Collyres et pommades ophtalmiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 2801 du 07/11/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2801 du 07/11/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

13 cas pratiques

1-effets indésirables

Nicole a les yeux secs

Nicole, 62 ans, souffre de glaucome chronique depuis 6 ans. Après l'échec de divers traitements plus ou moins bien tolérés, elle est traitée avec succès depuis quelques mois par Cosopt (timolol-dorzolamide) à raison de une goutte matin et soir dans chaque oeil. Cependant, ce matin, lors du renouvellement de son ordonnance, Nicole explique qu'elle supporte de moins en moins bien ce collyre. Elle ressent depuis quelque temps une sécheresse oculaire gênante associée à une rougeur des yeux. De plus, elle ressent des picotements à chaque nouvelle instillation, qui s'atténuent au cours des heures suivantes. Nicole demande si elle doit attendre la prochaine consultation, prévue dans 2 mois, ou l'avancer.

Que répondre à Nicole ?

Vu le condiv, le pharmacien soupçonne les excipients du collyre d'être la cause de ces symptômes. Après s'être assuré que Nicole ne portait pas de lentilles et qu'elle respectait bien les temps de conservation des flacons après ouverture, le pharmacien décide de contacter l'ophtalmologiste pour lui soumettre cette hypothèse.

analyse du cas

La toxicité des collyres est souvent liée aux conservateurs. Le plus fréquemment retrouvé dans les topiques ophtalmiques est le chlorure de benzalkonium, un ammonium quaternaire antiseptique et détergent pouvant également être utilisé comme désinfectant et spermicide. Les conservateurs peuvent être toxiques du fait de leur forte rémanence locale. Après instillation d'une seule goutte de collyre, le chlorure de benzalkonium peut en effet être retrouvé pendant plusieurs jours dans les tissus oculaires. Son pouvoir détergent altère le film hydrolipidique ophtalmique. Cela peut conduire à une sécheresse oculaire secondaire, par hyperévaporation des larmes. Une hypersensibilité est également possible, favorisée par un contact fréquent et chronique (traitements du glaucome, de la sécheresse oculaire, de la cataracte...). Le chlorure de benzalkonium est parfois à l'origine d'atteintes plus graves comme des kératites ou des ulcères cornéens. Ces effets liés à la toxicité des conservateurs sont souvent méconnus ou ignorés du fait d'un diagnostic différentiel parfois difficile.

Les patients présentant un syndrome sec sont les plus à risque car le collyre est moins dilué par les larmes. Il est donc plus concentré et toxique. Les patients souffrant d'un glaucome à angle ouvert, soumis à des traitements longs cumulant parfois quotidiennement plusieurs collyres, sont également à risque. Les lentilles de contact peuvent, quant à elles, générer un phénomène de rétention du conservateur. Par ailleurs, tous les patients présentant une pathologie sous-jacente de la surface oculaire sont également susceptibles de voir leur état s'aggraver du fait des conservateurs (ulcères cornéens, troubles trophiques et/ou inflammation oculaire chronique : conjonctivite, sclérite...).

attitude à adopter

Le pharmacien appelle l'ophtalmologiste. Ce dernier demande que des unidoses sans conservateur soient délivrées à la place des flacons en attendant la prochaine consultation.

2-effets indésirables

Des yeux rouges et gonflés

Luc vient demander conseil au sujet d'un collyre antibiotique prescrit par son généraliste, il y a quelques jours, pour une conjonctivite : Cébémyxine (néomycine, polymyxine B). Alors que sa conjonctivite était presque guérie la veille au soir et qu'il n'avait plus que 2 jours de traitement, il explique s'être réveillé ce matin avec les 2 yeux très rouges et douloureux, les paupières qui démangent et gonflées au point qu'il a eu du mal à les ouvrir. Son généraliste est en vacances et les rendez-vous chez l'ophtalmologiste demandent souvent de longs délais. Il ne sait pas quoi faire.

Le collyre Cébémyxine peut-il être responsable de ces symptômes ?

Il est possible que Luc ait développé une allergie à la néomycine : c'est fréquent et pourrait expliquer ses symptômes. Cet antibiotique local est allergisant quel que soit son lieu d'application : ophtalmique, cutané, ORL...

analyse du cas

L'hypersensibilité de contact est un effet indésirable fréquent des collyres avec au premier plan ceux contenant des aminosides (néomycine, tobramycine...), des bêtabloquants, des anti-inflammatoires stéroïdiens ou non, mais toute molécule peut potentiellement être allergisante. On observe souvent des allergies croisées entre différentes molécules d'une même famille rendant parfois les choix thérapeutiques compliqués. Outre les symptômes évoqués par Luc (oedèmes, conjonctivite, démangeaisons), un eczéma palpébral peut également apparaître.

attitude à adopter

Lorsqu'une allergie à un collyre est suspectée, un ophtalmologiste doit confirmer le diagnostic. Certains traitements ne doivent pas être interrompus sans avis médical. Dans le cas présent, le pharmacien décide de contacter lui-même l'ophtalmologiste afin de prendre rendez-vous en urgence pour Luc. En cas de doute ou d'utilisation simultanée de plusieurs collyres, des tests cutanés peuvent être réalisés pour identifier la molécule responsable de l'allergie.

3-effets indésirables

Un oeil devenu plus foncé

Martine, 49 ans, est traitée depuis 18 mois par Xalatan (latanoprost) pour une hypertonie intraoculaire de l'oeil gauche. Ce matin, en se maquillant, elle a remarqué que l'iris de son oeil gauche s'était assombri. Elle demande si elle doit arrêter son traitement car ce phénomène est décrit dans la notice comme un effet indésirable.

Le Xalatan doit-il être arrêté immédiatement ?

L'interruption d'un antiglaucomateux sans avis médical est susceptible de faire réapparaître une hypertonie intraoculaire (augmentation de la pression intraoculaire, avec ou sans conséquence sur la rétine mais qui peut dégénérer en glaucome). Martine ayant rendez-vous chez son ophtalmologiste dans 15 jours, il n'est pas urgent de stopper le traitement. Le préjudice est uniquement esthétique.

analyse du cas

L'assombrissement de l'iris décrit par Martine est un effet indésirable bien connu des antiglaucomateux de la famille des prostaglandinomimétiques (Xalatan, Xalacom, Lumigan, Travatan et Duotrav). Administrés pendant plusieurs mois, ils peuvent entraîner une modification irréversible de la couleur de l'iris qui brunit par augmentation de la teneur en mélanine. La fréquence de ce phénomène augmente lorsque la couleur des yeux est claire et a une composante marron.

attitude à adopter

Le pharmacien rassure Martine et lui conseille d'évoquer le problème avec son ophtalmologiste lors de sa prochaine consultation. Avant de prescrire ou de délivrer ce type de collyre, le patient doit être averti du possible changement de couleur de l'oeil traité, pouvant conduire à une hétérochromie. Un assombrissement des paupières ou des cils est également décrit. Les cils peuvent devenir plus épais, plus longs et plus fournis qu'auparavant (réversible). Dans ce cas, une irritation oculaire peut apparaître du fait d'une croissance ciliaire mal orientée. Le cas échéant, l'ophtalmologiste peut discuter avec le patient de l'opportunité ou non de poursuivre avec cette classe thérapeutique.

4-effets indésirables

Quatre mois sous Sterdex

L 'historique thérapeutique de Michel, 53 ans, mentionne une unique ordonnance : Sterdex prescrit par un ophtalmologiste et délivré 4 mois auparavant. A l'époque, il avait consulté pour un chalazion de la paupière gauche. Aujourd'hui, Michel présente au pharmacien une nouvelle ordonnance du même spécialiste pour un traitement par Timoptol d'une durée de 4 semaines. Il explique que, du fait de la persistance de son chalazion, il a utilisé Sterdex en continu depuis 4 mois. Sa fille, aide-soignante à l'hôpital, lui fournissait les boîtes de pommade sans se douter des risques liés à une corticothérapie locale prolongée. Ce matin, l'ophtalmologiste a diagnostiqué une hypertonie oculaire franche chez Michel (pression intraoculaire de 35 mmHg pour une normale < 20 mmHg), heureusement sans signe de glaucome.

Quel rapport entre Sterdex et l'hypertonie oculaire ?

Les dérivés cortisoniques (Sterdex contient de la dexaméthasone) entraînent une accumulation de mucopolysaccharides dans l'angle iridocornéen (zone où l'iris et la cornée se rejoignent en formant un angle). Les mucopolysaccharides fixent alors l'eau et créent un oedème physiologique qui engendre une augmentation de la pression intraoculaire (PIO) par diminution d'excrétion de l'humeur aqueuse.

analyse du cas

35 % des patients sous corticoïdes ophtalmiques voient leur PIO augmenter plus ou moins fortement après quelques semaines de traitement. L'hypertonie iatrogène est souvent réversible dans les 2 premières semaines suivant l'arrêt du corticoïde. Si elle a persisté trop longtemps, elle peut toutefois dégénérer en glaucome avéré avec altération du nerf optique et du champ visuel (environ 1,5 % des cas de glaucome). Dans ce cas, après 2 mois d'arrêt de traitement la probabilité de retour à une PIO normale n'est plus que de 50 %. Dans le cas de Michel, la prolongation de la durée d'administration du corticoïde sans avis ni contrôle médical aurait pu avoir de graves conséquences s'il n'avait pas revu l'ophtalmologiste pour son chalazion.

attitude à adopter

La prescription d'une corticothérapie nécessite notamment une surveillance attentive de la PIO quelle que soit la voie d'administration, et ce, dès une semaine de traitement. Lorsqu'une hypertonie est découverte, la corticothérapie doit être diminuée voire arrêtée. Il est également possible de lui substituer un corticoïde moins puissant, tout en initiant si besoin un traitement antiglaucomateux tant qu'une hypertonie importante persiste. D'autres effets indésirables sont possibles avec les corticoïdes en collyres, ce qui exclut toute possibilité de délivrance sans une ordonnance valide, même pour un potentiel « dépannage ». Le respect de la durée de prescription est essentiel et doit être rappelé à chaque patient.

1-interactions médicamenteuses

Une insuffisance rénale aggravée sous collyre

Monsieur Jean-Marcel F., 68 ans, est retraité. Ses antécédents médicaux comprennent un diabète de type 2, aujourd'hui stabilisé, mais compliqué d'une insuffisance rénale modérée du fait de plusieurs années d'hyperglycémie chronique non dépistée. Parmi ses nombreux traitements en cours figure un inhibiteur de l'enzyme de conversion à faible dose : Renitec (énalapril) 5 mg. Aujourd'hui, son hémoglobine glyquée est proche de l'objectif thérapeutique (7,3 %). En attendant sa prochaine consultation médicale, le patient décide de montrer ses analyses à la pharmacienne. Il est en effet étonné par la baisse de sa clairance de créatinine : elle est passée de 39 à 21 ml/min. Il se demande si cela peut avoir un lien avec sa récente opération de la cataracte.

Que répondre à monsieur F. ?

A première vue, il ne semble pas y avoir de lien entre la chirurgie de la cataracte, réalisée sous anesthésie locale, et la baisse de la fonction rénale. En revanche, l'ordonnance postopératoire est susceptible d'avoir interféré. L'ophtalmologiste a prescrit notamment Indocollyre, un collyre contenant de l'indométacine, un anti-inflammatoire non stéroïdien.

analyse du cas

Plusieurs publications suggèrent que du fait de son potentiel passage systémique, l'instillation d'un collyre anti-inflammatoire peut participer à une baisse de la fonction rénale par inhibition d'une enzyme cyclo-oxygénase responsable de la vasodilatation de l'artère rénale. De ce fait, les AINS sont contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale sévère et déconseillés en association avec d'autres médicaments potentiellement pourvoyeurs d'une baisse de la fonction rénale : antagonistes des récepteurs à l'angiotensine 2 (sartans), inhibiteurs de l'enzyme de conversion... Dans le cas de monsieur F., le collyre a pu provoquer une décompensation rénale après passage systémique. D'autant que le patient cumule plusieurs facteurs de risque : insuffisance rénale chronique, diabète et traitement par un inhibiteur de l'enzyme de conversion.

attitude à adopter

En concertation avec l'ophtalmologiste, le traitement par collyre anti-inflammatoire est suspendu. Le néphrologue contacté souhaite revoir M. F. rapidement. Un bilan biologique comportant un ionogramme sanguin et une surveillance de la créatininémie sera réalisé régulièrement pour vérifier la normalisation des valeurs.

2-interactions médicamenteuses

De l'Idarac pour une lombalgie

Monsieur S., 63 ans, est chauffeur de taxi. Il est pris en charge pour un glaucome chronique à angle ouvert depuis près de 10 ans. Son traitement actuel est constitué par le collyre Duotrav associant un bêtabloquant (timolol) et un prostaglandinomimétique (travoprost). Depuis quelques jours, monsieur S. souffre d'une lombalgie. Il se présente aujourd'hui à la pharmacie avec une ordonnance mentionnant : Dafalgan, Idarac (floctafénine) et Miorel (thiocolchicoside). Le pharmacien hésite à délivrer.

Cette ordonnance pose-t-elle problème ?

Oui, l'utilisation de la floctafénine (Idarac) est formellement contre-indiquée avec tout bêtabloquant quelle que soit sa voie d'administration.

analyse du cas

Idarac est un antalgique non opioïde ne faisant pas partie des AINS. A ce titre, il est utilisé notamment chez les patients ayant des antécédents d'ulcère digestif. C'est le cas de monsieur S. La floctafénine est dérivée de la glafénine, elle-même retirée du marché du fait d'effets indésirables dominés par de violentes manifestations allergiques : urticaire, oedème de Quincke, bronchospasme, accidents anaphylactiques pouvant aller jusqu'au choc. Même sous forme de collyre, un bêtabloquant peut avoir des effets centraux du fait de son passage systémique par le biais du canal lacrymonasal.

Donc, en cas de choc ou d'hypotension à la floctafénine chez un patient sous bêtabloquant, même en collyre, une réduction des réactions de compensation peut être observée.

attitude à adopter

Cette interaction repose uniquement sur l'hypothèse d'un accident allergique à Idarac. Le médecin doit toutefois être contacté afin de réévaluer sa prescription et lever ainsi la contre-indication formelle. Interrogé par téléphone, celui-ci confirme l'arrêt d'Idarac et suggère en contrepartie de remplacer le Dafalgan simple par sa forme codéinée.

1-contre-indications

Dexagrane pour un zona ?

Marie, 46 ans, préparatrice, ne viendra pas travailler aujourd'hui. Elle explique par téléphone qu'elle sort des urgences de l'hôpital voisin où on lui a diagnostiqué un zona ophtalmique compliqué (risque imminent d'atteinte du segment antérieur de l'oeil). Son oeil est rouge et douloureux avec, sur la paupière, une éruption vésiculeuse. Elle demande conseil car, en plus de Zelitrex, sa prescription comporte entre autres du Dexagrane (dexaméthasone et néomycine), qui lui semble être contre-indiqué dans cette situation.

Peut-on prescrire un corticoïde local en cas de zona ophtalmique ?

Oui, mais c'est affaire de spécialiste ! Il faut évaluer la balance bénéfice/ risque et toujours maintenir une couverture antivirale efficace per os.

analyse du cas

Dans certains cas, le zona ophtalmique peut se compliquer d'une kératite immunologique, ou d'une uvéite antérieure (appelée aussi iridocyclite) nécessitant le recours aux corticoïdes locaux. L'objectif thérapeutique est alors d'atténuer la réaction immunitaire et inflammatoire délétère susceptible de provoquer des lésions des segments antérieurs et postérieurs de l'oeil, menaçant la vision. L'utilisation de la corticothérapie générale est, quant à elle, très controversée étant donné le risque de dissémination virale. Elle n'est indiquée qu'en cas de nécrose rétinienne aiguë ou de neuropathie optique ischémique, nécessitant une hospitalisation d'urgence.

attitude à adopter

Le pharmacien rassure Marie quant à l'utilité du collyre corticoïde prescrit, compte tenu du caractère compliqué de son zona et de la prise en charge par un spécialiste en ophtalmologie. La situation aurait été bien différente si la prescription avait émané d'un autre praticien, mais ce cas est heureusement très rare.

Thérapeutique antiglaucomateuse

Hormis les cas de glaucome les plus graves où la chirurgie s'impose dès le diagnostic établi, la thérapeutique est en premier lieu médicamenteuse.

- Les traitements antiglaucomateux sont prescrits à vie et ne doivent pas être interrompus. Le collyre est choisi en tenant compte des contre-indications et des effets indésirables de chacune des classes thérapeutiques.

- Les collyres antiglaucomateux sont répartis en cinq principales classes pouvant être séparées en deux groupes selon leur type d'action :

- agents diminuant préférentiellement la sécrétion de l'humeur aqueuse : bêtabloquants, agonistes alpha-2-adrénergiques (type brimonidine), inhibiteurs de l'anhydrase carbonique ;

- agents augmentant l'élimination de l'humeur aqueuse : analogues des prostaglandines, agents parasympathomimétiques (pilocarpine).

- Les collyres bêtabloquants et les analogues de prostaglandines peuvent être prescrits en première intention. Les bêtabloquants présentent l'avantage d'exister sous forme d'unidoses sans conservateur, ce qui n'est pas le cas des analogues de prostaglandines. Il est possible d'associer plusieurs collyres hypotonisants, sans dépasser la trithérapie.

- Les autres collyres hypotonisants sont prescrits :

- en première intention, en monothérapie, en cas de contre-indication aux bêtabloquants et aux analogues de prostaglandines,

- ou en seconde intention, en monothérapie ou en association aux bêtabloquants ou aux analogues de prostaglandines lorsque ceux-ci n'ont pas une efficacité suffisante.

Comment agissent les principaux antiglaucomateux ?

Le glaucome correspond à une augmentation de la pression intraoculaire provoquant une atteinte du nerf optique. Les traitements antiglaucomateux ont pour but de faire diminuer la « tension » oculaire. Ils y parviennent par différents mécanismes :

- diminution de la sécrétion d'humeur aqueuse au niveau du procès ciliaire : bêtabloquants (par blocage des récepteurs bêta-2-adrénergiques) et inhibiteurs de l'anhydrase carbonique ;

- augmentation de la facilité d'évacuation de l'humeur aqueuse : prostaglandines et apparentés ;

- diminution de la sécrétion et augmentation de l'évacuation de l'humeur aqueuse : alpha-2-sympathomimétiques (par agonisme sélectif sur les récepteurs alpha-2-adrénergiques) et myotiques parasympathomimétiques.

Pharmacologie des antiglaucomateux

bêtabloquants

Principes actifs

Bétaxolol, cartéolol, métipranolol et timolol.

Mode d'action

- Les bêtabloquants constituent le traitement antiglaucomateux de première intention.

Ils conduisent à une diminution de la pression intraoculaire en agissant au niveau de l'épithélium non pigmenté des corps ciliaires (diminution de la sécrétion de l'humeur aqueuse) par blocage des récepteurs bêta-2 adrénergiques. Par conséquent, les bêtabloquants utilisés dans cette indication sont principalement non cardiosélectifs (exception faite du bétaxolol qui agit préférentiellement sur les récepteurs bêta-1).

- Le diamètre pupillaire et l'accommodation ne sont que très faiblement modifiés par ces traitements.

- Les bêtabloquants peuvent être administrés en association avec d'autres substances : par exemple le timolol associé à la pilocarpine (parasympathomimétique direct) pour améliorer le drainage de l'humeur aqueuse par la voie trabéculaire, ou encore avec les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique.

Effets indésirables

En plus des effets indésirables systémiques habituels des bêtabloquants (asthénie, bradycardie, bronchoconstriction...), les collyres et gels bêtabloquants peuvent provoquer des effets indésirables locaux :

- une diminution de la sécrétion lacrymale (sécheresse oculaire) ;

- des symptômes d'irritation oculaire : légère sensation de brûlure ou de picotements en début de traitement ; conjonctivite, blépharite, kératite, hypoesthésie cornéenne ;

- des troubles visuels comprenant des modifications de la réfraction (dues parfois à l'arrêt du traitement par les myotiques), diplopie, ptôsis (affaissement de la paupière supérieure) ;

- décollement de choroïde après traitement chirurgical du glaucome ;

- en raison de la présence de chlorure de benzalkonium (flacon), un risque d'eczéma de contact, d'irritation.

Contre-indications

Ce sont celles des bêtabloquants par voie orale :

- asthme ou BPCO,

- insuffisance cardiaque non contrôlée,

- choc cardiogénique,

- blocs auriculoventriculaires, angor de Prinzmetal,

- bradycardie importante,

- maladie de Raynaud et troubles circulatoires périphériques,

- phéochromocytome non traité,

- hypotension artérielle.

Ces deux classes médicamenteuses diminuent la sécrétion d'humeur aqueuse au niveau ciliaire. Les alpha-2-sympathomimétiques favorisent de plus son évacuation.

inhibiteurs de l'anhydrase carbonique

Principes actifs

Brinzolamide et dorzolamide.

Mode d'action

L'anhydrase carbonique est une enzyme présente dans de nombreux tissus, y compris au niveau ophtalmique où une de ses isoenzymes est impliquée dans la formation de l'humeur aqueuse. Son inhibition dans les procès ciliaires de l'oeil limite donc la sécrétion d'humeur aqueuse, diminuant ainsi la PIO. Les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique ne provoquent pas de constriction pupillaire.

Effets indésirables

Par ordre décroissant de fréquence :

- brûlures et picotements,

- kératite ponctuée superficielle, larmoiement, conjonctivite, inflammation palpébrale, démangeaisons oculaires, irritation palpébrale, vision trouble,

- amertume dans la bouche,

- iridocyclite (inflammation de l'iris et du corps ciliaire),

- irritations incluant rougeur, douleur, lésions croûteuses palpébrales, myopie transitoire, oedème cornéen, hypotonie oculaire, décollement de la choroïde après chirurgie.

Contre-indications

- Insuffisance rénale sévère.

- Acidose hyperchlorémique.

- Grossesse.

alpha-2-sympathomimétiques

Principes actifs

Apraclonidine et brimonidine.

Mode d'action

- La brimonidine et l'apraclonidine sont des agonistes sélectifs des récepteurs alpha-2-adrénergiques. Du fait de cette sélectivité, aucun effet alpha-1-adrénergique n'est observé (mydriase, vasoconstriction des microvaisseaux).

- De façon physiologique, l'humeur aqueuse est sécrétée par le corps ciliaire, rejoint la chambre antérieure de l'oeil et est éliminée par la voie trabéculaire (canal de Schlemm) et la voie uvéosclérale.

- Les alpha-2-sympathomimétiques diminueraient la pression intraoculaire en réduisant la formation d'humeur aqueuse et en facilitant son évacuation par la voie uvéosclérale.

Effets indésirables

Brimonidine :

- irritation oculaire incluant des réactions allergiques,

- vision trouble,

- irritation locale, photophobie, érosion cornéenne, sécheresse oculaire, vision anormale, conjonctivite,

- iritis (uvéite antérieure, inflammation de l'iris),

- myosis.

Apraclonidine :

- oeil rouge, prurit, gêne, larmoiement,

- oedème palpébral, vision floue, sensation de corps étranger, oeil sec, conjonctivite, écoulement,

- oedème conjonctival, anomalie de la vision, douleur, anomalies cornéennes, kératite, blépharite, photophobie, érythème des paupières, blépharoconjonctivite, irritation, apparition de squames au niveau de la paupière, rétractation de la paupière.

Contre-indications

- Nouveau-né (brimonidine), enfant (apraclonidine).

- Antécédents de pathologie cardiovasculaire sévère ou instable et non contrôlée (apraclonidine).

Diminue la sécrétion d'humeur aqueuse et facilite son évacuation par effet cholinergique sur la zonule.

myotiques parasympathomimétiques

Principe actif

Pilocarpine.

Mode d'action

- La pilocarpine abaisse la pression intraoculaire en facilitant l'écoulement de l'humeur aqueuse et en diminuant le débit sécrétoire ciliaire.

- Elle agit sur l'accommodation et sur la profondeur de la chambre antérieure de l'oeil (myotique par relâchement de la zonule et déplacement en avant du cristallin).

Effets indésirables

- Spasme du muscle ciliaire, rougissement et vasodilatation conjonctivale, augmentation de la sécrétion lacrymale.

- Myosis, difficulté d'adaptation à l'obscurité.

- Modification du champ visuel, gêne à la vision nocturne.

- Décollement de rétine (sujets myopes jeunes, surtout).

- Opacité cristallinienne lors de traitements prolongés.

Contre-indication

Iridocyclite.

Favorisent l'évacuation de l'humeur aqueuse par la voie uvéosclérale.

prostaglandines et apparentés

Principes actifs

Bimatoprost, latanoprost et travoprost.

Mode d'action

Analogues de la prostaglandine F2-alpha, ils abaissent la pression intraoculaire en augmentant l'efflux de l'humeur aqueuse par la voie uvéosclérale.

Effets indésirables

Par ordre décroissant de fréquence :

- augmentation de la pigmentation de l'iris et de la paupière (essuyer la peau après instillation), irritation oculaire, modification des cils,

- kératites, blépharite, douleur oculaire,

- oedème palpébral, sécheresse oculaire, kératite, vision trouble, conjonctivite,

- iritis/uvéite, oedème cornéen et ulcérations cornéennes symptomatiques, cils mal orientés...

Contre-indications

Aucune.

2-contre-indications

Un appel en urgence à l'ophtalmologiste

Yvette, 56 ans, est agent d'entretien dans l'école située en face de la pharmacie. Elle est récemment venue acheter un médicament que lui a conseillé sa fille pour traiter une banale conjonctivite irritative : Sédacollyre (association de berbérine aux propriétés antiseptiques et de synéphrine, vasoconstrictrice). Quel étonnement à la pharmacie lorsque, deux jours plus tard, un ophtalmologiste hospitalier appelle pour connaître la liste des médicaments habituellement prescrits à Yvette ! Le spécialiste explique qu'il vient de lui diagnostiquer un glaucome aigu, probablement d'origine médicamenteuse, consécutif à l'instillation du Sédacollyre. Il souhaite cependant s'assurer qu'Yvette n'a pas omis de lui signaler la prise d'autres médicaments.

Comment un simple collyre sans ordonnance peut provoquer un glaucome aigu ?

La crise aiguë de glaucome, qualifiée aussi de « glaucome par fermeture de l'angle » (GFA), est déclenchée par un blocage pupillaire entraînant une hyperpression dans la chambre postérieure. La racine de l'iris est poussée vers l'avant, dans l'angle iridocornéen, et obstrue ainsi les voies de drainage de l'humeur aqueuse. La pression intraoculaire peut atteindre rapidement 50 à 80 mmHg (normale 15 +/- 6 mmHg chez l'adulte). Le blocage pupillaire est dû à une mydriase pouvant être déclenchée par différents éléments. Dans le cas d'Yvette, la synéphrine contenue dans Sédacollyre est probablement à l'origine de la crise aiguë de glaucome qui constitue une urgence ophtalmique majeure. La rapidité de levée du blocage de l'humeur aqueuse conditionne le niveau de séquelles oculaires.

analyse du cas

La fille d'Yvette raconte que quelques heures après l'administration du Sédacollyre, sa mère s'est plainte de maux de tête, de vertiges, de nausées et de vomissements. Puis son oeil gauche est devenu douloureux, avant que tout rentre dans l'ordre. Elle n'a consulté son médecin que le lendemain, lorsque les symptômes sont soudainement réapparus, accompagnés d'une nette baisse d'acuité visuelle à gauche (due à une fermeture intermittente de l'angle à l'origine de crises subaiguës). Sans le savoir, Yvette présentait des facteurs de risque de glaucome aigu passés inaperçus étant donné l'absence de consultation ophtalmologique depuis très longtemps : des yeux petits et hypermétropes avec un cristallin de grosse taille. Il est de plus admis que les risques augmentent à partir de 55 ans. Le cas échéant, un dépistage aurait pu conduire à pratiquer une iridotomie périphérique bilatérale (perforation chirurgicale dans l'iris) au laser afin de prévenir tout risque de glaucome aigu.

attitude à adopter

Il est impossible pour le pharmacien d'identifier les patients à risque de glaucome aigu s'ils n'ont pas été dépistés par un ophtalmologiste. Dans le doute, il est prudent de conseiller un simple collyre antiseptique en cas de conjonctivite. Une fois l'iridotomie pratiquée, le risque disparaît. Il ne faut toutefois pas confondre le GFA (voir ci-contre), urgence ophtalmique, avec le glaucome chronique à angle ouvert, beaucoup plus fréquent, jamais déclenché par un médicament et qui n'a pas de caractère d'urgence.

3-contre-indications

« Je crois que Louis a ingéré mon collyre ! »

L'assistante maternelle de Louis, 2 ans, est très inquiète. Elle a retrouvé l'enfant jouant avec le flacon d'un collyre d'atropine qu'elle a utilisé la veille, lors d'une consultation chez l'ophtalmologiste. Elle contacte la pharmacie par téléphone pour demander ce qu'elle doit faire. Ne sachant pas si Louis en a avalé, elle s'inquiète toutefois de son comportement bizarre : maladroit, il se cogne en marchant, se plaint d'une soif permanente. Il est anormalement calme et son visage est rouge. La pharmacienne demande à la nourrice si les pupilles de Louis sont dilatées : après examen, elle répond que oui. Cette fois c'est certain, Louis est intoxiqué à l'atropine !

Le pronostic vital peut-il être engagé ?

Oui, éventuellement, en fonction de la dose d'atropine ingérée par Louis. Un flacon d'atropine à 1 % renferme 100 mg de principe actif. Or, chez l'enfant, l'atropine peut être létale à partir de 10 mg (100 mg chez l'adulte).

analyse du cas

Les intoxications par le biais de collyres sont un phénomène bien connu des centres antipoison et des services d'urgence. Ceux renfermant des parasympatholytiques (atropine et dérivés) provoquent un syndrome anticholinergique qui se manifeste par : mydriase, troubles de la vision, sécheresse de la bouche, fièvre, rougeur de la peau, rétention aiguë d'urines avec globe vésical, troubles du rythme cardiaque, excitation, confusion, hallucinations (délire atropinique), convulsions, dépression cardiorespiratoire... Les signes neurologiques précoces qui font la gravité de l'intoxication sont dominés par un coma, une agitation et des convulsions.

Les vomissements provoqués, le charbon de bois activé ou un lavage d'estomac peuvent être envisagés, toujours accompagnés d'un traitement symptomatique (sondage vésical en cas de rétention d'urines par exemple). Un dosage plasmatique précisera l'importance de la quantité ingérée.

attitude à adopter

Toute suspicion d'intoxication accidentelle ou volontaire à l'atropine ou à ses dérivés doit conduire à une hospitalisation en urgence muni du ou des flacons de collyre. Etant donné la toxicité importante de ce principe actif, les effets indésirables apparaissent rapidement, même à très petite dose. Les individus les plus à risque sont les personnes âgées et les enfants, sans oublier les animaux.

Dans le cas présent, la pharmacienne demande à l'assistante maternelle de lui communiquer ses coordonnées et décide d'appeler immédiatement les urgences (15).

Pour éviter ces accidents, les patients doivent être avertis au moment de la délivrance des risques liés à l'absorption accidentelle de collyre. Le pharmacien doit être particulièrement vigilant aux possibles erreurs de posologie lorsque ces collyres existent sous différents dosages réservés aux adultes ou aux enfants : c'est justement le cas de ceux contenant de l'atropine et de ses dérivés.

4-contre-indications

Essoufflement sous Cartéol

Roger rapporte deux flacons de Cartéol (cartéolol) dont l'un est à peine entamé. Il explique que, suite à la découverte d'une hypertonie oculaire lors d'une visite de contrôle, ce collyre lui avait été prescrit par son ophtalmologiste. Au bout de quelques jours de traitement par Cartéol, il a déclaré une toux et d'inhabituels essoufflements. Une visite chez son médecin traitant a alors suffi à mettre en évidence un asthme qui n'était pas réapparu depuis de nombreuses années.

Quelle relation entre l'asthme et le Cartéol ?

Le Cartéol est un collyre antiglaucomateux bêtabloquant à base de cartéolol. Du fait de son inéluctable passage dans la circulation sanguine générale, il présente un effet vasodilatateur, chronotrope négatif et bronchoconstricteur, à l'origine d'une partie de ses effets indésirables. Il peut en particulier aggraver potentiellement un asthme ou une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).

analyse du cas

Roger a souffert d'asthme durant son enfance, réapparu sous traitement bêtabloquant. Si l'ophtalmologiste avait été averti des antécédents du patient, il aurait probablement choisi une autre classe d'antiglaucomateux. L'arrêt immédiat du collyre et le remplacement par une autre classe d'antiglaucomateux associée à un traitement symptomatique par bêta-2-stimulant (Ventoline, Bricanyl...) devrait résoudre la situation.

attitude à adopter

Tous les effets indésirables systémiques des bêtabloquants peuvent être observés après l'instillation d'un collyre.

Les traitements ophtalmologiques locaux sont donc soumis aux mêmes règles de contre-indications et de surveillance que les traitements systémiques. Le pharmacien doit en particulier être alerté dans le cas d'une prescription de bronchodilatateur consécutive à la mise en route d'un antiglaucomateux bêtabloquant.

1-profils particuliers

Vasoconstricteur et cannabis

Valérie, préparatrice, préfère demander l'avis de son collègue pharmacien. Un jeune client, inconnu de l'officine, souhaite acheter quatre flacons de Collyre Bleu Laiter. Le comportement du client lui semble étrange car il n'a pas répondu aux quelques questions qu'elle lui a posées et il semble de plus très mal à l'aise.

Le patient souffre-t-il réellement d'une conjonctivite ?

Le pharmacien pense connaître les raisons qui poussent le jeune homme a vouloir acheter ce collyre aux propriétés décongestionnantes (naphazoline) et antiseptiques, indiqué dans l'irritation conjonctivale. Il pourrait s'agir d'une consommation de cannabis.

Le cannabis a des effets oculaires dont les plus fréquents sont une irritation et une hyperhémie conjonctivales par vasodilatation, accompagnées d'une mydriase.

analyse du cas

Mis en confiance par le jeune pharmacien, l'adolescent explique que ses parents s'interrogent sur l'apparition de ces rougeurs oculaires. Ses amis, qui l'attendent à l'extérieur de l'officine, l'ont chargé d'acheter pour chacun un flacon de collyre qui masquerait cet effet vasodilatateur très visible du cannabis.

attitude à adopter

Le pharmacien explique au jeune homme que ce type de collyre utilisé trop souvent peut, au contraire, provoquer des rougeurs. Il refuse donc de lui délivrer le produit mais engage le dialogue et en profite pour lui donner une brochure sur le cannabis. Mais l'adolescent tourne les talons en se demandant déjà quelle pharmacie pourra lui délivrer ce qu'il souhaite.

2-profils particuliers

Un pique-nique dangereux

Emmanuelle, 33 ans, est enceinte de 6 mois. Sa grossesse se déroule sans difficulté. Au cours d'un pique-nique à la campagne, son visage a heurté une branche d'arbre alors qu'elle tentait de se frayer un passage dans la forêt. Quelques heures plus tard, sur les conseils du médecin généraliste du village qui n'est pas équipé pour examiner sa cornée, Emmanuelle se rend au service des urgences de l'hôpital. Elle ressent une douleur à l'oeil droit, associée à une rougeur nette laissant envisager un traumatisme cornéen. Voici l'ordonnance de sortie des urgences : « Ciloxan collyre : 2 gouttes toutes les 3 heures dans l'OD ; Ciloxan pommade : le soir ; Vitamine B12 : toutes les 6 heures. Traitement pour 10 jours ». A la pharmacie, Emmanuelle souhaite acheter, en plus, le collyre anesthésique qui lui a été administré à l'hôpital et qui l'a immédiatement soulagée.

Peut-on délivrer cette ordonnance ?

Les fluoroquinolones sont des antibiotiques dont l'utilisation chez la femme enceinte est a priori déconseillée mais cependant possible après évaluation du rapport bénéfice/risque. Dans le cas d'Emmanuelle, le médecin décide de traiter la kératite traumatique avec de la ciprofloxacine (Ciloxan collyre et pommade). Le site http://www.lecrat.org précise : « par voie oculaire, l'utilisation de la ciprofloxacine en collyre est possible quel que soit le terme de la grossesse. En effet, la spécialité disponible sur le marché destinée à cette voie contient une très faible quantité de principe actif ». La ciprofloxacine est la molécule de référence la mieux étudiée par voie orale et qui bénéficie du plus important recul.

analyse du cas

u La prise en charge d'une plaie cornéenne peut, selon les cas, nécessiter la prescription d'antibiotiques, de corticoïdes, voire d'antifongiques. Compte tenu du passage systémique de la plupart des collyres, il est prudent de toujours vérifier l'absence de contre-indication chez la femme enceinte.

u Bien que disponibles en ville, les collyres anesthésiants (Cébésine et Oxybuprocaïne Faure) sont réservés à un usage strictement professionnel. Ils peuvent retarder la cicatrisation cornéenne, masquer la symptomatologie et aggraver la lésion par un effet toxique à moyen terme. Ils sont toutefois utilisés ponctuellement par les praticiens pour anesthésier l'oeil lors de certains examens ou soulager une vive douleur en complément d'un traitement curatif.

attitude à adopter

La dispensation de l'ordonnance doit être accompagnée d'explications claires sur la méthode d'instillation d'un collyre (mains propres, une seule goutte de collyre sans toucher la paupière avec l'embout et comprimer le cul-de-sac conjonctival avec un doigt) et d'une pommade ophtalmique (l'équivalent d'un grain de riz dans la paupière inférieure, sans toucher la paupière avec l'embout). Le respect du rythme d'administration des médicaments est essentiel pour traiter l'ulcère cornéen. Par ailleurs, la demande de collyre anesthésiant d'Emmanuelle ne pourra pas être honorée (cf. supra).

Enfin, le pharmacien doit avertir la patiente qu'en cas d'apparition d'une vive douleur à l'oeil atteint, il convient de contacter le service d'ophtalmologie qui pourra proposer un nouvel examen oculaire.

3-profils particuliers

Alexandre passe son permis

Alexandre, 21 ans, est élève ingénieur. Il ne vient pas souvent à la pharmacie mais, aujourd'hui, il n'a pas le choix : il s'est réveillé ce matin avec une sensation de corps étranger dans l'oeil droit et l'oeil légèrement rouge. Cela est d'autant plus problématique qu'il passe son permis de conduire le lendemain matin et qu'il n'a pas le temps d'aller voir le médecin. Il demande donc un collyre très efficace pour le soulager rapidement. Jules, l'étudiant de sixième année qui le prend en charge, se souvient de ses cours de médication officinale et pose bien les trois questions visant à éliminer toute urgence (douleur oculaire, baisse de l'acuité visuelle et photophobie). Pensant à une simple poussière dans l'oeil, Jules conseille un lavage oculaire, un collyre antiseptique et une consultation chez l'ophtalmologiste en cas d'absence d'amélioration. Avant que le client ne parte, le pharmacien fait remarquer à Jules qu'il a oublié de lui poser une question fondamentale.

Quelle question a été oubliée ?

Le patient porte-t-il des lentilles de contact ? Si tel est le cas, cela change la donne en matière de stratégie thérapeutique.

analyse du cas

La fréquence d'irritation oculaire est plus importante chez les porteurs de lentilles que dans la population générale. Cela peut s'expliquer par plusieurs raisons : utilisation de produits de contactologie pouvant occasionner des intolérances ou des allergies, contamination de la lentille cornéenne pouvant véhiculer des germes, mauvaise hygiène de certains patients qui omettent de se laver les mains à l'eau et au savon avant de poser leurs lentilles, sécheresse oculaire secondaire au port des lentilles...

Quoi qu'il en soit, toute plainte ophtalmologique au comptoir doit faire préciser si le patient porte, a porté, ou va porter des lentilles cornéennes. Alexandre porte effectivement des lentilles de manière régulière mais a cessé spontanément de les mettre dès l'apparition des premiers symptômes. En revanche, il comptait bien les réutiliser aussitôt une amélioration constatée, qu'il soit ou non sous collyre. Or, certains collyres antiseptiques contenant des ammoniums quaternaires peuvent s'adsorber sur les lentilles hydrophiles et être à l'origine d'une intolérance locale.

attitude à adopter

Certains topiques sont spécialement formulés pour les porteurs de lentilles (absence de conservateurs, présentation en dosette...) et d'autres sont incompatibles (coloration irréversible avec la rifamycine, diminution de leur tolérance par sécheresse lacrymale avec les bêtabloquants...).

En règle générale, il convient de toujours retirer ses lentilles au cours d'un traitement prescrit « en aigu » du fait, parfois, de la nature même de certaines affections qui en contre-indiquent le port : infections virales ou bactériennes, ulcère cornéen, kératoconjonctivite allergique... La sécheresse lacrymale peut constituer une exception car les lubrifiants oculaires sont le plus souvent compatibles avec les lentilles de contact.

ATTENTION !

Les conservateurs des collyres et gels ophtalmiques peuvent être à l'origine de phénomènes d'hypersensibilité et/ou de toxicité.

ATTENTION

L'allergie au principe actif d'un collyre ou d'un gel ophtalmique doit être évoquée en cas d'apparition d'oeil rouge ou d'eczéma palpébral sous traitement.

À RETENIR

Les prostaglandino-mimétiques (Xalatan, Xalacom, Lumigan, Travatan et Duotrav) peuvent être à l'origine d'un assombrissement de l'iris.

ATTENTION !

Ne jamais délivrer de corticoïde ophtalmique sans ordonnance valide.

Les corticoïdes par voie ophtalmique

Les corticoïdes, en ophtalmologie, ont principalement trois indications :

- Le contrôle de l'inflammation postopératoire. C'est certainement l'indication la plus fréquente, puisque la chirurgie de la cataracte est la première indication chirurgicale dans les pays occidentaux, toutes spécialités confondues.

- Les pathologies à prédominance immunitaire (allergies, prévention de rejets des greffes de cornée et prise en charge des complications oculaires des pathologies auto-immunes).

- Les pathologies infectieuses avec réaction immunitaire anti-infectieuse inadaptée. Dans certains cas particuliers, les corticoïdes sont utilisés pour moduler la réaction immunitaire anti-infectieuse dont la trop grande efficacité pourrait entraîner des cicatrices tissulaires particulièrement délétères si elles touchaient le centre de la cornée ou de la rétine (kératites herpétiques ou bactériennes). Une couverture antibiotique ou antivirale efficace est indispensable en complément.

En plus de l'hypertonie oculaire et du glaucome cortisonique, les corticoïdes ophtalmiques peuvent être responsables de :

- cataracte (effet indésirable non réversible à l'arrêt du traitement). Cette opacification cristalline entraîne une baisse d'acuité visuelle, de loin comme de près (apparaît dans 50 % des traitements de plusieurs mois) ;

- aggravation des infections ou réactivation d'infection (herpès notamment) ;

- troubles de la cicatrisation et de la trophicité cornéenne ;

- mydriase et ptôsis modérés ;

- vision trouble, trouble de l'accommodation ;

- allergie à la molécule ;

- kératite ponctuée superficielle.

À RETENIR

Du fait de leur passage systémique, les AINS sous forme de collyres présentent les mêmes risques d'interactions que par voie orale.

Passage systémique d'une goutte de collyre

- Une fois instillée dans l'oeil, une goutte de collyre est rapidement drainée pour environ 40 % dans les voies lacrymales. Il s'agit de la principale voie de toxicité systémique des traitements ophtalmologiques locaux. Les principes actifs instillés par voie oculaire sont également réabsorbés dans le système sanguin par les vaisseaux des muqueuses lacrymonasales. On estime au final que seulement 5 % du principe actif d'un collyre pénètre effectivement dans l'oeil, alors que 80 % du produit est susceptible de passer dans la circulation générale !

- Les effets indésirables des formes ophtalmiques sont fonction :

- du passage systémique du principe actif (selon sa lipophilie, son ionisation...),

- de sa pharmacologie : les collyres bêtabloquants sont souvent responsables de bradycardie car ils sont actifs à des doses très faibles. De même, les AINS en collyre sont néphrotoxiques à faible dose. Les antibiotiques, au contraire, ne sont toxiques qu'à des taux sanguins relativement élevés.

- Afin de limiter le passage du collyre dans les voies lacrymales et au niveau systémique, il est recommandé de comprimer le canal lacrymal avec le doigt immédiatement après l'instillation.

- Plusieurs autres solutions existent pour réduire les risques d'iatrogénie systémique des collyres :

- l'usage des gels, dont la viscosité augmente le temps de contact avec la cornée, permet un effet local identique à moindre concentration ;

- l'utilisation des promédicaments, telle la dipivéfrine (Propine), transformée en épinéphrine par les estérases cornéennes. Sa biodisponibilité, 17 fois supérieure à celle de l'épinéphrine, explique sa meilleure tolérance systémique pour une efficacité comparable.

ATTENTION !

La floctafénine (Idarac) est formellement contre-indiquée en association avec les bêtabloquants, même par voie ophtalmique.

À RETENIR

La prescription d'un corticoïde local est possible mais exceptionnelle en cas de zona ou d'herpès ophtalmique. Elle doit émaner d'un spécialiste.

À RETENIR

Le glaucome par fermeture de l'angle (ou glaucome aigu) est une urgence ophtalmologique pouvant être déclenchée par des médicaments, notamment les vasoconstricteurs locaux. Il ne doit pas être confondu avec le glaucome chronique à angle ouvert.

Glaucome par fermeture de l'angle

La crise se manifeste par une douleur oculaire profonde et intense, accompagnée d'une baisse de l'acuité visuelle, de nausées, voire de vomissements. L'examen constate un oeil rouge, un oedème cornéen, une pupille en semi-mydriase, une chambre antérieure étroite. Au palper bidigital, l'oeil est dur. La PIO est très élevée. Le GFA nécessite un traitement d'urgence, médical puis chirurgical.

Parmi les facteurs déclenchants on trouve :

u Des médicaments à usage local :

- les collyres parasympathomimétiques et/ou mydriatiques : atropine et dérivés ;

- les collyres alphasympathomimétiques : phényléphrine, naphtazoline, synéphrine, tétryzoline, épinéphrine ;

- les produits ORL renfermant un vasoconstricteur à action rapide : phényléphrine, éphédrine, naphtazoline...

u Des médicaments à usage général :

- les antispasmodiques et antisécrétoires cholinergiques : extraits de belladone, de jusquiame, scopolamine, atropine...

- les antiparkinsoniens classiques (anticholinergiques de synthèse) ;

- les neuroleptiques : phénothiazines et antidépresseurs tricycliques ;

- les anti-H1 ;

- les bronchodilatateurs et antiasthmatiques qui associent parfois parasympatholytiques et adrénergiques

u Autres facteurs de risque :

- le stress, un choc psychologique, une anesthésie générale, l'obscurité (mydriase) ;

- les yeux ayant des particularités héréditaires et biométriques particulières : petit globe, angle iridocornéen étroit, chambre antérieure étroite.

ATTENTION !

Tous les collyres, quels qu'ils soient, doivent être tenus hors de la portée des enfants

Les collyres utilisés pour les examens ophtalmologiques

u Les collyres mydriatiques et cycloplégiques : atropine (de 0,3 à 1 %), homatropine (Isopto-homatropine), cyclopentolate (Skiacol), tropicamide (Mydriaticum 0,5 %).

Ces collyres sont mydriatiques et induisent une cycloplégie (paralysie de l'accommodation), indispensable pour l'étude de la réfraction. Certains sont utilisés pour réaliser des fonds d'oeil.

Le dosage du collyre est adapté selon l'âge du patient (attention aux erreurs de délivrance pour l'atropine !) et la coloration de l'iris. Les collyres se fixent en effet à la mélanine, donc plus l'iris est foncé, moins ils sont efficaces. Certains principes actifs ont une durée d'action courte (Skiacol : une dizaine d'heures), d'autres une durée d'action longue (atropine : environ une semaine).

Leurs principaux effets indésirables sont anticholinergiques : troubles visuels, rougeur cutanée, sécheresse buccale, rétention urinaire pouvant aller jusqu'à des signes d'intoxication (tachycardie, délire, troubles intestinaux...). Un flacon est assez dosé pour tuer plusieurs enfants en cas d'ingestion. Le Skiacol abaisse le seuil épileptogène. Dans tous les cas, penser à obturer le canal lacrymal au moment de l'instillation.

u Les collyres mydriatiques purs : phényléphrine (de 5 à 10 %). Contre-indiqué chez le nourrisson, ce vasoconstricteur peut provoquer une hypertension artérielle ou un glaucome par fermeture de l'angle.

u La vision est perturbée par la plupart des collyres d'examen, empêchant notamment la conduite automobile. Il est obligatoire d'être accompagné par un proche lors de déplacements.

ATTENTION !

L'asthme et la BPCO sont des contre-indications absolues à la prescription d'un collyre bêtabloquant.

ATTENTION !

La demande d'une quantité anormalement élévée de collyres décongestionnants peut alerter sur une éventuelle consommation de cannabis.

À RETENIR

En cas de doute sur l'utilisation d'un médicament pendant la grossesse, la consultation d'une base de données spécialisée est indispensable (par exemple http://www.lecrat.org).

Collyres et grossesse

La contre-indication à l'utilisation d'un collyre ou d'un gel ophtalmique pendant la grossesse est toujours liée au risque de passage systémique. Cependant, les concentrations plasmatiques retrouvées après administration ophtalmique de principes actifs sont souvent très faibles, voire indétectables.

u Les seuls principes actifs formellement contre-indiqués en instillation oculaire par le Centre de référence des agents tératogènes (CRAT) sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, dès le début du sixième mois de grossesse (24 semaines d'aménorrhée).

Les collyres concernés sont :

- Acular (kétorolac),

- Voltarène, Dicloced (diclofénac),

- Indocollyre (indométacine),

- Ocufen (flurbiprofène).

u Les traitements antiglaucomateux (comprenant un grand nombre de familles chimiques) doivent être maintenus chez la femme enceinte ou allaitante de façon à ne pas mettre en jeu son pronostic visuel.

En première intention, une ou plusieurs molécules parmi les classes suivantes peuvent être utilisées quel que soit le terme de la grossesse : inhibiteur de l'anhydrase carbonique, bêtabloquant, analogue de prostaglandine (Travatan, Lumigan, Xalatan) et en seconde intention la dipivéfrine (Propine), la brimonidine (Alphagan) et la pilocarpine (Pilo, Isopto-pilocarpine).

Sécheresse oculaire induite par les collyres

On définit deux types de sécheresse oculaire :

u par déficit quantitatif de larmes (hyposécrétion), représentant plus de 80 % des formes de sécheresse oculaire ;

u par défaut qualitatif des larmes, responsable d'un phénomène d'évaporation anormal.

Les principes actifs ou les excipients de certains collyres peuvent être responsables des deux types de sécheresse oculaire :

u Bêtabloquants : timolol, bétaxolol, cartéolol, métipranolol.

u Parasympatholytiques : homatropine (Isopto-homatropine), atropine.

u Sympathomimétiques : brimonidine (Alphagan, Combigan), apraclonidine (Iopidine).

u Ammoniums quaternaires : chlorure de benzalkonium (présent comme conservateur dans de nombreux collyres en flacon). Il convient de les éviter en traitement chronique en privilégiant les présentations unidoses dénuées de conservateurs.

La prise en charge symptomatique consiste à lubrifier et hydrater les yeux avec des substituts lacrymaux en adaptant la stratégie thérapeutique.

ATTENTION !

Le port de lentilles cornéennes est incompatible ou contre-indiqué avec un grand nombre de pathologies oculaires et de médicaments ophtalmologiques.

Ce qu'il faut retenir

Les questions à se poser lors de la délivrance d'un médicament ophtalmique :

- Le patient connaît-il la bonne méthode d'instillation de la forme prescrite ?

- Le patient sait-il limiter le passage systémique du principe actif en pressant l'angle interne de la paupière au moment de l'instillation d'un collyre ?

- En cas de prescription de plusieurs médicaments ophtalmiques, le patient sait-il qu'un délai d'au moins une dizaine de minutes doit être respecté entre deux ?

- Le patient connaît-il la durée de conservation du flacon ou du tube de pommade ou de gel ophtalmique après ouverture ?

- Le médicament prescrit est-il compatible avec la conduite automobile ou le port de lentilles de contact ?

- Le collyre prescrit contient-il des vasoconstricteurs, susceptibles de provoquer des glaucomes par fermeture de l'angle, une urgence ophtalmologique ?

Lors du renouvellement d'une ordonnance d'ophtalmologie :

- Le patient ressent-il des picotements ou une intolérance après application du médicament qui orienterait vers une hypersensibilité au principe actif ou au conservateur ?

- Le patient a-t-il remarqué l'apparition de symptômes extraoculaires (essoufflement, fatigue, bradycardie...) ?

- La pression intraoculaire des patients sous traitement corticoïde est-elle bien surveillée régulièrement ?

- Vigilance pour les patients sous AINS ou bêtabloquants par voie ophtalmique. Les interactions médicamenteuses sont les mêmes que pour la voie orale.

en savoir plus

Société française du glaucome

http://www.leglaucome.fr

Ce site Internet destiné aux patients s'articule selon trois axes. La partie « Je m'informe » traite de la pathologie glaucomateuse : symptômes, différentes formes, causes, évolution. « Je consulte » précise quand une consultation s'impose et détaille les différents examens médicaux. Enfin, « Je me traite » évoque les solutions thérapeutiques : collyres, laser, chirurgie.

Association France glaucome

N o Vert : 0 800 505 501

Le but de cette association est d'informer sur la pathologie glaucomateuse et de soutenir les patients atteints. Les adhérents reçoivent de la documentation sur la maladie et un bulletin d'information trimestriel.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !