Joli bilan ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2776 du 18/04/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2776 du 18/04/2009
 

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Le bilan pharmaceutique personnalisé, Céline Turci y croit dur comme fer, au point d'en avoir fait sa thèse suite à un travail réalisé par des étudiants de la faculté de pharmacie de Lyon. Sa titulaire est déjà convaincue du bien-fondé de la démarche et de plus en plus de patients y adhèrent !

Le bilan pharmaceutique personnalisé - nouvelle mission du futur pharmacien coordonnateur ? -, Céline Turci en a déjà fait son cheval de bataille et son sujet de thèse. « Je me suis appuyée sur une étude menée par une trentaine d'étudiants en pharmacie lyonnais l'année dernière, raconte l'étudiante en stage de 6e année à la Pharmacie centrale de Communay, dans le Rhône. Chaque étudiant avait réalisé cinq bilans pharmaceutiques personnalisés. Leur intérêt est évident. Il est absolument nécessaire de voir en détail avec les patients les bases et les spécificités de leur traitement lors d'une première prescription, puis d'y revenir périodiquement en cas de traitement long. Cela permet non seulement de leur en expliquer le protocole, mais aussi, parfois, de déceler des comportements inadaptés voire dangereux. »

Les patients inclus dans l'étude étaient vus une première fois et remplissaient un questionnaire destiné à savoir s'ils prenaient bien leur traitement et respectaient leur suivi biologique, et à mesurer leur connaissance des différents médicaments. Les étudiants devaient ensuite travailler sur l'historique du patient, sa problématique, et préparer pour le rendez-vous suivant un schéma de soins comprenant un plan de prise avec les posologies et les principales informations pour chaque médicament (indications, contre-indications, interactions à éviter) ainsi que des conseils hygiénodiététiques. Un troisième rendez-vous, deux mois plus tard, permettait d'évaluer les changements concernant la prise du traitement, la connaissance de la pathologie et des différents médicaments, ainsi que leur « comportement hygiénodiététique ».

Dans son sujet de thèse, Céline a souhaité faire un parallèle avec le système québécois, lequel intègre la pharmacie clinique à l'officine en prenant en charge le patient de façon globale. « A l'image de ce qui se passe au Québec, le postulat de départ était que pour qu'un médicament soit efficace, il faut aussi tenir compte de l'environnement et essayer d'améliorer celui-ci », explique Céline.

Les patients connaissent mal leur traitement

En analysant les résultats des quelque 150 bilans pharmaceutiques réalisés par ses prédécesseurs, Céline Turci fut étonnée par le nombre de problèmes rencontrés sur des traitements apparemment simples. « Curieusement, explique-t-elle, c'est souvent chez les patients qui avaient le moins de questions à poser sur leur ordonnance que les étudiants décelaient lors de la discussion un manque d'information ou des erreurs de prise. » Un asthmatique, par exemple, prenait le bronchodilatateur prescrit en cas de crise de façon quotidienne, comme s'il s'agissait d'un traitement de fond. Un autre patient polymédiqué avec un plan de prise matin, midi et soir, ingérait l'intégralité des gélules et comprimés le matin, « pour en être débarrassé » ! « Peu de personnes savent que le Lévothyrox se prend à jeun », cite encore l'étudiante.

Outre le traitement, l'entretien en face à face permet de mieux connaître le patient et le milieu dans lequel il évolue. « Connaître son environnement permet de lui donner des conseils appropriés et personnalisés, reprend Céline. L'alimentation, en particulier, laissait souvent à désirer : la moitié des patients mangeait de façon déséquilibrée (selon l'appréciation des étudiants) et certains étaient convaincus du contraire. Par exemple, un patient déclarait ne manger ni sucre ni graisse, et jamais de féculents car il faisait un régime drastique. Dans le même temps, il disait consommer de la charcuterie et du fromage à volonté ! Pour lui, les féculents étaient assimilés à des sucres, donc il les avait bannis de son alimentation. » Selon l'étudiante, le rôle du pharmacien, sans être diététicien, est aussi de donner des conseils avertis et d'alerter ses clients sur les risques que présentent certains régimes piochés au hasard des médias ou de l'entourage...

Une façon de faire un lien avec les médecins prescripteurs

De ce travail d'analyse, Céline tirera des enseignements qu'elle s'efforce de mettre en pratique à son tour au comptoir quotidiennement. « Cela nous a permis d'apprendre qu'un patient, client fidèle depuis plusieurs années, avait subi un double pontage cardiaque deux ans auparavant. Il n'en avait jamais parlé au comptoir... » Depuis le bilan réalisé par Céline, le comportement de l'homme a changé. Et celui de sa titulaire aussi ! « Lorsqu'il vient, il aborde de préférence Céline, note Marielle Raffin. Il s'est créé une réelle relation. » La titulaire, à qui sa stagiaire a fait découvrir l'intérêt des bilans pharmaceutiques, envisage d'en faire usage plus fréquemment : « Nous sommes en cours de transfert et je vais prévoir un bureau qui permettra de recevoir les clients de façon plus tranquille et confidentielle. Les clients aussi apprécient. Ils repartent avec un dossier complet concernant leur traitement auquel ils peuvent avoir recours une fois chez eux. »

Pour Céline Turci, le bilan pharmaceutique personnalisé peut aussi devenir un lien avec le médecin prescripteur. « L'analyse des bilans montre que les erreurs hygiénodiététiques sont nombreuses, notamment chez les diabétiques. Le pharmacien pourrait éventuellement prévenir le médecin qu'une séance avec un diététicien serait préférable », suggère l'étudiante, qui imagine volontiers ces entretiens comme une suite logique de la consultation médicale. « Les médecins sont de moins en moins nombreux, et le nombre de patients va croissant : ces entretiens seraient une façon d'aider les médecins en les soulageant d'un certain nombre d'informations à donner aux patients, continue Céline. L'idée serait même qu'ils puissent, lors d'une initiation de traitement antihypertenseur par exemple, recommander au patient un entretien pharmaceutique chez son pharmacien "référent" (qui lui délivrera le traitement pour la première fois). L'officinal lui proposerait une information sur son traitement, les objectifs tensionnels, etc. »

Un espace confidentiel et une équipe étoffée

Pour l'avoir mis en pratique lors de son stage, Céline connaît toutefois aussi les difficultés posées par ce type d'entretien. « Outre des locaux adaptés, l'équipe officinale doit être suffisante pour permettre à un pharmacien de quitter le comptoir durant vingt minutes à une demi-heure. De plus, certains patients sont plus faciles à convaincre que d'autres, les jeunes actifs par exemple. Enfin, le pharmacien doit savoir communiquer. Les entretiens doivent se dérouler dans une ambiance sereine : le but n'est pas de morigéner les patients en pointant du doigt leurs erreurs, mais d'établir des objectifs avec eux, d'apparaître comme de véritables partenaires de leur santé. Pour cela, le pharmacien doit être dans l'empathie, soutenir le patient sans être moralisateur, insiste encore Céline, totalement convaincue du bien-fondé de son projet. S'ils sont bien cadrés, ces entretiens peuvent être un moyen à long terme de faire faire des économies à la Sécurité sociale. En luttant contre les comportements "déviants", on diminue l'apparition d'éventuels effets indésirables, les hospitalisations pour iatrogénie, l'inefficacité de certains traitements... et on améliore la qualité de vie des patients. Tout le monde y gagne ! »

Voilà un stage de sixième année dont le bilan sera à n'en pas douter positif !

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Le bilan pharmaceutique personnalisé renvoie une image très éthique de l'officine

- Il permet de mieux connaître la globalité des pathologies des clients.

- Il change les relations avec ses patients.

Les inconvénients

- Les clients ne comprennent pas toujours qu'il faut prendre rendez-vous.

- Cette activité nécessite un local spécifique.

- La démarche nécessite aussi une préparation personnalisée pour chaque patient : se documenter, imprimer le dossier. C'est chronophage mais le temps passé à cette préparation diminue avec l'habitude.

Les conseils

- Bien sélectionner le type de clients à qui l'on propose ces entretiens.

- Planifier suffisamment à l'avance les rendez-vous pour laisser du temps à leur préparation.

- Gérer les bilans par informatique permet de les retrouver et d'intégrer toute modification rapidement.

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