Un antidote contre la routine - Le Moniteur des Pharmacies n° 2802 du 14/11/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2802 du 14/11/2009
 

TOULOUSE

Transactions

Pharmacien au centre antipoison de Midi-Pyrénées, enseignant à la faculté de pharmacie de Toulouse et en BTS, commandant des sapeurs-pompiers de Haute-Garonne, conférencier... Noël Amouroux - également cotitulaire ! -, prouve que les compétences d'un officinal s'exportent bien !

Centre antipoison et de toxicovigilance du CHU de Purpan. En y pénétrant, les étudiants de 6e année de la faculté de pharmacie s'étonnent de la modestie des locaux. Nuls malades intoxiqués gisant sur des lits. Nul grand standard téléphonique brillant de mille feux. Juste une pièce composée de quelques téléphones et d'écrans informatiques. Noël Amouroux va leur expliquer le fonctionnement de la réponse toxicologique à l'urgence (RTU). Puis, avant de passer à la pratique sur le terrain, il détaillera les autres activités communes aux dix centres antipoison français (CAP) : la toxicovigilance, l'enseignement, la recherche et l'activité d'expertise.

Pourtant, rien ne prédestinait ce diplômé de 1978, cotitulaire avec son épouse à Toulouse, de devenir le pharmacien du centre antipoison et de toxicovigilance et le coresponsable de l'unité d'enseignement Intoxication, addictions et conseils à l'officine à la faculté de pharmacie de Toulouse. « J'avais horreur de la toxicologie quand j'étais étudiant, confie Noël Amouroux. C'est le médecin chef des pompiers et responsable du SAMU et du centre antipoison de l'époque qui a voulu que j'intègre le centre. » Car Noël Amouroux, titulaire d'une capacité de médecine de catastrophe et de désastre sanitaire, est également commandant volontaire au corps des sapeurs-pompiers de la Haute-Garonne. Sa formation, son expérience de terrain, lorsqu'il était pharmacien dans le Tarn-et-Garonne, et ses capacités de formateur auront fait de lui un candidat de choix pour enseigner aux 5e et 6e année d'officine.

Cinq vacations par semaine au centre antipoison

Durant ses cours, Noël Amouroux aime jouer au « naïf », se faisant passer par exemple pour une maman dont l'enfant vient d'avaler une baie rouge ou de la Javel. « Je tente d'égayer les cours avec des cas pratiques de comptoir mais, surtout, j'ai envie que les étudiants adoptent le même raisonnement que nous avons au CAP. » Pour étayer son propos, il questionne les potards : « Alors, cette baie, elle était sur une grappe tombante ou au bout d'une tige ? » L'enseignant incite également à contacter la médecine du travail lors d'un accident sur le lieu du travail, même s'il s'agit d'une simple projection de produit dans l'oeil. Et de ne jamais oublier d'appeler le CAP, ne serait-ce que pour s'exonérer de toute responsabilité (« Les appels sont enregistrés... »).

Noël Amouroux assure par ailleurs cinq vacations par semaine au centre antipoison. Cinq demi-journées très souvent extensibles... A côté de la dizaine de médecins du centre seuls autorisés à faire de la réponse téléphonique depuis 1996, le pharmacien, qui ne régule pas, intervient lorsque les appels concernent les plantes, les champignons et les produits chimiques comportant un risque. « J'assure également la mise à jour de la documentation, explique Noël Amouroux. Les centres antipoison disposent d'un large éventail de banques de données, certaines très onéreuses comme le "Poisoning Index" américain. Mises à jour tous les quatre mois, elles recensent les produits chimiques, leurs caractéristiques, leurs effets sur les différents organes, selon le nombre de milligrammes ingérés par exemple, et les précautions à prendre. »

Le pharmacien évoque ensuite le système informatisé SICAP permettant les échanges inter-CAP. Ce système commun d'informations regroupe la Base nationale des produits et compositions (BNPC) et la Base nationale des cas d'intoxication. La BNPC gérée par le centre antipoison de Nancy rassemble toutes les informations collectées et validées sur les compositions des produits commercialisés, tandis que celle gérée par le centre antipoison de Paris collecte les cas recensés par les différents centres ainsi que les demandes d'informations toxicologiques. « C'est ce qui permet de faire des enquêtes nationales comme celles sur le diméthylfumarate, absorbeur d'humidité présent dans les canapés et responsable de dermite », résume Noël Amouroux.

Gardien des antidotes, maître de la toxicovigilance

Noël Amouroux est aussi le responsable des antidotes - classés en une vingtaine de catégories -, dont le Viperfav, pour les morsures de vipère, ou le Cyanokit, destiné au traitement des intoxications au cyanure avérées ou suspectées. Il a également le projet de créer un réseau régional pour optimiser la gestion des antidotes dans le Sud-Ouest.

Aspect moins médiatisé mais ô combien majeur des centres antipoison, Noël Amouroux participe enfin aux activités de toxicovigilance nationales et locales ciblées sur des thématiques essentielles pour la santé publique : saturnisme infantile, intoxications oxycarbonées, maladies allergiques respiratoires, intoxications par des pesticides... Surveillant et notifiant les toxicités émergentes, les centres antipoison permettent aux autorités sanitaires de modifier des conditionnements (mise en place de bouchons de sécurité) ou des compositions (ajout de substances amères ou vomitives pour éviter des ingestions intempestives et massives de produits toxiques). « Je fais partie d'un groupe de travail de l'Afssaps "Recommandations galéniques et prévention du détournement des médicaments", dont l'objectif est de sécuriser les médicaments. J'ai d'ailleurs mis en place une enquête pour évaluer l'imputabilité des conditionnements dans les intoxications médicamenteuses chez les enfants. »

La toxicovigilance, c'est aussi élaborer des protocoles pour la médecine du travail sur des expositions limites à certains agents toxiques et les précautions à prendre, mettre en garde les agriculteurs et viticulteurs contre les risques de certains pesticides ou traitements antifongiques...

Aller sur le terrain et vulgariser ses connaissances

« Je fais beaucoup de formation, je suis l'itinérant du centre, plaisante Noël Amouroux. J'ai la bougeotte ! » Entre l'école de chimie, où il enseigne également auprès des étudiants en BTS, les études de risque toxique auprès d'agriculteurs et de céréaliers et la prévention des accidents domestiques dans les écoles maternelles, notre confrère a su adapter son langage. « Je dois parler un français simple », revendique-t-il, n'hésitant pas à remanier, supprimer ou élaguer ses diaporamas selon l'auditoire, lequel est toujours invité à participer, que ce soit à travers des cas concrets ou des mises en situation. Pour cela, pas de cours théoriques, juste des mallettes avec des kits maison dans lesquels des bonbons colorés simulent des médicaments et des petits flacons représentent les produits ménagers. Auprès d'agriculteurs, Noël Amouroux n'hésite pas à évoquer les maux de tête ou la « gratouille » de tel ou tel produit. L'objectif étant de proposer des moyens de se protéger contre des désagréments vécus. Auprès de Tziganes, souvent obligés de camper dans des endroits insalubres, il met en garde contre l'eau de Javel que ceux-ci utilisent souvent pure pour nettoyer leurs habitations.

Et l'officine dans tout ça ? Noël Amouroux y travaille l'après-midi. Le plus souvent il y reçoit des patients pour confectionner des semelles, l'orthopédie étant un autre de ses domaines de prédilection. Il ne lui reste alors guère que le soir ou la nuit pour préparer ses cours et ses dossiers pour la fac ou le centre antipoison. Et quand il n'est pas à la fac, il est à Paris ou à un congrès pour continuer à se former. Noël Amouroux avoue rêver parfois de ne plus avoir de « devoirs » à faire. Mais c'est compter sans sa curiosité. Un vrai poison, celle-là...

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Grâce à leur formation en botanique, en chimie et en mycologie, les pharmaciens sont des partenaires naturels des centres antipoison (CAP). De plus, ils peuvent apporter de précieux conseils au comptoir.

- C'est une activité intellectuelle en perpétuel mouvement. Chaque jour apporte son lot de surprises.

- Cela permet de sortir du train-train de l'officine.

- Former la population aux risques permet de mettre en oeuvre ses facultés d'adaptation en se mettant à la portée de tout public.

Les difficultés

- Quand on y prend goût, cette activité est vite « envahissante » ! « Même en vacances, je réponds toujours aux demandes émanant du CAP. Mon portable ne me quitte jamais. »

- Il n'existe pas beaucoup de débouchés pour les pharmaciens dans les CAP.

- Se libérer de l'officine 5 demi-journées par semaine, voire plus, nécessite de prendre un adjoint supplémentaire.

Les conseils

- Pour avoir une activité en dehors de l'officine, il faut avoir le soutien indéfectible de son conjoint et de l'équipe officinale.

- « Il ne faut pas s'attendre à des remerciements ! »

- S'informer et tenir à jour ses connaissances est primordial.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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