Les MICI Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2797 du 10/10/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2797 du 10/10/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Madame D. débute un traitement par Humira

Réception de l'ordonnance

Pour qui ?

Mme D., 35 ans, 52 kg (non fumeuse).

Par quel médecin ?

L'hépatogastroentérologue de l'hôpital où elle est suivie.

Les ordonnances sont-elles recevables ?

QU'EN PENSEZ-VOUS ?

Humira :

1 est un médicament d'exception

2 nécessite une prescription initiale hospitalière

3 peut être prescrit par tout médecin quelle que soit sa spécialité

Humira est un médicament d'exception nécessitant une prescription initiale hospitalière (valable un an), établie par un médecin spécialiste autorisé (ici : hépatogastroentérologue) sur une ordonnance de médicament d'exception à 4 volets (réponses 1 et 2).

Quel est le condiv de l'ordonnance ?

Que savez-vous de la patiente ?

Madame D. est suivie pour une maladie de Crohn. Un traitement de fond par immunosuppresseur (Imurel) a été instauré mais la patiente a fait une pancréatite qui contre-indique formellement la reprise de ce traitement. Depuis, elle est sous Cortancyl. Cependant, la corticothérapie ne donne pas un résultat satisfaisant : Mme D. est fréquemment en rechute et elle se plaint d'effets indésirables (prise de poids, apparition d'acné, état insomniaque et irritabilité).

Motif de la consultation

La patiente en rechute a contacté son médecin à l'hôpital qui lui a fixé un nouveau rendez-vous. Elle a signalé les effets indésirables du traitement, en expliquant qu'elle ne les supportait plus.

Ce que le médecin a dit à la patiente

Le médecin a décidé le passage sous Humira avec une diminution progressive du corticoïde en vue de l'arrêter. Il a expliqué à la patiente comment faire les injections en lui précisant que le stylo était plus facile à employer que les seringues injectables. Il revoit la patiente dans 3 mois pour juger de la réponse au traitement.

Vérification de l'historique patient

Madame D. a souvent eu des prescriptions de Smecta, lopéramide et Spasfon jusqu'au diagnostic confirmé il y a trois ans de sa maladie de Crohn. Imurel a été arrêté et suivi par la prise de Cortancyl au long cours.

La prescription est-elle cohérente ?

Que comporte la prescription ?

- Humira (adalimumab) est un anticorps monoclonal anti-TNF-alpha. L'objectif est de traiter la poussée actuelle et de prévenir les éventuelles rechutes de la maladie de Crohn.

- La corticothérapie par Cortancyl (prednisone) est maintenue mais toutefois à dose dégressive en attendant l'efficacité de l'anti-TNF-alpha qui doit se manifester dans les 12 semaines suivant son instauration.

- Etonné par la prescription de Synacthène, le pharmacien vérifie son indication dans le Vidal.

Synacthène (tétracosactide) est indiqué en test d'exploration dynamique de la corticosurrénale : il permet de s'assurer de son fonctionnement après arrêt des corticoïdes.

En effet, Cortancyl, administré au long cours entraîne une mise au repos de la sécrétion de cortisol (ou hydrocortisone). Lors du sevrage, l'arrêt doit être progressif en raison d'une part du risque de rechute et d'autre part du risque d'apparition d'une insuffisance surrénale.

Lorsque la posologie atteint 5 à 7 mg d'équivalent prednisone, il est souhaitable de remplacer le corticoïde de synthèse par une administration d'hydrocortisone (dont la puissance d'action est moindre que celle de la prednisone) jusqu'à la reprise de la fonction corticotrope.

- Ici, le relais par hydrocortisone est logique. Il doit permettre la reprise progressive de la fonction corticotrope.

La prescription est-elle conforme aux référentiels ?

Oui, la prescription d'Humira correspond à la prise en charge d'une maladie de Crohn étendue symptomatique actuellement en poussée qui nécessite un traitement par anti-TNF-alpha pour remplacer celui bien conduit, mais mal toléré, par immunosuppresseur et corticoïde (conforme aux recommandations de la HAS).

Selon l'AMM, en phase d'induction, Humira s'administre en association avec des corticoïdes (sauf contre-indications aux corticoïdes) même si les doses sont dégressives.

Y a-t-il des contre- indications ?

Il n'y a pas de contre-indication physiopathologique pour Mme D.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

- La posologie d'Humira est conforme à celle recommandée par l'AMM : 80 mg lors de la première injection (S0) puis 40 mg (à partir de S2) tous les 15 jours durant la phase d'entretien.

- La décroissance de dose de Cortancyl est conforme aux recommandations de la HAS : posologie diminuée par paliers de 7 jours, de 10 mg jusqu'à demi-dose, puis de 5 mg jusqu'à arrêt complet.

- La posologie de l''hydrocortisone est cohérente : le traitement sera commencé à l'arrêt du Cortancyl, à la dose de 30 mg par jour.

La prescription pose-t-elle problème ?

Non. Toutefois, contrairement aux seringues préremplies disponibles directement chez les grossistes, les stylos Humira doivent être commandés auprès du laboratoire (01 45 60 26 36). Le médicament est livré dans un délai de 24 heures à la pharmacie (sans frais de port), avec remise de deux kits d'information à destination de l'équipe officinale et du patient.

Par ailleurs, la patiente n'a pas retenu les explications du médecin sur le moment de réalisation du test au Synacthène.

QU'EN PENSEZ-VOUS ?

Le test au Synacthène doit être réalisé

1 à la fin de la décroissance des doses de Cortancyl

2 au bout de 15 jours de traitement par hydrocortisone

3 après la fin du traitement par l'hydrocortisone

N'étant pas sûr de la réponse, le pharmacien décide de joindre le spécialiste.

Appel au prescripteur

- Bonjour docteur Valmont. Je suis madame P, pharmacienne. Je vous appelle au sujet de l'ordonnance de Céline D. A quel moment de son traitement doit-elle effectuer le test au Synacthène ?

- Elle doit faire le test 2 jours après l'arrêt du traitement par hydrocortisone [réponse 3]. A ce propos, redites-lui bien de faire le test au laboratoire d'analyses médicales de l'hôpital et donc de prendre un rendez-vous dès que possible. Elle doit m'appeler ensuite lorsqu'elle aura les résultats.

- Entendu, merci pour ces précisions.

Le test de stimulation au Synacthène permet d'évaluer la capacité sécrétoire de la corticosurrénale (fonction glucocorticoïde et androgénique).

Le tétracosactide (Synacthène) mime l'action de l'ACTH, hormone secrétée par l'antéhypophyse qui contrôle la sécrétion de cortisol.

Pour le test, la patiente doit être à jeun depuis 12 heures et au repos depuis 30 minutes et durant toute l'épreuve dynamique de stimulation. Le test est réalisé en milieu hospitalier car il y a un risque de décompensation surrénale.

- En pratique : avant l'injection de Synacthène, une première prise de sang permet de mesurer la cortisolémie basale. Après l'injection (IM ou IV), la cortisolémie est mesurée à T30 et T60. Si le test est positif (c'est-à-dire cortisol à 20 µg/100 ml ou 550 mmol/l) ou encore si la cortisolémie augmente de plus de 50 % par rapport à la valeur basale, le diagnostic d'insuffisance surrénale est éliminé et l'hydrocortisone peut être arrêtée. En cas d'insuffisance surrénale, la cortisolémie de base est basse ou effondrée et la réponse à la stimulation est nulle ou faible (en général < 20 µg/100 ml). Dans ce cas, le traitement substitutif par hydrocortisone est poursuivi.

Y a-t-il des interactions ?

Il n'y a pas d'interaction médicamenteuse entre ces ordonnances.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

- Sous Humira : surveillance régulière de la NFS (risque de lymphopénie), bilan hépatique. Mme D a une ordonnance pour des analyses médicales.

Quels conseils de prise donner ?

Humira est un nouveau traitement pour Mme D. Il convient de lui donner un certain nombre de conseils spécifiques.

- La patiente peut s'auto-injecter Humira (voir page 14).

- La première dose correspond à une injection de 80 mg. Il n'existe pas de dosage d'Humira à 80 mg. Cette posologie nécessite de réaliser deux administrations à 40 mg lors de la première injection, une dose dans chaque cuisse.

- Rappeler à la patiente qu'Humira doit être placé au réfrigérateur dès que possible. La patiente peut disposer d'un sac isotherme pour le transport du produit en appelant le numéro Vert 0 800 71 80 80 (appel gratuit depuis un poste fixe). A ce même numéro, elle peut faire la demande d'un collecteur pour l'élimination des seringues ou stylos usagés.

Que faire en cas d'oubli ?

En cas d'oubli, faire l'injection dès que l'on s'en rend compte. Puis reprendre les injections suivantes à la date prévue toutes les 2 semaines.

Comment la patiente pourra-t-elle juger de l'efficacité du traitement ?

La patiente doit constater une amélioration des signes cliniques de la maladie (douleurs abdominales, diarrhées...) en quelques semaines.

Le médecin jugera de l'efficacité au bout de 3 mois de traitement. En l'absence d'amélioration après 12 semaines, le traitement doit être arrêté. Un autre anti-TNF-alpha peut être proposé.

Quels sont les effets indésirables ?

Sous Humira, la patiente doit être suivie afin de dépister toute infection (y compris recherche de la tuberculose) avant, pendant et jusqu'à 5 mois après l'arrêt d'Humira (infection des voies respiratoires mais aussi infections virales, infections urinaires...).

Par ailleurs, une réaction au point d'injection est assez fréquente ainsi que l'apparition de sensations vertigineuses.

Quels sont ceux gérables à l'officine ?

Les réactions au point d'injection ne nécessitent en général pas l'arrêt du traitement. Mettre éventuellement une poche de glace sur le site d'injection avant l'administration, mais pas après.

Quels signes nécessiteraient d'appeler le médecin ?

En cas de fièvre, d'infection ou de frissons, contacter immédiatement le médecin. Ne pas faire l'injection.

Concernant Cortancyl et Hydrocortisone Roussel

Bien respecter la décroissance progressive des doses. La cortisolémie varie en fonction de l'heure : à son maximum à 8 heures, elle diminue progressivement pour être au minimum à minuit. L'effet inhibiteur le plus fort se fait en début de nuit, d'où l'intérêt d'une prise unique des corticostéroïdes le matin, en phase avec le rythme circadien de sécrétion du cortisol (action moins suppressive que le soir). Le traitement substitutif par hydrocortisone respecte cette sécrétion physiologique (dose plus importante le matin que le soir).

Conseils complémentaires

- Lors des poussées, réduire l'apport en fruits et légumes. En dehors des poussées, diversifier l'alimentation pour éviter tout risque de dénutrition.

- Proscrire la prise d'AINS en automédication (susceptible d'aggraver ou déclencher une poussée).

- Signaler le traitement par Humira lors de toute consultation (dentaire...).

Plan de prise conseillé

- Humira : conserver entre + 2 et 8 °C. 40 mg en SC dans chaque cuisse lors de la première injection puis une injection de 40 mg tous les 15 jours.

- Cortancyl : prendre les comprimés au cours du repas le matin (éventuellement matin et midi pour des posologies élevées).

- Hydrocortisone 10 mg : prendre la plus forte dose le matin.

- Synacthène 0,25 mg/1 ml : conserver entre + 2 et 8 °C. Le matin du test, être à jeun depuis au moins 12 heures.

pathologie

Qu'est-ce que les MICI ?

La rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn sont des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). D'origine encore inconnue, elles atteignent des adultes jeunes et évoluent le plus souvent par poussées entrecoupées de phases de rémission.

Quels sont les signes cliniques ?

Les MICI (prononcer miki) évoluent généralement par poussées. Il peut exister des périodes de rémission parfois très prolongées sans aucun symptôme (maladie quiescente). Plus rarement, la maladie évolue en continu mais avec toujours des périodes d'accalmie relative.

Les signes digestifs sont en général au premier plan, mais on peut également observer des manifestations extradigestives.

Symptômes digestifs

- La rectocolite hémorragique (RCH) associe fréquemment ténesmes, épreintes, faux besoins et émissions glairosanglantes afécales ou diarrhée sanglante ou syndrome dysentérique. Il existe parfois une constipation. L'état général est le plus souvent conservé. Dans les formes sévères, les rectorragies et les émissions de glaires sont fréquentes (plus de 6 par jour), les douleurs abdominales sont marquées et l'état général est altéré (fièvre, pâleur, amaigrissement, anorexie).

- Dans la maladie de Crohn, les symptômes varient selon la localisation des lésions. Diarrhée et douleurs abdominales sont fréquentes, orientant parfois à tort vers le diagnostic de trouble fonctionnel intestinal ou de gastroentérite aiguë.

- Dans les formes coliques, la diarrhée est plutôt sanglante et s'accompagne de fièvre et de signes périnéaux : douleur, fistule avec écoulement purulent, abcès, ulcération.

- Dans les formes iléales, la diarrhée est modérée et non sanglante et on observe une douleur de la fosse iliaque droite parfois associée à une masse palpable. La présence de fièvre peut évoquer un tableau pseudo-appendiculaire.

- Dans les localisations iléocoliques, le tableau clinique est mixte.

Manifestations extradigestives

Elles sont très nombreuses, communes aux deux maladies et corrélées pour la plupart aux poussées inflammatoires. 15 % des patients sont concernés.

- Au niveau articulaire, les polyarthrites périphériques sont parmi les plus fréquentes. Plus rarement, il existe une atteinte axiale (spondylarthrite ankylosante touchant le rachis et le bassin) qui peut évoluer de façon chronique pour son propre compte.

- Sur le plan dermatologique, l'érythème noueux et les aphtes buccaux sont fréquents. Le pyoderma gangrenosum est plus rare.

- Au niveau oculaire, on peut observer une conjonctivite ou une uvéite.

- Autres : pancréatite, thromboses veineuses ou artérielles (le risque de maladie thromboembolique serait augmenté dans les MICI), atteintes rénales, anémie, thrombocytose. La cholangite sclérosante est rare.

Comment se fait le diagnostic ?

Iléocoloscopie

Qu'il s'agisse de la RCH ou de la maladie de Crohn, le diagnostic est confirmé grâce à l'iléocoloscopie avec biopsies en zones malades et saines.

u Dans la RCH, la limite entre la zone atteinte et la zone saine est nette. La muqueuse a un aspect rouge et granité, saignant facilement. Il peut exister des ulcérations dans les formes sévères. En microscopie, la muqueuse apparaît inflammatoire avec présence d'un infiltrat lymphoplasmocytaire et absence de granulome tuberculoïde et de sclérose.

u Dans la maladie de Crohn, lorsqu'un segment est touché, il y a coexistence de muqueuse saine et de muqueuse pathologique. Les lésions peuvent épargner un segment entier de côlon, « sautant » ainsi par exemple du sigmoïde au côlon droit. Macroscopiquement, divers aspects sont observés : érythème, ulcérations de taille variable et, à un stade avancé, fistules et/ou sténoses. Histologiquement, on peut observer des granulomes tuberculoïdes ainsi qu'une sclérose.

Autres examens

En cas de maladie de Crohn, des examens peuvent être utiles afin d'identifier des lésions situées en dehors du cadre colique et de l'iléon : endoscopie oesogastroduodénale avec biopsies étagées, transit baryté du grêle, entéroscopie (examen endoscopique de l'intestin grêle), entéroscanner ou entéro-IRM...

Bilan biologique

- Il comporte NFS, CRP (protéine C réactive), ferritinémie, fonction rénale, ALAT, gammaGT, phosphatases alcalines en cas de suspicion de cholangite sclérosante.

- L'évaluation de l'état nutritionnel et la recherche de carences en vitamines (B12 notamment) et en micronutriments sont utiles dans la maladie de Crohn.

- La recherche de certains anticorps spécifiques peut aider à différencier RCH et maladie de Crohn colique isolée.

Quels sont les facteurs de risque ?

- Certaines mutations génétiques sont associées à une augmentation du risque de MICI, sans que la corrélation soit systématique. En ce qui concerne la maladie de Crohn, de nombreux gènes de prédisposition ont été identifiés. Au sein d'une même famille, le risque de maladie de Crohn pour les apparentés du premier degré d'un patient atteint va de 1 à 3 %. Pour la rectocolite hémorragique, ce pourcentage est de 1 %.

- Parmi les facteurs environnementaux, le rôle du tabac a été souligné : la rectocolite hémorragique atteint plutôt les non-fumeurs et les ex-fumeurs, et la reprise d'un éventuel tabagisme améliore les symptômes ! A l'inverse, le tabac est un facteur de risque de maladie de Crohn.

Par ailleurs, les patients ayant été appendicectomisés avant l'âge de 20 ans (pour une authentique appendicite) ont un risque de rectocolite hémorragique diminué d'environ 70 %. Les facteurs alimentaires et le stress ont été incriminés, sans preuve formelle pour l'instant. L'augmentation de l'incidence des MICI depuis la Seconde Guerre mondiale et les variations d'incidence chez les migrants incitent à mettre en cause le mode de vie occidental.

Quelles sont les complications ?

- RCH : au cours du temps, la maladie peut rester localisée ou s'étendre. Elle peut aussi évoluer vers la colite aiguë grave (plus de 6 épisodes de rectorragies par jour avec fièvre, amaigrissement, anémie, syndrome inflammatoire). Celle-ci peut elle-même se compliquer d'une colectasie (dilatation gazeuse du côlon précédant la perforation), de perforation ou d'hémorragie grave. Ces états pathologiques constituent des urgences thérapeutiques.

- Maladie de Crohn : les complications sont multiples (occlusion intestinale en rapport avec une sténose, fistules, fissures anopérinéales, abcès anopérinéaux ou intra-abdominaux, perforation intestinale, hémorragies, dénutrition).

Y a-t-il un risque de cancérisation ?

- Le risque d'augmentation de cancer colique apparaît sept à dix ans après le diagnostic, et d'emblée en cas de cholangite sclérosante associée. Raison pour laquelle doit être instaurée une surveillance par coloscopie totale avec biopsies.

- Les patients porteurs d'une MICI sont considérés comme étant à risque élevé de cancer colique en cas de pancolite d'évolution prolongée.

- Dans la maladie de Crohn, il existe également un risque d'adénocarcinome de l'intestin grêle.

Principales localisations de la RCH et de la maladie de Crohn

La RCH atteint le rectum et le côlon. Les rectites sont les plus fréquentes (40 %), puis viennent les rectosigmoïdites (30 %), les atteintes jusqu'à l'angle colique gauche (15 %) et les pancolites (15 %) où tout le côlon est concerné.

La maladie de Crohn peut toucher toutes les parties du tube digestif, mais trois situations sont particulièrement fréquentes : l'atteinte isolée de l'intestin grêle notamment de la partie terminale (25 %), l'iléocolite (atteinte contiguë de l'iléon et du côlon, 50 %) et les colites pures (25 %).

thérapeutique

Comment traiter les MICI ?

Le traitement médicamenteux des maladies inflammatoires chroniques intestinales fait appel aux aminosalicylés, aux corticoïdes, aux immunosuppresseurs et aux anti-TNF-alpha. Critères de choix et modalités de prescription dépendent de la sévérité et de la topographie de l'atteinte.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les deux critères à prendre en compte sont l'intensité des poussées et leur topographie. La stratégie thérapeutique utilisée jusqu'à présent est celle du « step up » (stratégie dite « ascendante ») qui consiste à réserver les immunosuppresseurs et les anti-TNF-alpha aux formes sévères ou résistantes aux traitements usuels ou aux cas de dépendance aux corticoïdes.

Traitement des poussées

Rectocolite hémorragique

En cas de poussée d'intensité faible à moyenne, les aminosalicylés sont indiqués par voie locale et/ou orale selon les localisations. En cas d'échec, on a recours aux corticoïdes par voie orale dans les formes étendues, par voie orale et/ou en lavement dans les formes distales.

En cas de poussée de forte intensité, les corticoïdes sont nécessaires d'emblée per os, ou, en cas de colite grave, par voie intraveineuse en milieu hospitalier. Si ce n'est pas suffisant, on a recours aux anti-TNF-alpha (infliximab) ou à la ciclosporine par voie IV (hors AMM) ou à la chirurgie.

Maladie de Crohn

L'arrêt du tabac est impératif.

Les aminosalicylés sont employés à forte dose en cas de poussée d'intensité légère. En cas d'échec, et d'emblée en cas de poussée moyenne à forte, on a recours aux corticoïdes per os. Le budésonide peut être utilisé en première intention avec un profil de tolérance satisfaisant en cas d'atteinte de l'iléon ou du côlon ascendant. L'échec des corticoïdes ou une poussée grave nécessite le recours aux corticoïdes par voie intraveineuse ou aux anti-TNF-alpha (infliximab, adalimumab) ou à la chirurgie.

Traitement d'entretien

L'instauration d'un traitement d'entretien (non systématique) est fonction du nombre de poussées, de leur rythme et de leur intensité. Les formes classiques de RCH répondent dans deux tiers des cas aux aminosalicylés par un espacement voire une disparition des poussées. En revanche, les aminosalicylés sont beaucoup moins efficaces dans la maladie de Crohn.

Dans les formes chroniques actives de RCH ou de Crohn et en cas de corticodépendance, on a recours aux immunosuppresseurs et notamment à l'azathioprine (avec parallèlement décroissance progressive des corticoïdes). En cas d'échec ou de contre-indication de ces thérapies, un traitement d'entretien par anti-TNF-alpha peut être envisagé.

Autres traitements

- La nutrition entérale assurée par une sonde nasogastrique fait partie des options thérapeutiques de la maladie de Crohn. Elle est notamment utile en cas de contre-indications ou d'effets indésirables des corticoïdes.

- Certains antibiotiques comme la métronidazole ou la ciprofloxacine sont indiqués en cas de suspicion d'infection intestinale surajoutée.

- Il peut être nécessaire d'utiliser des traitements symptomatiques : antalgiques de palier 1 ou 2 (à l'exception des AINS non salicylés), antidiarrhéiques...

- Au cours des poussées, il est conseillé de restreindre transitoirement l'apport des aliments riches en fibres (fruits, légumes...).

- En cas de carence martiale associée à la maladie, l'apport de fer est utile.

LES TRAITEMENTS

Aminosalicylés

Les aminosalicylés sont pour la plupart des dérivés de l'acide 5-aminosalicylique (ou 5-ASA ou mésalazine). Le para-aminosalicylate de sodium ou 4 ASA n'est disponible qu'en usage local (Quadrasa). Par voie orale, leur action anti-inflammatoire au niveau intestinal est essentiellement topique.

Efficacité

- Dans la rectocolite hémorragique (RCH) distale en poussée, l'efficacité de la mésalazine (Pentasa, Rowasa, Fivasa) par voie rectale est bien établie. Pour cette voie d'administration, une dose de 1 g par jour est généralement suffisante. Concernant le maintien de la rémission, l'alternance de suppositoires et de lavements (par exemple un lavement tous les 3 jours ou 7 jours par mois) est possible pour les formes légères de RCH distales récidivantes. L'association de formes orales et rectales donne les meilleurs taux de rémission pour les RCH plus étendues. La prise régulière des dérivés aminosalicylés semble diminuer le risque de cancer colorectal dans la RCH.

- Dans la maladie de Crohn, le bénéfice des aminosalicylés est plus modeste. Ils sont employés dans les poussées d'intensité légère. En traitement de fond, ils ont une efficacité limitée.

Effets indésirables

L'effet indésirable le plus souvent rencontré est la diarrhée. Elle est fréquemment observée avec l'olsalazine (Dipentum). Cette dernière est toutefois préférée à la sulfasalazine (Salazopyrine), moins bien tolérée. La diarrhée régresse rapidement à l'arrêt du traitement et peut être prévenue avec une posologie d'instauration progressive et en prenant le médicament en fin de repas.

Par ailleurs, une atteinte hématologique est possible et des réactions allergiques peuvent survenir, surtout avec la sulfasalazine (urticaire, oedème du visage voire réactions plus sévères imposant l'arrêt du traitement : syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson).

Une surveillance de la fonction rénale est indispensable chez les patients sous traitement prolongé.

Corticoïdes

Par voie orale

Les corticoïdes sont utilisés per os à la posologie de 0,75 à 1 mg/kg/jour d'équivalent prednisone ou prednisolone, durant une période de 3 à 7 semaines. L'administration s'effectue en dose unique matinale, voire en deux prises (le matin et le midi). La posologie est ensuite progressivement réduite pour éviter les rechutes de la maladie et permettre une reprise de la fonction corticotrope : lorsque la posologie de 5 à 7 mg d'équivalent prednisone est atteinte, généralement le corticoïde de synthèse est remplacé par un traitement substitutif par hydrocortisone en 2 à 3 prises par jour (voir page 2) ; un test au Synacthène est réalisé pour vérifier la reprise de la fonction surrénale. Lors des traitements prolongés, certains effets indésirables doivent être surveillés et si possible prévenus : ostéoporose cortisonique, nécrose aseptique de la tête fémorale (rare), cataracte, glaucome, susceptibilité aux infections, diabète et HTA principalement chez les personnes prédisposées... Plus souvent, on observe une hyperexcitabilité, l'apparition d'acné, d'insomnies ou une prise de poids.

A action locale

Le budésonide sous la forme de microgranules gastrorésistants en gélules (Entocort, Rafton) possède une action essentiellement topique et ses effets indésirables d'ordre systémiques sont moindres. Sa libération se fait au niveau iléocolique droit avec une biodisponibilité locale de 60 à 80 % et systémique de 10 %. Son inactivation à 90 % lors du premier passage hépatique explique la réduction des effets indésirables par rapport aux corticoïdes systémiques. Il est indiqué en traitement d'attaque de la maladie de Crohn affectant l'iléon et/ou le côlon ascendant et en traitement d'entretien d'une durée maximale de 9 mois, dans l'attente d'efficacité d'un traitement immunosuppresseur ou en substitution de la prednisolone chez les patients corticodépendants.

Par voie locale sous forme de lavements (Colofoam, Betnesol), le passage systémique est également faible et l'effet est essentiellement topique. Ces traitements locaux sont surtout utilisés en cas d'atteintes anales et rectales. Ils présentent peu d'intérêt en traitement d'entretien.

Immunosuppresseurs

Azathioprine et 6-mercaptopurine

L'azathioprine (Imurel) et son métabolite actif la 6-mercaptopurine (Purinéthol, hors AMM) sont les immunosuppresseurs de référence dans la maladie de Crohn (ils concernent environ un tiers des malades essentiellement en cas de corticodépendance). Leur utilisation est plus marginale dans la RCH où la chirurgie peut, si nécessaire, guérir définitivement la maladie.

Efficacité

L'azathioprine, souvent préférée à la 6-mercaptopurine du fait d'une meilleure biodisponibilité orale, est rapidement transformée en 6-mercaptopurine dans les globules rouges. La demi-vie très courte de cette dernière (1 à 2 heures) explique que l'état stationnaire n'est obtenu qu'après plusieurs mois de traitement. L'efficacité de l'azathioprine se maintient dans le temps, même après une période de rémission prolongée, avec un taux de récidive de 5 % par an. En revanche, après arrêt du traitement, le taux de récidive est de 20 % à 18 mois et de 50 % à 3 ans.

Effets indésirables

Les effets indésirables les plus fréquents sont de nature hématologique. Plus rarement peuvent survenir des troubles gastro-intestinaux et des manifestations d'hypersensibilité (hyperthermie associée à des vertiges, nausées, frissons, arthralgie). La survenue d'une pancréatite aiguë contre-indique toute reprise ultérieure du traitement. Une surveillance hebdomadaire de l'hémogramme et des enzymes hépatiques est nécessaire pendant les 2 premiers mois de traitement, puis tous les 2 à 3 mois. En cas d'intolérance digestive à l'azathioprine, la 6-mercaptopurine est utilisée avec succès dans plus de la moitié des cas.

Méthotrexate

Le méthotrexate peut être proposé dans les poussées des maladies inflammatoires intestinales, avec un délai d'action de 4 à 6 semaines. Il est généralement considéré comme traitement de fond de seconde intention dans la maladie de Crohn (hors AMM). Posologie et voie d'administration ne font pas l'objet d'un consensus dans cette indication, la médiane se situant à 25 mg/semaine en IM ou en SC, associés à 5 à 10 mg d'acide folique 48 heures après l'injection.

Une surveillance hépatique, hématologique et rénale est nécessaire. Une contraception efficace doit être instaurée durant le traitement. Elle est poursuivie 3 mois après l'arrêt du traitement chez les femmes et 5 mois chez les hommes.

Ciclosporine

La ciclosporine s'est révélée utile dans le traitement des formes sévères de RCH résistant aux corticoïdes (hors AMM). Pour autant, sa place dans les colites graves reste encore débattue, faisant craindre de voir réapparaître dans cette pathologie une mortalité due à des accidents iatrogènes ou à une chirurgie trop tardive, d'autant que le bénéfice à long terme est incertain (50 % des patients ayant évité la colectomie ont finalement été opérés à 1 an).

Immunomodulateurs

Infliximab

L'infliximab (Remicade, à l'hôpital) est un anticorps monoclonal chimérique inhibant le TNF-alpha, indiqué à la fois dans le traitement de la maladie de Crohn et dans la RCH. Il s'adresse aux patients qui n'ont pas répondu malgré un traitement approprié et bien conduit par un corticoïde et/ou un immunosuppresseur. Il s'administre en perfusion IV de 2 heures aux semaines 0, 2, 6 puis toutes les 8 semaines.

Adalimumab

L'adalimumab (Humira) est un anticorps monoclonal recombinant humain anti-TNF-alpha. Il est indiqué dans le traitement de la maladie de Crohn active sévère. La posologie classiquement utilisée est de 40 mg en sous-cutané toutes les deux semaines après une dose de charge de 80 mg (soit deux injections en deux sites différents). Le traitement est instauré en association aux corticoïdes (sauf contre-indications aux corticoïdes), ces derniers étant progressivement diminués.

Il s'agit d'un médicament d'exception. Il nécessite une prescription initiale hospitalière qui est valable un an. La prescription initiale et les renouvellements sont réservés aux spécialistes en rhumatologie, en gastroentérologie, en chirurgie digestive, en dermatologie, en pédiatrie ou en médecine interne.

Effets indésirables

Sous immunomodulateur, la vigilance vis-à-vis du risque infectieux est primordiale : il est impératif d'alerter le médecin en cas de symptômes évocateurs d'une infection (fièvre, toux, infection urinaire...). Cette surveillance doit être poursuivie les 5 à 6 mois suivant l'arrêt du traitement.

Sous infliximab peuvent survenir notamment des bouffées vasomotrices, des réactions allergiques, des douleurs thoraciques ou une dyspnée.

Sous adalimumab, signaler tout signe d'allergie cutanéomuqueux. L'apparition de nausées, diarrhées ou vomissements peut nécessiter la mise en route d'un traitement symptomatique.

Désir de grossesse

D'après les RCP, une contraception efficace doit être instaurée durant le traitement. Elle doit être poursuivie jusqu'à 5 mois après l'arrêt de l'adalimumab, 6 mois après arrêt de l'infliximab. Toutefois les recommandations du Centre de références sur les agents tératogènes (http://www.lecrat.org) sont moins restrictives.

Antibiotiques

Bien qu'une participation de la flore bactérienne colique semble probable dans ces pathologies, aucun antibiotique n'a permis à ce jour de modifier l'évolution à long terme de la maladie. La métronidazole, qui posséderait des propriétés immunosuppressives, est surtout utile dans le traitement des manifestations anopérinéales de la maladie de Crohn et des pochites après anastomose iléo-anale pour la RCH. Il ne peut être utilisé de manière prolongée en raison de sa toxicité neurologique. La ciprofloxacine semble intéressante dans ces mêmes indications, mais elle expose à un risque de tendinopathie et de photosensibilisation.

Perspectives thérapeutiques

La greffe de moelle osseuse autologue est un traitement très lourd qui concerne plutôt les patients atteints de maladie de Crohn et uniquement les formes les plus sévères de la maladie. Actuellement un protocole européen est en cours (ASTIC).

De nouveaux médicaments sont en développement : Cimzia (certolizumab pégol), premier anti-TNF pégylé qui serait efficace chez les patients atteints de maladie de Crohn et ne tolérant pas ou ne répondant plus à l'infliximab, ou encore le TNF-alpha kinoïde, un vaccin thérapeutique pour le traitement des maladies auto-immunes dépendant du TNF-alpha.

Les recherches portent aussi sur une meilleure connaissance des facteurs génétiques de la maladie et de la flore intestinale.

accompagner le patient

Les MICI vus par les patients

La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH) évoluent généralement par poussées alternant avec des périodes de rémission. Les symptômes digestifs sont au premier plan. Mais des atteintes des articulations, de l 'oeil, de la peau sont possibles.

Impact social

C'est encore une maladie taboue dont il est difficile de parler. Lors des poussées, les patients souffrent de diarrhées importantes, invalidantes et très gênantes. Ils ont tendance à se cloîtrer chez eux ou à n'en sortir que pour de très courtes durées : les activités sont réduites (courses, promenades avec les enfants, baignades, voyages...), avec anticipation permanente des trajets pour ne pas « être en panne de toilettes ».

Au moment des poussées, l'asthénie est fréquente avec un besoin de sommeil accru (siestes...) qui entrave la réalisation des activités habituelles et la pratique d'un sport.

Impact psychologique

Il est difficile pour les patients d'accepter cette maladie chronique qui se manifeste par des poussées imprévisibles, invalidantes et gênantes.

Impact professionnel

Le retentissement sur la carrière professionnelle ou sur la scolarité ou les études pour les plus jeunes peut être plus ou moins important (absences répétées, aménagements des horaires...).

Impact sur le comportement alimentaire

Les patients ont souvent tendance à suivre de façon prolongée des régimes trop restrictifs (sans fruit ni légume), avec parfois des conséquences néfastes.

Impact sur la sexualité

Il existe une réelle inquiétude par rapport au désir d'enfants : la grossesse influence-t-elle la MICI ? Y a-t-il un risque de transmission de la maladie à l'enfant ?

A dire aux patients

A propos de la maladie

- L'alimentation n'est pas à l'origine de l'inflammation de l'intestin ni à l'origine d'une poussée. Toutefois des conseils sont à donner lors des périodes de poussées : apport restreint en fibres afin de limiter les symptômes digestifs, boire suffisamment pour compenser les pertes en eau dues aux diarrhées. Il est souvent recommandé d'éviter également le lait, lequel peut être responsable d'une aggravation de la diarrhée par intolérance au lactose. En revanche, les produits laitiers dérivés (fromage, yaourt...) doivent être continués (sauf intolérance avérée). En dehors des poussées, avoir une alimentation la plus équilibrée et la plus diversifiée possible (en réintégrant fruits et légumes) pour pallier toute carence et prévenir la dénutrition.

- En dehors des poussées, une activité sportive régulière aide à surmonter le stress. Lors d'une poussée, ne pas se forcer mais arrêter temporairement l'activité. La reprendre progressivement lors de la rémission (marche, jogging, vélo...).

- Motiver à l'arrêt total du tabac dans tous les cas mais particulièrement dans la maladie de Crohn car le tabagisme aggrave nettement l'histoire naturelle de la maladie.

- Un soutien psychologique peut être nécessaire (psychiatre, psychologue, association).

- La carte « Urgences Toilettes », laissez-passer officieux donné aux membres de l'Association François-Aupetit, peut constituer une aide précieuse pour accéder aux toilettes des restaurants, des cafés ou des lieux publics et faire face à une éventuelle affluence inopinée.

A propos des traitements

- Sous corticoïdes : surveillance de la glycémie chez les diabétiques voire chez les personnes à risque de diabète (antécédents familiaux, surpoids), régime peu salé uniquement chez les patients hypertendus ou insuffisants cardiaques ou ayant des facteurs de risque d'hypertension artérielle. Si traitement au long cours : supplémentation en calcium et vitamine D, examen ophtalmologique.

- Sous immunosuppresseurs et anti-TNF-alpha, les vaccins vivants atténués sont temporairement contre-indiqués : rougeole, oreillons, rubéole, varicelle, fièvre jaune (par prudence, on recommande souvent un délai de 3 mois entre l'arrêt du traitement et la vaccination).

- Anti-TNF-alpha : en cas de fièvre ou au moindre de doute de signes infectieux (surtout pulmonaires), alerter le médecin : ne continuer le traitement ou ne le reprendre qu'avec son accord. Concernant les injections d'Humira : sortir le médicament du réfrigérateur 15 à 20 minutes avant l'injection, choisir un site au niveau de la cuisse ou de l'abdomen espacé d'au moins 3 cm de l'injection précédente, le nettoyer avec le tampon d'alcool fourni puis piquer la peau à 45° avec la seringue, à 90° avec le stylo. Pour le stylo, maintenir la pression pendant 10 secondes pour être sûr que toute la solution soit injectée (dans la fenêtre de contrôle, l'indicateur arrête de bouger). Comprimer le site d'injection sans frotter pendant 10 secondes. Avant la désinfection et l'injection, il est possible de placer une poche réfrigérée sur la zone d'injection pour la désensibiliser (ne pas le faire après l'injection).

Les patients peuvent appeler un numéro Vert (0 800 71 80 80) afin de demander un sac isotherme pour le transport du produit (autonomie d'une demi-journée) et un collecteur pour y jeter les stylos ou seringues usagés.

- Azathioprine : éviter le soleil dans le but de minimiser le risque de cancer de la peau (vêtements et crème à indice de protection élevée). Aux doses utilisées dans les MICI, l'azathioprine ne rend pas en général les personnes particulièrement vulnérables aux infections.

Prévention

- Des événements stressants peuvent déclencher ou aggraver une poussée, même si ce n'est pas la règle générale. Se ménager autant que possible.

- Le recours aux AINS est généralement déconseillé (mais non formellement contre-indiqué) en raison d'un risque de « réactivation » de la maladie dans les jours suivant leur prise.

- De même, l'isotrétinoïne par voie orale peut être à l'origine d'une aggravation des symptômes des MICI.

Le cas

Mme D., 35 ans, est suivie à l'hôpital depuis 3 ans pour une maladie de Crohn pour laquelle elle a déjà eu plusieurs corticothérapies par Cortancyl et un traitement par azathioprine (Imurel). Elle se présente à la pharmacie avec deux nouvelles ordonnances.

Dr Valmont

Hépatogastroentérologie

CHU de Clermont-Ferrand

63000 Clermont-Ferrand

63 1 99999 1

Le 28 septembre 2009

Mme Cécile D.

35 ans, 52 kilos

Cortancyl 20 et 5 mg : prendre 30 mg par jour (20 mg le matin et 10 mg à midi) pendant 7 jours puis 20 mg par jour le matin pendant 7 jours puis 15 mg par jour pendant 7 jours puis 10 mg par jour pendant 7 jours puis 5 mg par jour pendant 7 jours, puis relais par Hydrocortisone 10 mg : 20 mg à 8 heures et 10 mg à 15 heures pendant 4 semaines.

Synacthène 0,25 mg : 1 boîte.

Mme Cécile D.

35 ans, 52 kilos

Humira 40 mg stylos : 80 mg la première injection sous cutanée puis 40 mg toutes les 2 semaines. qsp 1 mois. AR 2 fois

Docteur Pierre David

Service de gastroentérologie

Hôpital Bauer

LES CHIFFRES

- En France, rectocolite hémorragique (RCH) et maladie de Crohn (MC) touchent environ deux personnes sur mille soit entre 100 et 150 000 personnes.

- Incidence : de l'ordre de 5 pour 100 000 habitants et par an.

- Moyenne d'âge au moment du diagnostic : entre 20 et 30 ans pour la MC ; environ 35 ans pour la RCH.

- Prédominance de la MC chez la femme à partir de l'adolescence, et faible prédominance masculine dans la RCH.

- Moins de 10 % de formes pédiatriques (début de la maladie avant 17 ans).

Mécanismes physiopathologiques

Au cours des MICI, il existe une dysrégulation de la réponse immunitaire au niveau de la muqueuse intestinale, ciblée sur certains éléments de la flore intestinale et survenant sous l'influence de facteurs génétiques. L'organisme induit une réaction inflammatoire inadaptée vis-à-vis des micro-organismes de sa propre flore intestinale. Initialement, il existe une stimulation des cellules pro-inflammatoires (lymphocytes T, macrophages...) de la muqueuse intestinale, induisant une production de médiateurs inflammatoires (interleukines, TNF-alpha). Ces médiateurs interviennent à leur tour dans le recrutement de nouvelles cellules inflammatoires au niveau de la paroi. Ceci aboutit à un infiltrat de cellules pro-inflammatoires survivant de façon anormalement prolongée du fait d'une inhibition de l'apoptose (mécanisme de mort naturelle des cellules).

Ce qui a changé

- Actuellement, on tend à limiter le recours à la chirurgie et notamment à éviter la colectomie. Il faut cependant bien sélectionner les cas et veiller à ne pas maintenir coûte que coûte un côlon en place lorsque le risque de dégénérescence est élevé (pancolite ancienne résistante avec inflammation chronique).

- Par ailleurs, la question se pose d'une utilisation plus précoce des traitements immunosuppresseurs, surtout dans la maladie de Crohn. Cette stratégie « descendante », dite top-down, vise à utiliser dès la première poussée un anti-TNF-alpha associé ou non à un immunosuppresseur dans le but de modifier l'histoire naturelle de la maladie (voir « Point de vue » p. 12).

Vigilance

Attention à certaines contre-indications des traitements !

Olsalazine : insuffisance rénale ou hépatique grave.

4-ASA : insuffisance rénale ou hépatique grave, grossesse, allaitement.

Corticoïdes (voie orale et locale) : ulcère gastroduodénal en évolution, état infectieux ou psychotique non contrôlé par un traitement spécifique, association déconseillée aux vaccins vivants atténués. Et pour la voie locale : obstruction, abcès, perforation...

Azathioprine : allaitement.

Adalimumab et infliximab : tuberculose ou autre infection sévère évolutive, insuffisance cardiaque modérée à sévère. Non recommandé durant l'allaitement et la grossesse.

point de vue

« L'utilisation d'emblée de traitements majeurs a pour but un contrôle plus rapide et plus durable »La stratégie descendante (top-down), basée sur l'utilisation d'emblée de traitements majeurs, est-elle en train de supplanter la stratégie classique ?

L'utilisation d'emblée de l'azathioprine et/ou d'un anti-TNF-alpha concerne surtout les patients atteints de maladie de Crohn et présentant des facteurs de mauvais pronostic (âge jeune avec d'emblée une maladie sévère colique et anopérinéale par exemple). La recherche de facteurs prédictifs du pronostic est actuellement très active et devrait permettre dans l'avenir de mieux sélectionner les malades à risque, susceptibles de bénéficier au mieux de ces traitements agressifs, avec un bon rapport bénéfice/risque.

L'objectif est un contrôle plus rapide et durable de la maladie afin d'en modifier si possible l'histoire naturelle et de prévenir certaines complications, nécessitant généralement hospitalisation et/ou traitement chirurgical. Mais il y a des risques : en premier lieu, celui d'être exposé à la survenue d'infections opportunistes et/ou sévères, et, à plus long terme, peut-être une augmentation du risque de lymphome, mais ce risque est plus hypothétique que réel car il n'a pas été démontré qu'il augmentait de façon significative au cours des MICI traitées par anti-TNF (sous réserve du risque rarissime de lymphome T hépatosplénique).

Quid des prébiotiques et des probiotiques ?

Leur rôle dans le concept pathogénique des MICI est très intéressant et la recherche se développe dans l'espoir de modifier la flore bactérienne et ainsi de prévenir les récidives de la maladie. Mais, jusqu'à présent, les résultats sont plutôt décevants. Leur intérêt peut être qualifié de léger dans la RCH (les recommandations allemandes les proposent en traitement adjuvant des dérivés salicylés, à titre préventif des poussées). Dans la maladie de Crohn, leur intérêt n'est actuellement pas démontré.

Pr yoram bouhnik

Gastro-entérologue à l'hôpital Beaujon

témoignage

Nathalie, 28 ans

« Lorsque ma maladie de Crohn a été détectée, je souffrais d'une fatigue énorme depuis plus d'un an, je dépassais rarement les 9 de tension. Je me sentais réduite dans toutes mes activités : boulot (j'ai un poste à responsabilité), sorties... Je ne savais pas comment j'allais m'en sortir. Au boulot, j'ai eu la chance d'avoir un patron compréhensif, mais j'avais peur dès qu'il y avait des réunions ou des impératifs : je craignais toujours de devoir faire face à une poussée aiguë. A 26 ans, j'avais besoin de séduire mon mari, d'avoir l'impression d'être "normale". Je voulais pouvoir donner le biberon à mon enfant dès qu'il le réclamait, au lieu de le laisser pleurer en attendant que je puisse me libérer des WC ! Là, mon sex-appeal était au plus bas et mon moral au niveau - 10 ! Depuis que je suis sous Imurel, cela va mieux. Malgré la fatigue persistante, ma maladie est en rémission, ce qui me permet d'affronter mes responsabilités au travail et dans ma famille. Je profite mieux de la vie, même si mon moral a encore des hauts et des bas. »

en savoir plus

Association François-Aupetit

http://www.afa.asso.fr

Ligne téléphonique « MICI Infos » (0 826 625 220)

Soutien et information aux malades, à leurs proches, aux professionnels de santé. Contacts avec les délégations régionales. Nombreuses brochures d'information disponibles sur le site.

Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique

Professeur Laurent Beaugerie, éd. Medi-Text, collection « Savoir utile ! », 2005

65 questions réponses sur les symptômes, les différents traitements, ce qui favorise les poussées, le régime alimentaire, le désir de grossesse...

Mémo délivrance

Sous aminosalicylés par voie orale

Le patient connaît-il bien les modalités de prise ?

Une augmentation progressive des posologies et une prise du médicament à la fin des repas permettent de prévenir les troubles digestifs (diarrhée).

Sous corticoïdes par voie orale

Si administration au long cours, le patient est-il sensibilisé à l'importance des modalités d'arrêt du traitement ?

Bien respecter la décroissance progressive des doses (risque d'insuffisance corticosurrénale) et l'éventuel relais par hydrocortisone. Vérifier le moment de prise des corticoïdes : le matin (et éventuellement à midi).

Sous azathioprine (Imurel)

Pense-t-il à se protéger du soleil pour minimiser le risque de cancer de la peau ?

Il faut rester vigilant face aux complications infectieuses même si elles sont rares. La surveillance hématologique est impérative.

Sous anti-TNF-alpha

Le patient fait-il lui-même ses injections ?

S'assurer qu'il maîtrise bien la technique d'injection, quitte à ouvrir la boîte devant lui. Sortir Humira 15 à 20 minutes avant l'injection ; conseiller de placer une poche réfrigérée sur la zone choisie avant de réaliser l'injection pour la désensibiliser.

Connaît-il le risque infectieux ?

Rappeler la conduite à tenir en cas de fièvre ou de signes infectieux, y compris urinaires : pas d'injection et appel au prescripteur.

Concernant l'alimentation

Si le patient est en poussée

Repréciser de boire beaucoup, d'éviter les légumes, les fruits, les fibres et le lait uniquement s'il est mal toléré.

Si le patient n'est pas en poussée

Vérifier qu'il ne poursuit pas inutilement un régime alimentaire restrictif.

Les facteurs susceptibles de déclencher une poussée

Le patient fume-t-il ?

L'arrêt du tabac est impératif dans la maladie de Crohn. Même si le lien n'est pas établi, un stress important peut être à l'origine d'une poussée de MICI.

A-t-il l'habitude de s'automédiquer ?

Déconseiller les AINS : risque de réactivation de la maladie. L'isotrétinoïne par voie orale peut être à l'origine d'une aggravation des symptômes des MICI.

Conditions de délivrance

Humira : médicament d'exception. PIH annuelle émanant d'un spécialiste (ici gastroentérologue). Renouvellement réservé à ces mêmes spécialistes.

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