La leucémie myéloïde chronique - Le Moniteur des Pharmacies n° 2784 du 13/06/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2784 du 13/06/2009
 

Cahiers Formation du Moniteur

Ordonnance

une prescription à la loupe

Un patient atteint de leucémie myéloïde chronique passe sous Tasigna

Ce que vous savez du patient

- René L., 59 ans, retraité, a travaillé dans une usine thermoplastique (exposition au trichloréthylène et solvants). Depuis 2 ans, il souffre d'une leucémie myéloïde chronique chromosome Philadelphie positive. M. L. a d'abord été traité par Glivec (400 mg par jour) auquel il s'est avéré résistant : il a été récemment hospitalisé pour des algies osseuses. Par ailleurs, il supportait mal ce médicament : douleurs musculaires, sueurs nocturnes...

- Il vous présente son ordonnance de sortie d'hôpital mentionnant Tasigna, débuté lors de son hospitalisation. Du Profénid est également prescrit et son traitement par Zyloric est reconduit.

Ce que le médecin lui a dit

La réponse au Tasigna est favorable car il y a d'ores et déjà une diminution de l'hyperleucocytose et de la myélémie et les plaquettes se sont normalisées. Les algies osseuses initialement traitées par Actiskenan sont à présent soulagées par Profénid. Les examens biologiques habituels ont été prescrits (bilan hématologique complet, créatinine, transaminases, bilirubine et ionogramme). Un rendez-vous est prévu dans 2 semaines.

Ce dont le patient se plaint

M. L. est inquiet. Il dit bien suivre son traitement, mais le Profénid lui donne des brûlures d'estomac qui l'incommodent.

Sa demande spontanée

M. L. demande de la Stomédine pour le soulager.

Détection des interactions médicamenteuses

Aucune interaction médicamenteuse n'est recensée sur cette ordonnance.

Analyse des posologies

Les posologies prescrites et les schémas de prise sont conformes aux AMM respectives des médicaments.

Avis pharmaceutique

Validité réglementaire

Tasigna est un médicament soumis à prescription initiale hospitalière (PIH) semestrielle. La prescription initiale et les renouvellements sont réservés aux spécialistes en oncologie ou en hématologie, ou aux médecins compétents en cancérologie. Une surveillance particulière est nécessaire pendant le traitement (hémogrammes réguliers).

Objectifs thérapeutiques

- La leucémie myéloïde chronique (LMC) est liée à une anomalie chromosomique dite « chromosome Philadelphie », laquelle est due à une translocation entre les chromosomes 9 et 22 (on parle de LMC Ph1+). Il existe une augmentation importante du nombre de cellules granuleuses (polynucléaires) dans la moelle et dans le sang (voir page 6). On ne connaît pas avec précision la cause de la LMC, mais il semble que les radiations ionisantes ou l'exposition à certains solvants soient des facteurs favorisants.

- En l'absence de traitement, la maladie évolue en trois phases : chronique, accélérée puis aiguë ou blastique, conduisant au décès en quelques années.

- Les nouvelles thérapies par inhibiteurs de tyrosine-kinase ont bouleversé le devenir de la maladie. Elles ont pour but :

- le contrôle de l'hyperleucocytose et la mise du patient en situation de maladie dite « résiduelle » stable afin d'éviter le passage à la phase aiguë dont la durée médiane de survie est courte. Ces objectifs sont définis par l'obtention de critères bien précis : hématologique (normalisation de la NFS et de l'examen clinique), cytogénétique (disparition ou diminution du chromosome Philadelphie au caryotype) et moléculaire (diminution de l'anomalie génétique BCR-ABL) ;

- la prise en charge des complications éventuelles : vasculaires (hémorragies, thromboses), hématologiques (splénomégalie, thrombopénie, anémie et neutropénie) se manifestant par une asthénie, un risque hémorragique et des infections à pyogènes.

Choix du prescripteur

- Après confirmation du diagnostic, M. L. a bénéficié de la prescription de Glivec (un inhibiteur de tyrosine-kinase) à 400 mg par jour en monothérapie, traitement de référence de première intention de la LMC. Les algies osseuses de M. L. ont révélé une accélération de la maladie sous Glivec (résistance à l'imatinib). Le patient est ainsi passé en « phase accélérée ». La stratégie thérapeutique consiste alors à augmenter les doses de Glivec à 600 ou 800 mg par jour. Cette solution n'a pas été retenue car M. L. se plaignait de signes d'intolérance (myalgies, sueurs nocturnes).

- Le nilotinib (Tasigna) a donc été prescrit au patient. Il s'agit d'un traitement de seconde intention de la LMC utilisé en cas d'intolérance ou de résistance à l'imatinib. Tasigna est un inhibiteur de la tyrosine-kinase BCR-ABL actif sur certaines formes mutantes de BCR-ABL résistantes à l'imatinib.

- L'hyperproduction d'acide urique est secondaire à la lyse des cellules Philadelphie positives, spontanée et aggravée par la prise d'imatinib et de nilotinib. Elle est traitée et prévenue par un uricolytique (Zyloric).

- Le kétoprofène (Profénid) traite de façon symptomatique les poussées douloureuses osseuses du patient qui devraient s'estomper avec le traitement par Tasigna.

Intervention pharmaceutique

Gérer l'inquiétude

Il convient de rassurer M. L. et de lui rappeler que les progrès thérapeutiques obtenus avec les inhibiteurs de tyrosine-kinase (ITK) sont réels et que ses propres résultats sont encourageants. Depuis la prise de Tasigna, le médecin a en effet constaté une diminution de l'hyperleucocytose et de la myélémie. Les douleurs osseuses ont aussi beaucoup diminué en intensité.

Demande spontanée

- Devant la demande de Stomédine (cimétidine, anti-H2) du patient, le pharmacien décide de contacter le prescripteur. Ayant en mémoire les nombreuses interactions possibles avec les inhibiteurs de tyrosine-kinase, il consulte auparavant le Vidal : il s'avère que la coadministration de Tasigna avec des modificateurs de l'acidité gastrique (notamment anti-H2 ou IPP) est déconseillée.

- Joint par téléphone, le prescripteur préfère remplacer Profénid par Topalgic LP 100 mg à raison de un comprimé matin et soir.

Suivi du traitement

Effets indésirables

- Tasigna : les effets indésirables les plus fréquents sont une toxicité hématologique pouvant nécessiter une interruption du traitement ou une diminution de posologie, des céphalées, une éruption cutanée, un prurit, des oedèmes de la face, une diarrhée ou une constipation, des nausées ou vomissements. Le risque d'infections est augmenté. Des cas d'allongement de l'intervalle QT ont été rapportés (rares).

- Zyloric : les réactions cutanées sont rares mais peuvent être graves.

- Topalgic : des vertiges, des céphalées, une somnolence, des nausées peuvent survenir.

Surveillance biologique et clinique

Même traité, le patient reste exposé à une progression de la maladie, ce qui doit conduire à une vigilance extrême et à un suivi régulier : notamment hémogramme complet réalisé toutes les deux semaines durant les deux premiers mois de traitement par Tasigna, puis une fois par mois ou lorsque la clinique le justifie.

La réalisation d'un ECG initial est conseillée avant l'initiation du traitement. Une hypokaliémie et/ou une hypomagnésémie éventuelles doivent être corrigées. Ces paramètres sont ensuite surveillés régulièrement. Autres : bilan hépatique et rénal, uricémie et uraturie des 24 heures...

Conseils au patient

Pour ce patient résistant au Glivec, la gravité de la maladie constitue une source d'angoisse et de découragement à l'origine parfois de répercussions psychosociales. Orienter si nécessaire vers des associations de patients.

Prise de Tasigna

- Même si le traitement a été initié à l'hôpital, les conditions de prise de Tasigna doivent être à nouveau précisées : administration deux fois par jour, à 12 heures d'intervalle environ, en dehors des repas car la prise alimentaire augmente l'absorption du nilotinib et entraîne une augmentation de la concentration plasmatique. Le patient ne doit rien manger dans les deux heures précédant la prise du médicament et dans l'heure suivante.

- En cas d'oubli, ne pas prendre les comprimés oubliés et ne pas doubler la prise suivante. Même conseil en cas de vomissements après une prise.

- Encourager l'observance : même lorsque la maladie semble stabilisée, ne pas arrêter son traitement.

Attention à l'automédication !

- Les interactions sont nombreuses sous Tasigna (et sous inhibiteurs de tyrosine-kinase en général) car la métabolisation de ces médicaments est modifiée par les substances interférant avec le cytochrome P450 3A4. Eviter l'automédication, y compris les plantes (millepertuis par exemple) et le paracétamol (il existe un risque d'hépatotoxicité). Déconseiller également la consommation de pamplemousse.

- Signaler le traitement à tout médecin.

Gérer les effets indésirables

Consulter le médecin devant l'apparition d'effets indésirables ou de fièvre. Certains sont transitoires ou peuvent être prévenus : réhydratation et mesures hygiénodiététiques en cas de diarrhée, prise ponctuelle de lopéramide.

Plan de prise conseillé

- Tasigna : avaler les gélules matin et soir à environ 12 heures d'intervalle. Ne consommer aucun aliment pendant les deux heures précédant la prise du médicament et pendant une heure au moins après celle-ci.

- Zyloric : prendre les comprimés après les repas pour améliorer la tolérance digestive.

- Topalgic : prise indifférente par rapport aux repas.

pathologie

La leucémie myéloïde chronique en 6 questions

La leucémie myéloïde chronique résulte d'une translocation chromosomique à l'origine de la synthèse d'une protéine anormale. Elle se traduit par une hyperleucocytose. Souvent découverte de façon fortuite, elle était de pronostic sombre avant l'arrivée des nouveaux traitements.

Qu'est ce que la LMC ?

- La leucémie myéloïde chronique appartient au groupe des syndromes myéloprolifératifs. Il s'agit d'une hémopathie maligne développée à partir du tissu myéloïde et présentant une prolifération sans blocage de maturation, par opposition aux leucémies aiguës. Les éléments présents dans le sang sont les stades terminaux de la lignée ou des précurseurs très différenciés : myélocytes ou métamyélocytes, peu de blastes (voir page 9).

- Tous les syndromes myéloprolifératifs ont en commun :

- une présentation clinique semblable avec notamment une splénomégalie (augmentation du volume de la rate) ;

- une hyperplasie des trois lignées myéloïdes (granulocytaire, érythrocytaire, mégacaryocytaire ou plaquette), avec souvent prédominance de l'une d'entre elles ;

- l'existence d'une phase chronique suivie éventuellement d'une phase de transformation aiguë ;

- d'éventuels accidents thrombotiques ou hémorragiques.

- Dans la LMC, la prolifération maligne prédomine sur la lignée granuleuse. Elle est liée à un processus monoclonal affectant une cellule-souche très primitive (cellule multipotente ou pluripotente) dans laquelle s'est formé par translocation le chromosome Philadelphie (voir page 9). Le chromosome Philadelphie (Ph1) est présent dans toutes les cellules leucémiques dérivées de cette cellule-souche.

- La cellule-souche prolifère tout en donnant naissance à des cellules matures quasi normales assurant leur fonction.

Quels facteurs de risque ?

Les radiations ionisantes (exposition à des radioéléments) peuvent favoriser l'apparition d'une LMC, de même que l'exposition au benzène, à certaines colles ou solvants. Mais, dans la plupart des cas, aucune cause n'est retrouvée.

Comment évolue la maladie ?

- L'histoire « naturelle » de la LMC non traitée comporte trois périodes :

- la phase chronique dure 4 à 5 ans ;

- la phase d'accélération (correspondant à la progression de la pathologie) est présente chez les trois quarts des patients : elle aboutit à la crise blastique en 3 à 18 mois ;

- la phase d'acutisation, appelée « crise blastique » ou « transformation aiguë », conduit au décès en quelques mois à un an (sauf rares exceptions). Cette transformation se fait dans deux tiers des cas vers une leucémie aiguë myéloïde et dans un tiers des cas vers une leucémie aiguë lymphoïde.

Un quart des patients passent sans transition de la phase chronique à la phase blastique.

- Lors du diagnostic et avant instauration d'un traitement, le score pronostique de Sokal permet de quantifier le risque de mauvaise évolution. Il est notamment basé chez le sujet de moins de 45 ans sur l'âge, le sexe, la taille de la rate, le pourcentage de blastes sanguins, la numération plaquettaire et l'hématocrite.

- Depuis l'introduction des inhibiteurs de tyrosine-kinase, le pronostic de la maladie a été largement modifié : 80 % des patients traités sont en vie à moyen terme et peuvent envisager une espérance de vie prolongée.

Quels sont les signes cliniques ?

En phase chronique

- La LMC est asymptomatique dans 50 % des cas.

- Parfois, on note la présence de signes généraux non spécifiques : asthénie, anorexie, perte de poids modérée, éventuellement fièvre, sueurs nocturnes. Une splénomégalie peut être observée (environ 40 % des cas) avec douleur dans l'hypocondre droit, sensation d'inconfort digestif.

- Autres symptômes : crise de goutte, coliques néphrétiques (en raison de la lyse des globules blancs libérant de l'acide urique).

En phase d'accélération

Altération de l'état général, amaigrissement, fièvre, hémorragies.

En phase blastique

Dégradation de l'état général avec sueurs nocturnes, douleurs osseuses et spléniques, hépatosplénomégalie, tendance aux hémorragies.

Comment se fait le diagnostic ?

Dans près de 50 % des cas, c'est la découverte fortuite d'une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles avec myélémie, réalisée au cours d'une numération-formule sanguine systématique, qui déclenche l'enquête étiologique.

La ponction-biopsie de moelle osseuse, le caryotype et/ou la biologie moléculaire permettent d'établir le diagnostic.

En phase chronique

- L'hémogramme est caractéristique : hyperleucocytose (souvent entre 100 et 300 x 109/l, parfois plus modérée) avec augmentation des polynucléaires neutrophiles (30 à 40 %) ; myélémie en proportion harmonieuse (comme dans la moelle osseuse, avec une majorité de myélocytes, rares myéloblastes, les blastes étant des cellules jeunes immatures) ; augmentation fréquente mais non obligatoire des plaquettes (thrombocytose modérée : 500 à 800 x 109/l ) ; globules rouges normaux ou diminués.

- Le myélogramme confirme le syndrome myéloprolifératif : hyperplasie granuleuse équilibrée (tous les stades de maturation sont présents), parfois associée à une hyperplasie mégacaryocytaire (plaquettes) et une hypoplasie érythroblastique.

- Le caryotype (analyse cytogénétique) met en évidence le chromosome Philadelphie avec translocation standard dans 95 % des cas. Dans 5 % des cas, il existe d'autres translocations associées au chromosome Philadelphie, voire des résultats normaux pour le caryotype (chromosome Philadelphie dit « masqué »). On a alors recours à la technique d'hybridation in situ fluorescente (FISH : des sondes moléculaires fluorescentes s'hybrident de façon spécifique sur les régions complémentaires des chromosomes 9 et 22) pour mettre en évidence la fusion des deux gènes.

- La biologie moléculaire utilise la technique de PCR (polymerase chain reaction) quantitative. Elle peut se faire sur le sang ou la moelle osseuse prélevée au niveau du bassin. Elle permet de quantifier avec une grande précision l'anomalie moléculaire BCR-ABL. Même en cas de chromosome Ph1 « masqué », la biologie moléculaire est positive.

En phases d'accélération et blastique

Le pourcentage de blastes dans le myélogramme et l'hémogramme augmente en phase accélérée et plus encore en phase blastique. Il existe une thrombocytopénie (diminution des plaquettes) et, en phase blastique, une chute des globules rouges.

Quels examens complémentaires ?

Des examens complémentaires mais non nécessaires au diagnostic sont réalisés : bilan biochimique (uricémie, créatinémie), bilan hépatique (possible infiltration du foie par les cellules myéloïdes), dosage de la lactate-déshydrogénase (taux élevé dans de nombreux cancers), groupage sanguin et HLA chez les moins de 65 ans en prévision d'une éventuelle allogreffe, sérologie CMV.

Physiopathologie de la LMC

La LMC est associée à une anomalie chromosomique responsable de la transformation d'une cellule-souche hématopoïétique en clone malin.

- Dans plus de 90 % des cas, la LMC est caractérisée par la translocation chromosomique réciproque entre les bras longs des chromosomes 9 et 22. Ceci aboutit à un chromosome 22 très court appelé chromosome Philadelphie (Ph1). Ce dernier comporte une séquence de gène appelé BCR-ABL résultant de la fusion des gènes BCR (du chromosome 22) et ABL (du chromosome 9).

- Dans 5 à 10 % des cas, le chromosome Ph1 n'est pas retrouvé tel quel mais impliqué dans des translocations complexes (chromosome Philadelphie dit « variant »).

- En fonction du site de cassure dans le gène BCR, différents transcrits hybrides sont produits. Le type majeur mène à la production d'une protéine hybride P210. Cette protéine, une tyrosine-kinase, stimule en permanence la division des cellules sanguines.

- On retrouve le chromosome Philadelphie dans les lignées de cellules sanguines qui découlent de la cellule-souche atteinte : essentiellement les polynucléaires, mais aussi les monocytes, les globules rouges, les plaquettes, les lymphocytes B (rarement les lymphocytes T et les cellules « natural killer »).

thérapeutique

Comment traiter la leucémie myéloïde chronique ?

Le traitement de la leucémie myéloïde chronique repose essentiellement sur les inhibiteurs de tyrosine-kinase, administrés par voie orale. Ces médicaments qui ciblent l'anomalie moléculaire à l'origine de la maladie ont révolutionné la prise en charge et le devenir des patients.

Interactions médicamenteuses

L'objectif du traitement de la leucémie myéloïde chronique est de réduire le risque de transformation aiguë en diminuant de façon importante voire, idéalement, en faisant disparaître les cellules portant les chromosomes transloqués.

Inhibiteurs de tyrosine-kinase

Les inhibiteurs de tyrosine-kinase (ITK) agissent en bloquant l'action de l'enzyme tyrosine-kinase dérégulée à l'origine de la production cellulaire anormale.

Imatinib (Glivec)

- L'imatinib, premier inhibiteur de tyrosine-kinase disponible en France, est aujourd'hui le traitement de référence de la LMC.

- Le RCP de Glivec ne mentionne d'une indication que chez les patients atteints de LMC nouvellement diagnostiquée lorsque la greffe de moelle osseuse ne peut être envisagée en première intention et chez les patients en phase chronique après échec de l'interféron alfa, ou en phase accélérée ou en crise blastique. En pratique, l'imatinib constitue actuellement le traitement de première intention de la LMC chromosome Philadelphie (BCR-ABL) positive de l'adulte et de l'enfant, quel que soit le stade de la maladie.

- Chez l'adulte, les posologies varient de 400 mg par jour en phase chronique de la maladie à 600 mg par jour en phase accélérée ou blastique. Chez l'enfant, la dose quotidienne est de 340 mg/m2 dans les phases chroniques et avancées. En cas d'absence de réponse ou de perte de réponse au traitement, ces posologies peuvent être augmentées.

- L'efficacité du traitement s'objective par différents critères (voir page 10). Une résistance au traitement peut parfois survenir.

ITK de 2e génération

- Actifs sur la plupart des mutants BCR-ABL, les inhibiteurs de tyrosine-kinase dits de seconde génération sont indiqués actuellement en traitement de seconde intention en cas de résistance ou d'intolérance à l'imatinib. Malgré l'absence de comparaison directe, les efficacités respectives de ces deux médicaments semblent être du même ordre.

- Le dasatinib (Sprycel) est indiqué dans le traitement de la LMC de l'adulte en phase chronique, accélérée ou blastique. Il s'administre à la posologie de 100 mg par jour en phase chronique et 70 mg deux fois par jour en phase accélérée ou blastique.

- Le nilotinib (Tasigna) est indiqué dans le traitement de la LMC de l'adulte en phase chronique et accélérée. La posologie est de 400 mg deux fois par jour et impérativement à distance de toute prise alimentaire.

Effets indésirables

- Les ITK peuvent induire très fréquemment (> 10 %) des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, constipation pour Tasigna), des céphalées, des oedèmes superficiels (périorbitaires, des membres inférieurs...) pouvant être contrôlés par des mesures hygiénodiététiques ou des diurétiques, des crampes musculaires et des douleurs musculosquelettiques. Un prurit, des éruptions cutanées et des réactions de photosensibilité sont également rapportés. La toxicité hématologique (anémie, thrombopénie, neutropénie) fait l'objet d'une surveillance particulière durant le traitement (hémogrammes réguliers) et peut nécessiter une réduction de posologie ou une suspension temporaire du traitement. Des facteurs de croissance hématopoïétique peuvent être administrés si nécessaire.

- Sous imatinib et nilotinib, la fonction hépatique doit faire l'objet d'une surveillance régulière.

- Sous imatinib, une modification de la couleur des cheveux est possible mais rare.

- Sous dasatinib, des épanchements pleuraux sont rapportés assez fréquemment.

- Sous nilotinib, des palpitations et un allongement de l'intervalle QT à l'ECG sont fréquents (> 1 %) mais sans conséquence clinique.

Grossesse et allaitement

L'absence de données formelles sur le risque tératogène des ITK explique que la mise en route d'une grossesse reste formellement déconseillée. Une contraception est recommandée chez les femmes en âge de procréer. L'allaitement est également déconseillé (passage dans le lait maternel).

Interactions médicamenteuses

- Les ITK sont métabolisés par l'isoenzyme 3A4 du cytochrome P450. Toute association avec un médicament à effet inducteur/inhibiteur de cette isoenzyme est donc susceptible de modifier leurs concentrations plasmatiques. La consommation de jus de pamplemousse (inhibiteur du CYP3A4) est à proscrire.

- L'utilisation de fortes doses de paracétamol est à éviter avec l'imatinib et le nilotinib en raison d'un risque de modification du métabolisme et de majoration de l'hépatotoxicité du paracétamol (risque d'hépatite fulminante). Cet effet n'est pas retrouvé en pratique avec le dasatinib. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (type ibuprofène) seront privilégiés.

- La biodisponibilité du dasatinib et du nilotinib est diminuée par la prise concomitante d'antiacides, d'anti-H2 ou d'inhibiteurs de la pompe à protons ; l'association n'est donc pas recommandée.

- L'association du nilotinib à des médicaments susceptibles d'allonger l'intervalle QT doit être prudente. Un électrocardiogramme sera réalisé avant la mise en route du traitement et devant tout signe clinique évocateur.

Critères d'efficacité

- L'évaluation de la réponse au traitement par inhibiteur de la tyrosine-kinase nécessite impérativement un suivi dans un centre spécialisé en hématologie. Différents niveaux de réponse sont à distinguer :

- Réponse hématologique : elle correspond à la normalisation de l'hémogramme et à la disparition des signes cliniques (en particulier la splénomégalie). Une réponse hématologique « complète » est attendue dans les 3 premiers mois de traitement. Le plus souvent, elle est obtenue au premier mois.

- Réponse cytogénétique : elle correspond à la diminution/disparition des cellules Philadelphie positives visibles dans la moelle osseuse. Elle s'objective par la réalisation d'un caryotype à partir d'un prélèvement médullaire. A 6 mois de traitement, une réponse cytogénétique, au moins « minime », doit être observée et à 12 mois celle-ci doit être « majeure » voire « complète ».

- Réponse moléculaire : elle correspond à la diminution/disparition du transcrit (ou ARN) de fusion BCR-ABL. Elle est objectivée, de manière quantitative, à partir d'un prélèvement de sang par un laboratoire spécialisé en biologie moléculaire. Une réponse moléculaire « majeure » doit être obtenue après la première année de traitement.

- Toute perte de réponse (hématologique, cytogénétique ou moléculaire) par rapport aux objectifs fixés ci-dessus doit aboutir à la réévaluation du traitement en cours.

Délivrance

La délivrance des ITK nécessite une prescription initiale hospitalière. Valable six mois, elle est réservée aux spécialistes en oncologie, en hématologie ou aux médecins compétents en cancérologie (également aux spécialistes en gastro-entérologie pour l'imatinib). Le renouvellement est réservé à ces mêmes médecins.

Interféron alfa

- L'interféron alfa est une cytokine ayant une action antiproliférative sur les cellules normales et tumorales via une action directe sur les cellules tumorales et via une interaction avec le système immunitaire. IntronA (interféron alfa-2b) et Roféron-A (interféron alfa-2a) ont une AMM dans la LMC. Leur association à la cytarabine (Aracytine, médicament cytotoxique) a longtemps constitué le traitement de référence de la LMC, avec une efficacité modérée comparée à celle des ITK aujourd'hui.

- En l'absence de toxicité pour le foetus, l'interféron alfa reste une alternative de traitement au cours de la grossesse.

- La posologie est de 5 MUI/m2/jour par voie sous-cutanée. La tolérance est médiocre : syndrome pseudo-grippal, syndrome dépressif, asthénie, perte de poids. Des anomalies hépatiques, cardiaques et rénales ainsi qu'une toxicité neurologique sont également décrites.

u- Le recours (hors AMM) à une forme retard peginterféron (Pegasys, Viraféronpeg) permet une administration hebdomadaire et une meilleure tolérance.

Hydroxyurée

- L'hydroxyurée ou hydroxycarbamide (Hydréa) inhibe la granulopoïèse puis la thrombopoïèse et l'érythropoïèse grâce à ses propriétés cytoréductrices. Elle est utilisée ponctuellement, pour débuter un traitement, en cas d'hyperleucocytose symptomatique ou de thrombocytose importante, ou en cas d'intolérance majeure aux autres thérapeutiques disponibles. C'est une chimiothérapie à visée purement symptomatique.

- L'excrétion étant essentiellement urinaire, il est nécessaire de contrôler la fonction rénale et de diminuer la posologie si nécessaire. En début de traitement, une lyse cellulaire massive peut entraîner une hyperuricémie dont la prise en charge associe l'allopurinol et une hydratation abondante.

- Effets indésirables : troubles gastro-intestinaux et dermatologiques (atrophie et ulcérations cutanées en cas d'administration à long terme).

- La surveillance hebdomadaire de l'hémogramme est impérative.

Greffe allogénique

La greffe allogénique de cellules-souches hématopoïétiques consiste, pour le patient atteint d'une hémopathie maligne, à recevoir une chimiothérapie intensive suivie de l'injection de cellules-souches hématopoïétiques prélevées au niveau de la moelle osseuse ou du sang périphérique d'un donneur compatible.

- L'allogreffe reste le seul traitement curatif de la leucémie myéloïde chronique permettant la disparition des cellules leucémiques et la reconstitution d'une hématopoïèse normale. Elle constitue une alternative, en seconde intention, face à l'apparition de résistance ou d'intolérance à l'imatinib ou lors de la progression de la maladie en phase accélérée ou blastique.

Stratégie thérapeutique

Pour la plupart des patients nouvellement diagnostiqués, le traitement de première intention repose sur l'imatinib à la posologie de 400 mg/jour. Si c'est insuffisant, la posologie est augmentée. En cas d'échec de l'imatinib aux doses maximales recommandées ou d'intolérance, le choix se porte sur un ITK de deuxième génération ou sur l'allogreffe de cellules-souches hématopoïétiques. En phase blastique, l'ITK (imatinib ou dasatinib) est généralement associé à une chimiothérapie fonction du type de transformation blastique (leucémie aiguë myéloïde ou leucémie aiguë lymphoïde).

Perspectives thérapeutiques

Plusieurs axes de recherche sont explorés.

- Evaluer, chez des patients en réponse moléculaire complète depuis plusieurs années, la possibilité d'interrompre le traitement par imatinib et ses conséquences en termes de progression de la maladie.

- Traiter la maladie résiduelle avec la recherche d'associations thérapeutiques efficaces.

- Développer de nouveaux inhibiteurs de tyrosine-kinase, notamment pour les patients porteurs d'une mutation particulière (nommée T315I) sur laquelle les ITK actuellement disponibles sont inefficaces.

- Le nilotinib et le dasatinib font également l'objet d'études cliniques visant à évaluer leur efficacité dans le traitement de première intention de la maladie en phase chronique et pourraient voir, dans l'avenir, leurs indications s'élargir.

Comment agissent les traitements de la LMC ?

La cellule leucémique (porteuse du chromosome Philadelphie) synthétise une tyrosine-kinase dérégulée BCR-ABL. Les substrats phosphorylés par cette enzyme sont responsables de l'inhibition de l'apoptose (mort cellulaire programmée) et induisent la prolifération des cellules leucémiques.

- Les inhibiteurs de tyrosine-kinase, imatinib, dasatinib et nilotinib, agissent au niveau de la cellule-souche leucémique porteuse du chromosome Philadelphie. Ils entrent en compétition avec l'ATP (adénosine triphosphate) au niveau de son site de liaison avec la tyrosine-kinase dérégulée et bloquent ainsi le mécanisme de phosphorylation des substrats et la prolifération cellulaire qui en découle. Le dasatinib et le nilotinib sont actifs sur de nombreux mutants résistants à l'imatinib.

- Le mécanisme d'action de l'hydroxyurée est mal connu. Elle agit essentiellement au niveau des cellules-souches de la moelle osseuse en inhibant la synthèse de l'ADN. Il y a inhibition de la synthèse de toutes les cellules, leucémiques et normales.

- Le mécanisme d'action de l'interféron alfa est complexe et mal élucidé.

conseils aux patients

Accompagner l'annonce

Dans la moitié des cas, la découverte de la maladie est fortuite. L'annonce du diagnostic de leucémie myéloïde chronique à un patient, souvent jeune, qui n'a aucun signe clinique est sidérante pour le patient.

La leucémie myéloïde chronique reste une pathologie effrayante malgré l'efficacité actuelle des traitements. Pour la majorité des patients et des familles, l'annonce est un choc immense. Ne pas hésiter à orienter vers des associations de patients (voir « Documentez-vous » page 15).

Insister sur l'observance

- La durée de vie des patients a beaucoup augmenté grâce aux traitements par inhibiteurs de tyrosine-kinase. Les patients ne suivent cependant pas toujours correctement leur traitement. Certaines études évoquent une observance autour de 70 % seulement. L'absence de signes cliniques de la maladie et la survenue d'effets indésirables médicamenteux (douleurs musculaires notamment) en sont les principales causes.

- Expliquer que la maladie peut réapparaître en cas de relâchement thérapeutique, qui est souvent le fait de patients mal informés. Seuls les médicaments sont capables d'en stopper l'évolution. La poursuite du traitement vise à maintenir l'excellente réponse.

- Par ailleurs, une surveillance régulière par un hématologue dans un centre de référence est un gage de suivi de qualité. Certains examens comme l'analyse cytogénétique (caryotype) et moléculaire sont pris en charge uniquement à l'hôpital.

Rappeler les modalités de prise des ITK

- Imatinib (Glivec) : une seule prise par jour ou deux prises par jour (matin et soir) si la posologie atteint 800 mg par jour. La prise se fait au cours d'un repas avec un grand verre d'eau. Eviter les jus d'agrumes ou les sodas (Coca-Cola...) pour limiter l'acidité, les oesophagites. Les comprimés peuvent aussi être dispersés dans un verre d'eau ou de jus de pomme en utilisant un volume de liquide approprié : environ 50 ml pour un comprimé à 100 mg et 200 ml pour le dosage 400 mg.

- Dasatinib (Sprycel) : prise indifférente par rapport aux repas.

- Nilotinib (Tasigna) : prise 2 fois par jour à 12 heures de distance et loin des repas. Ne rien consommer durant les deux heures qui précèdent la prise ni au cours de l'heure suivante.

Gérer les effets indésirables

- Orienter vers le médecin en cas de prise de poids (possible rétention hydrique), d'oedèmes palpébraux et des membres inférieurs. Des traitements symptomatiques peuvent être prescrits.

- Sous Glivec notamment, pour limiter les nausées, prendre le médicament à la fin d'un repas. Privilégier les petits repas avec des aliments tièdes, diminuer les graisses et les épices.

- Contre les diarrhées : limiter fruits et légumes crus. Boire suffisamment pour éviter la déshydratation. Conseiller du lopéramide si nécessaire.

- En raison du risque de photosensibilisation sous inhibiteurs de tyrosine-kinase, limiter les expositions solaires ou prévoir une protection suffisante (crème solaire et protection vestimentaire).

- En cas d'éruptions cutanées (notamment sous Tasigna), conseiller des antihistaminiques et un topique hydratant, voire un dermocorticoïde en attendant de voir le médecin.

- Les dysfonctionnements plaquettaires et les hémorragies imposent de consulter en cas d'apparition d'hématomes ou de saignements inhabituels.

- Les crampes musculaires sont fréquentes sous Glivec (notamment en cas de pratique d'un sport) : conseiller la prise de magnésium ou réorienter vers le médecin si elles sont invalidantes. La prescription d'Hexaquine est courante.

Surveiller l'automédication et les coprescriptions

La vigilance est de mise en cas d'automédication ou de présentation d'une ordonnance émanant d'un autre médecin que l'hématologue.

- Privilégier l'ibuprofène en cas de douleurs ou de fièvre. La prise de paracétamol doit être occasionnelle avec Glivec et Tasigna et se faire à dose modérée.

- Contacter le médecin en cas de prescription de médicaments inhibiteurs enzymatiques (clarithromycine, érythromycine, itraconazole, kétoconazole...) ou inducteurs enzymatiques (carbamazépine, dexaméthasone, millepertuis, phénytoïne, rifampicine...).

Accompagner le désir d'enfant

- Une LMC n'empêche pas d'avoir des enfants. Mais le traitement d'une patiente en désirant doit être modifié, avec recours à l'interféron, si elle prend des inhibiteurs de tyrosine-kinase, embryofoetotoxiques. Si une grossesse survient au cours d'un traitement par inhibiteurs de tyrosine-kinase, ce dernier est stoppé et remplacé par l'interféron. Un suivi gynécologique étroit est alors instauré. En cas de malformations, un avortement thérapeutique peut être envisagé.

- Si un patient est traité par ITK, la grossesse de sa partenaire est menée à terme avec déclaration au centre de pharmacovigilance pour un suivi de l'enfant à naître.

documentez-vous

Associations

Fédération Leucémie Espoir

Tél./fax : 02 98 95 53 71 - http://www.leucemie-espoir.org

La Fédération Leucémie Espoir (FLE) a pour vocation d'écouter et d'informer sur les leucémies de I'adulte et de I'enfant, le don de plaquettes, le don de moelle et les greffes de cellules-souches hématopoïétiques (moelle, sang de cordon...). Le site Internet renvoie aux associations départementales membres de la FLE. Un numéro Azur national est ouvert aux malades, à leur entourage et aux soignants (Leucémies Info Service : 0 810 000 425, du lundi au vendredi de 16 h à 19 h).

FILMC (France Intergroupe de leucémie myéloïde chronique)

Tél. : 05 49 44 42 01 - http://www.lmc-cml.org

Le site de cette association permet de faire le point sur la leucémie myéloïde chronique. L'onglet consacré à la pathologie décrit les manifestations cliniques de la maladie, les signes biologiques et bilans nécessaires au diagnostic, le traitement. Dans l'onglet « Informations patients », plusieurs brochures peuvent être téléchargées ou demandées gratuitement par les patients : elles regroupent des informations sur la maladie, sur les outils de surveillance et sur les modalités de traitement. Les renseignements et contacts concernant les essais cliniques actuellement en cours sont consultables également sur ce site.

Combattre la leucémie

Tél./fax : 01 45 55 03 11 - http://www.combattre-la-leucemie.com

Cette association a également pour but de soutenir la recherche contre les leucémies et d'autres maladies du sang et d'informer les patients et leurs familles sur les possibilités thérapeutiques et l'avancement de la recherche. En allant dans l'onglet « Les autres maladies », les patients ont la possibilité de télécharger un document pour recevoir gratuitement un ou plusieurs livrets spécifiques consacrés aux maladies du sang : les leucémies aiguës, la leucémie myéloïde chronique, la leucémie lymphoïde chronique, la leucémie à tricholeucocytes, les lymphomes malins non hodgkiniens et la maladie de Hodgkin...

Ce qu'il faut retenir

Les inhibiteurs de tyrosine-kinase (ITK) ont révolutionné la prise en charge de la LMC. Ils permettent de retarder le passage de la maladie de la phase chronique à la phase accélérée puis blastique.

Traitement de première intention

Imatinib (Glivec) : indiqué à toutes les phases de la maladie (chronique, accélérée, blastique). Posologie initiale en phase chronique : 400 mg/jour au cours des repas.

Si la réponse n'est pas optimale ou en cas d'évolution de la maladie : 600 à 800 mg/jour.

Traitement de seconde ligne

En cas de résistance à l'imatinib :

- dasatinib (Sprycel) : indiqué en phase chronique, accélérée ou blastique en cas de résistance à l'imatinib. Posologie : 100 mg par jour en phase chronique, 70 voire 100 mg 2 fois par jour en phase accélérée ou blastique pendant ou en dehors d'un repas ;

- nilotinib (Tasigna) : indiqué en phase chronique ou accéléré de la maladie. Posologie : 400 mg 2 fois par jour à 12 heures d'intervalle et à distance de toute prise alimentaire.

Greffe allogénique

Après une chimiothérapie intensive (associant généralement un ITK), elle reste le seul traitement curatif de la maladie. En phase accélérée, la recherche d'un donneur HLA compatible, familial ou non, est requise.

Conseils sous ITK

Insister sur l'observance du traitement : même si la maladie semble stabilisée, ne pas arrêter son traitement. Attention à l'automédication car il y a de nombreuses interactions ! La prise de paracétamol sous Glivec et Tasigna doit être prudente.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Ordonnance 1

Docteur Pierre Delabarre

Médecin hémato-oncologue

9, rue de la Reine

13000 Marseille

Tél. : 03 41 29 75 78

13 1 99999 8

Sur rendez-vous

Le 10 juin 2009

M. Robert M.,

52 ans

Sprycel 70 mg : 1 comprimé matin et soir

Allopurinol 300 mg : 1 comprimé le matin

qsp 1 mois

M. M. présente une ordonnance de son médecin généraliste avec Zeclar 500 mg, 1 comprimé par jour.

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 1 : OUI, pour l'ordonnance de Sprycel. En revanche, il ne faut pas délivrer Zeclar. Le dasatinib (Sprycel) étant un substrat du CYP3A4, son utilisation avec des médicaments inhibiteurs du CYP3A4 (kétoconazole, itraconazole, érythromycine, clarithromycine...) peut augmenter l'exposition au dasatinib. Cette association est déconseillée. Il convient d'appeler le prescripteur pour modifier l'antibiotique.

Ordonnance 2

Docteur Jules Martinet

CHU de Nancy

Service hématologie

54000 Nancy

Tél. : 03 41 29 75 78

54 1 99999 1

Sur rendez-vous

Le 11 juin 2009

Mme Françoise D.,

35 ans

Glivec 400 mg : 1 comprimé matin et soir

Allopurinol 300 mg : 1 comprimé le matin

qsp 1 mois

Mme D. demande du Doliprane car elle ressent des douleurs musculaires depuis hier.

Membre d'une association agréée, le règlement des honoraires par chèque est accepté.

Ordonnance 2 : OUI. Mais il faut limiter la prise de Doliprane qui doit rester ponctuelle et se faire à dose modérée. Même s'il ne s'agit que d'une mesure de prudence, Glivec peut augmenter la toxicité hépatique du paracétamol (risque d'hépatite fulminante), notamment si celui-ci est pris à forte dose. L'ibuprofène peut en revanche être conseillé sans risque.

Dr Lionel Vincent Hospices civils de Lyon Service d'hématologie et maladies du sang

69000 Lyon

69 1 99999 1

Le 9 juin 2009

Monsieur René L.,

59 ans, 73 kg

Tasigna 200 mg : 2 gélules 2 fois par jour à 12 heures d'intervalle

Zyloric 300 mg : 1 comprimé le soir

Profénid 100 mg : 1 comprimé 2 fois par jour

qsp 1 mois

Les médicaments prescrits

- Tasigna (nilotinib)

- Antinéoplasique, inhibiteur de l'activité tyrosine-kinase BCR-ABL.

- Indiqué chez l'adulte dans le traitement de la LMC chromosome Philadelphie positive en phase chronique et en phase accélérée, résistant ou intolérant à un traitement antérieur incluant l'imatinib (Glivec).

- Posologie : 400 mg deux fois par jour à 12 heures d'intervalle aussi longtemps que le patient en tire un bénéfice.

Zyloric (allopurinol)

- Hypo-uricémiant, inhibiteur de la xanthine-oxydase, enzyme responsable de l'uricosynthèse.

- Indiqué dans le traitement des hyperuricémies symptomatiques primitives ou secondaires (hémopathies, néphropathies, hyperuricémie iatrogène).

- Posologie : chez l'adulte, 100 à 300 mg par jour, dose à déterminer en fonction de l'uricémie et l'uraturie. Jusqu'à 10 mg/kg/jour dans les hyperuricémies secondaires aux hémopathies malignes et à leur traitement par cytotoxique.

Profénid (kétoprofène)

- Anti-inflammatoire non stéroïdien dérivé de l'acide propionique.

- Indiqué notamment dans le traitement des rhumatismes inflammatoires chroniques et de certaines arthroses douloureuses et invalidantes.

- Posologie : 100 à 200 mg par jour au long cours ; 300 mg en phase aiguë sur une courte durée.

CONTACTER LE MÉDECIN

L'association d'antisécrétoires (IPP, anti-H2) est déconseillée avec Tasigna. Les brûlures d'estomac du patient incitent le prescripteur à remplacer Profénid par Topalgic, un dérivé opioïde.

LES CHIFFRES

- Incidence annuelle en France : 1,2 à 1,3/100 000 habitants. 700 nouveaux cas en moyenne par an.

- Un peu plus fréquente chez l'homme que chez la femme (1,2 pour 1).

- Pic moyen de fréquence d'âge : 52 ans, mais les 25-30 ans sont aussi atteints (environ 30 % des malades) ainsi que les sexagénaires. Très rare chez l'enfant et les plus de 80 ans.

Quelles sont les causes de la résistance à l'imatinib ?

On distingue les résistances primaires, lorsque les réponses ne sont pas obtenues d'emblée, et les résistances secondaires lorsqu'il y a perte de réponse ou transformation au cours du traitement alors que celui-ci était initialement efficace. Les mécanismes responsables de ces résistances sont multiples et intriqués.

- Mutation du domaine kinase de BCR-ABL : c'est la cause la plus fréquente de résistance à l'imatinib, avec pour conséquence une modification de la fixation du médicament à son site d'action et une perte d'activité pharmacologique.

- Modification de la concentration intracellulaire en imatinib : elle peut être liée à la variabilité d'absorption du médicament d'un individu à l'autre ou à des phénomènes d'induction/inhibition enzymatique lors d'associations médicamenteuses. Les patients doivent donc être interrogés sur les modalités de prise de l'imatinib et sur d'éventuelles prises médicamenteuses concomitantes. Un dosage plasmatique de l'imatinib est réalisé.

- Amplification de la protéine tyrosine-kinase BCR-ABL : elle se traduit par une production excessive de la protéine au sein de la cellule leucémique Philadelphie positive, avec perte de la sensibilité au traitement par imatinib.

- Evolution clonale de la maladie : elle se traduit par l'acquisition, par les cellules leucémiques, d'anomalies supplémentaires qui vont favoriser l'échappement au traitement par imatinib.

- Persistance de cellules-souches quiescentes (ou maladie résiduelle) : elle s'explique par la formation d'un réservoir de cellules qui reste insensible à l'imatinib et qui est à l'origine de la persistance et de l'évolution inéluctable de la maladie lorsque le traitement est interrompu.

Contre-indications absolues

Hydroxyurée : femme enceinte ou période d'allaitement.

Interféron alfa : affection cardiaque sévère préexistence ou antécédents, insuffisance sévère rénale, hépatique ou médullaire, épilepsie non contrôlée et/ou atteinte des fonctions du système nerveux central, hépatite chronique récemment traité ou en cours de traitement par des agents immunosuppresseurs, hépatite chronique évoluée et décompensée ou cirrhose hépatique, syndrome dépressif préexistant (risque de suicides).

point de vue

« L'interféron n'a peut-être pas dit son dernier mot dans cette maladie »Quel est aujourd'hui le devenir des patients atteints de LMC ?

La majorité des patients en phase chronique sont sous Glivec et ont une vie normale. On parle de maladie « inapparente ». Les patients ne sont pas guéris mais la maladie ne progresse pas et le risque de transformation aiguë est fortement diminué. En revanche, pour un petit nombre de patients la maladie progresse. A l'heure actuelle, en phase aiguë, le traitement comporte généralement du Sprycel et éventuellement une chimiothérapie. S'il y a un donneur, l'allogreffe est indiquée dans la foulée mais elle ne permet de sauver qu'environ 50 % des patients. Pour les autres, soit la greffe n'éradique pas complètement la maladie, soit elle est à l'origine de complications graves voire mortelles (maladie du greffon contre l'hôte).

En dehors de la grossesse, y a-t-il une place pour l'interféron alfa ?

L'interféron alfa n'est généralement efficace qu'en phase chronique. Soit, effectivement, en cas de grossesse ou chez les patientes souhaitant une grossesse, soit en cas de mutation T315I en phase chronique rendant inefficace les inhibiteurs de tyrosine-kinase. Par ailleurs, un essai national en cours associant Glivec et interféron pégylé (chez des patients en phase chronique au diagnostic) démontre des taux de réponses moléculaires très élevés dans cette branche comparé aux autres branches (Glivec 400, Glivec 600, Glivec 400 et Aracytine en sous-cutané). Donc, très probablement, l'interféron n'a pas dit son dernier mot dans cette maladie.

Dr Franck-Emmanuel Nicolini

hématologue, secrétaire de l'association France Intergroupe des leucémies myéloïdes chroniques

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