Terrain d’entente médico-officinale - Le Moniteur des Pharmacies n° 2828 du 24/04/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2828 du 24/04/2010
 
TAILLEBOURG

Dossiers

Initiatives

Auteur(s) : Olivier Jacquinot

Afin d’anticiper la désertification médicale et développer les synergies avec les médecins du bourg dans lequel elle est installée, Isabelle Champion s’est associée à l’un d’entre eux pour construire une maison de santé à côté de son officine. Mieux, le projet a réussi à drainer une clientèle supplémentaire…

Partager le parking de son officine avec une maison de santé située à une quinzaine de mètres… Cette situation semble trop belle pour être réelle. Le cas existe pourtant, et pour cause : c’est la pharmacienne elle-même qui l’a concrétisé. Au plus grand bénéfice des 700 habitants de Taillebourg, commune de Charente-Maritime distante de 11 kilomètres de Saintes et d’une quarantaine de Rochefort, mais aussi de l’équipe de la maison de santé et de celle de l’officine. « ? Ce projet, nous avons été deux à le porter, précise Isabelle Champion, la pharmacienne. Avec Laurent Seguin, un des deux médecins de la maison de santé, nous l’avons réalisé dans une parfaite complémentarité. »

Avec aussi beaucoup de rapidité. Isabelle Champion s’est installée à Taillebourg en juillet 2000, dans une officine ancienne et peu pratique. Dès 2001, elle achetait un terrain dans le but de transférer. Simultanément, le terrain voisin, non constructible et donc peu onéreux, se libérait. La dynamique pharmacienne en fit également l’acquisition sans pourtant avoir de projet précis le concernant. « C’était soit pour construire une maison à louer, soit pour y aménager avec mon mari, médecin à Saintes, une maison médicale. » En fait, le projet de maison de santé a immédiatement intéressé un des deux médecins installés dans la commune. « Le cabinet médical partagé en centre-bourg avec mon confrère et un kiné n’était pas pratique, explique Laurent Seguin. Par ailleurs, mes associés étant âgés de 59 et 57 ans, il convenait déjà de penser à la relève. Or, pour espérer attirer bientôt un jeune médecin et ainsi préserver un pôle santé à Taillebourg, il fallait une maison de santé pratique et bien située. »

Aucune subvention « pour rester maîtres du projet »

Dès le PLU (plan local d’urbanisme) modifié pour rendre constructible le terrain voisin de l’officine, la pharmacienne et le médecin s’attellent au projet. Elle apporte le terrain et détient 40 % des parts de la société civile immobilière – « Cette maison de santé, c’est d’abord le lieu de travail de Laurent. C’est normal qu’il soit majoritaire » –, lui 60 %. « Vu leur âge et malgré leur enthousiasme face au projet, mes confrères ont préféré n’être que locataires », reprend Laurent Seguin, qui dessine lui-même les plans de l’établissement, les aménagements et la décoration.

Les deux associés démarchent les banques, renoncent à de possibles subventions pour rester maîtres de leur projet. « D’une part, car cela aurait pris du temps et nous aurions dû intégrer un réseau de soin et, d’autre part, car nous sommes des libéraux. Nous n’avions donc envie ni de demander, ni de devoir rendre des comptes… » Enfin, ils sélectionnent un architecte respectant les plans initiaux. « Ayant déjà l’expérience de la construction de la pharmacie, c’est moi qui ai suivi le chantier. C’était d’autant plus facile que je pouvais le surveiller depuis l’officine », se souvient Isabelle Champion, qui avait aussi en charge l’aspect administratif du dossier ainsi que le règlement des factures. « C’est bien d’avoir été deux car pendant un an ce fut lourd à porter : gérer la construction, gérer la pharmacie… Heureusement j’ai une bonne équipe. Il m’a fallu prendre sur mon temps de travail et sur ma vie familiale. Idem pour Laurent ! »

Si leur complémentarité a été un atout pour mener à bien leur projet, ils soulignent également devoir beaucoup à leurs points communs. « Nous avons sensiblement le même âge avec Laurent, lui 44 ans et moi 40. De ce fait, nous avons une vision des choses et des préoccupations similaires, que ce soit sur les plans professionnel, financier et quant à la préparation de la retraite. Par ailleurs, la quarantaine, c’est le bon âge pour se lancer dans une telle opération : on a l’énergie pour cela et la possibilité d’assumer un emprunt sur une longue durée, soit vingt ans, avant la retraite. D’autant que les loyers versés par chaque professionnel de la maison de santé couvrent les remboursements mensuels. Si nous avions attendu, nous nous serions retrouvés dans dix ans à pleurer sur la pénurie médicale sans plus rien pouvoir y faire… Alors que là, en pensant à l’avenir, Laurent s’est donné les moyens d’attirer des confrères et moi de valoriser l’officine. D’autant que la maison de santé pourrait à terme accueillir d’autres professionnels comme un orthophoniste, un pédicure-podologue, etc. »

Une clientèle nouvelle et une équipe redynamisée

Ces évolutions sont prévues dans la maison de santé, comme ont été prévus les impératifs liés à chaque profession. Le local, un carré de 180 m2 au sol, de plain-pied évidement, est composé d’un grand espace d’accueil avec, de chaque côté, les cabinets des médecins. Derrière l’accueil, sensiblement au centre du bâtiment, la salle d’attente. Celle-ci peut être isolée de l’accueil et des deux cabinets afin que, tôt le matin et tard le soir, lorsque les médecins sont absents, la patientèle du kiné et de l’infirmière ne puisse y avoir accès. A l’arrière du bâtiment, la pièce de travail de l’infirmière et la salle de kinésithérapie disposent chacune d’un accès pour les personnes à mobilité réduite. C’est là que se situe la possibilité d’extension du bâtiment. En revanche, pour une question de coût, il n’existe pour l’heure aucune pièce de vie, type studette, pouvant accueillir ponctuellement un remplaçant. « Le chantier a été confié à des artisans locaux. C’est important pour diverses raisons. D’abord, soutenir l’activité locale et faire travailler des personnes qui font partie de nos patients. De plus, cela leur fait de la publicité et ils s’impliquent complètement dans la réussite du projet. L’architecte également a été formidable et, au final, le bâtiment a été construit dans les délais prévus, soit sept mois, du 1er janvier 2009 à la fin juillet, pour une ouverture le 3 août. C’est important de tenir les délais, tant sur un plan moral que financier ! »

La maison de santé, avec son bardage bois vert pâle – « qui se remarque et a fait jaser ! » – est située sur un axe routier très passant, à proximité de lotissements. Ce qui a drainé une clientèle supplémentaire vers les cabinets médicaux et l’officine. « S’il est encore trop tôt pour évaluer les répercussions de la proximité de la maison de santé sur le chiffre d’affaires de l’officine, il est certain qu’il y a une clientèle nouvelle et que des dossiers ont été ouverts. Mais le bénéfice va bien au-delà, se réjouit Isabelle Champion. Par exemple, si mon équipe (un adjoint, trois préparateurs et une femme de ménage) n’a pas pris part directement au dossier, elle a été tenue au courant de l’évolution du projet et était impatiente de son aboutissement. A juste raison car, effectivement, la maison de santé rejaillit d’autant plus positivement sur l’exercice au quotidien que tout le monde s’entend bien. Cela facilite nos échanges et le suivi des patients, la connaissance des livraisons de médicaments à effectuer. L’autre jour, un client a fait un malaise dans l’officine. Le médecin n’a pas été long à venir. Et puis, lorsqu’ils ont une consultation qui va s’achever après la fermeture de la pharmacie, ils passent un coup de fil pour prévenir et nous attendons. Pour les patients, c’est un service rendu supplémentaire non négligeable et, pour l’équipe, un sacré facteur de dynamisation ! »

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LES AVANTAGES

• La valorisation de l’officine et la quasi-assurance d’une bonne revente.

• La proximité, les synergies et l’entraide entre les deux pôles de santé.

• La facilitation du travail au quotidien.

• La dynamisation de l’équipe.

LES DIFFICULTÉS

• Le montage du dossier et le suivi du chantier, chronophages et énergivores.

• L’investissement financier à long terme.

• L’entretien des parties communes, par exemple du jardin.

LES CONSEILS D’ISABELLE CHAMPION

• « Il faut tout d’abord bien choisir ses partenaires et établir clairement la distinction entre ce qui relève de la société civile immobilière et de la SCM, la société civile de moyens. »

• « Mieux vaut monter ce type de projet le plus tôt possible, lorsque l’on est encore assez jeune, afin, d’une part, d’avoir le dynamisme pour porter le dossier et, d’autre part, de pouvoir emprunter à long terme. »

• « Faire appel à des artisans de la commune ou, du moins, des environs, ne revient pas plus cher. Et cela permet de participer à l’économie locale tout en s’assurant de leur implication puisqu’ils engagent leur réputation sur un projet important pour la commune. »

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