La dépression chez l'adulte - Le Moniteur des Pharmacies n° 2807 du 12/12/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2807 du 12/12/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Caroline A. voit flou sous Cymbalta

réception de l'ordonnance

Pour qui ?

Caroline A., 35 ans. C'est elle qui se présente à la pharmacie.

Par quel médecin ?

Docteur Dumond, médecin généraliste.

L'ordonnance est-elle recevable ?

Oui. Il faut cependant préciser à Caroline A. que l'Imovane ne sera pas renouvelable. Le Xanax est un anxiolytique dont la prescription est limitée à 12 semaines.

Quel est le condiv de l'ordonnance ?

Que savez-vous de la patiente ?

Caroline A. est une cliente régulière de la pharmacie. Du fait de son humeur apparemment dépressive depuis le décès de sa mère, le pharmacien l'a encouragée à consulter.

Quel était le motif de la consultation chez le généraliste ?

Suite au décès soudain de sa mère il y a six mois, la patiente est d'humeur dépressive. Elle pleure beaucoup et a des insomnies. De plus, elle se sent très fatiguée et a du mal à se concentrer dans son travail.

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin a posé le diagnostic de dépression et lui a prescrit un traitement médicamenteux ainsi qu'un arrêt de travail d'un mois. Il souhaite la revoir dans un mois.

Vérification de l'historique patient

Caroline A. est sous collyre Xalatan, à raison de une goutte par jour, sans interruption depuis plusieurs mois. Au vu de la fréquence des délivrances, le pharmacien constate qu'elle est très observante. Elle prend également Cycléane, une pilule contraceptive.

La prescription est-elle cohérente ?

Que comporte la prescription ?

La prescription comporte du Cymbalta (duloxétine), un antidépresseur inhibiteur de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa). Elle mentionne également Xanax (alprazolam), une benzodiazépine anxiolytique, et Imovane (zopiclone), un hypnotique.

Est-elle conforme aux référentiels ?

La prescription d'un IRSNa en première intention est conforme aux recommandations de traitement d'un épisode dépressif caractérisé modéré ou sévère. L'état dépressif est considéré comme caractérisé (ou majeur) lorsque les symptômes (tristesse, perte de notion de plaisir, absence de projet, fatigue importante, ralentissement de la pensée) sont présents toute la journée durant au moins 2 semaines. Un anxiolytique tel que le Xanax peut être associé au traitement antidépresseur le cas échéant. Imovane est quant à lui prescrit en durée courte (14 jours), ce qui va également dans le sens des recommandations afin d'éviter toute accoutumance.

Y a t il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a t il des contre-indications pour cette patiente ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

La dose d'instauration usuelle de Cymbalta est bien de 60 mg. Toutes les autres posologies sont conformes aux recommandations.

La prescription pose-t-elle problème ?

Non.

Y a-t-il des interactions ?

La seule interaction concerne Imovane et Xanax. Il s'agit d'une potentielle majoration de l'effet sédatif, dont il faut tenir compte. Dans le cas présent cet effet peut être recherché en début de traitement, pour éviter le risque suicidaire qui persiste jusqu'à ce qu'une rémission significative de la dépression s'installe. Il n'y pas d'interactions entre ce traitement et Xalatan ou Cycléane.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui, l'efficacité du traitement doit être évaluée par le médecin à partir de 4 semaines de traitement.

Quels conseils de prise donner ?

Il s'agit d'une première délivrance d'ordonnance. La patiente n'a pas l'habitude du traitement. Le pharmacien doit lui expliquer le rôle de chaque médicament et la durée de traitement.

Quand commencer le traitement ?

Caroline A. se présente à la pharmacie à 13 heures.

Cymbalta doit être pris :

1) Le matin

2) Le soir

3) A n'importe quel moment de la journée mais à la même heure chaque jourLe traitement par Cymbalta et Xanax est à commencer immédiatement. Cymbalta peut être pris n'importe quand dans la journée mais à la même heure chaque jour (réponse 3). Le jour de la dispensation, Xanax ne sera pris que deux fois (à 13 h et le soir), la prise du matin n'étant pas possible. Imovane devra être débuté le soir même au coucher.

Que faire en cas d'oubli ?

- Prendre le comprimé de Cymbalta dans les 12 h suivant l'oubli (temps de la demi-vie) ou, à défaut, attendre le lendemain. Ne pas doubler la dose.

- En cas d'oubli d'un comprimé de Xanax, sauter la prise et prendre la suivante à l'heure habituelle.

Quand le traitement montrera-t-il son efficacité ?

Le traitement antidépresseur ne sera efficace qu'au bout de deux à quatre semaines. Afin de prévenir les rechutes, il devra être poursuivi durant plusieurs mois, même après avoir ressenti une amélioration.

Effets indésirables

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Les effets indésirables les plus fréquents sont : somnolence (Xanax, Imovane et Cymbalta), céphalées, nausées et vertiges (Cymbalta).

De rares cas de convulsions ont été rapportés après l'arrêt du traitement (Cymbalta)

Quels sont ceux gérables à l'officine ?

Au comptoir, informer le patient de la possible disparition de ces effets à la poursuite du traitement.

Quand contacter le médecin ?

En cas d'idées suicidaires ou d'effets secondaires mal supportés.

Conseils complémentaires

u Préciser qu'il ne faudra en aucun cas arrêter ou modifier le traitement sans un avis médical.

u Insister sur le fait que la dépression est une maladie à part entière et qu'elle doit être traitée comme telle. Caroline A. confirme qu'elle en a honte et que son entourage ne comprend pas sa pathologie, considérant que son manque de dynamisme est une simple question de laisser-aller.

Plan de prise conseillé

- Cymbalta : prendre la gélule si possible chaque jour à la même heure. Prise indifférente par rapport aux repas.

- Xanax : 3 prises réparties dans la journée, indifféremment par rapport aux repas.

- Imovane : prise immédiatement avant le coucher.

u Il serait souhaitable que Caroline A. bénéficie d'un soutien psychologique. Les patients sont souvent réticents à consulter un psychiatre ou un psychologue, n'associant pas les symptômes dépressifs à une pathologie psychiatrique. Orienter la patiente vers une association de patients.

Demande de la patiente

Une semaine plus tard, Caroline A. revient à la pharmacie en se plaignant d'une sensation de vision floue et de fatigue oculaire. Elle a appelé son ophtalmologue le matin même sans lui préciser qu'elle suivait un autre traitement. Celui-ci lui a demandé si le collyre Xalatan avait bien été conservé au réfrigérateur avant ouverture. La patiente interroge donc le pharmacien sur l'éventualité d'une rupture de la chaîne du froid à l'officine pouvant avoir concerné son flacon de collyre. De plus, devant l'inefficacité du traitement prescrit par le généraliste et après en avoir discuté avec ses proches et sur les conseils de sa soeur, elle souhaite acheter une boîte de Mildac.

Délivreriez-vous la boîte de Mildac ?

1)Oui, cela peut aider la patiente le temps que le traitement antidépresseur fasse effet

2)Non, le Mildac n'a aucune efficacité en cas de dépression caractérisée

3)Non, le Mildac risque d'interagir avec le traitement.u Le pharmacien précise à Caroline A. que l'efficacité de son traitement ne peut être évaluée au bout d'une semaine et que Mildac ne doit pas être associé à son traitement. En effet, en association à Cymbalta, le millepertuis génère un risque de syndrome sérotoninergique et d'augmentation des effets secondaires de l'antidépresseur. De plus, Mildac n'est indiqué que dans les manifestations dépressives légères et transitoires (réponses 2 et 3).

- Concernant Xalatan, dans l'idéal, le pharmacien devrait pouvoir présenter à tout moment les courbes de température du réfrigérateur des derniers mois prouvant le bon respect de la chaîne du froid à l'officine. En l'occurrence, la chaîne n'a pas été rompue dans l'historique récent.

- Les symptômes oculaires de Caroline A. intriguent le pharmacien par rapport au traitement récemment instauré. Il vérifie donc dans le Vidal les effets indésirables potentiels de Cymbalta, lequel mentionne en effet des troubles visuels et en particulier une vision floue. En général, cet effet secondaire apparaît rapidement en début de traitement. Le phénomène est gênant et aboutit souvent à un changement d'antidépresseur. Cymbalta peut également entraîner dans de rares cas une mydriase, potentiellement dangereuse en cas d'hypertension intraoculaire ou de risque de glaucome par fermeture de l'angle. Ces effets secondaires n'ont rien à voir avec la conservation du Xalatan.

Le pharmacien décide donc de contacter le médecin prescripteur.

Appel au médecin généraliste

- Bonjour Docteur Dumond je suis Monsieur V., pharmacien. Madame Caroline A., l'une de vos patientes, est à la pharmacie. Elle a commencé son traitement par Cymbalta il y a environ une semaine et elle se plaint aujourd'hui de troubles visuels. Les symptômes qu'elle décrit sont répertoriés dans les effets indésirables potentiels de Cymbalta. Je me permets de vous contacter du fait de son traitement par Xalatan.

- Elle est sous Xalatan ? Je ne savais pas qu'elle souffrait de glaucome...

- Ce collyre lui est prescrit par son ophtalmologiste depuis plusieurs années. Il n'y a pas de problème d'interaction entre les deux traitements mais l'hypertension oculaire doit mener à une prudence particulière sous Cymbalta du fait du risque de mydriase.

- Oui, bien sûr. Si j'avais eu connaissance de l'affection oculaire de Madame A. je n'aurais pas choisi cet antidépresseur. Je note tout ça dans son dossier. Pouvez-vous lui délivrer du Prozac afin qu'elle change rapidement de traitement ? Qu'elle en prenne une gélule par jour.

- Je note donc cette modification sur l'ordonnance. Par ailleurs, Madame A. ne semble pas très bien. Elle vient de me demander une boîte de millepertuis mais je ne peux pas la lui délivrer en raison de l'incompatibilité avec Cymbalta.

- Oui, effectivement ! Dans ce cas ne lui délivrez pas de Prozac, dites-lui que je souhaite

la revoir rapidement pour m'assurer de son état d'anxiété et peut-être réévaluer la dose de Xanax. J'en profiterai pour lui prescrire le Prozac. Disons demain, 10 h 30.

- Entendu Docteur D., le rendez-vous lui convient. Merci, au revoir.

Le pharmacien rassure Caroline A. et insiste sur le fait qu'il est normal que les bénéfices d'un traitement antidépresseur, quel qu'il soit, mettent plusieurs semaines à se faire sentir. Il en sera de même pour le Prozac, mais l'éventuelle adaptation des doses de Xanax lui permettra d'être moins anxieuse.

pathologie

La dépression en 5 questions

La dépression est un trouble de l'humeur se traduisant par une perte d'énergie psychique, une anxiété, une culpabilisation, des troubles cognitifs et somatiques. Ces signes ont un retentissement social handicapant. Une humeur dépressive peut conduire au suicide.

Quels sont les signes cliniques de dépression ?

Poser un diagnostic d'épisode dépressif impose la présence de symptômes psychiques et somatiques persistant depuis au moins deux semaines et contrastant avec le comportement habituel du sujet.

- Humeur dépressive : tristesse, insatisfaction, pessimisme s'observent la plus grande partie de la journée, presque chaque jour.

- Incapacité constante à trouver du plaisir dans une quelconque activité (anhédonie).

- Modification du poids et/ou de l'appétit : diminution souvent importante de l'appétit avec une perte de poids excédant 5 % en un mois.

- Troubles du sommeil : insomnies de fin de nuit ou succession d'éveils nocturnes prolongés, réveil matinal précoce et angoissé, hypersomnie.

- Agitation ou ralentissement psychomoteur : ce signe n'est pas subjectif. Il est constaté par l'entourage qui s'étonne de voir le patient inactif, inexpressif.

- Fatigue quasi constante.

- Perte de l'estime de soi, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité rendant difficile toute activité.

- Bradypsychie et incapacité à se concentrer ou indécision.

- Idées suicidaires et pensées récurrentes relatives à la mort, sans qu'elles soient toujours évoquées explicitement par le patient. Certains comportements sont tenus comme « équivalents suicidaires » puisqu'ils peuvent mettre en jeu le pronostic vital : anorexie, mutilations, conduites à risque...

L'épisode dépressif est « majeur » (EDM) ou « caractérisé » dès que cinq de ces neuf symptômes sont réunis en continu pendant au moins 2 semaines d'affilée.

Le caractère majeur d'un épisode est indépendant de sa sévérité. En effet, certains épisodes dépressifs peuvent ne pas réunir tous les critères d'un EDM mais se révéler sévères car handicapants ou exposant à une évolution péjorative.

L'état dépressif est toujours accompagné d'anxiété (parfois intense). La survenue de signes somatiques affecte environ 80 % des sujets dépressifs :

- troubles digestifs : constipation ou accélération du transit ;

- troubles neurovégétatifs : sueurs, frilosité, lipothymie ;

- douleurs articulaires, musculaires ou céphalées ;

- troubles neuromusculaires avec paresthésies, tremblements, vertiges voire anomalies à l'électrocardiogramme... ;

- troubles de la sexualité, avec le plus souvent diminution de la libido, dysérection, anorgasmie.

Comment diagnostique-t-on une dépression ?

Le diagnostic est purement clinique, souvent posé grâce à des échelles spécifiques. Il reste orienté par les signes psychiques, cognitifs et somatiques, mais aussi par les antécédents familiaux du patient et par le condiv (deuil, séparation, perte d'emploi, etc.).

Une dépression peut être difficile à diagnostiquer chez un sujet âgé : les comorbidités (notamment les démences) en modifient la présentation. Il existe des échelles d'évaluation spécifiquement destinées aux personnes âgées.

Quelles sont les différentes formes de dépression ?

u Au-delà de ses aspects habituels, la dépression peut se présenter sous des formes moins classiques (est exclue ici la maladie bipolaire, caractérisée par l'alternance d'épisodes maniaques ou hypomaniaques et dépressifs) :

- dépression saisonnière : cette forme particulière de dépression affecte préférentiellement les femmes (85 % des cas) entre 30 et 40 ans. Elle se traduit par des fringales sucrées, une prise rapide de poids (2 à 5 kg), une asthénie, un besoin accru de sommeil et une tendance à se replier sur soi-même, sans pour autant que l'humeur soit véritablement dépressive. Survenant entre octobre et décembre pour durer 3 à 4 mois, la dépression saisonnière est induite par le déphasage circadien saisonnier et disparaît avec l'allongement du jour au printemps. Elle est marquée par une périodicité des rechutes lors de plusieurs automnes consécutifs ;

- dépression dite « des trois jours » : ce type de dépression, dite « brève récurrente », est décrit chez 7 à 10 % de la population. Elle se traduit par la répétition, 10 à 15 fois par an, d'EDM brefs durant entre 3 et 5 jours. Elle peut soit évoluer vers un EDM soit apparaître suite à un EDM.

- La dépression peut par ailleurs accompagner une autre maladie psychiatrique : environ trois quarts des patients dépressifs sont victimes d'une maladie psychiatrique associée, notamment de troubles anxieux (trouble anxieux généralisé) ou d'un trouble addictif (la dépression peut être la cause et/ou la conséquence d'une intoxication chronique, notamment alcoolique).

- Enfin, certaines dépressions peuvent être « masquées », c'est-à-dire associées à une symptomatologie susceptible de retarder le diagnostic psychiatrique :

- masques psychiques : les signes psychiques diffèrent souvent de ceux habituellement observés chez un sujet dépressif. Ainsi, au-delà des troubles du caractère, fréquents, des réactions phobiques ou obsessionnelles, de l'anorexie - ou, au contraire, une boulimie - voire des comportements toxicomaniaques peuvent être développés ;

- masques somatiques : les signes somatiques peuvent toucher n'importe quel(s) organe(s) et sont d'autant plus sévères que le patient a une tendance hypocondriaque. Il se plaint notamment de céphalées, de fatigue matinale, de crampes et de paresthésies, de douleurs thoraciques ou abdominales, de troubles digestifs. Ces signes nécessitent d'être examinés pour éliminer toute pathologie organique réelle, ce qui tend toutefois à retarder le diagnostic de dépression. Les antécédents dépressifs, la connaissance d'une cause susceptible d'expliquer une dépression (rupture, deuil, chômage, échec professionnel ou scolaire...) mais également la rapide régression des signes cliniques sous traitement antidépresseur permettent de rapporter ces troubles physiques à une maladie psychique.

Quels sont les facteurs de risque de dépression ?

Les multiples causes potentielles d'une dépression ne relèvent pas que du condiv environnemental.

Quatre étiologies essentielles sont à souligner :

u Psychique : séparation, chômage, sentiment d'injustice, traumatismes apparus dans l'enfance, parfois enfouis dans l'inconscient...

u Organique : maladies neurologiques (Parkinson, démences), troubles vasculaires cérébraux, hypothyroïdie, diabète et autres affections endocriniennes, cancer, maladie auto-immune, infections (VIH, tuberculose).

u Toxique : de nombreuses drogues peuvent, à court ou long terme, se révéler dépressogènes (psychostimulants pris sur une période prolongée, hallucinogènes...)

u Iatrogène : sans évoquer ici tous les médicaments dépresseurs du système nerveux central, il faut souligner le rôle des corticoïdes, des bêtabloquants, des antihypertenseurs d'action centrale, de la digoxine, de la phénytoïne, des interférons, de l'isotrétinoïne, de la varénicline...

De nombreux facteurs de vulnérabilité à la dépression ont été repérés : sociodémographiques, environnementaux, génétiques. On ignore s'ils prédisposent à la survenue d'un premier épisode ou aux récurrences ou s'ils concourent à aggraver la sévérité des épisodes. Certains traits de personnalité (sujets antisociaux, dépendants, schizotypiques, « borderline »...) prédisposent à la survenue d'épisodes dépressifs. Les troubles de la personnalité (paranoïaques ou schizoïdes, obsessionnels, dépendants, évitants) augmentent le risque de dépression.

Quelles sont les évolutions possibles d'une dépression ?

Un épisode dépressif guérit spontanément en six mois à un an en l'absence de traitement. Une rémission complète des signes cliniques supérieure à six mois traduit une « guérison » de l'épisode. Passé ce délai, la réapparition des signes fait évoquer une « récidive » dépressive. Avant ce délai, on parle donc d'une « rechute » du même épisode. Cette notion de « guérison » ne porte que sur un épisode donné : la dépression est une maladie souvent récurrente et, souvent, un épisode ne donne lieu qu'à une rémission partielle, laissant persister des symptômes résiduels.

u Chez quelque 20 % des sujets dépressifs, la symptomatologie se prolonge pendant au moins deux ans : la dépression est considérée dès lors comme « chronique ».

u La survenue, même à long terme, d'un épisode maniaque chez un sujet ayant présenté un ou plusieurs épisodes dépressifs fait poser un diagnostic de maladie bipolaire. Selon les divs, entre 20 et 50 % des sujets dépressifs seraient en fait des sujets bipolaires relevant normalement d'un traitement thymorégulateur.

thérapeutique

Comment traiter la dépression chez l'adulte ?

Le traitement de fond ambulatoire d'un épisode dépressif majeur repose généralement sur l'administration d'antidépresseurs. D'autres médicaments, symptomatiques peuvent leur être associés, mais aussi d'autres techniques thérapeutiques.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

LES TRAITEMENTS

Une fois l'épisode dépressif majeur (EDM) diagnostiqué avec certitude, le traitement passe dans la majorité des cas par une prescription médicamenteuse en ambulatoire (sauf risque suicidaire ou isolement du patient faisant indiquer une hospitalisation).

Instauration du traitement

- Le traitement antidépresseur est instauré après élimination de toute cause étiologique à la symptomatologie dépressive. Il repose sur l'administration d'un antidépresseur en monothérapie, sous surveillance médicale rapprochée.

- La réponse thérapeutique se traduit par une amélioration thymique n'apparaissant qu'au bout de 2 à 4 semaines de traitement. L'efficacité du traitement ne peut donc être évaluée avant 4 semaines. La levée d'inhibition psychomotrice qui la précède peut faire redouter un éventuel passage à l'acte suicidaire.

- Les tricycliques et les IMAO ne sont prescrits qu'en deuxième intention du fait de leur moins bonne tolérance.

- Il importe de rester attentif à la survenue d'un « virage maniaque », effet indésirable potentiellement commun à tous les antidépresseurs sur terrain bipolaire.

- Le suivi du taux plasmatique d'antidépresseur, réalisé, permet dans certains cas de vérifier l'observance du traitement, d'adapter la dose au métabolisme individuel, de suivre l'évolution des taux en cas d'association médicamenteuse à risque voire d'évaluer le degré d'une intoxication aiguë.

- Un traitement antidépresseur peut, si la clinique le justifie, être accompagné par la prescription d'autres médicaments psychoactifs de façon temporaire (anxiolytiques, hypnotiques) ou prolongée (thymorégulateurs, antipsychotiques).

- Troubles de la personnalité et tout événement douloureux ou conflictuel font indiquer une psychothérapie en association au traitement antidépresseur, qui ne suffit pas toujours. Elle aidera à identifier les causes de la maladie et à accompagner la guérison. Il s'agit d'un soutien important, surtout pour prévenir les récidives.

- La dépression saisonnière se traite essentiellement par la luminothérapie.

Durée du traitement

Trois étapes sont distinguées au cours du traitement d'une dépression :

- Le traitement d'attaque (phase aiguë) vise l'obtention d'une rémission partielle en 2 à 4 semaines puis complète de l'épisode en environ 6 à 8 semaines. Si la rémission complète n'est pas atteinte, la stratégie doit être réadaptée (molécule, dose...).

- Le traitement de consolidation dure 4 à 6 mois. Il vise à prévenir une rechute de l'épisode ayant justifié le traitement.

- Le traitement prophylactique des récidives (ou récurrences) chez un sujet présentant une dépression chronique (3 EDM en 4 ans) peut être poursuivi jusqu'à 24 mois après la disparition des signes cliniques.

La posologie est identique pour chacune de ces phases de traitement (sauf difficulté à obtenir une rémission totale en phase d'attaque).

Arrêt du traitement

Le traitement antidépresseur est arrêté progressivement, sur une durée d'autant plus prolongée (de quelques semaines à un an) que le traitement aura été long, en surveillant l'éventuelle survenue d'une récidive ou d'un syndrome de sevrage (ou d'arrêt). Ce dernier peut apparaître au cours de la semaine suivant l'arrêt du traitement pour durer au maximum 7 jours. Il associe anxiété, irritabilité, troubles du sommeil, vertiges et syndrome pseudo-grippal. Le choix d'un antidépresseur à demi-vie longue ou livrant des métabolites actifs minimise les signes de sevrage et limite les fluctuations plasmatiques dues à une éventuelle malobservance.

Dépression résistante

La persistance de symptômes malgré un traitement bien suivi signe une résistance au traitement (30 % des patients). Les facteurs de risque sont nombreux : dépression survenant dans le condiv d'une pathologie psychiatrique (trouble anxieux, psychose...), dépression délirante, maladie bipolaire, association à des troubles de la personnalité, facteurs environnementaux ou sociaux défavorables (isolement, précarité...). Face à une dépression résistante, la stratégie vise à remplacer la molécule initialement prescrite par une autre, à associer un traitement potentialisateur (thymorégulateurs ou autre antidépresseur...) ou à recourir à l'électroconvulsivothérapie (ECT).

LES TRAITEMENTS

Les sept familles d'antidépresseurs ont pour but commun de renforcer le tonus monoaminergique cérébral.

Inhibiteurs des monoamines-oxydases (IMAO)

- L'iproniazide (Marsilid) est un IMAO de première génération, très psychostimulant. Son index thérapeutique faible le réserve à des situations particulières, souvent gérées par un psychiatre, et rend sa prescription exceptionnelle. Il existe notamment un risque important d'HTA sévère en cas de non-respect des contre-indications, mais aussi des insomnies, une hypotension et des effets anticholinergiques (hyposialie, constipation...).

- Le moclobémide (Moclamine) est également psychostimulant. Son activité sélective sur la MAO-A et réversible s'épuise en quelques heures, ce qui améliore la tolérance. Les effets iatrogènes se limitent généralement à des céphalées, insomnies, vertiges et troubles digestifs.

Tricycliques

Les tricycliques inhibent la recapture de plusieurs monoamines. Ils exercent par ailleurs de multiples actions postsynaptiques responsables d'effets indésirables parfois sévères :

- Effets anticholinergiques : confusion, hyposialie, troubles de l'accommodation, rétention urinaire, constipation. Ils expliquent l'observance souvent insuffisante au traitement.

- Effets antihistaminergiques : ils peuvent induire une somnolence cédant à la poursuite du traitement mais potentiellement dangereuse chez les conducteurs. A contrario, une prise de poids persiste tout au long du traitement.

- Effets adrénolytiques périphériques : ils peuvent induire une hypotension orthostatique résistant à la poursuite du traitement, avec forte fatigue, somnolence et vertiges.

- Autres effets indésirables décrits : la survenue fréquente de tremblements digitaux d'origine centrale (action sympathomimétique à faible posologie) est parfois handicapante. L'effet « quinidine-like » des tricycliques peut être à l'origine de troubles du rythme cardiaque, justifiant la réalisation d'un électrocardiogramme avant l'instauration du traitement. Sueurs et bouffées de chaleur sont mal supportées par les patients, tout comme les divers troubles sexuels pouvant résulter du traitement. Ces signes tendent cependant tous à régresser avec une adaptation de dose.

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS)

Les IRS inhibent exclusivement la recapture de la sérotonine et n'ont pas d'activité postsynaptique significative. Leur index thérapeutique est donc très supérieur à celui des tricycliques et leurs effets indésirables limités.

- Les signes d'hypersérotoninergie se traduisent par des manifestations psychiques (agitation, confusion) et somatiques (tremblements, incoordination, troubles tensionnels, tachycardie, diarrhées, sueurs). Ils sont souvent dus :

- à l'association d'un inhibiteur du cytochrome P450 et d'un traitement prosérotoninergique ;

- à l'association, entre eux, d'antidépresseurs prosérotoninergiques (IMAO, IRS, IRSNa, tricycliques) ;

- au non-respect du délai requis pour éliminer l'antidépresseur avant la prise d'autres médicaments sérotoninergiques : lithium, antipsychotiques sérotoninergiques (clozapine, rispéridone, olanzapine) ou triptans. Prudence avec les molécules à demi-vie longue ou à métabolites actifs comme la fluoxétine ;

- à une intoxication, notamment avec les antidépresseurs les plus sélectifs de la sérotonine (citalopram, escitalopram, paroxétine, sertraline).

Le syndrome sérotoninergique peut évoluer de façon suraiguë et justifier l'hospitalisation du patient.

- D'autres effets indésirables cèdent rapidement à la poursuite du traitement : nausées, céphalées et migraines. L'activité sérotoninergique peut induire une inhibition de la libération de dopamine à l'origine de signes neurologiques (akathisie, signes extrapyramidaux, notamment chez le patient âgé ou parkinsonien) justifiant un traitement spécifique (propranolol ou clonazépam pour l'akathisie, correcteurs spécifiques pour les signes extrapyramidaux avec une prudence du fait de leur activité anticholinergique).

Les IRS sont parfois cause d'hyponatrémie avec confusion mentale. Ils peuvent par ailleurs perturber l'activité plaquettaire avec un risque accru d'ecchymoses. La prudence est de mise, surtout chez les patients sous antivitamines K. Enfin, ils entraînent parfois une prise de poids et des troubles sexuels.

Antidépresseurs d'action duale (IRSNa)

En inhibant simultanément la recapture de sérotonine et de noradrénaline, la duloxétine, le milnacipran et la venlafaxine se rapprochent des tricycliques en termes de puissance. Ils bénéficient toutefois d'un meilleur index thérapeutique puisqu'ils n'ont pas d'action postsynaptique significative. L'incidence des nausées est plus faible qu'avec les IRS mais celle des dysuries (composante pronoradrénergique puissante non compensée par antagonisme, contrairement aux tricycliques) doit rendre leur prescription prudente selon les cas. Ils peuvent aussi être responsables d'hypersudation et, chez certains patients, d'HTA.

Antagonistes adrénergiques présynaptiques

Miansérine (Athymil) et mirtazapine (Norset) ont une polarité sédative et anxiolytique souvent appréciée. Leur tolérance est satisfaisante bien que de très rares atteintes hématologiques réversibles ainsi qu'une augmentation des taux d'enzymes hépatiques puissent apparaître. Ils peuvent également induire une prise de poids.

Modulateur glutamatergique

La tianeptine (Stablon) bénéficie d'une tolérance satisfaisante mais peut provoquer une pharmacodépendance, surtout chez les patients ayant des antécédents de conduites addictives. La fréquence des abus est estimée de 1 à 3 cas pour 1 000, avec des prises atteignant 300 cp par jour.

Quelles différences entre les AD ?

- Si l'efficacité des antidépresseurs est réduite dans la dépression légère, leur efficacité dans les stades modérés à sévères est réelle.

- Il n'y a pas de différence d'efficacité clinique démontrée entre les classes d'antidépresseur dans les recommandations françaises actuelles. Toutefois, cette position n'est pas consensuelle. Les tricycliques et les IRSNa sont tenus pour plus puissants que les IRS dans plusieurs publications.

- Le choix de l'antidépresseur est adapté selon le patient, au-delà de sa puissance d'action supposée :

- moins les effets indésirables du traitement sont gênants, meilleure est l'observance ;

- une forte inhibition psychomotrice suggère le recours à une molécule stimulante (désipramine, fluoxétine, IMAO) et des signes importants d'anxiété à une molécule sédative (amitriptyline, miansérine, mirtazapine, doxépine, paroxétine) ;

- seule une observance insuffisante ou le besoin de rassurer le patient justifient l'usage de formes injectables.

L'électro-convulsivothérapie

L'électroconvulsivothérapie (ECT ou sismothérapie) consiste à générer un courant électrique transcrânien, libérant notamment des catécholamines. Même répétée, l'ECT n'induit aucune lésion cérébrale. 4 à 20 séances sont nécessaires (2 à 3 par semaine), sous anesthésie générale. L'ECT a un rapport bénéfice/risque très favorable et ne pose pas de problème chez la femme enceinte, l'enfant ou le sujet âgé. Sa seule contre-indication est l'hypertension intracrânienne. Environ la moitié des patients traités souffrent toutefois de céphalées. Des nausées peuvent faire indiquer une prémédication. Désorientation, confusion et troubles de la mémoire sont fréquents après la séance.

Perspectives thérapeutiques

L'agomélatine (Valdoxan) inaugurera sous peu une nouvelle classe d'antidépresseurs n'interagissant pas avec la recapture des monoamines. Active contre la désynchronisation circadienne accompagnant la dépression, elle agira comme agoniste mélatoninergique et antagoniste des récepteurs 5-HT2c qui participent à la régulation de l'horloge interne. Les effets indésirables, au vu d'un recul encore limité, devraient être réduits : nausées, troubles du transit, vertiges, céphalées, somnolence.

Associations contre-indiquées

Certaines associations d'antidépresseurs sont contre-indiquées et nécessitent de plus, en cas de relais, le respect impératif d'un délai entre l'arrêt de l'ancien traitement et l'instauration de la nouvelle molécule :

accompagner le patient

La dépression vue par les patients

Impact psychologique

La souffrance morale et le sentiment d'isolement sont caractéristiques de la dépression. Tristesse inhabituelle, perte d'intérêt et de plaisir, les idées suicidaires ne sont pas rares.

Impact sur le quotidien

- Diminution de l'appétit, des envies, de l'énergie, de l'intérêt, de la force musculaire... Le ralentissement idéomoteur touche toutes les activités. Le patient n'a plus de projet.

- Les troubles du sommeil avec réveils matinaux sont fréquents, mais l'endormissement est rarement touché.

- Des troubles sexuels peuvent être dus à la maladie ou aux traitements.

- Certains traitements sont responsables de prises de poids, de constipation, de sécheresse buccale pouvant s'avérer gênants pour le patient.

Impact social

- Bien que la solitude favorise la pathologie, le patient dépressif s'isole.

- Le malade est dévalorisé, culpabilisé. Il ne se sent capable de rien.

Impact sur l'entourage

- Le conjoint peut être critiqué : « Tu devrais le [la] remuer ! »

- L'entourage proche peut également glisser vers une tendance dépressive ou au contraire devenir hyperactif pour contrer l'attitude du patient.

A dire au patient

A propos de la maladie

- Une aide est nécessaire. « Etre fort », « s'en sortir seul » n'est pas possible.

- S'informer sur la maladie auprès des professionnels et des associations.

- En parler à son entourage peut être une aide précieuse. Eviter l'isolement.

- L'hospitalisation peut être nécessaire pour évaluer la situation, rompre avec le milieu familial ou donner du répit. Rassurer le patient à ce sujet.

Expliquer les objectifs et la durée du traitement

- La dépression est une maladie complexe, les médicaments pouvant ne pas suffire, une prise en charge psychologique est recommandée en complément.

- Insister sur le fait que plusieurs semaines sont nécessaires pour ressentir l'effet médicamenteux.

- Poursuivre le traitement pendant au moins 4 à 6 mois après amélioration des symptômes.

- Ne jamais arrêter brutalement le traitement afin d'éviter la réapparition de signes dépressifs ou de sevrage (anxiété, troubles du sommeil et neurosensoriels, syndrome pseudo-grippal...). L'arrêt doit être programmé avec le médecin. Il est très progressif sur quelques semaines ou mois, selon les doses et la durée du traitement.

Gérer les effets indésirables

- Les troubles de l'accommodation induits par les tricycliques disparaissent souvent en cours de traitement.

- La constipation (tricycliques) : adopter les règles hygiénodiététiques de base (hydratation, activité physique, apport de fibres, voire un laxatif lubrifiant).

- La sécheresse buccale (fréquente avec les tricycliques, possible sous IRS et antidépresseurs d'action duale) : boire beaucoup d'eau, sucer des bonbons sans sucre et consulter un dentiste pour évaluer le risque carieux lié à l'hyposialie. Une prise vespérale peut limiter l'incidence de la sécheresse buccale.

- Les perturbations plaquettaires (sous IRS) : du fait du risque accru de saignements, contrôle plus fréquent de l'INR chez les patients sous AVK.

- Autres effets indésirables : vertiges, asthénie, irritabilité, troubles digestifs (une prise en fin de repas peut être bénéfique) cèdent à la poursuite du traitement .

- Revoir le médecin si les effets indésirables sont un frein à l'observance.

Consulter rapidement

- Si les symptômes persistent au-delà de 8 semaines de traitement ou si les signes réapparaissent quelques semaines après l'arrêt du traitement.

u En cas de symptômes résiduels (persistance de symptômes invalidants contrastant avec la manière de vivre de la personne avant l'épisode dépressif) : troubles du sommeil, de l'alimentation, fatigue, anxiété, persistance de l'humeur dépressive ou suicidaire, baisse de l'estime de soi, manque de motivation...

- En cas de fièvre, angine, stomatite ou signes d'infection sous miansérine (Athymil) ou mirtazapine (Norset). Contrôler l'hémogramme (risque d'agranulocytose, rare mais grave).

- En cas d'inversion de l'humeur avec apparition d'hypomanie (exaltation, agressivité, comportement compulsif...) pouvant signer un éventuel virage maniaque sous antidépresseur.

- En cas de tremblements, de comportement agressif, de nausées sous IRS : premiers signes d'un syndrome sérotoninergique, notamment en cas de comédication avec triptans, tramadol, autres antidépresseur, carbamazépine, Flécaïne...

- En cas de tachycardie sous tricycliques notamment.

Prévention des récidives

Le risque de récidive est d'environ 50 %. La maladie peut resurgir plusieurs années après le premier épisode, ou plus régulièrement avec rémission partielle entre les épisodes dépressifs. Ce risque est diminué en cas de traitements adéquats bien conduits, notamment si l'instauration est précoce. Rappeler l'importance de la durée minimale d'un traitement et son arrêt progressif sur avis médical. Inciter le patient à consulter en cas de réapparition de signes, en cas de conduites inhabituelles (augmentation de consommation d'anxiolytiques ou de toxiques ...).

De nombreuses dépressions chroniques sont en fait des troubles unipolaires, voire bipolaires (si présence alternée d'un état hypomaniaque) non diagnostiqués nécessitant une prise en charge adaptée par des thymorégulateurs et un accompagnement psychologique.

Le cas

Mme Caroline A. 35 ans se présente à la pharmacie avec une ordonnance d'antidépresseur. Elle a perdu sa mère brutalement il y a 6 mois et cette patiente habituellement souriante et dynamique est depuis d'humeur dépressive.

Dr Jacques Dumond

Médecine générale

35, rue des Petits-Paniers

54000 Nancy

54 1 99999 1

Le 10 décembre 2009

Mme Caroline A.

35 ans

Cymbalta 60 mg : 1 par jour

Xanax 0,25 mg : 1 matin, 1 midi, 1 soir

Imovane 7,5 mg : 1 au coucher, 14 jours

Ordonnance pour 1 mois

LES CHIFFRES

- La dépression est la pathologie psychiatrique la plus fréquente dans la population générale.

- La prévalence annuelle de l'épisode dépressif majeur en France est de près de 5 %, soit environ 2,5 millions d'adultes.

- La dépression est surreprésentée chez les femmes avec une prévalence annuelle de 10,4 contre 5,2 chez l'homme.

- En France, plus de la moitié des suicides semble secondaire à une dépression.

- La dépression est plus fréquente dans les populations à niveau socioculturel ou à revenu mensuel faibles.

- Un dysfonctionnement familial grave, des tentatives de suicide chez les ascendants ou un alcoolisme parental vécus dans l'enfance sont associés à un risque accru de dépression à l'âge adulte.

Physiopathologie de la dépression

La dépression est liée à une altération des systèmes de neurotransmission, notamment au niveau du cortex cérébral et du système limbique : on observe une diminution des taux synaptiques de noradrénaline, de dopamine et de sérotonine ainsi que des perturbations dans l'homéostasie glutamatergique.

Des hypothèses plus récentes se développent sur l'origine des troubles de l'humeur :

- Doué de plasticité, le cerveau connaît d'incessants remaniements structuraux et fonctionnels. La dépression s'associe à une diminution de cette plasticité affectant notamment l'hippocampe (troubles cognitifs), le cortex préfrontal (inhibition psychomotrice) et l'amygdale (anxiété, tristesse, agressivité).

- Il existe des liens étroits mais complexes entre les altérations du rythme circadien et la dépression (d'où les troubles du sommeil accompagnant la maladie). Le pic de sécrétion physiologique de mélatonine, normalement observé vers trois heures du matin, semble en effet supprimé chez le sujet déprimé. Il existerait de plus une corrélation entre une mutation de la protéine GPR-50, modulant l'activité des récepteurs à la mélatonine, et une vulnérabilité accrue aux épisodes dépressifs.

Ce qui a changé

Apparus

- L'escitalopram (Séroplex) est un IRS plus puissant que son énantiomère déjà commercialisé, le citalopram (Seropram).

- La duloxétine (Cymbalta) est un inhibiteur de la recapture biaminergique indiqué également dans le traitement des douleurs neuropathiques.

Disparu

La viloxazine (Vivalan), un antidépresseur fortement psychostimulant (peu prescrit).

Vigilance

Parmi les contre-indications des antidépresseurs, certaines méritent d'être retenues :

IMAO

- Allaitement.

- Iproniazide : caféine, cyclamates, aliments riches en tyramine et en tryptophane (fromages fermentés, foies de volailles, levures, viande faisandée) : risque de crise hypertensive potentiellement mortelle.

Tricycliques

- Patients à risque de glaucome par fermeture de l'angle.

- Patients à risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques.

- Infarctus du myocarde récent.

IRSNa

- Duloxétine : HTA non équilibrée.

- Milnacipran : allaitement.

Paroxétine

A éviter autant que possible au cours du premier trimestre de la grossesse.

point de vue

« La psychothérapie aide à prévenir les rechutes »

Quelles sont les différences entre une dysthymie et une dépression ?

Le début d'un épisode dépressif est marqué par une rupture nette dans le comportement du patient, ce que l'entourage perçoit clairement. La dysthymie est au contraire une sorte de « dépression chronique à bas bruit ». Les symptômes sont les mêmes que dans la dépression mais moins intenses, moins gênants et présents en continu pendant plusieurs années. Les dysthymies sont traitées par des antidépresseurs sérotoninergiques, sur des périodes plus longues que dans le cadre d'une dépression (un ou deux ans). Elles nécessitent une psychothérapie.

Une psychothérapie est-elle indispensable chez les patients dépressifs ?

L'enjeu essentiel des psychothérapies est la prévention des rechutes. Elles ne feront en revanche pas de miracle au cours d'un épisode dépressif sévère. Mais toutes les techniques ne sont pas aidantes. Les plus efficaces sont les psychothérapies « actives » telles les thérapies comportementales cognitives ou les thérapies de médiation en pleine conscience qui permettent notamment au patient de moins « ruminer » ses idées noires, de prendre du recul par rapport à ses émotions négatives. A terme, elles permettent souvent de diminuer la fréquence et l'intensité des rechutes.

Dr Christophe André

Psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, il est l'div notamment du livre « Les Etats d'âme » (éditions Odile Jacob)

témoignage

Jean-Luc, 47 ans, employé de banque

Après un épisode dépressif en 2002, Jean-Luc a récidivé en 2006, 2008 et 2009 : « Je me suis occupé de ma mère jusqu'à son décès en 2001, puis, d'un seul coup, ça n'a plus été. Je restais des heures prostré. La journée, je n'avais qu'une hâte : rentrer me coucher. Je n'avais plus envie de rien, vivre était pénible. J'ai fini par consulter mon médecin qui m'a prescrit du Zoloft, un arrêt de travail et m'a incité à voir un psy. J'étais soulagé d'arrêter le boulot mais, pour moi, un dépressif c'était un feignant. Je me suis donc renseigné sur la maladie et j'ai appris que c'était vraiment dû à un problème dans le cerveau. Après 3 mois sans résultat, je suis passé sous Prozac. Et puis, un matin, je me suis levé en allant mieux, j'en suis sorti d'un coup. Depuis, c'est revenu à 2 reprises. Une psy m'a dit que la chronicité justifiait un traitement plus long et un suivi psychologique. Je suis sous Deroxat depuis 2 mois mais cela me donne des troubles sexuels. Je ne sais pas quoi faire. Je pense ne pas vivre la vie que je devrais mener. »

en savoir plus

Association France Dépression

http://www.france-depression.org

L'association soutient les malades et leur entourage et informe sur la maladie, les traitements et les manières d'y faire face. Permanence téléphonique (01 40 61 05 66) tous les jours de 14 à 17 h. Des groupes de paroles et des conférences-débats sont également organisés.

UNAFAM

ecoute-famille@unafam.org

L'Union nationale des amis et familles des malades psychiques a mis en place un service téléphonique « écoute-famille » destiné aux personnes confrontées à la souffrance et aux troubles psychiques d'un proche (01 42 63 03 03, du lundi au vendredi, 9-13 h et 14-18 h)

Mémo délivrance

Pour toute délivrance d'antidépresseur

Le patient est-il averti du délai nécessaire à l'efficacité du traitement ?

Prévenir le patient au moment de l'instauration qu'il est normal qu'aucune amélioration thymique ne soit ressentie avant deux à quatre semaines de traitement antidépresseur. Cette absence apparente d'efficacité ne doit pas conduire à arrêter le traitement. L'amélioration met 2 à 4 semaines à apparaître et 6 à 8 semaines à se compléter.

Le patient est-il averti de la durée du traitement antidépresseur ?

Préciser que le traitement doit impérativement être poursuivi après la disparition des symptômes, qu'il dure au minimum 6 mois. Aucune modification ou décision d'arrêt ne doit être faite sans avis médical. L'arrêt sera toujours progressif.

Y a-t-il un traitement anxiolytique ou hypnotique d'accompagnement ?

Si oui, préciser au patient que ce traitement est en général limité dans le temps, contrairement au traitement antidépresseur, pour éviter toute dépendance.

Sous antidépresseur prosérotoninergique (IRS, IRSNa, IMAO, tricycliques)

Le patient prend-t-il des médicaments pouvant interagir avec son traitement ?

Les interactions sont nombreuses et certaines peuvent avoir des effets particulièrement graves, notamment l'apparition d'un syndrome sérotoninergique (agitation, confusion, tremblements, diarrhées, sueurs...). Attention notamment aux associations de ces molécules entre elles ou avec des inhibiteurs du cytochrome P450, des antipsychotiques sérotoninergiques (clozapine, rispéridone, olanzapine), des triptans.

Sous miansérine (Athymil) ou mirtazapine (Norset)

Le patient est-il averti de la nécessité de contacter le médecin en cas de signe d'infection ?

Sans paniquer le patient, l'informer du risque (rare) d'atteinte hématologique et de l'importance de contacter le médecin en cas de fièvre, angine ou tout signe d'infection.

En cas de changement de traitement

Les délais nécessaires à l'élimination de l'ancien antidépresseur sont-ils respectés ?

Prévoir notamment :

- 14 jours entre l'arrêt d'un IMAO et l'instauration d'un IRS u 5 semaines entre l'arrêt de la fluoxétine et l'instauration d'un IMAO

- 7 jours entre l'arrêt de la sertraline et l'instauration d'un IMAO

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