Dépister le sida en officine, c'est possible ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2783 du 06/06/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2783 du 06/06/2009
 

ESPAGNE

Initiatives

Guillem Bagaria est l'un des 36 pharmaciens catalans qui participent actuellement à un programme pionnier en Europe de détection du virus du sida. Son implication est totale dans ce qu'il considère comme une riche expérience humaine et une occasion d'améliorer encore l'image de l'officine.

C 'est une démarche très gratifiante. » À 33 ans, le Catalan Guillem Bagaria, qui dirige avec sa mère une pharmacie de L'Hospitalet, ville limitrophe de Barcelone, ne cache pas sa satisfaction. « Je viens de faire passer le test à un jeune homme qui, après avoir mené une vie sexuelle mouvementée, voulait à tout prix rassurer sa nouvelle amie », explique-t-il en souriant. Autre exemple avec cet homosexuel ayant découvert l'infidélité de son compagnon au travers d'un test réalisé par celui-ci après l'ablation d'une verrue. « Il savait que lui-même pouvait avoir été infecté, mais était déjà prêt à pardonner », se souvient le pharmacien avec émotion. Le test s'est avéré négatif, comme les 810 réalisés à ce jour (sur un total prévu de 1 500) par les pharmacies participantes, toutes volontaires. Dans la population jeune, qui voit dans la garantie totale d'anonymat une bonne occasion de se faire tester, le soulagement est souvent énorme à l'annonce du résultat. « Beaucoup éclatent en larmes et nous remercient chaleureusement », reconnaît Guillem Bagaria.

S'impliquer en exploitant sa proximité avec le patient

Au siège de la COFB, le Collège des pharmaciens de Barcelone, Rafaël Guyata, conseiller scientifique, revient sur la genèse de l'opération : « De notre part, pharmaciens, tout est parti d'une volonté de nous impliquer davantage comme agents de santé en exploitant notre facteur de proximité .» La difficulté de détection du virus dans certaines zones géographiques et parmi certains groupes d'individus ainsi que l'incidence du diagnostic tardif (30 %) était depuis longtemps un vrai casse-tête pour le « Departament de salut de la generalitat », le ministère de la Santé du gouvernement régional. Très active, aguerrie (les pharmaciens catalans participent déjà à plusieurs programmes : échange de seringues, délivrance de méthadone, etc.), la COFB s'est vite positionnée comme un partenaire idéal. « Un jeune craint moins d'entrer dans une pharmacie que de téléphoner pour prendre rendez-vous dans un centre sanitaire », estime Rafaël Guyata. Pendant un an et demi, le « Departament » et la COFB ont donc peaufiné leur projet dont le coût, de 36 000 euros, est pour partie pris en charge par les laboratoires pharmaceutiques. Afin d'éviter tout conflit avec les organisations non gouvernementales offrant déjà le test dans la ville de Barcelone, les pharmacies volontaires se situent dans des villes limitrophes. Deux aspects ont été particulièrement soignés : la confidentialité des données et la formation des pharmaciens volontaires. Chacun d'entre eux a reçu une formation de trois jours axée sur le « counselling », notion regroupant l'entretien motivationnel, le conseil médical et la psychologie. « Il a fallu faire des exercices pratiques en situation. En effet, l'annonce du résultat d'un test aussi important n'entre pas du tout dans nos fonctions habituelles », se souvient Guillem Bagaria. L'implication des officinaux participants a d'ailleurs été remarquée par Juanjo Marcort, de la CAMFIC, la Société catalane des médecins de famille, qui fait partie des médecins formateurs : « Les pharmaciens étaient motivés et ils ont fort bien saisi l'importance du moindre détail aussi bien dans la phase de prétest que de post-test. »

15 minutes de test, 15 minutes d'information, 15 euros

Dans sa pharmacie, Guillem Bagaria avoue qu'il se « sent préparé ». Il n'a encore annoncé aucun résultat positif (auquel cas il devrait envoyer le patient vers l'hôpital de L'Hospitalet pour un diagnostic plus approfondi) mais la méthodologie mise en place pour le test le met en confiance. Celui-ci se déroule sur rendez-vous, moyennant la simple signature d'un formulaire par la personne testée. En dépit de la garantie de confidentialité, les « candidats » portent presque toujours leur choix sur des pharmacies éloignées de leur lieu de résidence. Le test proprement dit (Determine HIV 1/2 d'Inverness Medical) consiste à retirer une goutte de sang et à la déposer avec une pipette sur une languette réactive. Hautement fiable selon la COFB, il permet de détecter en 15 minutes la présence d'anticorps. Dans son bureau, porte close, Guillem Bagaria doit mettre à profit ce laps de temps pour préparer les jeunes à toute éventualité et, surtout, leur transmettre un maximum d'informations sur la maladie et les pratiques sexuelles à risque. « Il est étonnant de voir combien l'ignorance est encore répandue sur ces sujets », note-t-il. Sa mère, Maria Asunción Casanova, se moque affectueusement de lui : « Il m'a avoué qu'il se sentait un peu comme un curé prêchant la bonne parole. » Enfin, la « Generalitat » verse à la pharmacie 15 euros par test effectué.

Le médecin n'a pas le temps

Non seulement l'initiative a reçu un excellent accueil parmi la population, mais les médecins la voient plutôt d'un bon oeil. « Le pharmacien ne formule aucun diagnostic et n'excède à aucun moment son rôle », affirme-t-on à la COFB. De plus, contrairement à ce qui se passe dans le système de santé public espagnol où la durée moyenne d'une consultation chez le généraliste est de 5 minutes, les 15 minutes du test permettent de transmettre une information assez complète sur la maladie. Les seules réserves proviendraient de certains médecins épidémiologistes mettant en doute l'opportunité de tests à grande échelle au sein de la population générale. Quoi qu'il en soit, au rythme où affluent les demandes, les 1 500 tests prévus devraient être épuisés assez rapidement et la COFB prévoit de dresser en septembre ou en octobre un premier bilan de cette démarche originale. « Sur le plan personnel, je suis très satisfait. J'ai toujours cru que la dimension humaine de la profession était au moins aussi importante que la vente de produits et j'ai ainsi l'impression de défendre notre image », conclut Guillem Bagaria.

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Les avantages

- Une formation préalable riche en enseignements psychologiques.

- Une expérience humaine gratifiante.

- Un service reconnu par les médecins.

- Un bénéfice en termes d'image pour la profession.

Les inconvénients

- Une surcharge de travail pour les autres employés de l'officine au moment des tests.

- Une rémunération de 15 euros par test est acceptable au cours d'une expérience pilote mais pas sur le long terme.

Les conseils

- Préparez-vous à l'impact émotionnel de l'annonce d'un résultat positif.

- Disposez d'un local isolé pour recevoir les volontaires et leur fournir les explications nécessaires.

- Dissuadez avec psychologie les volontaires dont les pratiques ne comportent aucun risque.

- Avec le personnel, intégrez le test dans la routine de l'officine pour ne pas affecter le reste de l'activité : seul un pharmacien par officine - celui qui a reçu la formation - est habilité pour faire passer le test de dépistage.

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