Leclerc reprend la main - Le Moniteur des Pharmacies n° 2805 du 28/11/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2805 du 28/11/2009
 

L'ÉVÉNEMENT

Actualité

C'était prévisible. Michel-Edouard Leclerc repart à l'assaut du monopole. Le 23 novembre, soit trois jours après le lancement de sa nouvelle campagne, « Le Moniteur » est allé écouter son show à l'EDHEC Business School de Lille. Vite une aspirine !

Michel-Edouard Leclerc sait rebondir, en l'occurrence sur les mesures gouvernementales qui sont dans l'air du temps, soulignant qu'avec le désengagement progressif de la Sécu, le critère du prix, son cheval de bataille, reprend ses droits. « Casser un monopole, c'est un moyen. La finalité, c'est rendre accessibles les produits. Le prix est un des éléments de l'accessibilité [...], théorise Michel-Edouard Leclerc devant les étudiants en commerce et marketing de Lille. Avec les centres Leclerc, on a fait tomber l'ensemble "laboratoires-pharmacies" dans les années 80 en saisissant le Conseil de la concurrence. Nous avons obtenu le droit de créer des parapharmacies, de permettre au grand public l'accès à des produits qui étaient vendus très très chers en se prévalant de la caution des pharmaciens. Ce combat continue aujourd'hui et je prétends, au moment où l'Etat dérembourse beaucoup de médicaments, que nos pharmaciens dans nos parapharmacies sont aujourd'hui capables de respecter toute l'éthique du Code de la santé et de les vendre moins cher. [...] Roselyne Bachelot a imaginé de faire passer ces médicaments de derrière le comptoir à devant le comptoir, de demander au pharmacien de mettre le prix, mais manifestement cela ne suffit pas. L'enjeu, c'est quand même 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 4 000 médicaments dont 320 sont déjà publiés comme non remboursés, les mutuelles refusent de passer à la caisse. Donc je pense qu'il y a une mesure d'intérêt public à mettre plus de concurrence dans ce secteur tout en préservant l'écrin dédié à la santé et la compétence du pharmacien. »

« Que l'Ordre nous laisse vendre les médicaments moins cher »

Philippe Gaertner, président de la FSPF, à qui ont été rapportés ces propos, se montre abasourdi : « Mais le prix Leclerc n'existe même pas, on ne retrouve pas les mêmes prix dans les magasins de son groupe ! Moins cher que quoi ? Moins cher que les plus chers ou moins cher que les moins chers ? » Pour Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO, « Leclerc ne réfléchit qu'en nom de marque, qu'en marketing et produit leader, là où nous accueillons les patients et réfléchissons traitements et parcours de soins. »

Leclerc se sert aussi des contraintes que lui a imposées le secteur pharmaceutique par le passé. « Les laboratoires et l'Ordre des pharmaciens ont exigé que j'aie un diplômé en pharmacie qui ait fait le même temps d'études qu'un officinal, a continué Michel-Edouard Leclerc. Je n'ai pas le droit de l'appeler "pharmacien". Pour moi, ce n'est pas cela qui devrait faire l'appellation et l'expertise, c'est le fait qu'il ait fait des études. L'Ordre des pharmaciens leur a enlevé leur agrément quand ils sont passés de l'officine à chez nous, je ne demande pas mieux qu'ils soient inscrits à l'Ordre, qu'ils respectent la déontologie, ce qu'ils s'engagent à faire. Que l'Ordre des pharmaciens nous dise dans quelles conditions on peut vendre des médicaments, mais qu'il nous laisse les vendre moins cher... »

Ce n'est manifestement pas pour tout de suite. Isabelle Adenot est plus que ferme sur le sujet : « Docteur en pharmacie, c'est un titre universitaire, pharmacien c'est un métier, avec une inscription à l'Ordre. »

MEL veut également séduire les jeunes diplômés : « Aujourd'hui, des jeunes pharmaciens, avant de devenir officinaux, ouvrent des parapharmacies parce qu'ils trouvent que leurs aînés leur font payer trop cher leur fonds de commerce. On leur refuse d'être inscrits à l'Ordre non pas parce qu'ils n'étaient pas bons, mais parce qu'ils ne sont pas propriétaires de leur officine. Si le statut c'est la fonction, le rapport capitalistique, l'Ordre se trompe de combat. Pour moi, ce qui compte chez un pharmacien, c'est l'expertise, la compétence, la qualité du conseil. »

« Les adjoints ne veulent pas être des super-chefs de rayon »

« Ce que n'ont pas les pharmaciens de chez Leclerc, c'est l'indépendance du professionnel de santé assène Claude Japhet. Rien ne garantira leur comportement déontologique. Et les Français l'ont bien compris. » D'ailleurs, la jeune génération reste plus que jamais attachée à l'officine. Il suffit d'écouter Maxime Beltier, fraîchement élu président de l'ANEPF : « M. Leclerc oublie qu'un patient est une personne avant d'être un consommateur. Le contact humain est une valeur forte de notre futur métier. Et la loi HPST décrit cette proximité en dépassant largement le simple cadre de distributeur de médicaments. » Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D, rappelle, lui, que « 75 % des adjoints attendent la possibilité d'entrer dans le capital des officines. Ils ne veulent pas être de super-chefs de rayon. »

MEL en revient toujours à son terrain médiatique : « Suite à la première vague de déremboursements, l'inflation sur ces produits était de 36 %. C'est comme ça que je suis intervenu », affirme-t-il. Selon lui, s'il n'a aucune légitimité scientifique concernant la consommation de médicament, il en a une en revanche pour améliorer le pouvoir d'achat. « Je n'entre même pas dans le débat sur les prix, on sait très bien qu'il y aussi des écarts importants entre grands distributeurs, soit exactement ce que M. Leclerc reproche aux officines en la matière », réagit Claude Japhet. « Qu'il nous oppose la concurrence entre nous et nous reproche de faire nous-mêmes baisser nos propres prix, cela ne manque pas de sel ! », rétorque Gilles Bonnefond.

Leclerc envie les corners des GMS européennes

A une semaine du Sidaction, l'occasion était trop belle aussi pour ne pas exploiter le filon : « J'ai été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie parce que je vendais des préservatifs à 1 franc, et c'est parce qu'il y a eu le sida que l'on a ensuite banalisé ce produit, comme disent les pharmaciens. Arrêtons de nous payer de mots. Si les produits sont dangereux, ils restent en pharmacie. Si on les dérembourse en disant justement que ce sont des produits banals, puisqu'on les met en libre-service, laissons-les sous le contrôle d'un docteur en pharmacie dans un espace de parapharmacie. [...] Je ne suis pas un militant de l'automédication, mais si ces produits sont en vente libre en officine, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas les vendre moins cher chez nous », énumérant les enseignes de GMS qui vendent déjà du médicament en Europe : El Corte Inglés en Espagne, Leclerc en Italie, Rewe en Allemagne, Colruyt en Belgique, Tesco en Grande-Bretagne...

Le pharmacien aurait intérêt à voir exploser le système !

Cerise sur le gâteau, MEL s'attaque à « l'exclusivisme français. [...] Je suis pour que les pharmaciens puissent faire de la publicité sur leurs spécialités, je suis pour qu'[ils] puissent élargir leurs compétences à tout autre domaine de la santé. Je pense que l'avenir de l'officine de toute façon va exploser avec la nécessité de créer des pôles de santé. [...] Et le pharmacien peut aussi trouver son compte dans l'explosion du système. »

De quoi se soucier de l'avenir, lorsque la ministre de la Santé ne sera plus la pharmacienne qu'on connaît ? « Il ne faut pas s'arrêter à Roselyne Bachelot. Aucun ministre de la Santé n'a jamais envisagé de libéraliser le médicament et je ne crois pas qu'un politique occupant cette fonction ne l'envisagera », analyse Claude Japhet. « Il est important d'avoir un message fort de l'ensemble de la profession et nous faisons confiance à l'Ordre. Si une communication sur le réseau est mise en place, nous nous y associerons » , concède Philippe Gaertner . « Il ne faut pas aller sur le terrain de Leclerc et le prendre en frontal, sur le refrain du "On vend moins cher que lui", analyse Lucien Bennatan, président du groupe PHR. Au contraire, il faut miser sur des campagnes de longue haleine, un an ou plus, mettant en avant les engagements du pharmacien, sur les valeurs du métier. Lançons enfin une première grande campagne institutionnelle comme l'ont fait les artisans en leur temps. Cela coûterait à peine deux euros par jour et par pharmacie. »

Sauf que, pour l'instant, l'Ordre ne semble pas vouloir relancer le combat. « Les syndicats feront ce qu'ils voudront. Notre quotidien, à l'Ordre, c'est la santé publique », explique Isabelle Adenot. La réunion avec les groupements qui s'est tenue à l'Ordre le 25 novembre, programmée de longue date, a-t-elle pu éviter le sujet ?

Les Français vous aiment !

Quelle coïncidence ! L'Ordre a réalisé une enquête pour évaluer l'attachement des Français à la profession. 1 002 d'entre eux y ont participé du 26 au 31 octobre. Les chiffres sont enthousiasmants. Pour 96 %, le pharmacien est un professionnel de santé indispensable. Qui plus est, pour 97 % d'entre eux il est très facile de se rendre dans une pharmacie et 95 % jugent le service de garde indispensable. La confiance que les patients consommateurs accordent à leur pharmacien est massive (94 %) et l'achat en officine est une garantie de qualité du médicament pour 86 %. Ils ne sont que 20 % à considérer que la pharmacie est un commerce comme les autres. Enfin, le rôle social dans la vie locale est reconnu à 87 %. Seul bémol, le rôle de premier recours, point fort des futures missions du pharmacien de la loi HPST, n'est perçu que par 56 % des interviewés. Bref, les patients vous aiment !

L.L.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !