Maisons de santé, « maisons témoins » - Le Moniteur des Pharmacies n° 2807 du 12/12/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2807 du 12/12/2009
 

Témoignages

C'est le sujet à la mode en matière de politique de santé. Le remède à la désertification, la façon de développer la prise en charge globale des patients. Du moins l'espère-t-on. De même que l'on espère ne pas voir ces structures désorganiser l'offre de soins existante, notamment officinale. Sur le terrain, les pharmaciens s'adaptent à cette mutation.

Les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ne datent pas d'hier, le concept remontant aux années 80. Mais elles ont leur définition officielle depuis tout juste un an. Plus exactement depuis la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 : « Les maisons de santé assurent des activités de soins sans hébergement et peuvent participer à des actions de santé publique ainsi qu'à des actions de prévention et d'éducation pour la santé et à des actions sociales. [Elles] sont constituées entre des professionnels de santé. Elles peuvent associer des personnels médico-sociaux. » Une définition complétée par la loi HPST cette année (voir encadré p. 32). Surtout, depuis la loi de financement de la Sécurité sociale de 2008, une ligne budgétaire annuelle spécifique aux MSP est prévue. Le nerf de la guerre !

Le législatif se double d'une très forte volonté politique en faveur de leur développement. En septembre 2008, Nicolas Sarkozy présentait les MSP comme « l'ossature du système de santé de demain », « le lieu idéal de la coopération entre professionnels de santé ». Roselyne Bachelot avait annoncé l'an dernier le soutien d'une centaine de projets à hdiv de 50 000 euros par an. Ce sont finalement une cinquantaine de maisons de santé qui en ont profité, mais la tendance est lancée et bien lancée. Dans le but de lutter contre la désertification, mais pas seulement. Si la moitié des projets ont vu le jour dans des zones déficitaires, un petit tiers concernent les « quartiers », et une sur cinq s'installe dans des zones tout à fait « ordinaires ». D'ailleurs, pour les pouvoirs publics, l'approche démographique n'est pas la seule porte d'entrée possible pour ces projets. La transformation de l'offre « en partant d'un constat d'une réponse insuffisante de l'organisation des soins ambulatoires libéraux » en est une autre. Sachant que le « territoire » de la maison de santé correspond le plus souvent au quartier, en ville, et au canton ou au bassin de population en milieu rural ou semi-rural.

L'exercice libéral sera-t-il sauvegardé ?

La Fédération française des maisons et pôles de santé a évalué à une centaine le nombre de projets susceptibles de voir le jour cette année, à ajouter aux quelque 160 structures existantes début 2009 (en comptant les structures qui bénéficient de financements publics et qui répondent aux référentiels en vigueur). Un effet booster largement imputable aux collectivités qui portent les deux tiers des projets. Les pouvoirs publics espèrent voir un tiers des professionnels libéraux regroupés dans ce type de structures d'ici dix ans.

Par ailleurs, le gouvernement avait une furieuse envie de rendre le SROS (schéma régional d'organisation des soins) ambulatoire opposable aux médecins libéraux dans la loi HPST. Il y a renoncé en raison de l'hostilité des syndicats médicaux. Or les maisons de santé sont une façon de contourner cette opposition puisque les MSP, elles, doivent entrer de fait dans le SROS. Et c'est bien ce qui fait grincer des dents des syndicats de médecins comme la CSMF ou le SML qui estiment que généraliser ces structures porterait une atteinte grave à l'exercice libéral. Et certains représentants de pharmaciens ne sont pas loin de penser la même chose, tel Pierre Leportier (FSPF), estimant, lors du dernier Congrès des pharmaciens, que « l'on aboutit ici à une nouvelle forme d'établissement de santé. S'agit-il encore d'une activité libérale ? ». Avec la crainte de voir les transferts de charges envisagés uniquement sous l'angle d'une économie vers des professionnels moins coûteux que les médecins. Pourquoi ne pas opter pour des « staffs de soins primaires » réellement libéraux, économisant de fait les frais de structure d'une MSP qui pourraient alors être investis dans la rémunération du temps de coordination des professionnels, s'interrogeait-il.

En filigrane se dessine de plus pour la pharmacie la crainte d'une remise en cause du maillage territorial des officines : la MSP ne risque-t-elle pas de « pomper » les professionnels de santé libéraux alentour en recréant des déserts médicaux ou paramédicaux alors qu'elle est censée y remédier. De fait, les officines proches des maisons de santé ne bénéficieront-elles pas de l'essentiel de l'activité générée par ces structures au détriment de celles, plus éloignées, finalement guère mieux loties que dans la situation de désertification médicale actuelle ?

La télémédecine au secours des pharmaciens isolés ?

C'est sans doute pour pallier cette difficulté que l'USPO a avancé de son côté, à plusieurs reprises, l'idée de développer les outils de télémédecine qui permettraient aux postes avancés - que sont les officines isolées - de mesurer certaines constantes médicales et, au besoin, de permettre de véritables consultations à distance entre le patient et le médecin, grâce à un local de confidentialité au sein de l'officine spécialement équipé. Une façon pour les pharmaciens de proximité (qui veulent bien s'en donner la peine) de ne pas perdre la main au profit de confrères mieux situés. Et il ne s'agit pas là de science-fiction dans la mesure où le développement de la télémédecine fait partie des innovations que sont censées développer les maisons de santé. Sauf que ce développement est aujourd'hui surtout envisagé au sein des MSP vis-à-vis des spécialistes.

Quant aux activités telles que la prévention ou l'éducation thérapeutique, elles font également partie des priorités des MSP. Si elle veut y trouver sa place, l'officine aura cependant beaucoup de travail pour s'imposer car c'est le corps infirmer qui est systématiquement et formellement évoqué sur ce sujet dans les projets de santé et projets professionnels des maisons de santé.

D'après les conclusions d'un séminaire à l'initiative de l'URCAM Franche-Comté, l'une des priorités du projet professionnel de ces structures était d'« établir un partenariat avec les pharmaciens d'officine eux aussi impliqués dans les soins de premier recours ». Il y a donc une carte à jouer pour l'officine mais, en cette période d'expérimentations tous azimuts, la dynamique viendra plus sûrement du terrain que « d'en haut ».

Nombre d'officinaux ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, certains étant parfois partie prenante de projets de maisons médicales aux côtés du médecin généraliste local ou du maire, comme l'attestent les témoignages que nous avons recueillis en régions. Nous avons en effet voulu savoir comment les officinaux et certains médecins vivaient cette nouvelle organisation des soins de premier recours, entre craintes et espoirs, notamment dans les zones médicalement sous-dotées. Place au terrain, donc.

Financement public ou privé ?

Les maisons de santé à financement public ont l'avantage d'avoir des loyers plus abordables pour les professionnels mais avec un risque potentiel concernant l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Cette formule attire plus facilement les jeunes professionnels peu désireux - ou dans l'impossibilité financière - d'investir dans l'outil de travail... mais avec le risque de les voir partir à terme. Les maisons de santé à financement privé impliquent la capitalisation des associés (avec les avantages que cela représente en termes de fiscalité et d'investissement), garantissant ainsi une certaine « pérennité de la présence des professionnels de santé ». De fait, les structures à financement public dominent dans les zones où l'approche démographique est prioritaire et dans les zones urbaines sensibles.

* Séminaire organisé à l'automne 2008 par l'URCAM Franche-Comté, la Fédération des maisons de santé, la MSA et le conseil régional de Franche-Comté.

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