Ordonnances reçues cinq sur cinq - Le Moniteur des Pharmacies n° 2815 du 30/01/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2815 du 30/01/2010
 

LONGVIC

Initiatives

Valoriser l'acte pharmaceutique. Tel est ni plus ni moins l'objectif d'Yves Michiels qui a mis au point une méthode de commentaire d'ordonnances en 5 étapes. Une démarche qualité que cet officinal dans l'âme enseigne désormais aux étudiants en pharmacie de la faculté dijonnaise.

Yves Michiels a la pharmacie dans le sang. Lorsqu'il reprend en 1999 l'officine de ses parents, il s'efforce de perpétuer l'esprit familial du service aux patients. « J'ai toujours considéré que la délivrance de médicaments doit prendre en compte le malade dans sa globalité et ne pas s'en tenir à la distribution de boîtes », explique-t-il. C'est en accueillant des stagiaires de 6e année que notre titulaire consciencieux s'est rendu compte qu'un acte aussi basique et fréquent que la délivrance d'une prescription posait de sérieux problèmes d'organisation. « Les étudiants partent sans réfléchir vers les réserves de médicaments et ce n'est qu'une fois qu'ils ont posé les produits sur le comptoir qu'ils se rendent compte d'une éventuelle interaction ou d'une modification de dosage. » Oui, mais... comment anticiper la découverte de tels problèmes ? « L'idéal est de replacer l'ordonnance dans la vie médicale du patient en le questionnant sur sa pathologie et en consultant le dossier pharmaceutique (DP) », répond Yves Michiels.

Jamais sans l'historique médicamenteux

Partant de ce principe, il a professionnalisé le commentaire d'ordonnances en inventant une méthode reproductible qui fait aujourd'hui l'objet d'un dépôt à l'Institut national de la propriété industrielle.

Première étape - la plus importante selon Yves Michiels -, l'historique médicamenteux du patient permet de répondre à une question essentielle : « Pourquoi le malade vient-il à la pharmacie ? » Avec tout type de logiciel donnant accès aux précédentes ordonnances et/ou achats, Yves Michiels propose de comparer la demande du jour J avec les autres traitements. Et ce, qu'il s'agisse d'une instauration de traitement, d'une demande d'automédication, d'un renouvellement d'ordonnance ou d'une prescription dans le cadre d'une pathologie aiguë. « Le DP représente dans tous les types de situations un outil formidable pour l'équipe officinale ! », tient-il à préciser. Ainsi, la prise en compte de l'historique amène à pointer du doigt une augmentation de posologie pour tel ou tel médicament, un changement de traitement ou une contre-indication avec des médicaments pris lors d'une délivrance antérieure. « Souvent le patient assure que tout va bien alors que le médecin lui a par exemple prescrit un médicament de plus pour stabiliser son hypertension. » L'analyse de l'historique ouvre donc le dialogue entre le pharmacien (ou le préparateur) et le malade afin d'établir une réelle relation de confiance. Parce qu'il est toujours utile de questionner le patient sur ses antécédents médicaux. « De cette manière, il se rend compte qu'on s'intéresse à lui. Ainsi on s'aperçoit de suite que telle personne qui a besoin d'anti-inflammatoires est sous antivitamine K », détaille Yves Michiels.

Le second volet de la méthode consiste à bien cerner la relation entre le traitement demandé et les pathologies concernées. Il s'agit donc de comprendre la stratégie thérapeutique avant de se précipiter à la recherche des médicaments. « Le médecin rédige souvent l'ordonnance sans ordre précis pour les médicaments. Pour expliquer tout traitement, il est utile de reclasser les produits par pathologie puis par classe thérapeutique, estime Yves Michiels. On devine de suite qu'une personne qui doit prendre 4 molécules différentes rien que pour son diabète a des difficultés à équilibrer sa glycémie. De cette façon, on adapte notre discours et nos recommandations. »

La troisième phase de la méthode intervient quant à elle après avoir présenté les médicaments. Elle a pour but d'évaluer objectivement les effets indésirables et les incompatibilités. « Attention à ne pas tomber dans le piège de l'alerte par ordinateur. Elle doit servir à confirmer un problème et non à le révéler, insiste Yves Michiels. C'est l'homme qui doit décider en connaissance de cause s'il peut délivrer un médicament et pas la machine. » La démarche de notre interlocuteur n'est autre que de quantifier les effets secondaires. Car la notice les présente tous de la même façon et peut faire peur inutilement. Voilà pourquoi Yves Michiels a choisi de s'en référer au site thériaque.org. Ce pharmacien s'efforce également de replacer les effets indésirables dans leur condiv. Et pour cause : un médicament classé phototoxique n'a pas forcément d'inconvénients s'il est pris pendant l'hiver dans le Nord de la France. Yves Michiels tient donc à informer les patients de manière objective afin qu'ils gèrent mieux leur traitement. « On le sait, l'observance est d'autant plus satisfaisante que les malades ont été prévenus des risques réels encourus », rappelle-t-il.

Toutes ces procédures n'ont d'autre but que de familiariser le pharmacien et son équipe à l'opinion pharmaceutique. Yves Michiels défend les principes de la pharmacie clinique et s'est d'ailleurs beaucoup inspiré de l'exemple des pharmaciens québécois. L'édition d'un plan de prise détaillé fait partie intégrante de la démarche. C'est la quatrième étape. « Il faut savoir que les patients ne retiennent que 20 % de nos conseils oraux ! D'où l'importance d'une trace écrite. » Le titulaire a aussi pris l'habitude d'inscrire systématiquement la posologie sur les boîtes. « Cela permet de repréciser que tel médicament est sécable, que tel antibiotique en sirop se remplit jusqu'au trait de la bouteille, etc. On s'aperçoit que même les gens qui assurent tout savoir ont des lacunes. »

L'éducation thérapeutique en ligne de mire

La délivrance se clôt par des conseils associés à l'ordonnance. L'intérêt ? Il est double. En effet, en peaufinant les conseils et en les personnalisant, Yves Michiels a la volonté de s'orienter sur la voie de l'éducation thérapeutique. Par la même occasion, il cherche à optimiser les traitements prescrits en y associant si besoin des produits complémentaires (sérum physiologique avec des gouttes nasales antiseptiques, compléments alimentaires « fortifiants » pour favoriser la convalescence d'une infection virale...). Instaurée depuis un an, sa méthode se traduit aujourd'hui par une augmentation de son chiffre d'affaires. Mais c'est l'élévation de la cote de confiance du pharmacien qui le préoccupe en premier lieu. Voilà pourquoi il a jugé opportun de faire part de son expérience - et de l'enseigner - aux futurs pharmaciens. Jusque-là, il n'existait pas de formation spécifique au commentaire d'ordonnances alors qu'il s'agit d'une activité clé dans l'exercice pharmaceutique ! Maître de conférence associé à la faculté de Dijon, Yves Michiels intervient actuellement dans plusieurs unités d'enseignement (études d'ordonnances, préparation à l'exercice officinal...) de la 5e année Officine. Ou comment transformer une initiative personnelle de terrain en méthode de référence universitaire.

Envie d'essayer ?

Les avantages

- La méthode peut s'adresser à toute délivrance, y compris les médicaments sans ordonnance.

- Elle permet d'exploiter à bon escient toutes les fonctionnalités du dossier pharmaceutique.

- La démarche valorise l'acte pharmaceutique et la qualité du travail de toute l'équipe. Le pharmacien ne peut plus être considéré comme un simple distributeur de boîtes.

- Le dialogue s'instaure facilement en faveur de l'observance.

- Les incompatibilités ou interactions sont décelées avant même d'apporter les médicaments aux patients.

Les difficultés

- La méthode exige une certaine rigueur d'application... qui peut décourager certains collaborateurs.

- La mise en place n'est pas instantanée, elle exige des explications. Le titulaire doit montrer l'exemple.

- Le temps de délivrance augmente, ce qui peut être gênant en période d'affluence.

Les conseils d'Yves Michiels

- « Replacez chaque demande dans l'histoire médicale du patient et prenez en considération les autres traitements en cours. »

- « Utilisez le dossier pharmaceutique comme un véritable outil d'aide à la bonne délivrance. »

- « Efforcez-vous de déterminer la classe thérapeutique des médicaments prescrits et de les classer par pathologie, pour mieux évaluer la stratégie du médecin. »

- « N'hésitez pas à valoriser l'opinion pharmaceutique. »

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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