Deux serveurs vocaux se disputent les gardes - Le Moniteur des Pharmacies n° 2826 du 10/04/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2826 du 10/04/2010
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

Mettre les coordonnées des pharmacies de garde sur un serveur vocal à la disposition du public, c'est la bonne idée qu'ont eue en même temps deux sociétés privées. Le hic, c'est qu'elles ne proposent pas le même numéro : le 3237 pour l'une et le 3915 pour l'autre. Un système qui pose question et paraît difficile à maintenir à long terme.

Deux sociétés privées, 4KALL pour le 3915 et Résogardes pour le 3237, se sont lancées dans la mise sur pied d'un serveur vocal indiquant au public les pharmacies de garde. Leur but commun est de répondre rapidement à la question que se pose tout patient à la sortie des urgences ou après le passage de SOS médecins : où vais-je me procurer le traitement alors qu'il est 3 heures du matin ? L'idée est séduisante mais, problème, ces deux sociétés ne proposent pas le même numéro d'appel, et ni l'une ni l'autre ne couvrent l'ensemble du territoire. Les clients qui n'avaient jusqu'alors que trois alternatives - gratuites -, appeler le commissariat de police, le 15, ou se rendre à l'officine la plus proche pour consulter l'affiche qui y est obligatoirement apposée, en ont maintenant deux autres - payantes - : composer le 3237 ou le 3915. Alors que ces deux projets proposent un réel service public, l'imbroglio dessert les patients.

Sur un plan purement pratique, l'entrée des jours et heures de garde et des coordonnées téléphoniques, voire des adresses, de toutes les officines de France dans un serveur vocal demande un travail considérable. De plus, il faut prendre en compte le fait qu'en zone sensible l'adresse des officines de garde ne peut être donnée en libre accès. Dans ces cas-là, les appelants sont invités à contacter le commissariat. « Résogardes propose en sus une plate-forme téléphonique, commente Giorgio Giorgi, son directeur général, les appelants sont mis en contact avec un opérateur qui vérifie qu'il s'agit bien d'une urgence et que le patient a une ordonnance avant d'appeler l'officine de garde ». 4KALL, de son côté, est en train de mettre sur pied « un système qui permet à l'appelant d'entrer directement en contact avec l'officine, ce qui évite de mettre les coordonnées du pharmacien sur le serveur », explique Thierry Bertrand, responsable de la communication et du marketing.

Des investissements colossaux

Chacune des deux sociétés a donc fait de gros investissements pour monter son projet. Elles ont dû acheter un logiciel de gestion des gardes et un serveur vocal. Il leur a également fallu acquérir le droit d'utiliser un numéro à 4 chiffres. « Il n'y en a que 200, puisque seuls les numéros commençant par 32 ou par 39 sont disponibles », précise Thierry Bertrand. « Cela coûte 50 000 Û par an », assène Giorgio Giorgi. Achat de matériel informatique, infrastructure téléphonique, implantation de la société, frais de personnel..., la liste est longue. Pour les pharmaciens, le service est gratuit. Ils reçoivent en outre l'accès au logiciel de gestion des gardes qui permet d'alimenter le serveur vocal mais aussi d'envoyer directement les tableaux d'astreinte à la caisse primaire d'assurance maladie pour le paiement des gardes. « C'est intéressant pour l'Assurance-maladie, car cela correspond à la dématérialisation de plusieurs milliers de factures par mois », commente Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO (Union des syndicats de pharmaciens d'officine). Il faut bien que quelqu'un paye... Le service offert est donc payé par le patient en quête d'une officine de garde.

Le coût d'un appel au 3237 est de 34 centimes la minute, alors qu'appeler le 3915 revient « seulement » à 15 centimes. Le montant a été choisi par chacun des opérateurs avec l'idée d'amortir leurs investissements et d'en faire un modèle économiquement viable. « Il y a réversion du coût de l'appel par l'opérateur téléphonique », explique Thierry Bertrand. « La note paraît élevée du côté du 3237, fait remarquer Giorgio Giorgi, mais jusque-là, beaucoup de patients se contentaient de lire l'avis affiché sur les officines ou d'appeler le 15. S'ils trouvent que le système est trop cher, il leur suffit de continuer comme avant. Bientôt, ils pourront aussi consulter un site Internet sur lequel toutes ces informations seront en accès gratuit ». La société 4KALL a choisi, elle, de développer son service en direction des autres professionnels de santé qui ont aussi une obligation de garde. « Nous avons commencé à mettre en ligne les gardes des chirurgiens dentistes et nous allons étendre notre offre aux vétérinaires, aux kinésithérapeutes...», indique Thierry Bertrand.

L'Ordre opterait pour la centralisation

Les deux sociétés permettent aux services d'urgence (commissariats, centre 15, Samu, hôpitaux, médecins de garde...) de consulter les tableaux d'astreinte directement sur Internet à l'aide de codes d'identification. Une opportunité de désengorger les standards de ces services. « L'idée est bonne. On aurait dû le faire en interne car c'est franchement utile », souligne Patrick Zeitoun, président de l'Union des pharmaciens de la région parisienne (UPRP). Utile, ce service le sera encore plus s'il couvre l'ensemble du territoire. Mais une cohabitation des deux systèmes est-elle concevable ? « Pas de problème, assure Giorgio Giorgi. Les départements peuvent proposer des numéros différents. Il est de toute façon peu probable que les syndicats qui ont choisi l'un des systèmes s'astreignent à fournir leurs données à un deuxième serveur. » Un manque d'unité qui paraît cependant dommageable pour les patients, et dont on ne peut prévoir s'il pourrait un jour porter préjudice à la profession. Alain Breckler, membre du bureau du Conseil central de l'ordre des pharmaciens souhaite qu'il y ait « une centralisation du système car cela correspond à un service public ». Son choix se porte sur le 3915 qui a, pour lui, l'avantage d'être plus indépendant alors que le 3237 est affilié à la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Une inconnue demeure encore : le rôle des toutes nouvelles agences régionales de santé (ARS) dans la gestion des gardes, puisque ces structures ont absorbé depuis le 1er avril les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). Les ARS joueront-elles un rôle d'arbitre ? Auront-elles le souhait, voire l'obligation d'y mettre bon ordre ? Les nominations étant toutes neuves, il faudra peut-être attendre quelques mois pour le savoir. A moins que, d'ici là, « le meilleur gagne », conclut Gilles Bonnefond.

De la complexité de la collecte des données

Les données enregistrées sur les serveurs vocaux sont fournies par les syndicats départementaux organisateurs des tours de garde. « Les secteurs de garde sont organisés en fonction de la configuration du terrain, commente Philippe Gaertner, président de la FSPF. La rotation va être plus ou moins fréquente selon le nombre d'officines présentes et varier selon les distances entre officines. » Le système n'est pas le même pour les officines rurales que pour celles de ville, notamment dans les grandes agglomérations où se trouvent une ou plusieurs pharmacies ouvertes 24 heures sur 24. De ce fait, l'organisation ne peut pas être gérée au plan national et les deux sociétés négocient avec chacun des acteurs de terrain la communication de leurs tableaux d'astreinte, afin que leur serveur soit correctement alimenté et constamment mis à jour. A un bémol près : si un syndicat refuse de communiquer ses tours de garde à un des serveurs - et cela est déjà arrivé ! -, le serveur en question ne peut pas mettre en place le service. Et le code de la santé stipule que les seules obligations légales sont l'information aux collectivités locales et l'affichage en vitrine.

C.B.

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