La guerre d'indépendance aura-t-elle lieu ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 2771 du 21/03/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2771 du 21/03/2009
 

Comparatif

SEL, holdings, commerce associé et, peut-être demain, succursales, franchises, chaînes... Dans l'optique de la restructuration du réseau, chacun fourbit ses armes. Tour d'horizon de l'arsenal capitalistique, avec ses avantages et ses dangers.

La pharmacie a longtemps été une profession artisanale, au meilleur sens du terme. L'exercice de cet art, dont la pratique reposa longtemps sur les seules préparations, ne pouvait être qu'individuel. Cette responsabilité personnelle du pharmacien est inscrite dans notre réglementation depuis le milieu du XIXe siècle. On le sait, celle-ci impose qu'un pharmacien soit le propriétaire de l'officine où il exerce et dont il est responsable. La loi a bien prévu certains aménagements, avec la possibilité d'exercice en association, en SNC, voire en SARL ou en SA, mais les ouvertures les plus significatives à cette règle d'indivisibilité de la propriété et de l'exploitation, autrement dit entre le capital et le travail, ne sont apparus qu'avec la loi sur les SEL, en 1990. En fait, dans une pharmacie exploitée en société, c'est cette dernière, personne morale, qui est propriétaire alors que c'est le pharmacien, personne physique, qui exerce.

Indépendant ne veut pas dire nécessairement isolé

Cependant la pharmacie demeure une profession libérale et, pour l'essentiel, l'entreprise officinale une entreprise individuelle, dont le titulaire - au sens de responsable de l'activité pharmaceutique - est le propriétaire. Mais indépendant ne veut pas nécessairement dire isolé. Deux pharmacies sur trois au moins appartiennent aujourd'hui à un groupement, régional ou national.

Or nous assistons ces dernières années à une remise en question de ce modèle séculaire. La pression vient de plusieurs côtés. D'abord, de la profession elle-même, dont certains membres - parfois responsables de groupements - s'impatientent de voir sortir les décrets d'application de la loi MURCEF de 2001 permettant de créer des holdings (sociétés de participation financière de profession libérale, SPF-PL) donnant à des pharmaciens la possibilité de participer au capital de plusieurs officines. De multiples formules sont envisagées mais, concrètement, aucune limitation, ni de nombre ni de territoire, n'est arrêtée à ce jour. En tout cas, on voit bien qu'une telle ouverture permettrait de créer des réseaux d'officines plus ou moins intégrés.

Sans revendiquer d'intervention sur le capital, certains groupements - y compris ceux suscités par les leaders européens de la répartition pharmaceutique - parient sur le développement de réseaux de pharmaciens indépendants, partageant de multiples services à forte valeur ajoutée. Certains misent de plus en plus sur une stratégie d'enseigne, tandis que d'autres assurent s'en tenir au seul « back-office ».

Des pharmaciens québécois indépendants sous bannière

Dans le même temps, la grande distribution - laquelle constitue au demeurant un aiguillon puissant pour les tenants des évolutions internes à la profession- multiplie les assauts contre la réglementation et les monopoles pharmaceutiques. On sent bien qu'ils n'auront de cesse que d'ouvrir des rayons dans lesquels les médicaments, OTC d'abord, de prescription sûrement plus tard, serviraient de produits d'appel.

Il faut également mentionner ici l'influence des modèles étrangers. Si la plupart des Français, pharmaciens ou simples usagers, considèrent les pharmacies américaines comme des « bazars », nombreux sont ceux qui louent les pharmaciens québécois indépendants affiliés à des « bannières ». L'Europe, tout autour de nous, semble peu à peu faire craquer les modèles monolithiques issus du passé pour offrir dans un même pays plusieurs modes d'exercice qui, dans la plupart des cas, coexistent sans trop de problèmes. Ici encore, les leaders de la répartition, qui opèrent déjà dans des chaînes de pharmacies de plusieurs pays européens, ne peuvent rester en dehors de ce qui résulterait d'une évolution du cadre législatif et réglementaire français.

Se garder de la seule logique financière

Pour compléter la liste des facteurs de déstabilisation, il faut bien sûr évoquer la Commission européenne et les tenants de l'ultralibéralisme dans le système politique français. Les attaques du commissaire Charlie McCreevy sont en effet relayées chez nous par une série de rapports où les défenseurs de la liberté d'entreprendre s'associent aux dénonciateurs des « privilèges » des pharmaciens pour prôner l'ouverture du capital des officines au bénéfice de chaînes, supposées sources d'économie pour l'assurance maladie et de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. Evolution à laquelle certains politiques, y compris dans le gouvernement actuel, ne sont pas insensibles. Fort heureusement, il y a quelques semaines les conclusions d'Yves Bot, avocat général près la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), ont montré le caractère simpliste voire dangereux de cette vision de seule logique financière.

Pourtant, il faut admettre que l'exercice isolé et strictement individuel paraît mal armé pour répondre aux exigences de l'époque, qu'il s'agisse des contraintes économiques, financières et réglementaires actuelles, des nouvelles missions du pharmacien telles que la loi les reconnaît désormais ou des attentes du public. Par ailleurs, le récent échec de la Commission européenne face à la CJCE sur les dossiers italien et sarrois ne signifie pas la fin des attaques contre notre modèle - de nouvelles offensives, ou leur déplacement sur le terrain national n'étant pas à exclure. Dès lors, la question doit être posée et la réflexion engagée.

C'est la raison pour laquelle nous vous présentons les modèles économiques auxquels vous pourriez vous trouver confrontés. Que cela vous plaise ou non...

L'exercice individuel isolé Un grand classique

C'est bien sûr le mode d'exercice « historique » : un pharmacien propriétaire d'une officine, au sein de laquelle il exerce avec une équipe plus ou moins nombreuse. L'indépendance absolue, diront les uns, l'isolement absolu rétorqueront les autres.

En fait, cet exercice peut s'envisager de diverses manières :

- l'exercice individuel strict : un titulaire seul. Avantage : il fait tout. Inconvénient : il fait tout ! Polyvalence et omniprésence exigées ;

- l'exercice en association : deux, trois pharmaciens voire davantage s'associent pour détenir ensemble le capital d'une officine où ils exercent, souvent en se répartissant les rôles, comptoir, gestion, achats, personnel... Avantage : meilleure gestion du temps et des compétences. Inconvénient : la nécessité de trouver un accord à plusieurs sur chaque décision importante et d'accepter de partager pouvoir et autorité.

La forme juridique de l'activité officinale ne joue guère de rôle a priori : en nom propre, EURL ou SEL unipersonnelle pour les pharmaciens individuels, en SNC, SARL ou SEL pour les pharmaciens associés. On notera cependant que dans le cas d'une SEL dont 49 % du capital est détenu par un pharmacien n'y exerçant pas, ce partenaire financier ne manque en général pas d'avoir à tout le moins une certaine influence sur la conduite de l'entreprise.

Les SEL familiales Peu de risques

Cette appellation ne recouvre aucune forme juridique particulière. Mais il est de fait qu'il était de longue date fréquent de voir un couple de pharmaciens gérer chacun une pharmacie. Lorsqu'on ajoute à cela qu'il n'est pas rare que les enfants de pharmaciens poursuivent dans la voie tracée par leurs parents, on conçoit que se créent ainsi ce que l'on pourrait appeler des micro-chaînes familiales. Les divs relatifs aux SEL ont donné à ces miniréseaux un cadre juridique incitatif. Dans une telle structure, l'intérêt est de mutualiser certaines fonctions, notamment concernant les achats. Peu de risques, si ce n'est dans le contenu des conversations lors des repas en famille.

cascades Une dizaine en France

Le système français a vécu plus d'un siècle sur la stricte application du principe d'indivisibilité entre propriété et exercice, dont la remise en cause n'est intervenue que ces dernières années. D'abord par une application des divs relatifs aux SEL qui, pour ne pas être dans l'esprit de la loi, n'en est pas moins parfaitement légale. La loi sur les SEL dispose en effet qu'un pharmacien exploitant une pharmacie en nom propre peut également intervenir, en deçà de 50 %, au capital de deux autres exploitées en SEL. Chaque SEL peut aussi être actionnaire minoritaire de deux autres SEL.

L'intention du législateur était de voir se créer des synergies fortes, fondées sur la mise en oeuvre de complémentarités professionnelles, entre entreprises libérales amenées à concourir à un même « chantier » ou à mettre en commun des moyens hors de portée de professionnels isolés. Pour autant, la loi n'a rien prévu qui interdise la constitution de « cascades », faisant intervenir un pharmacien entrepreneur et entreprenant au capital d'un nombre relativement élevé d'officines, bien loin de l'esprit du principe d'indivisibilité et de l'exercice individuel. Dans ses recensements réguliers, l'Ordre, qui immatricule et suit ces entités juridiques en plus des pharmaciens qui y exercent, en identifie quelques dizaines, sans relever semble-t-il d'anomalie dans leur fonctionnement.

Il va de soi que les pharmacies ayant ainsi un ou plusieurs actionnaires communs vont en général au-delà de ce simple partage. A la détention de parts minoritaires du capital s'associent, dans un esprit d'optimisation de la gestion et des marges, d'autres mises en commun concernant avant tout les achats, mais aussi l'informatique, les relations avec les établissements financiers, la gestion du personnel, etc.

SEL et holdings Fermées ou ouvertes

Alors que les décrets d'application de la loi MURCEF à la profession pharmaceutique ne sont toujours pas publiés plus de sept ans après la promulgation de ce div fourre-tout, on ne sait encore si une SEL ne pourra à l'avenir exploiter plus d'une seule officine, comme c'est le cas aujourd'hui, ni combien d'officines une SPF-PL pourra détenir, ni sur quel territoire, ni précisément avec quels associés, a priori tous libéraux... Mais cette incertitude n'empêche pas certains de spéculer sur diverses hypothèses et de se préparer à y conduire des développements plus ou moins raisonnables. Après tout, pourquoi pas ? Reste que certains seront, on peut le craindre, déçus parce que le législateur finira par sortir de son chapeau... En tout cas, il n'est pas interdit d'imaginer certaines options plausibles, voire de les suggérer aux pouvoirs publics, manifestement peu pressés de trancher entre des visions souvent mal étayées. Et, à partir de ces hypothèses, il est possible de proposer des modèles d'organisation propres à s'intégrer au réseau officinal de demain.

Du réseau composé de trois SEL aux officines-filles

On se souvient que le Conseil de l'Ordre a, un temps, proposé l'idée qu'une SEL puisse exploiter jusqu'à cinq puis seulement jusqu'à trois officines. Avec la possibilité d'intervention d'une SPF-PL créée exclusivement entre titulaires afin de bénéficier des avantages fiscaux attachés aux SPFPL et de faciliter la transmission des parts sociales des SEL filiales. En contrepartie, l'Ordre souhaitait que les pharmaciens exerçant au sein d'une SEL restent, ou redeviennent, dans tous les cas, majoritaires dans son capital. Il proposait enfin de limiter à deux le nombre de SEL dans lesquelles un même pharmacien, une même SEL ou une même SPF-PL pourrait avoir des participations directes ou indirectes.

Plus récemment, le président de l'Ordre avait quelque peu « ému » nombre de ses confrères et de leurs instances représentatives en évoquant la possibilité d'« officines-mères » et d'« officines-filles ». Il semble que l'idée était de permettre à une officine de faire fonctionner une « filiale » dans une localité dépourvue de pharmacie sur le même modèle, et peut-être aux mêmes horaires, que les cabinets secondaires désormais autorisés aux médecins en milieu rural sous-médicalisé. Ce mode d'accès aux médicaments existe dans certains pays comme le Portugal, où les maisons médicales créées par des communes défavorisées permettent aux populations de trouver à la fois - quelques heures par semaine au moins - le prescripteur et la prescription.

Et pourquoi pas des succursales ?

Reprenant la même dénomination mais sans doute avec une vision toute différente, le Collectif des groupements a récemment proposé que la loi soit modifiée afin de permettre à un pharmacien ou une société de pharmaciens exploitant une officine d'acheter jusqu'à trois succursales. La structure ainsi créée, dirigée par une personne physique ou morale, devrait être considérée comme une entité pharmaceutique détenant quatre points de vente, chacun doté de sa licence. Juridiquement responsable de la pharmacie mère et de ses trois filiales, le pharmacien ou la société de pharmaciens pourrait employer à sa convenance des pharmaciens gérant ou adjoint dans chacune d'elles.

Pour le Collectif des groupements, cette solution, déjà appliquée en Allemagne, a le mérite de permettre le maintien du capital des officines dans les mains de la profession, le maintien du maillage et du service de proximité de l'officine en limitant les risques de fermetures de points de vente, la mise en oeuvre des nouveaux services et missions que la profession souhaite voir inscrire dans la loi Bachelot, et l'optimisation des synergies économiques en matière notamment de formations, flexibilité des équipes, mutualisation des compétences, spécialisation des officines, gestion des achats et des stocks.

Enseignes Miser sur le commerce associé

Dans le même temps, on voit certains groupements s'engager résolument dans la voie de la stratégie d'enseigne. En fait, il s'agit d'appliquer à l'officine le vieux principe des coopératives de distribution, c'est-à-dire du commerce associé. Des commerçants indépendants décident librement d'adhérer à un réseau d'indépendants, en règle générale fédérés autour d'une enseigne commune, grâce auquel ils accèdent à un ensemble de produits ou de services qu'ils proposeront à leur tour à leur clientèle. Le réseau appartient à ses affiliés, qui s'en partagent les bénéfices comme l'ensemble des charges.

Naturellement, du fait des économies d'échelle, c'est au niveau des achats que le bénéfice est le plus immédiatement perceptible. Mais il existe d'autres gisements majeurs, selon le degré d'intégration du réseau : logistique, systèmes d'information, aménagements extérieurs et intérieurs, outils de valorisation du point de vente, prestations comptables ou juridiques, formation continue des équipes...

Des chaînes virtuelles à l'anglo-saxonne aux franchises

Clairement, rien n'impose de partager tout ou partie de son capital pour fonctionner dans un tel cadre de réseau d'indépendants. Dès aujourd'hui, alors que la loi ne va pas au-delà des montages de SEL pour ce qui est du capital des pharmacies, plusieurs réseaux se sont constitués, offrant aux officinaux de très substantielles opportunités en matière de développement sans rien retirer à leur indépendance. Et, sans que cela soit paradoxal, on trouve parmi les plus significatifs de ces réseaux - que les Anglo-Saxons appellent « chaînes virtuelles » - des leaders européens de la distribution pharmaceutique : Celesio, auquel appartient l'OCP, avec Pharmactiv, et le groupe Alliance Boots, auquel appartient Alliance Healthcare, avec Alphega. Alors que la montée du « direct » fragilise la répartition traditionnelle, ces offres constituent pour ces groupes porteurs d'expérience et d'un véritable potentiel de valeur ajoutée un relais de croissance qu'ils ne sauraient négliger, pas plus d'ailleurs qu'ils n'auraient le droit de se tenir écartés par principe d'une éventuelle ouverture du capital des pharmacies à des investisseurs non officinaux. La logique qui prévaut ici le gagnant-gagnant.

D'autres réseaux connaissent un succès tels Viadys, créé par le groupement Pharma Référence, ou Pharm&Price (Univers Pharmacie). Ou encore PharmaVie, dont le grossiste paneuropéen Phoenix Pharma a acquis 35 % du capital, et de la seconde enseigne du même groupe, FamilyPrix. On est là dans un système d'enseigne en franchise, dans lequel un exploitant indépendant adhère à un modèle grâce auquel il va bénéficier - et faire bénéficier ses clients - d'un ensemble de services qui ne sauraient se limiter à des prix attractifs sur l'OTC et la para, même si des prix bas sur ce dernier segment ont un indéniable attrait pour la clientèle et donc un intérêt manifeste pour le pharmacien. C'est le modèle du marché de l'optique, aujourd'hui dominé par Krys, Optic 2000 ou Afflelou. Certains pharmaciens, tout en adhérant au groupement et à la centrale, hésitent à passer à l'enseigne. C'est parfois le besoin d'un réaménagement de l'officine qui en est l'occasion. Les conseils des spécialistes de l'enseigne ont ici, bien souvent, une forte valeur ajoutée.

chaînes de pharmacies Le pire comme le meilleur

A l'autre extrémité de ce continuum de modes d'exercices que nous avons ouverts avec la pharmacie indépendante isolée, se trouvent évidemment les chaînes de pharmacies. Ce modèle s'est largement développé aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Ce modèle est simple : un opérateur, qui peut être un géant de la grande distribution (tel Wal-Mart outre-Atlantique), un grossiste-répartiteur (tels Alliance Boots ou Celesio-Lloyds), un « pure player » éventuellement coté en Bourse (CVS, Rite Aid...), possède et exploite quelques dizaines, centaines voire milliers de points de vente. Une équipe de pharmaciens salariés est responsable de l'activité pharmaceutique, sans nécessairement diriger le magasin si la pharmacie proprement dite (médicaments prescrits ou OTC) ne compte que pour une fraction non majoritaire du chiffre d'affaires. Ici, le médicament de prescription n'est bien que le prédiv, le produit d'appel d'un commerce ouvert à bien d'autres rayons, n'excluant dans certains cas ni les confiseries ni les cigarettes... vendues en même temps que les coupe-faim, les barres diététiques et les patchs de nicotine ! Mais que l'on ne se méprenne pas : il en est des chaînes de pharmacies comme des pharmacies indépendantes : leur vertu n'est pas inscrite dans leur statut mais dans la seule volonté de leurs dirigeants.

Profitabilité peut rimer avec services et vertu

Il existe des chaînes « vertueuses », positionnées sur un haut degré d'exigence professionnelle et de déontologie, offrant disponibilité et compétence au meilleur niveau, et des pharmacies indépendantes plus proches du bazar discount que d'un espace de santé. L'inverse est tout aussi vrai. Certains fonds d'investissement ne recherchant que de la profitabilité et des plus-values à court terme ne manqueront pas d'exercer de fortes pressions sur les salariés, tandis que d'autres opérateurs opteront pour une stratégie à plus long terme, basée sur la satisfaction du client mais aussi celle des collaborateurs. Par comparaison, il est des hôtels indépendants mal tenus et d'autres qui portent au plus haut les couleurs de leur enseigne. Et vice versa...

Ainsi, nombre de pharmaciens salariés responsables d'officines de chaînes se déclarent finalement très satisfaits de leur sort, compte tenu des pressions économiques ambiantes. Ils exercent leur profession avec le même zèle qu'un pharmacien d'établissement hospitalier peut exercer le sien. Sans plus de contraintes économiques.

Ainsi par exemple, à Dublin (Irlande) une pharmacienne responsable de 6 ou 7 pharmacies de la chaîne Boots - ayant chacune un pharmacien responsable d'une équipe de plusieurs diplômés et de préparateurs - assure ses interlocuteurs qu'après avoir un temps eu pour ambition de s'installer à son compte en tant qu'indépendante, elle n'en rêve plus du tout du fait de la cherté des officines à vendre et dans un condiv de baisse des volumes et des marges observé dans son pays. Et d'ajouter que dès lors que son employeur tient à ce que l'activité pharmaceutique soit irréprochable, et même un avantage concurrentiel en termes de compétence, d'étendue des services proposés, d'accessibilité, etc., elle était plus que satisfaite de son sort. Dont acte !

Le pharmacien doit vivre avec son temps

En ce début de 2009, que retenir s'agissant des réseaux d'officines ? Rien, en fait, n'impose le partage d'un seul centime du capital pour envisager un tel réseau. Et, pour l'instant, la loi ne permet pas d'aller plus loin que les réseaux dits « chaînes virtuelles ». Mais il semble licite, voire indispensable, de préparer l'évolution de notre vieux modèle pharmaceutique français. Le monde change, la pharmacie doit évoluer aussi, ne serait-ce que pour s'adapter aux nouvelles demandes légitimement exprimées par les pouvoirs publics comme par les patients consommateurs et les professionnels de santé eux-mêmes. Les missions du pharmacien, qui ne sont plus celles de fabriquer, vont et iront de plus en plus au-delà de simplement mettre à disposition des médicaments. Et ceux-ci sont de plus en plus complexes, notamment lorsqu'ils sortent de la réserve hospitalière, ou de plus en plus adaptés à un usage sans recours médical, s'agissant notamment de la « médication officinale » encore mal comprise par beaucoup d'officinaux.

Nous sommes dans un condiv global de dérégulation des circuits qui s'opère à trois niveaux : quorum, propriété de l'officine et champ du monopole en termes de produits et services. Mais le récent avis de l'avocat général près de la CJCE a montré les limites et les risques d'une dérégulation excessive en matière de distribution pharmaceutique. Et l'on est en droit de se demander si une réorganisation « libérale » du réseau permettrait, comme certains l'affirment, de diminuer le coût de la distribution pharmaceutique. Rien n'est moins sûr ! Les frais de structure des grands réseaux sont loin d'être négligeables. Leurs actionnaires sont comme tous les autres, avant tout demandeurs de dividendes et de plus-values. Ce que gagneront les économies d'échelle et les techniques de management et de gestion sera ainsi en grande partie évaporé. Il n'est que de voir ce qu'il en est de la grande distribution : les consommateurs ne sont pas, quoi qu'en dise monsieur Leclerc, les gagnants autant que les franchisés et actionnaires de ses hypermarchés !

Le pharmacien indépendant subsistera

En fait, il semble que l'on ne puisse exclure, du fait de pressions venues de la grande distribution, des groupes financiers ou d'instances européennes, une évolution du cadre législatif et réglementaire conduisant à une pluralité de modes d'exercice. Mais ouverture du capital et possibilité de chaînes ne signifie pas ipso facto la fin des officines telles que nous les connaissons. Si l'on exclut le cas de la Norvège et de ses 300 pharmacies, partout où les chaînes existent elles n'ont guère balayé les pharmacies indépendantes. Le marché s'équilibre entre les deux circuits, qui cohabitent avec chacun des arguments propres à fidéliser une moitié de la population et donc à capter la moitié de la consommation pharmaceutique. On peut faire raisonnablement l'hypothèse qu'il en sera, à terme, de même en France. Il n'est pas certain que cela introduira dans le réseau des croix vertes plus de disparité qu'il n'en présente aujourd'hui.

A court terme, nous allons certainement vers une montée en puissance des enseignes de pharmacies, annonciatrice d'une modernisation structurelle et organisationnelle profonde du circuit officinal. Au-delà, ce n'est pas le concept de chaîne de pharmacies qui est en soi porteur de vice.

Seuls la compétence, l'accueil et la déontologie font finalement la différence. Bien plus que les prix sur la médication officinale, la parapharmacie et la dermocosmétique... La pression financière peut s'exercer du fait d'un investisseur opérateur de chaîne obsédé par ses résultats trimestriels, le cours de son action et ses dividendes, comme d'un indépendant pressé de valoriser au plus vite et au plus haut son investissement. Reste que l'indépendance et le caractère libéral de la profession apparaissent à beaucoup comme un gage de qualité et d'implication. Le problème est d'en convaincre les décideurs sur la durée...

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone les 27 et 28 janvier 2009 sur un échantillon représentatif de 100 pharmacies en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d'affaires. Les fréquences relatives aux questions à choix multiples sont calculées en fonction du nombre de répondants (et non du nombre global de réponses données).

ça va restructurer...

Pensez-vous que le réseau officinal va devoir se restructurer ?

... économie oblige

Si oui, pensez-vous que c'est pour :

D'abord se regrouper

Quelle est selon vous la meilleure façon de restructurer le réseau officinal ?

Si j'ouvre...

Seriez-vous prêt à ouvrir votre capital ?

... c'est à mon adjoint(e)

Si oui, de préférence :

Etre gérant n'est plus un tabou

Seriez-vous prêt à devenir un gérant salarié au sein d'une chaîne ?

L'Europe fait toujours peur

Si la Commission européenne n'obtient pas gain de cause en mars devant la CJCE, pensez-vous qu'elle reviendra à la charge sur l'ouverture du capital et le monopole ?

Welcoop invente la coopérative capitaliste

Un autre modèle vaut d'être cité tant par son histoire que par les ambitions affichées par ses fondateurs. La CERP Lorraine, après avoir cédé ses activités de répartition en France à Phoenix Pharma, s'est transformée en coopérative capitalistique sous le nom de Welcoop. Cette structure offre au pharmacien de devenir actionnaire de deux sociétés, lui permettant d'une part de devenir « propriétaire de ses fournisseurs » sur des segments tels que les génériques, la para, le MAD et les produits d'import européen, et, d'autre part, de réaliser des plus-values patrimoniales. Il n'y a pas à ce stade de stratégie d'enseigne ou autre forme de réseau hors celui que constituent, virtuellement, les pharmacies équipées du logiciel LGPI-CIP-GS de Pharmagest, l'un des fleurons du groupe. Mais l'offre inclut déjà un pôle « conseil et organisation » développant divers outils de marketing et de merchandising pour les officines des actionnaires...

Le médicament n'est pas un produit d'appel

Une étude américaine*, commentée par le site Pharma Adhoc, révèle que disposer d'une pharmacie à l'intérieur du magasin n'est « très important » que pour 10 % des consommateurs dans le choix du supermarché où ils vont faire l'ensemble de leurs courses. Pour 22 %, la présence d'un rayon pharmacie revêt une importance « secondaire » tandis qu'elle a peu ou pas d'importance pour les deux tiers d'entre eux.

* Cette enquête a été réalisée par la National Grocers Association auprès de 2 000 personnes (dont 72 % de femmes).

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