L'accident vasculaire cérébral - Le Moniteur des Pharmacies n° 2814 du 23/01/2010 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2814 du 23/01/2010
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

Une prescription à la loupe

Du Tahor 80 mg suite à un infarctus cérébral

L'ordonnance

Pour qui ?

Monsieur D., 68 ans, 85 kg.

Par quel médecin?

Dr S., généraliste, son médecin traitant.

L'ordonnance est-elle recevable ?

Oui. Il n'y a pas de médicaments à délivrance particulière.

Quel est le condiv de l'ordonnance ?

Que savez-vous du patient ?

M. D. ne suivait aucun traitement avant son infarctus cérébral. Il ne fume plus. Il a un traitement de prévention secondaire de l'infarctus cérébral depuis 6 mois et un traitement antidépresseur depuis 2 mois.

Motif de consultation

Ce matin, il est allé consulter son médecin avec les résultats de ses analyses biologiques, dans le cadre du suivi classique de son traitement.

Ce que le médecin a dit au patient

uLe bilan lipidique a mis en évidence un taux de LDL-cholestérol encore trop élevé (1,5 g/l) sous Tahor 40 mg, et ce, malgré un régime alimentaire adapté. Le médecin a décidé d'augmenter la posologie de la statine et a donc prescrit du Tahor 80 mg. Il a prescrit de nouvelles analyses biologiques à réaliser dans 6 semaines.

- Par ailleurs, les chiffres tensionnels sont corrects sous antihypertenseur.

Vérification de l'historique du patient

Tahor 80 mg remplace effectivement Tahor 40 mg. Le reste du traitement est inchangé (antidépresseur instauré il y a 2 mois). Le mois dernier, M. D. a acheté un appareil d'automesure tensionnelle huméral.

La prescription est-elle cohérente ?

Que comporte la prescription ?

L'ordonnance comporte les médicaments classiques de prévention secondaire de l'infarctus cérébral.

- Kardégic (acétylsalicylate de lysine) est indiqué pour son activité antithrombotique.

- Bipreterax associe un inhibiteur de l'enzyme de conversion (périndopril) et un diurétique (indapamide). Ces deux classes de médicaments ont une efficacité démontrée en post-infarctus cérébral et leur utilisation doit être privilégiée (voir « Thérapeutique » page 8).

- Tahor (atorvastatine) est un hypocholestérolémiant inhibiteur de l'hMG-CoA-réductase. L'objectif du traitement hypolipémiant est de réduire le risque de récidive d'infarctus cérébral mais aussi celui d'infarctus du myocarde et de décès d'origine vasculaire.

- Effexor (venlafaxine) est un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. La dépression post-AVC est un phénomène fréquent.

La prescription est-elle conforme aux référentiels ?

- Oui. Après un infarctus cérébral, la prescription d'un traitement antithrombotique (antiagrégant ou, dans certains cas, AVK) est systématique. Dans le cadre d'un accident ischémique cérébral d'origine non cardioembolique, un antiagrégant plaquettaire est indiqué : aspirine ou clopidogrel ou association aspirine/dipyridamole.

- Les mesures hygiénodiététiques occupent une place prépondérante : arrêt du tabac, réduction d'une surcharge pondérale, baisse de la consommation d'alcool, suppression des graisses saturées, augmentation des graisses mono- et polyinsaturées...

- Par ailleurs, le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire est primordial (hyperlipidémie, pression artérielle, diabète). Pour M. D., il s'agit du contrôle de la pression artérielle et de l'hyperlipidémie.

Qu'en pensez-vous ?

M. D. présente les résultats de son bilan lipidique et vous interroge :

« Comment se fait-il que le médecin m'ait prescrit une dose plus élevée de Tahor alors que mon LDL-cholestérol est descendu à 1,5 g/l ? Ma femme a quasiment le même taux que moi, et il ne lui prescrit pas de traitement pour le cholestérol... »

Quelle réponse faites-vous à M. D. ?

1 Votre femme a moins de facteurs de risque que vous, la valeur cible du LDL-cholestérol n'est donc pas la même.

2 Effectivement, il faudrait qu'elle montre les résultats à son médecin afin qu'il initie un traitement hypocholestérolémiant.

- La valeur cible du LDL-cholestérol dépend du nombre de facteurs de risque cardiovasculaire associés (âge, antécédents personnels ou familiaux de maladie coronaire précoce, tabagisme, diabète, HTA, taux de HDL-cholestérol...). Expliquer au patient que sa feuille d'analyse médicale comporte un tableau récapitulatif des valeurs cibles à atteindre en fonction de ces facteurs. Un patient ayant eu un infarctus cérébral est considéré comme « à haut risque ». L'objectif à atteindre est un taux de LDL-cholestérol inférieur à 1g/l (réponse 1).

- Concernant les objectifs tensionnels, la cible est une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications pour ce patient ?

Non, car M. D. n'a ni 'allergie à l'aspirine, ni d'antécédents d'ulcères gastro-intestinaux, ni insuffisance rénale chronique sévère contre-indiquant un diurétique ou un IEC.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Les posologies sont conformes à celles recommandées par les AMM respectives. La posologie de Bipreterax est adaptée à la réponse clinique (pression artérielle), celle de Tahor aux valeurs cibles de LDL-cholestérol à atteindre.

La prescription pose-t-elle problème ?

Non. En ce qui concerne les possibilités de substitution, Bipreterax (5 mg de périndopril arginine et 1,25 mg d'indapamide) peut être substitué par les génériques renfermant 4 mg de périndopril tertbutylamine et 1,25 mg d'indapamide du fait de l'égalité des fractions thérapeutiques actives en périndopril. La différence de dosage prêtant à confusion, avertir le patient que les deux médicaments sont équivalents et ont la même efficacité.

Y a-t-il des interactions ?

Non.

Le traitement requiert-il une surveillance particulière ?

Oui. Sous Bipreterax, surveillance de la fonction rénale et bilan hydroélectrolytique. Sous aspirine, surveillance clinique de l'apparition d'éventuels saignements. Sous Tahor, surveillance hépatique (transaminases en début de traitement) et surveillance clinique des effets indésirables musculaires. Le dosage de la créatine-phosphokinase (CPK), permettant de surveiller une atteinte musculaire, n'est pas systématique dans le suivi du traitement.

Quels conseils de prise donner ?

Concernant Tahor

Il s'agit d'un médicament que le patient connaît déjà mais qui à un nouveau dosage (80 au lieu de 40 mg).

Quand commencer le traitement ?

Qu'en pensez-vous

La prise de Tahor s'effectue

1 Toujours le soir au milieu du repas.

2 Impérativement le matin.

3 A tout moment de la journée, indépendamment des repas.

Il est conseillé généralement de prendre les statines le soir car l'activité de la hMG-CoA-réductase est plus importante la nuit que le jour. Toutefois, les RCP de l'atorvastatine (et de la rosuvastatine) ne le recommandent pas car ces molécules ont une demi-vie plus longue que les autres (14 h pour l'atorvastatine contre 2 h pour les statines à demi-vie courte) : l'administration peut donc se faire à tout moment de la journée (réponse 3).

M. D. précise qu'il prend le médicament le matin en même temps que ses autres traitements car ainsi il est sûr de ne jamais l'oublier.

Que faire en cas d'oubli ?

Ne pas doubler la prise suivante.

Le patient pourra-t-il juger de l'efficacité du traitement ?

Non. L'efficacité de cette augmentation de posologie sera appréciée après bilan lipidique.

Quels sont les effets indésirables ?

Les effets indésirables sont dose-dépendants et d'ordre digestif (nausées, douleurs abdominales...). Il existe également un risque d'atteinte hépatique (élévation des transaminases pouvant imposer l'arrêt du traitement) et d'atteinte musculaire pouvant aller jusqu'à la rhabdomyolyse caractérisée par un taux élevé de CPK.

Quels signes nécessiteraient d'appeler le médecin ?

Il est recommandé de signaler rapidement à son médecin toute douleur musculaire inexpliquée, crampe ou faiblesse musculaire, en particulier si elles s'accompagnent de malaise ou de fièvre. Un dosage de CPK doit être effectué et si nécessaire le traitement sera interrompu.

Concernant le reste du traitement

Il s'agit d'un renouvellement du traitement précédent (Kardégic 160, Bipreterax, Effexor LP 75).

Efficacité

Vérifier l'adhésion au traitement antihypertenseur : « Continuez-vous à surveiller par vous-même votre tension avec l'appareil d'automesure ? », « Pensez-vous à noter les résultats et à les montrer au médecin ? », « Comment vous sentez-vous depuis l'instauration du traitement antidépresseur ? »

Effets indésirables

La tension étant bien équilibrée, rechercher d'éventuels effets indésirables de l'aspirine (saignements de gencive, épistaxis, hématomes plus fréquents ou se résorbant plus lentement sont toutefois des effets indésirables habituels et sans gravité).

Tout signe faisant évoquer un risque d'hémorragie digestive (selles noires ou vomissements sanglants) nécessite de contacter le médecin.

Observance

Vérifier que le patient suit scrupuleusement son traitement : établi à vie, il a pour objectif d'éviter un second AVC.

Signes évoquant un AVC

M. D. fait partie d'une association de patients depuis son AVC. Il sait que l'apparition de certains signes constitue une urgence nécessitant d'appeler le 15 (voir pages 6 et 14).

Conseils complémentaires

M. D. a modifié ses habitudes de vie : suppression du tabac, réduction de sa consommation d'alcool et de sel (il évite de mettre sa salière sur la table). Il dit également manger moins gras qu'avant. Vérifier avec lui sa consommation de graisses et l'encourager à poursuivre le régime hypocholestérolémiant.

Intervention pharmaceutique

Deux semaines plus tard, M. D. se présente avec une prescription établie par un dentiste comportant amoxicilline et Flagyl pour 8 jours. Une intervention dentaire est prévue. Le dentiste (informé du traitement post-AVC de M. D.) a expliqué qu'il n'était pas nécessaire d'arrêter l'aspirine, mais M. D. a lu la notice de Kardégic. Inquiet du risque hémorragique, il vous demande s'il ne ferait pas mieux d'arrêter juste une semaine ce médicament.

Qu'en pensez-vous

Lors d'un soin dentaire

1 L'arrêt du traitement antiagrégant est systématique.

2 Le traitement par antiagrégant peut être maintenu.

3 Le relais par HBPM est systématique.

L'arrêt de l'antiplaquettaire, même sur une courte période, augmente considérablement le risque thromboembolique donc le risque de récidive de l'AVC. Même s'il existe un risque accru de saignement, celui-ci peut être le plus souvent facilement contrôlé par la réalisation d'une hémostase locale. De ce fait, le traitement par aspirine ou autre antiagrégant plaquettaire est le plus souvent maintenu*. Il ne doit jamais être arrêté par le patient lui-même (réponse 2).

Répercussions sur le travail d'équipe

Suite à la question posée par le patient, l'équipe décide de se documenter davantage sur la conduite à tenir en cas de soins dentaires sous traitement antiagrégant. Le site de la Société francophone de médecine buccale et chirurgie buccale fournit les éléments de réponse (http://www.societechirbuc.com). Une synthèse en est faite et archivée dans un classeur spécifique.

* Lorsque l'aspirine est prescrite à dose antalgique, antipyrétique ou anti-inflammatoire et que son arrêt n'entraîne pas un risque thromboembolique, il est préférable d'arrêter le traitement 5 à 10 jours avant.

Plan de prise conseillé

- Kardégic : dissoudre le sachet dans un grand verre d'eau. La solution obtenue est aromatisée à la mandarine.

- Bipreterax : prise de préférence le matin avant le repas.

- Tahor : prise unique à tout moment de la journée, indépendamment des repas.

- Effexor : prendre les gélules au cours du repas, en une prise (jusqu'à 3 gélules en prise unique). Les gélules doivent être avalées entières.

pathologie

L'accident vasculaire cérébral en 5 questions

Un accident vasculaire cérébral est dû à une modification de l'irrigation sanguine du cerveau, impliquant le plus souvent une artère cérébrale ou à distribution cérébrale. Il peut être ischémique (infarctus cérébral, accident ischémique transitoire) ou hémorragique (hémorragie cérébrale).

- L'accident vasculaire cérébral (AVC) correspond à l'ensemble des lésions neurologiques induites par des phénomènes pathologiques touchant les artères responsables de l'irrigation cérébrale.

- Un AVC peut être ischémique ou hémorragique (voir encadré page 7).

- L'AVC ischémique est soit transitoire avec retour rapide à l'état normal, sans séquelles : c'est l'accident ischémique transitoire (AIT) où, au contraire, le déficit peut être permanent. On parle alors d'AVC constitué.

- Tout AVC, même transitoire, constitue une urgence puisque la précocité du traitement conditionne la récupération ultérieure. Le degré d'urgence est le même pour un AVC constitué ou un AIT (voir encadré).

Quels sont les signes cliniques ?

AVC ischémiques

Les manifestations cliniques sont variables, souvent associées, et dépendent du territoire artériel touché. Elles sont d'installation brutale.

- Pour les AVC d'origine carotidienne : troubles visuels, céphalées, hémiplégie brachiofaciale, crurale ou de tout un hémicorps, troubles sensitifs unilatéraux, troubles du langage, anosognosie, troubles de l'orientation spatiale.

- En cas d'ischémie dans le territoire vertébrobasilaire : troubles moteurs et/ou sensitifs d'un ou plusieurs membres (du même côté ou non), troubles visuels, céphalées, troubles de l'équilibre, dysarthrie, troubles de la déglutition.

- Le locked-in syndrome témoigne également d'une ischémie vertébrobasilaire.

u Les céphalées sont inconstantes mais plus fréquentes au cours des AVC hémorragiques. Elles sont brutales et violentes ou d'intensité inhabituelle. Des vomissements peuvent s'y associer.

AVC hémorragiques

Ils peuvent induire la survenue d'un déficit moteur ou sensitif, de troubles de la parole, de troubles de la conscience, d'une crise comitiale, de troubles de l'équilibre... Les symptômes dépendent de l'évolutivité de l'hémorragie et de sa localisation.

Quels sont les examens complémentaires ?

Ils ont pour but de déterminer la cause et le mécanisme de l'AVC.

Imagerie cérébrale et vasculaire

- La distinction entre infarctus et hémorragies cérébrales ne peut être réalisée cliniquement et nécessite une neuro-imagerie. L'IRM cérébrale est l'examen de prédilection, à réaliser en urgence. Elle permet d'identifier précocement des signes d'ischémie récente, de préciser le degré d'hypoperfusion, d'établir un bilan précis des lésions et de visualiser une éventuelle hémorragie intracrânienne.

- Si l'accès en urgence à l'IRM est impossible, il est recommandé de réaliser un scanner cérébral sans injection de produit de contraste. Cet examen est moins performant que l'IRM pour détecter des signes d'ischémie récente, mais permet de visualiser une hémorragie intracrânienne (zone hyperdense).

- Dans le même temps, on visualise les artères intracrâniennes par ARM angiographie par résonance magnétique cérébrale, par angioscanner ou par Doppler transcrânien.

- L'exploration des artères cervicales à la recherche d'une sténose carotidienne ou vertébrale s'impose devant tout AVC ischémique.

Examens complémentaires

Electrocardiogramme à la recherche d'un éventuel trouble du rythme cardiaque, exploration biologique (hémogramme, glycémie, ionogramme sanguin, évaluation de la fonction rénale, bilan lipidique, coagulation)...

Diagnostic différentiel

Ce bilan permet d'éliminer les principaux diagnostics différentiels : tumeur ou abcès cérébral, hématome sous-dural.

Quelles sont les étiologies ?

- Les trois causes principales des AVC ischémiques sont l'athérosclérose des artères cervicales, intracrâniennes ou de l'aorte, les embolies d'origine cardiaque (arythmie par fibrillation auriculaire, infarctus du myocarde, valvulopathie...) et les maladies des petites artères cérébrales responsables des infarctus lacunaires. Elles représentent 2/3 de l'ensemble des accidents ischémiques cérébraux.

- Autres étiologies : dissections des artères cervicales ou intracrâniennes (adulte jeune), atteinte inflammatoire ou infectieuse de la paroi artérielle, anomalie de la coagulation, maladie hématologique.

- Certains infarctus cérébraux restent de cause indéterminée.

- Pour les AVC hémorragiques, les causes diffèrent selon l'âge : hypertension artérielle, traitements anticoagulants et angiopathie amyloïde chez le sujet âgé, malformations artérioveineuses, troubles constitutionnels de la coagulation (hémophilie, drépanocytose) et consommation de drogues (héroïne, cocaïne, crack, amphétamines) chez le sujet jeune.

Quels sont les facteurs de risque ?

- Outre l'âge, qui augmente le risque d'AVC, les facteurs de risque des AVC ischémiques sont globalement superposables aux facteurs de risque cardiovasculaire : élévation de la pression artérielle (inversement, la baisse de la pression artérielle est associée à une réduction du risque vasculaire), hypercholestérolémie, diabète.

- Le tabac est un facteur de risque indépendant d'infarctus cérébral, avec un doublement du risque chez les fumeurs par rapport aux non-fumeurs.

- Autres facteurs de risque : consommation chronique d'alcool, obésité, sédentarité, facteurs de risque d'origine iatrogène (contraception estroprogestative, traitement hormonal de la ménopause).

Quelle est l'évolution ?

- La qualité de la prise en charge initiale influe considérablement sur le pronostic et l'évolution des AVC. Ainsi, le traitement de l'ischémie cérébrale par thrombolyse intraveineuse peut se solder par la régression complète des signes de déficit.

- Après un infarctus cérébral, le risque de récidive est estimé à 10 % la première année et à plus de 30 % à 5 ans. Il existe aussi un risque de survenue d'événements cardiaques.

- Parmi les patients atteints d'infarctus cérébraux, 50 % gardent des séquelles invalidantes, 10 % décèdent au cours du premier mois, 23 % la première année, et plus de 50 % à 5 ans. Les décès précoces sont en rapport avec l'oedème cérébral et l'hypertension intracrânienne. Plus tardivement, les décès sont liés aux infections, embolies pulmonaires, infarctus du myocarde, complications du décubitus. S'agissant des hématomes intracérébraux, la mortalité varie entre 26 et 45 % au cours des premiers jours.

- Les séquelles fonctionnelles potentielles des AVC sont nombreuses : troubles de l'équilibre et de la marche, troubles de la déglutition, perturbations des fonctions cognitives avec troubles de la mémoire ou de l'attention, voire démence, troubles de la vision, du langage et de l'écriture, problèmes sphinctériens, troubles de l'humeur et dépression.

L'évolution peut aussi être marquée par d'autres complications : constipation, chutes à répétition, douleurs persistantes, dénutrition et déshydratation, thromboses veineuses profondes en rapport avec l'immobilité, escarres, rétractions tendineuses et complications orthopédiques, infections, épilepsie...

thérapeutique

Comment traiter l'accident vasculaire cérébral ?

A la phase aiguë, une prise en charge multidisciplinaire précoce réalisée - idéalement - en unité spécialisée a pour objectif de réduire la fréquence et la sévérité des séquelles liées à l'AVC. La prévention des récidives impose le contrôle des facteurs de risque (HTA, lipides, diabète...) et, dans le cas d'un AVC ischémique, la mise en place d'un traitement antithrombotique.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

- L'AVC est une urgence diagnostique et thérapeutique. La prise en charge doit être la plus précoce possible. Elle vise à limiter l'importance de la zone lésée et à réduire ainsi les complications neurologiques. Elle relève d'une hospitalisation en unité neurovasculaire (UNV, où s'associent neurologues et personnel paramédical formé à la prise en charge des AVC : kinés, orthophonistes...) ou en service de neurologie.

- Les accidents ischémiques transitoires (AIT) constituent également une urgence en raison du risque élevé de survenue d'un infarctus cérébral. Tout patient ayant des signes d'AIT récents et/ou présentant des AIT répétés doit être pris en charge en urgence en unité neurovasculaire ou dans un service de neurologie. La prévention secondaire est la même que pour un infarctus cérébral.

Infarctus cérébral

Phase aiguë

- Divers paramètres physiologiques doivent être surveillés et corrigés si nécessaire : glycémie (hyperglycémie, notamment facteur de mauvais pronostic), tension artérielle, fonction respiratoire, traitement d'une hyperthermie. Le bilan hydroélectrique doit demeurer équilibré. Ces mesures générales sont complétées par la prise en charge des complications thromboemboliques, infectieuses ou métaboliques susceptibles d'assombrir le pronostic de l'AVC et par une rééducation précoce.

- A l'hôpital, après avis neurovasculaire, la thrombolyse, si elle est indiquée, doit être effectuée le plus tôt possible. La thrombolyse permet de désagréger en urgence le thrombus ayant entraîné l'occlusion de l'artère.

- La thrombolyse IV est réalisée par injection d'un thrombolytique, l'altéplase (activateur tissulaire du plasminogène recombinant ou rt-PA, Actilyse, à l'hôpital), jusqu'à 4 h 30 après l'apparition des premiers symptômes d'infarctus cérébral, selon les recommandations de l'HAS (dans les trois premières heures de l'infarctus cérébral selon l'AMM). Plus la thrombolyse est effectuée tôt, plus les chances d'amélioration du pronostic du patient sont élevées.

- Une thrombolyse intra-artérielle peut être réalisée jusqu'à 6 heures après occlusion de l'artère cérébrale moyenne ou du tronc basilaire.

- Lorsqu'une thrombolyse ne peut être instaurée dans les délais requis, l'administration d'aspirine doit être entreprise le plus précocement possible. S'y associe l'administration d'une héparine de bas poids moléculaire en prévention de la maladie thromboembolique veineuse.

Prévention des récidives

La prévention des récidives (ou prévention secondaire) englobe la mise en place d'un traitement antithrombotique et la prévention générale des facteurs de risque vasculaire. Par ailleurs, une éducation thérapeutique globale du patient s'impose, incluant l'apprentissage puis le respect de règles hygiénodiététiques.

Traitement antithrombotique

- La prescription d'un antiagrégant plaquettaire est systématique lorsque l'AVC est lié à l'athérosclérose, à une maladie des petites artères ou d'origine indéterminée. Trois options sont possibles : aspirine, association aspirine et dipyridamole ou clopidogrel. En pratique, un traitement par aspirine est très souvent privilégié. Chez les patients allergiques à l'aspirine, le clopidogrel est recommandé. Il n'y a pas d'intérêt à prescrire une association aspirine-clopidogrel (Dipyridamole) après un premier infarctus cérébral (voir « Point de vue » page 12).

- Les anticoagulants (AVK) sont indiqués chez les patients présentant une cardiopathie emboligène (notamment en présence d'une fibrillation auriculaire, valvulopathie...).

Contrôle des facteurs de risque

- Pression artérielle : il est recommandé d'instaurer un traitement antihypertenseur chez tout sujet hypertendu afin de maintenir la pression artérielle (PA) en dessous de 140/90 mmHg (ou 130/80 mmHg en cas de diabète ou chez l'insuffisant rénal) et de privilégier un contrôle par automesure.

Tout abaissement de la PA réduisant le risque vasculaire, le traitement des sujets normotendus peut être en-visagé avec comme objectif une pression artérielle inférieure à 130/85 mmHg. Dans tous les cas, la prescription d'un diurétique thiazidique ou d'une association thiazidique-inhibiteur de l'enzyme de conversion doit être privilégiée. Les autres solutions étant choisies en fonction des comorbidités et du niveau tensionnel visé.

- Lipidémie : les statines ont démontré leur intérêt dans la prévention de l'infarctus cérébral avec pour cible un taux de LDL-cholestérol inférieur à 1 g/l. Leur prescription est systématique en post-infarctus cérébral (en complément des mesures hygiénodiététiques incontournables), quel que soit le taux de cholestérol, lorsque le risque vasculaire est élevé (diabétiques, antécédent coronarien).

- Glycémie : chez le patient diabétique, l'hémoglobine A1c doit être ramenée à une concentration inférieure à 6,5 % (à moduler en fonction de l'âge, des comorbidités...) pour réduire les complications micro- et macrovasculaires.

- Autres : sevrage tabagique impératif (avec aides à l'arrêt du tabac si nécessaire), réduction ou arrêt de la consommation d'alcool, perte de poids ou prévention de l'obésité, activité physique régulière d'au moins 30 minutes par jour adaptée aux possibilités du patient.

Le traitement hormonal de la ménopause après un infarctus cérébral ou AIT doit être stoppé. Une contraception estroprogestative est contre-indiquée ; une contraception par progestatif seul est possible (per os ou DIU).

Hémorragie cérébrale

Le traitement repose sur la correction étiologique de l'accident (suppression d'un traitement anticoagulant ou antiagrégant avec éventuelle administration d'antagonistes spécifiques). Un geste chirurgical peut être indiqué. La prévention des récidives passe par la correction des facteurs de risque (notamment hypertension, correction éventuelle d'une malformation vasculaire...).

PRINCIPAUX TRAITEMENTS INDIQUÉS APRES UN INFARCTUS CÉRÉBRAL

Antiagrégants plaquettaires

Aspirine

- L'aspirine constitue la référence dans la prévention secondaire de l'infarctus cérébral.

uL'aspirine est employée à faible dose (50 à 300 mg/j). La dose nécessaire et suffisante pour obtenir un effet antiplaquettaire significatif serait, au minimum, de 81 mg/j (recommandations de la FDA), mais des données récentes incitent à augmenter cette dose puisqu'une absence de réponse plaquettaire affecterait environ 20 % des patients traités par cette posologie. Une dose d'aspirine de 162 mg/j permet d'obtenir une réponse plaquettaire chez 50 % des patients et une dose de 325 mg/j chez 60 % d'entre eux.

- Effets indésirables : l'aspirine est en général bien tolérée. Elle peut entraîner des manifestations digestives (ulcères gastriques, hémorragies digestives) - rares toutefois aux posologies indiquées ici -, des saignements (épistaxis, gingivorragie...) et des réactions d'hypersensibilité (urticaire, asthme, oedème de Quincke...).

Thiénopyridines

Ces antiagrégants partagent un même mode d'action mais ont des index thérapeutiques très différents. Le clopidogrel (Plavix) est indiqué le plus souvent en cas de contre-indication ou d'intolérance à l'aspirine. La ticlopidine (Ticlid) n'est pas citée dans les recommandations de la HAS. Sa tolérance étant moins bonne que celle du clopidogrel, elle n'est quasiment plus utilisée.

Clopidogrel (Plavix)

- Exposant peu à un risque d'hémorragie digestive, il peut être prescrit chez le sujet ulcéreux en dehors des épisodes hémorragiques (ulcère cicatrisé). Il est aussi indiqué sur terrain polyvasculaire (infarctus cérébral avec cardiopathie ischémique ou artérite des membres inférieurs). Il paraît plus efficace que l'aspirine dans la prévention d'événement ischémique chez les patients artéritiques polypathologiques (athérosclérose associée à un diabète, une hypercholestérolémie...).

Toutefois, le clopidogrel est efficace au terme d'un métabolisme complexe. Ceci explique qu'environ 30 % des patients traités soient insuffisamment répondeurs à ce traitement.

- Effets indésirables : le clopidogrel bénéficie d'un meilleur index thérapeutique que la ticlopidine : diarrhées, douleurs abdominales et saignements sont les effets indésirables les plus fréquemment rapportés (épistaxis, hémorragie gastro-intestinale). Ils sont toutefois moindres qu'avec l'aspirine. Les réactions cutanées sont rares, les anomalies sévères de la NFS sont exceptionnelles.

Ticlopidine

Des études (années 1990) ont suggéré que la ticlopidine était plus puissante que l'aspirine pour diminuer le risque d'infarctus cérébral Mais en pratique, son index thérapeutique est médiocre.

- Effets indésirables : réactions cutanées sévères d'origine allergique, diarrhées parfois sévères nécessitant d'interrompre le traitement, anomalies de la formule sanguine survenant essentiellement dans les trois premiers mois du traitement, purpura thrombopénique thrombotique (se manifestant par des troubles de l'hémostase, de la fièvre et/ou une atteinte rénale et/ou des signes neurologiques), hépatite cytolytique. Une surveillance régulière s'impose en début de traitement (NFS, bilan hépatique). L'apparition d'une fièvre, d'une angine ou d'ulcération buccale, de saignements inhabituels et prolongés, de signes d'hépatite (ictère, urine foncée) impose un avis médical.

Dipyridamole

Le dipyridamole n'est indiqué dans la prévention secondaire de l'infarctus cérébral qu'en association à une faible dose d'aspirine (Asasantine LP). Le bénéfice de cette formulation sur l'aspirine employée seule demeure marginal. L'Asasantine LP bénéficie d'une indication dans la prévention de l'infarctus cérébral datant de moins de trois mois. L'association permet en théorie d'améliorer l'efficacité propre de chaque molécule antiagrégante et de limiter les effets indésirables en diminuant la dose de chacune d'elles.

- Effets indésirables : l'apparition de douleurs angineuses chez les patients porteurs d'une coronaropathie sévère, d'une myocardiopathie obstructive gauche ou d'une insuffisance cardiaque impose l'arrêt du traitement.

Diarrhée, céphalées et saignements (digestifs, épistaxis) sont les effets indésirables les plus fréquents sous Asasantine LP. En raison de ses propriétés vasodilatatrices, le dipyridamole peut également induire une hypotension, des bouffées de chaleur et une tachycardie. Il peut aussi être à l'origine d'une lithiase biliaire ou d'un bronchospasme.

Conduite à tenir en cas d'intervention chirurgicale sous antiagrégant

Idéalement, il ne faut jamais interrompre un traitement par antiagrégant en raison du risque élevé de récidive d'infarctus cérébral à l'arrêt du traitement. Les décisions d'arrêt sont donc à discuter au cas par cas.

En ce qui concerne les extractions dentaires, elles peuvent généralement se faire sous antiagrégant.

Si l'arrêt de l'antiagrégant est préconisé, le relais par HBPM n'est pas systématique car il n'y a pas de preuve de l'efficacité d'une telle attitude. Néanmoins, si le risque est important cette stratégie peut être proposée.

Statines

- Les statines diminuent la synthèse endogène de cholestérol mais induisent aussi de nombreuses actions complémentaires : activité anti-inflammatoire, action trophique sur les cellules de l'endothélium vasculaire et stabilisation, voire régression des plaques athéromateuses. Ces effets prophylactiques, indépendants de l'action hypocholestérolémiante, expliquent que ces médicaments soient prescrits en post-infarctus cérébral quel que soit le taux de cholestérol chez un patient diabétique ou ayant un antécédent coronarien ou une maladie athéroscléreuse symptomatique.

- Le traitement est généralement initié à faible dose, progressivement augmentée si nécessaire pour améliorer la tolérance. Toutefois, en post-infarctus cérébral, les statines peuvent être initiées à forte dose (en restant vigilant chez la personne âgée). Dans ce cas, une surveillance clinique et biologique renforcée est proposée pour vérifier la tolérance.

- Effets indésirables : les statines exposent à un risque dose-dépendant d'atteinte musculaire avec augmentation des taux de créatine-phosphokinase (CPK). La myalgie (inconfort ou faiblesse musculaire sans élévation du taux de CPK) est fréquente. L'atteinte peut aller jusqu'à la rhabdomyolyse (très rare), avec parfois insuffisance rénale aiguë.

Un dosage du taux de CPK doit être réalisé avant instauration du traitement dans certains cas : insuffisant rénal, antécédent de maladie musculaire ou génétique, abus d'alcool, sujet de plus de 70 ans... Il doit être également réalisé systématiquement en cas de symptômes musculaires inexpliqués survenant sous traitement (douleurs, crampes musculaires...).

Par ailleurs, un inconfort digestif, des nausées sont rapportés fréquemment.

Perspectives thérapeutiques

- Une technique développée ces dernières années permettrait d'obtenir un taux élevé de guérison après un infarctus cérébral. Elle combine l'injection intraveineuse d'altéplase à son administration directement au contact du caillot grâce à l'implantation d'un microcathéter. Elle permet de plus, si nécessaire, de retirer les éventuels fragments de caillots restés en place (désobstruction mécanique).

- De nouveaux antiagrégants per os sont en développement : le prasugrel pourrait ainsi constituer une génération faisant suite au clopidogrel.

- Des expérimentations sur l'utilisation de cellules-souches sont en cours : ces dernières seraient susceptibles de régénérer les neurones endommagés.

- Des travaux expérimentaux suggèrent qu'une oxygénothérapie massive, administrée pendant la phase d'occlusion, permettrait de réduire l'étendue des lésions cérébrales faisant suite à un AVC ischémique.

accompagner le patient

L'AVC vu par les patients

Un accident vasculaire cérébral est un bouleversement qui touche l'image de soi. Plus de 4 patients sur 10 restent très dépendants physiquement. Ils doivent d'abord accepter la perte de telle ou telle capacité, puis tenter de construire un nouveau projet de vie.

Impact social

- Hémiplégie, troubles sensitifs, douleurs, spasticité (contracture de certains muscles, des injections de toxines botuliques à faible dose peuvent être utilisées) altèrent les gestes de la vie quotidienne. Certaines personnes ne ressentent plus le toucher ou la douleur, ce qui peut entraîner des blessures, des brûlures... Une main rétractée, difficile ou douloureuse à ouvrir, peut générer des troubles cutanés (nettoyage malaisé de la paume, ongles blessants).

- La fatigue est très souvent présente (témoignant vraisemblablement de l'intensité de l'effort que la réadaptation demande).

- L'hémianopsie (perte du champ visuel) peut se compenser en tournant la tête mais rend impossible la conduite automobile.

- L'héminégligence (tendance à ignorer les événements survenant d'un côté) s'avère souvent très pénible. La personne ne se rase ou ne se maquille que d'un côté, ne mange que ce qu'il y a dans la partie droite de l'assiette, ne lit que la partie droite d'une page... Ce handicap peut être pris en charge mais a tendance à réapparaître en cas de stress ou de fatigue.

- Un patient peut être gêné pour faire certains raisonnements et pas pour d'autres : compter correctement mais ne pas savoir rédiger un chèque, s'orienter dans la rue mais se perdre dans les horaires...

- Les anomalies de langage (compréhension et/ou expression) peuvent restreindre la sociabilité.

Impact psychologique

Les AVC se compliquent souvent de troubles dépressifs.

Impact sur l'alimentation

Les troubles de la déglutition sont fréquents dans les jours suivants l'AVC (fausse route avec risque d'infection respiratoire voire d'étouffement).

Impact professionnel

La reprise du travail sera possible ou pas, selon les handicaps : prévoir un rendez-vous avec la médecine du travail. Dans le cas des AVC dits « légers » (séquelles ou troubles peu importants), les patients regagnent leur domicile sans passer par un service de réadaptation. Des troubles paraissant anodins à l'hôpital pour le patient peuvent en fait rendre difficile la reprise du travail (troubles de la concentration, fatigue...).

Impact sur la vie sexuelle

L'AVC lui-même ne contre-indique pas les rapports sexuels. La plupart des troubles sont des conséquences indirectes de l'AVC (baisse de l'estime de soi, troubles dépressifs...) ou sont liés aux traitements.

À dire au patient

A propos de la maladie

Il n'y a pas deux AVC identiques. La sévérité du déficit initial n'est pas proportionnelle à celle d'éventuelles séquelles. Il est très difficile de prévoir quel sera le niveau de récupération.

- Se faire aider par une association après l'annonce de l'irréversibilité des troubles car les proches ne sont pas toujours les mieux placés pour aider le patient.

- Faire un point avec une assistante sociale permet de centraliser toutes les demandes d'aide (pensions, allocations, aide ménagère...).

- La rééducation a une efficacité démontrée sur les troubles moteurs et cognitifs même en cas d'infarctus cérébral sévère (kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie). L'hémiplégie peut se compliquer d'une subluxation de l'épaule avec ou sans douleur (l'humérus s'écarte de l'épaule). Pour la prévenir ou ne pas l'aggraver, éviter de tirer sur le bras et ne pas le laisser pendre. En position debout, porter le bras en écharpe. En position assise, poser l'avant-bras sur un plan dur ou un coussin.

- En cas de troubles de la déglutition, privilégier les aliments solides, expliquer que la déglutition se fait mieux cou fléchi vers le bas.

- Etre à l'écoute de l'entourage : un soutien par des groupes de paroles ou le recours à des aides extérieures (aide ménagère...) peut permettre d'anticiper un épuisement.

A propos des traitements

- La lutte contre les facteurs de risque vasculaire fait appel à des traitements à vie qu'il faut suivre rigoureusement.

- Toujours s'informer de la nature de l'AVC (ischémique ou hémorragique). Sous antiagrégants, éviter les AINS en automédication, ne jamais arrêter les antiagrégants sans avis médical. En cas d'AVC hémorragique, jamais d'aspirine en automédication.

- Vérifier que le patient est porteur d'une carte de liaison stipulant le traitement par antiagrégant.

Prévention

- Pour prévenir les récidives, corriger certaines habitudes d'hygiène de vie : stopper le tabac, faire de l'exercice physique chaque jour selon ses possibilités, perdre du poids si nécessaire, manger moins salé, limiter la consommation d'alcool, supprimer les graisses saturées, privilégier les graisses poly- et mono-insaturées.

- Reconnaître les signes d'alerte Les patients ayant des facteurs de risque (hypertendus, coronariens, gros fumeurs, diabétiques...) ou des antécédents vasculaires, ainsi que leur entourage, doivent connaître les 3 signes d'alerte de l'AVC : perte de force ou engourdissement du visage ou d'un membre supérieur ou troubles de la parole.

Appeler le 15 en cas d'apparition brutale d'un de ces symptômes ou si l'un de ces signes est associé à l'apparition brutale de troubles de l'équilibre, de céphalées intenses ou d'une baisse de la vision. Laisser la personne allongée et noter l'heure d'apparition des troubles. Ne jamais négliger ces symptômes, même s'ils régressent.

Le cas

M. D., 68 ans, a été victime d'un accident vasculaire cérébral il y a 6 mois. Il a bénéficié d'une prise en charge précoce au sein d'une unité neurovasculaire et n'a quasiment pas de séquelles suite à cet événement, hormis la survenue d'une dépression.

Dr Schlup Nicolas

Généraliste

20, rue des Arcades

30000 Nîmes

30 1 99999 1

Le 18 janvier 2010

M. Alain D.

68 ans, 85 kilos

Kardégic 160 : 1 sachet le matin

Bipreterax : 1 cp le matin

Tahor 80 : 1 cp le matin

Effexor LP 75 : 2 gélules le matin

Traitement pour 3 mois

LES CHIFFRES

- L'AVC représente en France la première cause de handicap acquis de l'adulte, la 2e cause de démence après la maladie d'Alzheimer, la 3e cause de mortalité.

- Incidence annuelle en France :

1,6 à 2,4/1 000 tous âges confondus, soit 100 000 à 145 000 AVC par an.

- Age moyen de survenue de l'AVC : 71,4 ans chez l'homme, 76,5 ans chez la femme.

- 25 % des AVC surviennent chez les moins de 65 ans, 15 % chez les moins de 50 ans.

- Les AVC ischémiques représentent 80 % des cas, les AVC hémorragiques, 20 %.

L'AIT représente une urgence absolue

L'accident ischémique transitoire (AIT) correspond à un épisode neurologique déficitaire de survenue brutale causé par une ischémie focale du cerveau ou de la rétine, dont les symptômes durent typiquement moins d'une heure, sans signe d'infarctus cérébral aigu (à l'imagerie). La symptomatologie est la même que celle de l'infarctus cérébral constitué. Le caractère transitoire des symptômes ne doit surtout pas être interprété comme un signe de bénignité. L'AIT précède fréquemment la constitution d'un accident définitif. C'est donc une urgence absolue. Le risque de récidive ou de survenue d'un infarctus cérébral est élevé : 3 à 5 % dans les 48 premières heures, 10-20 % à 1 an, 15-30 % à 5-10 ans.

Les mécanismes de constitution d'un AVC

AVC ischémique

- L'ischémie cérébrale résulte le plus souvent de l'occlusion d'une artère cérébrale générée par une plaque d'athérome ou de la migration d'un embole d'origine cardiaque. Au niveau des artères de petit calibre (artères perforantes), il peut exister une altération de la paroi vasculaire induisant des lacunes cérébrales (infarctus lacunaires).

- Une hypoperfusion s'installe en aval de l'artère occluse. Différents stades de lésion des neurones existent selon le niveau d'hypoperfusion.

Une absence totale de perfusion génère un oedème cellulaire et des lésions irréversibles en quelques minutes : c'est l'infarctus cérébral.

Une hypoperfusion laissant persister une perfusion résiduelle se traduit par des anomalies de fonctionnement de la zone atteinte (cliniquement observables), mais sans lésion anatomique constituée. Lorsque les lésions ischémiques sont réversibles, on parle d'accident ischémique transitoire.

Si l'hypoperfusion se prolonge, les lésions ischémiques s'étendent. Une prise en charge rapide est alors primordiale pour désobstruer l'artère occluse et rétablir une perfusion normale. Ceci permet la récupération des fonctions inhibées précédemment et la disparition des signes cliniques.

AVC hémorragique

Dans les accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (à différencier des hémorragies méningées), une artère se rompt et un hématome se forme. Les origines sont multiples : hypertension artérielle principalement, traitements anticoagulants mal contrôlés...

Ce qui a changé

Nouveau

- Organisation d'une chaîne logistique calquée sur la chaîne de prise en charge de l'infarctus du myocarde : UNV (unité neurovasculaire) regroupant tous les acteurs impliqués ou filière de prise en charge en coordination avec une UNV. Accès prioritaire à l'imagerie cérébrale en privilégiant l'IRM.

- Mise en évidence de l'efficacité d'une fibrinolyse réalisée jusqu'à 4 heures 30 (au lieu de 3 heures) après le début des symptômes d'infarctus cérébral.

- Prescription élargie des statines en post-infarctus cérébral.

Disparu

- Une approche trop fataliste : l'AVC n'est pas une pathologie frappant les seuls sujets âgés.

Vigilance

Les antiagrégants sont tous contre-indiqués en cas de lésions hémorragiques évolutives, et notamment d'ulcère gastroduodénal. Il faut noter de plus quelques contre-indications incontournables :

Aspirine, association dipyridamole/aspirine : antécédents d'hypersensibilité aux salicylés et aux AINS (bronchospasme, réaction anaphylactique), maladie hémorragique constitutionnelle ou acquise.

Ticlopidine : antécédents de troubles hématologiques (leucopénie, thrombopénie, agranulocytose), hémopathie comportant un allongement du temps de saignement.

Clopidogrel : insuffisance hépatique sévère.

Statines : affection hépatique évolutive.

point de vue

« Appeler le 15 même si les signes d'alerte sont transitoires »Comment accélérer le délai de prise en charge du patient atteint d'un AVC ?

Il faut continuer à faire passer un message au grand public, aux médecins, aux pharmaciens et à tout professionnel de santé : tout déficit neurologique brutal, même s'il n'est que transitoire, constitue une urgence. Inutile de se rendre directement à l'hôpital le plus proche qui, peut-être, ne dispose pas d'une UNV ou d'une structure de prise en charge adaptée. Appeler le centre 15 directement qui orientera vers la filière de prise en charge la plus proche. Par ailleurs, on pourrait croire qu'un patient ayant déjà fait un AVC est davantage sensibilisé qu'un autre patient. Or, des études ont montré que les patients ayant un antécédent d'AVC n'arrivent pas plus vite à l'hôpital que les autres. Il faut donc insister sur la reconnaissance des signes d'alerte et sur leur caractère d'urgence. Enfin, le risque de décès ou de handicap d'un patient est nettement inférieur lorsqu'il est pris en charge au sein d'une UNV : il est prévu d'augmenter le nombre de ces structures qui doivent passer d'environ 80 aujourd'hui en France à 140 d'ici 2011.

L'association clopidogrel-aspirine présente-t-elle un bénéfice ?

Pour l'instant aucune étude n'a démontré la supériorité de cette association en prévention de récidives d'infarctus cérébraux. Elle doit donc rester exceptionnelle : elle concerne les patients ayant un risque particulièrement élevé de récidive, comme par exemple un infarctus cérébral dû à une sténose athéromateuse des artères intracrâniennes.

Dr france woimant

Neurologue, ancienne présidente de la Société française neurovasculaire

témoignage

Martine, 57 ans victime de trois AVC

« Un AVC change la vie. J'étais très active, j'aimais danser, m'habiller, porter des chaussures à talons. Aujourd'hui, je traîne ma jambe et mets des baskets. Mon bras droit est paralysé, en écharpe, et ma main droite est complètement rétractée. J'étais droitière et j'ai dû m'adapter. Mon mari m'aide pour m'habiller, me maquiller, il coupe mes ongles. Moi qui aimais cuisiner, je ne peux plus éplucher de légumes. J'ai peur de manger et de boire car j'ai des problèmes de déglutition. Je me nourris de yaourts, de compotes et de compléments alimentaires. J'ai quelques amies, mais je préfère que l'on évite de me demander comment je vais ou ce que je ressens. En revanche, j'aime discuter, échanger des idées et des trucs pratiques avec d'autres malades de France AVC. Cette année, j'ai appris que je ne progresserai plus. J'ai passé un mauvais moment, j'ai pensé que j'aurais mieux fait d'y rester. Mais il y a les autres, la famille. Cela donne envie de reprendre le dessus. Il est important de se raccrocher à quelque chose ou à quelqu'un. »

en savoir plus

Recommandations HAS

http://www.has-sante.fr

Ces recommandations de mars 2008 (« Prévention vasculaire après un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire ») fixent les objectifs à atteindre en matière de facteurs de risque et les traitements recommandés pour y parvenir.Association France AVC

http://www.franceavc.com

De nombreuses informations sur les symptômes de l'AVC et sa prise en charge. Le site diffuse également des témoignages de patients et une série de questions-réponses. Possibilité de prendre contact avec une antenne régionale (onglet « Antennes »).

Question de patients

« En quoi un ergothérapeute peut-il m'aider ? » Il aide à acquérir un maximum d'autonomie. Des associations d'ergothérapeutes* proposent des séances à domicile. Mais pour bénéficier d'une prise en charge financière, mieux vaut parfois consulter un centre de rééducation et suivre des séances en hôpital de jour.

* Information auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (http://www.travail-solidarité.gouv.frs, espace « handicap », « infos pratiques »), ou sur http://www.ergolib.org, site du syndicat national français des ergothérapeutes libéraux.

Mémo délivrance

Sous antiagrégants plaquettaires

Le patient sait-il comment réagir en cas de saignements ?

Il est fréquent que des saignements type épistaxis et gingivorragies surviennent. De même, les hématomes se résorbent moins rapidement. En cas de saignements suggérant un ulcère gastroduodénal (sang dans les selles ou des vomissements), consulter un médecin. Proscrire les AINS en automédication.

Conduite à tenir en cas d'intervention chirurgicale

- L'arrêt du traitement même sur une courte durée augmente le risque de récidive d'un AVC.

- Dans tous les cas, risque pesé avec le médecin au cas par cas : généralement, si le geste chirurgical est peu hémorragique, le traitement antiagrégant est maintenu.

Sous statines

Le patient connaît-il bien les modalités de prise ?

Prise unique indifférente par rapport au repas, de préférence le soir sauf pour atorvastatine et rosuvastatine : administration à tout moment de la journée.

Et les signes faisant craindre une atteinte musculaire ?

Stopper la statine en cas de symptôme musculaire inexpliqué et contacter le médecin : douleur ou faiblesse musculaire, crampes...

Contrôler les facteurs de risque

Un suivi rigoureux est primordial pour éviter une récidive d'AVC.

Le patient connaît-il ses valeurs cibles à atteindre ?

- Lipides : LDL-cholestérol < 1 g/l.

- Pression artérielle : objectif PA < 140/90 mmHg (< 130/80 si diabète ou insuffisance rénale), traitement possible des normotendus avec pour cible PA < 130/85 mmHg (réduction du risque vasculaire).

- Glycémie : HbA1c < 6,5 % à adapter au profil du patient.

Le patient a-t-il modifié son hygiène de vie ?

Sevrage tabagique et/ou éviction du tabagisme passif, réduction de la consommation d'alcool, réduction du poids ou prévention de l'obésité, suppression des graisses saturées au profit des graisses mono- et polyinsaturées, activité physique régulière adaptée aux possibilités (30 minutes/jour).

Sensibiliser aux signes de l'AVC

Sait-il reconnaître les signes faisant évoquer un AVC ou un AIT ?

A connaître par tous les patients à risque vasculaire (antécédent AVC, infarctus, HTA, diabète...) et leur entourage : survenue brutale d'une perte de force ou d'engourdissement au niveau du visage ou d'un membre supérieur ou de troubles de la parole ou association d'un de ces symptômes à des troubles de l'équilibre, des céphalées inhabituelles, une baisse de vision.

Sait-il quoi faire s'ils surviennent ?

C'est une urgence : appel immédiat au 15 même si ces signes ont régressé. Ne pas aller par soi-même à l'hôpital le plus proche, lequel ne dispose peut-être pas d'une structure spécialisée.

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