier offre également aux jeunes la possibilité de poser toutes leurs questions via son site Internet (http ://info-ado.u-strasbg.fr/). Depuis 2001, ce sont plus de 40 000 questions qui ont ainsi pu être posées, dont plus de 2 000 en 2009. En 2007, le site a enregistré plus de 250 000 visites.

« Le réseau a su tirer parti à la fois d’un outil très utilisé par les adolescents mais aussi des acteurs de proximité que sont les pharmaciens. Dans certaines régions, à cause de la désertification médicale, l’officine devient le seul lieu où un patient peut obtenir une information médicale de qualité de façon anonyme et gratuite », conclut Francis Woltz.

* Syndicat interhospitalier de la communauté urbaine de Strasbourg.

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LES AVANTAGES

• Une autre façon d’exercer son métier, qui permet en outre de s’intéresser à une clientèle ciblée que sont les adolescents.

• Décloisonne les relations entre professionnels de santé.

• Un projet motivant surtout pour une équipe officinale jeune et féminine, en général très réceptive et à l’écoute des problèmes que peuvent rencontrer les adolescentes.

LES DIFFICULTÉS

• Le manque d’intérêt des adolescentes qui pourraient bénéficier de l’offre du réseau mais ne semblent pas s’y intéresser.

• L’absence de résultats quantifiables.

LES CONSEILS DE FRANCIS WOLTZ

• « Soyez compétent, formé et intéressé par le sujet traité par le réseau que vous souhaitez intégrer. »

• « L’acquisition des compétences nécessite au départ de bien travailler le sujet. Ensuite, la réactualisation chaque année demande beaucoup moins de temps. »

• « Tenez-vous à l’écoute des réseaux et des informations proposées par les autres professionnels de santé susceptibles de toucher votre clientèle. »

« Motivez vos collaborateurs en leur permettant de proposer aussi des thèmes à développer dans l’officine et de se former lors de la mise en place d’actions particulières (réseau d’information pour les adolescents mais aussi consultation pour le sevrage tabagique, aromathérapie, etc.). »

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