Seniors, prenez donc la pastille ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 2770 du 14/03/2009 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 2770 du 14/03/2009
 

PARIS

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Catherine Lafortune a toujours chouchouté la clientèle senior de son quartier de la Bastille. Aujourd'hui, son engagement a pris une dimension supplémentaire depuis qu'elle a intégré un réseau gériatrique. Elle incite notamment les personnes âgées à bien suivre leur traitement, contribuant ainsi à les maintenir à domicile.

La Pharmacie Lafortune est la preuve qu'une officine de grande ville peut entretenir des relations étroites avec sa clientèle. Située en plein coeur du XIIe arrondissement de Paris, à deux pas de la Bastille, elle fait partie des « piliers » de la place d'Aligre et son célèbre marché. « L'ambiance du quartier est celle d'un village. On vient chez le pharmacien pour chercher ses médicaments mais aussi pour discuter ou déposer ses clés ! », raconte Catherine Lafortune, cotitulaire avec son mari, lequel succéda à son père il y a 15 ans.

Les patients de la Pharmacie Lafortune sont pour la plupart âgés. C'est pour pouvoir optimiser ses conseils que Catherine Lafortune a suivi un DU de gérontologie à Paris-V il y a quelques années. Tout comme elle est devenue membre de l'Association gériatrique de l'Est parisien (AGEP). « Depuis, j'assiste aux soirées de formation proposées tous les mois et demi. Elles ont l'intérêt de regrouper tous les professionnels de santé concernés par la prise en charge de la personne âgée. J'ai beaucoup appris au contact de leur expertise », explique la pharmacienne.

Détecter les patients âgés qui ont besoin d'aide

L'AGEP, constituée d'une équipe pluridisciplinaire médicosociale, se bat pour le maintien des personnes âgées à domicile. Deux médecins, mais aussi une psychologue, une ergothérapeute, une équipe de diététiciennes et trois travailleurs sociaux se tiennent en permanence au service des patients. De nombreux partenaires peuvent intervenir au cas par cas : infirmières, kinésithérapeutes, pédicures... Toute personne souffrant de troubles cognitifs, de malnutrition, de maltraitance, de chutes ou d'un syndrome d'immobilisation peut ainsi être intégrée au réseau et bénéficier de ses prestations. Des ateliers mémoire au soutien social en passant par la visite d'une infirmière à domicile, tout est envisageable au cas par cas.

A l'AGEP, le rôle des pharmaciens est devenu aussi important que celui des généralistes, les seuls qui avaient jusqu'ici le pouvoir d'y intégrer les patients. Catherine Lafortune ne s'est pas fait prier pour participer au groupe de travail « pharmaciens ». Une fois un patient en difficulté signalé, elle planche sur la grille d'évaluation pharmaceutique à transmettre à l'AGEP. « A nous de détecter qui, parmi nos clients, a besoin d'aide, explique Catherine Lafortune, qui a développé un sens aigu de l'observation. Par exemple, quand une mamie me demande un délai pour déposer ses chèques, je suppose tout de suite qu'elle n'a pas assez d'argent pour se nourrir. Lorsqu'une autre se plaint d'être fatiguée, j'essaie de savoir si son alimentation est suffisamment équilibrée... »

Lutter au quotidien contre la mal-observance

Aider les personnes âgées à être autonomes, c'est aussi les aider à améliorer l'observance. « C'est souvent aux étudiants ou aux stagiaires que nous employons, auprès desquels ils se sentent encore plus proches, qu'elles avouent qu'elles ont arrêté tel ou tel traitement. Il reste ensuite à connaître les causes de cette mal-observance et à essayer d'y remédier », poursuit Catherine Lafortune. Le fait d'avoir tissé une relation de confiance avec les patients facilite l'« enquête ». « Il faut faire comprendre aux gens que nous sommes là pour les aider et non pour s'immiscer dans leur vie privée », insiste l'officinale.

Les problèmes d'observance chez la personne âgée sont bien souvent le signe d'un trouble cognitif, d'un manque de repères, d'une mauvaise vue ou de difficultés de manipulation. D'où l'utilité d'un réseau pluridisciplinaire. L'intégration à l'AGEP nécessite bien sûr l'accord du patient. « J'explique l'intérêt du réseau et donne une brochure pour laisser le temps de réfléchir si besoin », détaille Catherine Lafortune. Ensuite, elle évalue les besoins de la personne pour faire intervenir les professionnels du réseau à bon escient.

Pour certains, l'aide du pharmacien et d'une infirmière peut suffire. « Je peux, pour quelqu'un qui est perdu par rapport à son traitement, lui classer les médicaments en fonction des pathologies et, bien sûr, lui proposer un pilulier. Mais il m'arrive aussi de me déplacer à domicile pour faire un tri dans l'armoire à pharmacie ou de m'entretenir avec un proche. A ma demande, une infirmière peut passer une fois par semaine pour préparer le pilulier. Pourquoi, à l'avenir, ne pas solliciter les pharmaciens pour former les auxiliaires de vie sur le respect des horaires de prise ? »

Parfois, la pharmacienne est amenée à demander au généraliste de changer la galénique d'une spécialité. « Donner des gouttes pour des malades âgés est souvent une hérésie ! », assure Catherine Lafortune. D'autres patients nécessitent un soutien psychosocial.

Avis à tous les officinaux de l'Est parisien

« En aucun cas il ne s'agit d'aller à l'encontre du médecin traitant. Nous le prévenons et nous lui demandons régulièrement d'être présent lors des visites à domicile », tient à préciser le Dr Albert Servadio, président et fondateur de l'AGEP. La communication entre les professionnels du réseau ne cesse de s'améliorer. En test actuellement, l'informatisation des données regroupées au sein d'un dossier patient. Mais le travail du réseau ne s'en tient pas à améliorer un suivi médical préexistant, il peut aussi l'initier. « Il y a dans l'Est parisien près d'un millier de personnes en perdition médicale et sociale ! Comment repérer de telles situations si ce n'est par l'intermédiaire des pharmacies, lesquelles sont de véritables espaces de dialogue ? »

Pour l'heure, vingt pharmaciens sont membres de l'AGEP, mais tous les titulaires des XIe, XIIe, XIXe et XXe arrondissements vont se voir proposer de devenir actifs*. Albert Servadio a obtenu la rémunération (via l'enveloppe de l'ONDAM) de tout professionnel pour l'intégration d'un patient dans le réseau. Soit 40 euros pour chaque création de dossier mais aussi pour le suivi. « Nous le savons, notre engagement n'a de sens que si nous obtenons des résultats. Pour le prouver, le réseau demande aux patients d'évaluer l'intervention de nos professionnels », détaille le président de l'AGEP.

Pour Catherine Lafortune, le bien-fondé de sa démarche ne fait aucun doute. « C'est une façon de valoriser l'image du pharmacien à l'heure où la profession est attaquée de toutes parts. Et, d'un point de vue économique, la société a tout à gagner à maintenir les personnes à domicile le plus longtemps possible. »

* Pour toute demande de renseignements ou d'adhésion, contacter l'AGEP par e-mail : agep@wanadoo.fr.

Envie d'essayer ?

Les avantages

- Optimiser les relations avec les professionnels de santé du secteur : la communication entre les acteurs du réseau est de fait facilitée.

- Améliorer le suivi des malades en mettant en oeuvre les moyens humains nécessaires pour prolonger l'autonomie des personnes âgées.

- Apporter un vrai service aux patients âgés : être intégré à l'AGEP leur permet de bénéficier gratuitement de ses prestations : visite d'un ergothérapeute ou d'une diététicienne, soutien psychosocial, consultations mémoire...

- Fidéliser une clientèle en gagnant son estime et sa confiance.

- Mettre en valeur le rôle d'acteur de santé du pharmacien avec des exemples concrets de participation active à l'aide aux personnes âgées.

Les difficultés

- Participer activement à un réseau demande du temps pour se former, mais aussi pour prendre en charge efficacement des patients.

- La rémunération perçue pour la création d'un dossier patient n'est pas proportionnelle au temps passé et à la valeur de la démarche.

Les conseils de Catherine Lafortune

- « Se spécialiser en gérontologie demande le suivi d'une formation continue. Et ce d'autant plus que la prise en charge des patients évolue sans cesse, surtout dans le domaine des troubles cognitifs. »

- « Pour détecter une perte d'autonomie, il ne faut pas rester insensible aux plaintes des patients. »

- « N'hésitez pas à engager le dialogue en cas de problème d'observance avéré, sans pour autant paraître intrusif ou agressif. »

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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